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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1177/2022

ATA/476/2022 du 04.05.2022 sur JTAPI/387/2022 ( MC ) , REJETE

Recours TF déposé le 07.06.2022, rendu le 07.07.2022, ADMIS, 2C_468/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1177/2022-MC ATA/476/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 mai 2022

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Sophie Bobillier, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 avril 2022 (JTAPI/387/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1975, est originaire de Cuba.

2) Il est entré en Suisse en l'an 2000, et s'est marié le ______ 2000 avec Madame A______, née le ______ 1975, citoyenne suisse. Le couple a eu un enfant, B______, née le ______ 2003. Les époux ont divorcé le ______ 2010.

M. A______ a également eu un enfant (C______, née le ______ 2006) avec Madame D______, née le ______ 1974, citoyenne suisse.

3) M. A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour accordée aux conjoints de ressortissants suisses jusqu'au 12 juin 2005, puis il s'est vu octroyer une autorisation d'établissement jusqu'au 12 juin 2018.

4) Entre 2012 et 2015, M. A______ a fait l'objet de neuf condamnations par les autorités pénales suisses, principalement pour des vols au sens de l'art.139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

5) Par arrêt du 30 avril 2019, la chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) l'a reconnu coupable de tentative de viol (art 190 al. 1 CP), de vol (art. 139 al. 1 CP), de dommages à la propriété (art 144 CP), de violation de domicile (art. 186 CP), et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (loi sur les stupéfiants - LStup - RS 812.121). Elle l'a condamné à une peine privative de liberté de trente mois, sous déduction de 348 jours de détention préventive, et, simultanément, a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art 66a CP). Cet arrêt n'a pas été contesté et est entré en force.

6) Le 26 octobre 2020, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a interpellé le Consulat de Cuba en Suisse pour vérifier si M. A______ avait le statut d'« émigré » et s'il pouvait retourner à Cuba avec son passeport valable.

7) Par courriels du 10 et 16 novembre 2020, le Consulat de Cuba a expliqué au SEM que M. A______ avait vis-à-vis des autorités cubaines le statut d'« émigré » et qu'il ne pouvait retourner à Cuba que s'il déposait une demande formelle et volontaire auprès de l'ambassade de Cuba et si les autorités de migration cubaines l'y autorisaient.

8) Le 13 novembre 2020, l'OCPM a prononcé une décision de non-report d'expulsion judiciaire à l'encontre de M. A______, après que la possibilité de s'exprimer lui eut été donnée, et lui a imparti un délai de sept jours après sa libération de détention pénale pour quitter la Suisse.

9) Le 17 novembre 2020, M. A______ a été libéré de la prison E______.

10) Le 28 janvier 2021, le Ministère public du canton de Genève l'a condamné à une peine privative de liberté de 180 jours, pour avoir persisté à séjourner sur le territoire suisse alors qu'il faisait l'objet d'une expulsion judiciaire pour une durée de cinq ans, entrée en force, et pour avoir détenu un « parachute » d'héroïne destinée à sa propre consommation, infractions à l'art. 291 al. 1 CP et à l'art. 19a LStup. S'agissant de sa situation personnelle, le Ministère public a retenu que l'intéressé était divorcé, père de deux enfants dont il n'avait pas la charge, était sans domicile fixe, sans emploi, ni revenu, et n'avait aucune attache avec la Suisse.

11) Le 24 mars 2021, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon.

12) Le 29 mars 2021, les services de police ont interpellé le SEM pour savoir s'ils pouvaient organiser un vol à destination de Cuba pour l'intéressé.

13) Le 31 mars 2021, le SEM a répondu aux services de police dans les termes suivants :

« La législation cubaine la plus récente réglementant la sortie et le retour à Cuba est entrée en vigueur le 14 janvier 2013. Elle offre à tous les ressortissants cubains la possibilité de sortir du pays sans restriction. Elle entraîne la suppression du visa de sortie cubain (jusqu'à présent accordée de manière restrictive) et accorde le droit de principe de se voir délivrer un passeport cubain. La durée maximale du séjour ordinaire à l'étranger des Cubains a augmenté, passant de 12 à 24 mois.

En principe, la nouvelle législation offre donc la possibilité à tous les ressortissants cubains séjournant à l'étranger la possibilité de retourner à Cuba tant pour une visite qu'en vue d'un retour définitif et ce, quelle que soit la durée de leur séjour à l'étranger, leur statut légal dans le pays où ils séjournent et, en particulier, leur "statut à l'étranger" actuel au regard du droit cubain. En conséquence, il devrait désormais être aussi possible à tout ressortissant cubain ayant le statut d'"émigré" de retourner en tout temps de manière définitive à Cuba.

Nos investigations auprès de l'ambassade de Cuba à Berne ont révélé que tout ressortissant cubain séjournant à l'étranger ou ayant "émigré" peut soumettre, en personne et de son propre chef, une demande par l'entremise de la représentation diplomatique cubaine compétente sur place (ce qui est nouveau). En vertu des articles 49 et 50 de la nouvelle ordonnance, les demandes ainsi déposées sont transmises au Ministère de l'Intérieur, lequel statue dans un délai maximal de 90 jours ».

14) Le 27 mai 2021, le Tribunal de police du canton de Genève a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de quatre mois, pour avoir persisté à séjourner sur le territoire suisse entre le 29 janvier 2021 et le 23 mars 2021, alors qu'il faisait l'objet d'une expulsion judiciaire pour une durée de 5 ans, entrée en force, infraction à l'art. 291 al. 1 CP.

15) Le 19 août 2021, un agent de la brigade migration et retour (ci-après : BMR), s'est entretenu avec M. A______ lequel a déclaré vouloir collaborer afin de rentrer dans son pays d'origine. À cette occasion, les services de police ont relancé le SEM pour savoir si l'intéressé pouvait être rapatrié par avion (vols DEPU ou DEPA).

16) Le 14 septembre 2021, le SEM a répondu dans les termes suivants :

« Ainsi qu'il ressort des investigations faites en novembre 2020 par l'Ambassade de Cuba (cf. pièce jointe), la personne est considérée comme "émigrée". Bien qu'elle dispose d'un passeport valable, elle ne peut pas rentrer au pays avec ce document car elle a perdu son droit d'établissement. Il est nécessaire qu'elle adresse de son propre chef une demande formelle directement à son Ambassade pour retourner de manière définitive à Cuba" (pièce 12 : Courriel du SEM à la BMR) ».

17) Le 22 septembre 2021, la BMR a contacté l'ambassade de Cuba à Berne et lui a transmis la déclaration de départ de l'intéressé.

Le 24 septembre 2021, l'ambassade de Cuba a informé la BMR que la section consulaire à Berne était temporairement fermée depuis le 17 septembre 2021 et jusqu'au 26 novembre 2021.

18) Le 12 octobre 2021, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de M. A______. La juridiction a retenu que le pronostic se présentait sous un jour défavorable au vu de ses nombreux antécédents, ainsi que de l'échec de sa précédente libération conditionnelle. Sa situation personnelle demeurait inchangée, et l'on ne percevait aucun effort de sa part pour modifier la situation, étant rappelé qu'il faisait l'objet d'une expulsion judiciaire de Suisse d'une durée de cinq ans. Il n'avait aucun projet concret et ne souhaitait pas bénéficier d'une libération conditionnelle en raison des conditions de réinsertion à l'extérieur, qu'il estimait inexistantes.

19) Le 29 novembre et le 14 décembre 2021, la BMR a interpellé le consulat de Cuba pour l'informer que M. A______ désirait un entretien pour retourner dans son pays d'origine.

20) Le 20 décembre 2021, le consulat de Cuba a expliqué qu'il était disposé à parler téléphoniquement avec M. A______ et souhaitait convenir d'un rendez-vous.

21) Le 12 janvier 2022, depuis les locaux de la BMR au Vieil Hôtel de Police, M. A______ s'est entretenu au téléphone avec le consulat de Cuba.

22) Le 21 janvier 2022, la BMR a demandé des précisions supplémentaires au Consulat de Cuba pour les prochaines démarches à effectuer pour permettre le rapatriement de M. A______ à Cuba.

23) Le 25 janvier 2022, M. A______ a été libéré de la prison de Champ-Dollon et remis en mains des services de police.

24) Le même jour, le commissaire de police a prononcé à son encontre un ordre de détention administrative pour une durée de 6 mois fondée sur l'art. 76 al. 1 let. a ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h LEI. Au commissaire de police, il a dit qu'il était d'accord de retourner à Cuba.

25) Entendu le 27 janvier 2022 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner à Cuba car il y avait, notamment, des problèmes vis-à-vis de l'armée. Le même jour, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative du commissaire de police mais pour une durée réduite à un mois, sur la base de l'art. 78 LEI.

26) Par requête motivée du 14 février 2022, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

27) Par arrêt du 17 février 2022 (ATA/175/2022), la chambre administrative de la Cour de justice a rejeté le recours formé par M. A______ contre le jugement du TAPI du 27 janvier 2022.

28) Devant le TAPI, lors de l'audience du 22 février 2022, M. A______ a indiqué être prêt à partir de Suisse à destination du Cuba et à rencontrer le consul de Cuba.

29) Le 23 février 2022, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois sur la base de l'art 78 al. 2 LEI.

30) Le 11 mars 2022, la BMR a obtenu un rendez-vous avec le consul de Cuba pour le 21 mars 2022.

31) Le 14 mars 2022, M. A______ a écrit au consulat de Cuba en vue de demander un rendez-vous et discuter de son retour à Cuba.

32) Le 21 mars 2022, la BMR a sollicité une réponse écrite de la part du consulat de Cuba suite à l'entretien avec M. A______.

33) Le 31 mars 2022, le Consul de Cuba a informé la BMR que M. A______ ne remplissait pas les conditions de la législation cubaine pour retourner à Cuba.

34) Le 7 avril 2022, le directeur de l'OCPM a saisi le SEM et a demandé l'intervention de l'autorité fédérale auprès de l'ambassadrice de Cuba afin qu'elle facilite le renvoi de son concitoyen et sa reprise par les autorités du pays dont il avait la nationalité.

35) Le 13 avril 2022, à 9h40, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, en fondant à nouveau cette décision sur fondée sur l'art. 76 al. 1 let. a ch. 1 LEI renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h LEI.

Les conditions d'une détention pour insoumission n'étaient plus remplies. En effet, l'intéressé avait déclaré qu'il était d'accord de retourner à Cuba et avait collaboré avec les autorités en sollicitant un rendez-vous auprès de son consulat pour discuter des conditions de retour dans son pays d'origine. Suite à la réponse donnée par ce consulat le 31 mars 2022, il s'avérait aujourd'hui que l'exécution du renvoi de l'intéressé dépendait principalement des discussions entre la Suisse et Cuba, le rôle du précité étant limité pour l'instant. Quant aux conditions prévues par l'art. 76 al. 1 let. a ch. 1 LEI renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, elles étaient réalisées puisque M. A______ faisait l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire de Suisse prononcée le 30 avril 2019 et qu'il avait par ailleurs été condamné à plusieurs reprises pour vol, infraction qualifiée de crime.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi à Cuba.

36) Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au TAPI le même jour.

37) Entendu le 14 avril 2022 par le TAPI, M. A______ a indiqué que ses derniers entretiens avec le représentant de Cuba en Suisse avaient amené celui-ci à lui affirmer que ses possibilités de retourner volontairement à Cuba étaient quasi inexistantes, vu les circonstances particulières de sa situation et notamment l’ancienneté de son séjour en Suisse.

Le représentant du commissaire de police a indiqué que les démarches initiées par le SEM auprès de l’ambassade cubaine visaient à vérifier les conditions précises posées par l’État cubain à un retour de M. A______ dans son pays, indépendamment de la position prise par le consul de Cuba le 31 mars 2022. Dans la mesure où l’entretien de M. A______ avec le consul de Cuba avait eu lieu hors la présence de représentants des autorités suisses, l’hypothèse que cet entretien ait en réalité eu une autre teneur que celle décrite par M. A______ ne pouvait être exclue. Sur question du conseil de M. A______, il a expliqué que l’entretien ne s’était pas fait à l’établissement de détention de ce dernier ou en tout cas hors les murs du consulat, simplement parce qu’il s’agissait d’une exigence posée par la représentation cubaine, qui tenait à ce que cet entretien ait lieu en ses locaux. Le SEM s’était pour l’heure contenté d’accuser réception de la demande formulée le 7 avril 2022 par l’OCPM. On ignorait dans quel délai cette demande serait traitée.

Le représentant du commissaire de police a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pris à l'encontre de M. A______ le 13 avril 2022 pour une durée d'un mois.

M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, s’est opposé à sa mise en détention et conclu à sa libération immédiate.

38) Par jugement du 14 avril 2022, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 12 mai 2022.

L'ordre de mise en détention fondait celle-ci sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, plutôt que sur l'art. 78 LEI, au motif que l'intéressé aurait désormais pleinement collaboré avec les autorités et que ce ne n'était qu'en raison des tergiversations de la représentation cubaine en Suisse que l'exécution de son renvoi demeurerait incertaine. Cela ne suffisait cependant pas pour repasser au régime de détention prévu par l'art. 76 LEI, car cette dernière disposition légale n'était applicable, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, que lorsque le renvoi de la personne détenue pouvait être exécuté par la contrainte ; à défaut, lorsque seule la collaboration de cette personne permettait d'exécuter son renvoi, seule la détention pour insoumission au sens de l'art. 78 LEI demeurait possible.

Le fait que pour le moment, les autorités cubaines laissaient les autorités suisses dans l'incertitude sur la décision qu'elles prendraient au sujet du retour de M. A______, n'empêchait pas qu'un retour sous la contrainte demeurait « vraisemblablement absolument impossible ». Depuis octobre 2020, les autorités suisses n'étaient pas parvenues à obtenir de la part des autorités cubaines la moindre information concernant la possibilité d'un retour sous la contrainte, ni à faire avancer la procédure d'exécution du renvoi en obtenant la collaboration des autorités cubaines par la délivrance de documents de voyage provisoires. La situation actuelle, dans laquelle la représentation cubaine en Suisse ne montrait pas un empressement particulier en vue du retour de M. A______ dans son pays, s'apparentait en réalité aux situations dans lesquelles des obstacles indépendants de la volonté de la personne détenue et des autorités suisses empêchaient l'exécution du renvoi. Pour autant, cela ne remettait pas en cause, sur le principe, la possibilité d'une détention pour insoumission. L'ordre de mise en détention administrative de M. A______ était dès lors confirmé pour une durée d'un mois, par substitution de motifs.

39) Par acte posté le 25 avril 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à l'annulation du jugement du TAPI et de l'ordre de mise en détention, à ce que sa libération immédiate soit ordonnée et à l'octroi d'une indemnité de procédure de CHF 1'800.-.

Dès sa libération, il avait pour projet de quitter la Suisse et de se conformer à l'expulsion prononcée à son encontre en allant en France pour y demander l'asile.

Le jugement attaqué consacrait un arbitraire, le TAPI semblant avoir perdu de vue le but de la détention pour insoumission. Il avait quitté son pays d'origine en raison de problèmes militaires, les autorités cubaines le considérant comme un déserteur. Il était désormais considéré dans son pays comme un « émigré » ayant de facto perdu son droit d'établissement. Or, depuis sa condamnation pénale de 2019, il avait toujours collaboré avec les autorités tant suisses que cubaines. L'impossibilité de l'exécution du renvoi était en l'occurrence exclusivement due à l'attitude des autorités cubaines. On ne pouvait imaginer d'autres actes que ceux qu'il avait entrepris en vue de retourner dans son pays d'origine, si bien qu'il n'y avait pas place pour une détention pour insoumission, conformément à l'art. 78 al. 6 LEI.

Par ailleurs, l'impossibilité d'exécuter son renvoi ne reposait pas sur le fait que les autorités cubaines n'acceptaient pas les retours sous contrainte, bien que tel fût le cas, mais sur le fait qu'il ne remplissait pas les conditions légales pour être réintégré, sous réserve d'un changement législatif sur lequel l'ambassadrice de Cuba en Suisse n'avait aucune prise.

Au vu des circonstances, sa détention pour un mois supplémentaire violait en outre le principe de la proportionnalité.

40) Le 29 avril 2022, le commissaire de police a conclu au rejet du recours, la détention devant toutefois être fondée sur les dispositions retenues dans son ordre de mise en détention.

M. A______ était un dangereux criminel récidiviste, condamné à douze reprises, notamment pour tentative de viol, recel, brigandage et neuf fois pour vol.

Le 19 avril 2022, le SEM avait répondu à la demande de l'OCPM en ces termes : « il ressort que le refus des autorités cubaines est vraisemblablement lié aux nombreux actes répréhensibles commis par l'intéressé durant son séjour en Suisse. Les difficultés rencontrées dans le domaine de l'exécution des renvois liées aux conditions restrictives émises par les autorités cubaines en vue du retour de leurs ressortissants sont connues et ont fait l'objet d'interventions au cas par cas. Au vu de l'expulsion judiciaire prononcée à l'encontre de l'intéressé, j'interviendrai dans les meilleurs délais auprès de l'ambassadrice de Cuba afin de trouver une issue favorable qui permette de faciliter le retour au pays de l'intéressé ». Ainsi, l'exécution de l'expulsion de M. A______ n'était encore nullement définitivement bloquée.

Pour le surplus, les considérations de la juridiction précédente au sujet de l'art. 78 étaient arbitraires et violaient notamment l'art. 78 al. 6 LEI. Toutefois, les conditions visées par les art. 75 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI étaient remplies, si bien que la détention devait être confirmée, mais sur la base des dispositions précitées.

41) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 26 avril 2022 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4) a. Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier pour les motifs cités à l’art. 75, al. 1, let. a, b, c, f, g ou h LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI – soit notamment si elle a été condamnée pour crime), parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

b. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

5) a. Selon l'art. 78 al. 1 LEI, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force rendue notamment sur la base de la LEI ou de l'art. 66abis CP ne peut être exécutée, en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays. L'art. 78 al. 1 LEI précise qu'une détention administrative pour insoumission ne peut être prononcée que pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi au sens de l'art. 76 LEI ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autre mesure moins contraignante permettant d'atteindre l'objectif visé.

b. Le but de la détention pour insoumission est d'inciter un étranger tenu de quitter la Suisse à changer de comportement lorsque, à l'échéance du délai de départ, l'exécution de la décision de renvoi entrée en force ne peut être assurée sans la coopération de l'étranger malgré les efforts des autorités (ATF 147 II 49 consid. 2.2.1 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 133 II 97 consid. 2.2). La détention pour insoumission apparaît ainsi comme une ultima ratio, dans la mesure où il n'existe plus d'autres mesures permettant d'aboutir à ce que l'étranger présent illégalement en Suisse soit renvoyé dans son pays (ATF 147 II 49 consid. 2.2.2 ; 140 II 409 consid. 2.1).

c. Selon la jurisprudence, l'art. 78 LEI est seul applicable, à l'exclusion de l'art. 76 LEI, si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible sans la collaboration de l'étranger (ATF 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.7 ; 2C_79/2017 du 13 février 2017 consid. 3.3.2).

Un refus de l'étranger de rentrer dans son pays d'origine, doublé de l'impossibilité d'organiser un renvoi forcé vers ce pays, exclut la détention en vue du renvoi au sens de l'art. 76 LEI (art. 80 al. 6 let. a LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.7 et les références). Ainsi, si le retour forcé est exclu, seule une détention pour insoumission entre en considération (arrêt du Tribunal fédéral 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.3).

6) a. Selon l'art. 83 LEI, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

b. L'exécution de la mesure de renvoi doit sembler possible dans un délai prévisible, ou du moins raisonnable, avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. LEI, ainsi que le principe de proportionnalité lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 147 II 49 consid. 2.2.3 ; 130 II 56 consid. 4.1.3).

Si l'exécution forcée de l'expulsion vers un pays est exclue, elle ne peut être qualifiée de possible dans un délai prévisible et donc de réalisable que si le juge dispose d'indications suffisamment concrètes à ce sujet, indications fournies notamment par le SEM. La détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder au refoulement est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4. 1. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.2 ; 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

7) En l’espèce, le jugement attaqué a confirmé l'ordre de mise en détention, mais en se fondant sur l'art. 78 LEI. Or, comme déjà exposé, une détention administrative pour insoumission ne peut être prononcée que pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi au sens de l'art. 76 LEI ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autre mesure moins contraignante permettant d'atteindre l'objectif visé. Il convient donc d'examiner si les conditions de l'art. 76 LEI sont remplies.

Le recourant fait l’objet d’une décision d’expulsion pénale entrée en force. De plus, la condition visée par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum 75 al. 1 let. h LEI est remplie, dès lors que le recourant a été condamné pour plusieurs infractions pénales constitutives de crimes au sens de l'art. 10 al. 2 CP.

Par ailleurs, la situation de fait a changé depuis l'adoption de l'ATA/175/2002 le 17 février 2022. D'une part en effet, le recourant a depuis collaboré avec les autorités suisses, dès lors qu'il leur a remis son passeport, a présenté une demande officielle de rapatriement au consulat cubain, et s'est entretenu avec le consul – quand bien même il n'est pas possible de connaître la teneur réelle de son entretien. Comme le recourant le souligne, on ne voit pas bien en l'état quel autre acte le recourant pourrait accomplir pour favoriser l'exécution de son renvoi. Ce respect de l'obligation de collaborer a pour conséquence qu'une détention pour insoumission n'est plus possible au regard de l'art. 78 al. 6 LEI – et que l'hypothèse prévue par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI n'est pas non plus remplie, ce qui est toutefois sans conséquence vu que celle de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 est donnée.

Ce sont désormais les autorités cubaines dont le comportement fait en l'état obstacle à l'exécution du renvoi, le consul ayant répondu aux autorités suisses que le recourant ne remplissait pas les conditions de la législation cubaine pour retourner à Cuba. On ne peut toutefois suivre le recourant lorsqu'il en infère que seul un changement législatif à Cuba pourrait rendre possible l'exécution de son renvoi. En effet, face à cette prise de position du consul, le SEM a indiqué être prêt à intervenir dans les meilleurs délais auprès de l'ambassadrice de Cuba afin de trouver une issue favorable qui permette de faciliter le retour au pays du recourant. On ne peut ainsi considérer en l'état l'exécution du renvoi comme impossible au sens des art. 80 al. 6 let. a ou 83 al. 2 LEI.

Quant à la proportionnalité de la détention, celle-ci s'élève aujourd'hui à un peu plus de trois mois et demeure bien en-deçà du maximum prévu par la LEI pour la détention en vue de renvoi. La mesure a été prise pour un mois, ce qui ne pose pas non plus de problème de proportionnalité.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté, la détention administrative devant toutefois se fonder sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum 75 al. 1 let. h LEI.

8) La procédure étant gratuite, il n’est pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sophie Bobillier, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Triunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à la maison d'arrêt de Favra, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Ravier

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :