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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1219/2013

ATA/439/2014 du 17.06.2014 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1219/2013-FPUBL ATA/439/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 juin 2014

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

COMMUNE D'ONEX
représentée par Me François Bellanger, avocat

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1972, a été engagé par courrier du 18 décembre 2009 par la commune d’Onex (ci-après : la commune) pour travailler en qualité de bucheron élagueur à 100 % pour la Fondation H______ (ci-après : la fondation). L’entrée en fonction était fixée au 1er janvier 2010, avec une période probatoire d’une année. Son salaire annuel brut s’élevait à CHF 77’000.-.

2) L’évaluation effectuée le 17 mai 2010 par Monsieur B______, responsable direct de l’intéressé, et Madame C______, directrice de la fondation, a été positive.

3) Par courrier du 15 décembre 2010, la commune a confirmé M. A______ dans sa fonction, suite à une évaluation favorable du travail de celui-ci pendant douze mois d’activité.

4) Dès mars 2011, M. A______ a fait l’objet de nombreuses remises à l’ordre écrites.

          Par mémo du 23 mars 2011, Mme C______ et M. B______ ont relevé un relâchement du collaborateur en matière d’horaires. Celui-ci était rendu attentif au fait que tout non-respect des horaires entraînerait dorénavant une sanction.

          Par courrier du même jour, signé de Mme C______, la fondation a demandé au collaborateur de respecter les règles concernant la gestion des absences maladie et accidents, afin de leur éviter de devoir régulièrement le « rappeler à l’ordre ».

          Le 18 avril 2011, suite à un entretien du 14 avril 2011, Mme C______ a confirmé l’intention de la commune de sanctionner le collaborateur suite à des arrivées tardives répétées. Il avait été mis en garde, oralement et par écrit, sans qu’il n’y ait d’effets. Un délai lui était imparti pour d’éventuelles remarques.

          Par mémo du 27 avril 2011, remis en mains propres de M. A______, Mme C______ et M. B______ ont rappelé différentes règles relatives à la disponibilité attendue du collaborateur. Malgré plusieurs mises en garde la semaine précédente, celui-ci n’avait pas changé d’attitude.

          M. A______ a reçu un avertissement par courrier du 16 mai 2011.

          Par mémo du 17 mai 2011, Mme C______ a constaté que le congé accordé à M. A______ le 16 mai 2011 pour faire passer la visite de sa moto avait duré toute la matinée. Le collaborateur n’avait pas répondu à M. B______ qui avait cherché plusieurs fois à le joindre par téléphone. Le 17 mai 2011, celui-là avait indiqué être malade. A 16h00, la fondation n’était pas en possession d’un certificat médical. Le collaborateur était convoqué pour un entretien le lundi 23 mai 2011.

          Par mémo du 18 mai 2011, Mme C______ a informé le collaborateur qu’en raison des derniers événements, la fondation ne pouvait pas prendre le risque d’une absence ou d’un retard non prévu ou non annoncé. La confiance en M. A______ était fortement ébranlée. L’employé n’effectuerait plus de « tour tard et/ou de présence le week-end ».

          Par mémo du même jour, la fondation, sous la signature de sa directrice, a constaté qu’au mois d’avril 2011, M. A______ avait émis des communications privées sur le natel H______ pour un montant de CHF 7,80, alors qu’il avait été clairement stipulé qu’aucune communication personnelle ne devait être faite avec cet appareil. Ledit montant serait prélevé sur les indemnités du collaborateur.

5) Le rapport d’évaluation du 15 juin 2011 a fait mention de problèmes récurrents, parmi lesquels l’utilisation du natel privé pendant les heures de travail, le respect des horaires et le respect du matériel. Il était mentionné que le collaborateur : « à ce jour n’a pas donné satisfaction. Doit faire un effort important tant au niveau du travail que du respect des règlements. La confiance est rompue en raison de son comportement et du non-respect des règles. Amélioration dans son comportement attitude depuis plusieurs semaines. A voir sur le long terme ».

6) Un blâme a été adressé au collaborateur le 15 juillet 2011 à la suite de l’absence non excusée du 16 mai 2011.

7) L’employeur, sous la plume principalement de Mme C______ a continué à adresser très régulièrement des mémos à M. A______ pour relever des comportements non conformes au règlement et lui rappeler ses obligations. Ils seront repris dans la mesure de leur pertinence.

8) Par courrier recommandé du 19 octobre 2011, M. A______ a été informé qu’une enquête administrative interne était ouverte à son encontre « en raison d’un grave soupçon de consommation de substances illicites pendant les heures de travail ». Elle était confiée à Monsieur  D______, secrétaire général de la commune.

9) M. A______ a été en incapacité totale de travailler quelques jours en novembre (du 7 au 11 puis du 15 au 18), quelques jours en décembre (du 5 au 24), puis à compter du 9 janvier 2012.

De nombreux certificats médicaux ont été émis par le médecin traitant. Entre le 7 novembre 2011 et le 3 août 2012, vingt-et-un certificats médicaux ont été remis par le collaborateur à son employeur, pour des durées variant entre un et vingt-deux jours. Les certificats ont été établis par le Docteur  E______ du groupe médical d’Onex, à l’exception de cinq certificats, rédigés respectivement par un psychiatre dudit groupe médical et un médecin interne du même cabinet. L’incapacité de travail était de 100 %, à l’exception de quatorze jours en avril 2012 où M. A______ avait recouvré 50 % de sa capacité avant de rechuter. Une nouvelle reprise à 50 % avait eu lieu du 4 au 10 juin 2012. Le collaborateur a été à nouveau inapte au travail du 11 au 15 juin 2012, avant de pouvoir reprendre à 50 %.

10) Par courrier du 7 mars 2012, le conseil administratif de la commune a informé M. A______ que, compte tenu de son absence prolongée pour raison de santé ainsi que des impératifs découlant de la fonction de M. D______, il avait décidé de confier le mandat de conduire l’enquête administrative à une personne indépendante en la personne de Madame F______.

11) Par courrier du 6 décembre 2012, M. A______ a été licencié. Ignorant cependant que celui-ci était en incapacité de travail, la commune a retiré ce licenciement le 15 février 2013.

12) Par courrier du 28 février 2013, la commune a résilié les rapports de service de M. A______ pour le terme du 31 mai 2013. Elle a repris la teneur du courrier du 6 décembre 2012.

La décision du licenciement se fondait sur trois événements, soit l’arrivée tardive du 4 octobre 2012 quelques minutes après 7h00 précises, l’annonce tardive du 23 octobre 2012 suite à un accident le 22 octobre 2012 en fin de journée, ainsi que l’absence de communication de la prolongation de l’arrêt maladie du 31 octobre 2012.

M. A______ avait été averti à de multiples reprises de l’obligation d’annoncer son absence dès le premier jour et de remettre des certificats médicaux. Or, le 31 octobre 2012, l’intéressé n’avait pas indiqué à sa hiérarchie de motifs d’absence ou avisé d’une prolongation d’une incapacité de travail. De surcroît, l’intéressé avait indiqué avoir déposé le certificat médical le 31 octobre dans la boîte aux lettres de la mairie alors que le timbre de la mairie attestait d’une réception en date du 2 novembre 2012. La transmission d’un justificatif de cette manière contrevenait aux instructions données car elle ne respectait pas l’obligation d’annonce par voie de service et témoignait d’un passage hors de l’horaire d’ouverture au public de la mairie et par conséquent d’une annonce tardive d’une prolongation d’absence.

Considérant le blâme donné le 15 juillet 2011, les courriers des 6 février, 22 mars, 11 mai, 13 et 22 juin ainsi que la correspondance du 10 juillet 2012, rappelant l’intéressé à ses devoirs ainsi que les faits reprochés par courrier du 7 novembre 2012 « qui n’avaient pas été contestés et constituaient dès lors une inobservation répétée des devoirs généraux de son poste », ainsi que l’absence de communication eu égard à sa domiciliation hors de Genève, la continuation des rapports de service n’était plus possible d’après les règles de la bonne foi, au sens de l’art. 25 du statut du personnel de la commune du 1er janvier 2007 (ci-après : le statut).

13) Le 15 avril 2013, M. A______ a interjeté recours contre la décision de résiliation des rapports de service auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et principalement à l’annulation de la décision de licenciement ainsi qu’à sa réintégration, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, la commune devait être condamnée à payer une indemnité de vingt-quatre mois du dernier traitement mensuel brut de CHF 6'744,60, soit CHF 161'870,40.

La commune avait tout entrepris dans le but de le licencier. Une enquête administrative avait été ouverte en novembre 2011 sur la base de prétendues déclarations de l’apprenti. Mme C______ et M. B______ avaient déclaré qu’il aurait consommé des stupéfiants durant les heures de travail. Les témoins auditionnés dans le cadre de l’enquête avaient infirmé les dires de ses deux supérieurs.

Mme C______ et M. B______ avaient ajouté de nouvelles accusations telles que le visionnage de vidéos pornographiques durant le temps de travail, des prétendus excès de vitesse dans l’enceinte du parc H______, l’acceptation de mandats personnels en dehors des heures de travail ainsi que des prétendus retards récurrents. L’audition des témoins avaient permis de démontrer que ces accusations n’avaient pas de fondement.

L’enquête avait permis de faire la lumière sur l’attitude inacceptable de la hiérarchie qui, au dire de nombreux témoins, exerçait des pressions constantes sur certains employés qui osaient exprimer leur avis dans le cadre de leur activité professionnelle.

L’attitude de Mme C______ à son égard avait provoqué ses arrêts maladies. Il n’osait même plus se rendre à la mairie pour y déposer ses certificats médicaux.

Le recourant détaillait pour chaque certificat médical, à la minute près, comment et à quel moment, il avait informé son employeur.

Le domicile, en dehors du canton de Genève, était provisoire et faisait suite à une séparation conjugale.

Seule résistait à l’examen, une arrivée tardive, minime et annoncée.

La décision violait gravement le statut et les directives du 1er août 2009 relatives aux absences du personnel. S’ajoutait un contexte de pression exercé par la commune, susceptible d’être constitutive de mobbing. Son licenciement était insoutenable et arbitraire quant à son résultat également. Le principe de la bonne foi avait également été violé. La citée avait fait usage du licenciement à son égard dans un but manifestement contraire à la loi, à savoir pour se départir d’un fonctionnaire pour des raisons personnelles, de compatibilité de caractère et non pour des motifs objectifs relatifs à la qualité de son travail. L’acharnement de la direction pour trouver un motif de licenciement avait été la cause directe de ses problèmes de santé. La décision devait être annulée.

14) Par observations du 26 avril 2013, la commune s’est opposée à la demande de restitution de l’effet suspensif.

15) Par décision du 3 mai 2013 sur effet suspensif, le président de la chambre de céans a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.

16) Par réponse du 31 mai 2013, la commune a conclu au rejet du recours.

La décision de licenciement était l’aboutissement d’une longue série de violation de ses obligations par le recourant. Cette décision était indépendante de l’enquête administrative, même si le recourant tentait de créer une confusion entre ces deux événements. La commune n’entendait pas se déterminer sur l’enquête administrative en cours, dans la mesure où elle n’était pas pertinente pour la résolution du litige.

Le licenciement était fondé, le collaborateur ayant violé ses obligations en dépit de multiples avertissements.

La décision du licenciement retenait trois événements. Même s’il s’agissait d’incidents de moindre gravité, ces faits étaient intervenus après de très nombreux autres incidents similaires. Le recourant avait par ailleurs été averti ou rappelé à l’ordre à de nombreuses reprises, voire même sanctionné par un blâme sans que ces mesures ne l’aient incité à respecter ses obligations. Les trois épisodes litigieux, complètement indépendants du champ de l’enquête administrative fixé par la commune, étaient les « gouttes d’eau qui avaient fait déborder le vase » et avaient rendu la poursuite des rapports de service impossible pour la commune.

17) Par écritures du 5 juillet 2013, le recourant a persisté dans ses conclusions alors que la commune a indiqué ne pas avoir de requête ou d’observation complémentaire à formuler.

18) Par certificat médical du 19 février 2014, la Doctoresse G______, spécialiste FMH en médecine interne, a attesté que la capacité de travail de M. A______ était entière dès le 1er septembre 2013.

19) Le rapport d’enquête administrative a été rendu le 10 mars 2014.

20) Par courrier du 12 mars 2014, M. A______ a sollicité la production du rapport d’enquête, ce que la chambre de céans a ordonné, par courrier du 14 mars 2014.

21) Il ressort des conclusions de l’enquête administrative qu’« au terme de cet examen, l’enquêtrice considère comme mal-fondé le soupçon de consommation et/ou travail sous l’effet de substances illicites. De plus, selon les enquêtes, de nombreux éléments établissent que le soupçon a été formulé dans le cadre de comportements de nature à déstabiliser profondément et marginaliser Monsieur  A______  ».

Les conclusions de l’enquête seront reprises en tant que de besoin dans les considérants qui suivent.

22) Un délai au 2 mai 2014 a été accordé aux parties pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires. Passé la date précitée, la cause était gardée à juger en l’état du dossier.

Par observations complémentaires du 1er mai 2014, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Par courrier du même jour, la commune a indiqué n’avoir pas d’observation supplémentaire à formuler en l’état mais se réservait le droit de réagir en fonction des observations qui pourraient être faites par le recourant.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Collaborateur de la commune, le recourant est soumis au statut (art. 1). Celui-ci distingue les employés (art. 4) des agents communaux (art. 5).

Selon l'art. 16 du statut, l'employé est engagé pour une période d'une année, qui vaut période probatoire en vue de la confirmation en qualité d'agent communal.

A la fin de la période probatoire, le conseil administratif procède à la confirmation, prolonge la période probatoire jusqu'à deux fois six mois ou résilie l’engagement. Une fois confirmé, l'engagement est conclu pour une durée indéterminée (art. 18).

3) L'art. 25 du statut prévoit que les agents communaux peuvent être licenciés moyennant un délai de trois mois pour la fin d'un mois. Le licenciement peut intervenir lorsque, d’après les règles de la bonne foi, la poursuite des rapports de service n’est plus possible. Sont notamment considérés comme motifs de licenciement la perte de l’exercice des droits civils (let. a), l’inaptitude ou l’incapacité à effectuer les tâches prévues dans le cadre du poste (let. b), l’inobservation répétée des devoirs généraux du poste, malgré un avertissement écrit (let. c). Le licenciement ne peut être décidé qu’après que l’agent communal ait pu s’exprimer par écrit sur les motifs invoqués et ait été entendu par le conseil administratif s’il en fait la demande, assisté du conseil de son choix. Le licenciement peut être remplacé par la démission de l'intéressé si celui-ci consent à la donner après y avoir été invité. La décision de licenciement est notifiée par écrit à l’agent communal avec indication des motifs.

4) Le recourant invoque le caractère abusif et arbitraire de son licenciement.

5) Selon l'art. 61 LPA, le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA). Elle ne peut ainsi pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 2 LPA).

6) a. Les communes disposent d'une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu'elles entretiennent avec leurs agents (Arrêt du Tribunal fédéral 2P 46/2006 du 7 juin 2006 ; François BELLANGER, Le contentieux communal genevois in : L'avenir juridique des communes, 2007, p. 149).

Ainsi, l'autorité communale doit bénéficier de la plus grande liberté d'appréciation pour fixer l'organisation de son administration et créer, modifier ou supprimer les relations de service nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci, questions relevant très largement de l'opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre administrative.

b. Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble. Elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir, ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment ceux de la légalité, de la bonne foi, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de l'interdiction d'arbitraire (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 1991, n. 161 ss p. 35-36). Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, elle est notamment liée par les critères qui découlent du sens et du but de la réglementation applicable, de même que par les principes généraux du droit (ATF 107 I a 204 ; 104 I a 212 et les références citées ; Arrêts du Tribunal fédéral 2P.149/2006 du 9 octobre 2006 ; 2P.177/2001 du 9 juillet 2002 consid. 2.2).

c. L'exercice d'un contrôle judiciaire dans ce cadre-là garde tout son sens, même si le juge administratif doit alors observer une très grande retenue dans l'examen de la manière dont l'administration a exercé ses prérogatives. Le juge doit ainsi contrôler que les dispositions prises se tiennent dans les limites du pouvoir d'appréciation de l'autorité communale et qu'elles apparaissent comme soutenables au regard des prestations et du comportement du fonctionnaire ainsi que des circonstances personnelles et des exigences du service. Seules les mesures objectivement insoutenables et arbitraires doivent être annulées, la chambre administrative vérifiant que l'autorité n'outrepasse pas son pouvoir d'appréciation et respecte les conditions de fond et de forme dont les textes imposent la réalisation (ATF 108 Ib 209 publié in JdT 1984 I 331 consid. 2).

d. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177 consid. 2.1 p. 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités ; ATA/126/2007 du 20 mars 2007 consid. 9a ; ATA/630/2007 du 11 décembre 2007).

7) En l'espèce, l’intimée indique que l’enquête administrative est indépendante des faits reprochés au recourant dans la décision de licenciement laquelle serait l’aboutissement d’une longue série de violations de ses obligations par M. A______. L’intimée ne s’est pas déterminée sur l’enquête administrative, dans la mesure où celle-ci concernait un grave soupçon de consommation de substances illicites pendant les heures de travail et que ces faits étaient sans relation avec le non-respect par le recourant de ses obligations en octobre 2012 et les multiples avertissements préalables. L’intimée n’a pas fait d’observations après la production du rapport d’enquête, bien que la possibilité lui en ait été offerte.

Il convient d’analyser si le rapport d’enquête peut être utilisé dans le cadre de la présente procédure.

8) La décision d’ouvrir une enquête administrative interne a été prise le 19 octobre 2011, soit dix mois après que le collaborateur ait été confirmé dans ses fonctions. La décision prise par le conseil administratif de diligenter une enquête externe date du 6 mars 2012, soit neuf mois avant la première décision de licenciement du 6 décembre 2012, étant rappelé que l’agent communal a présenté des absences perlées dès novembre 2011 avant d’être en incapacité de longue durée dès décembre 2011.

La commune mentionne dans ses écritures que le licenciement est fondé sur trois incidents « de moindre gravité » tout en précisant que ceux-ci sont intervenus après de très nombreux autres évènements similaires, ainsi qu’après plusieurs avertissements, rappels à l’ordre et même un blâme. Les événements justifiant le licenciement étaient les « gouttes d’eau qui ont fait déborder le vase » et avaient rendu la poursuite des rapports de service impossible pour la commune. Ils étaient venus s’ajouter à d’autres incidents, créant un contexte qui n’était plus supportable pour l’employeur.

L’enquêtrice a procédé à un important travail d’établissement des faits. Elle a recouru à de nombreux documents et a procédé à un travail minutieux en interrogeant, par écrit, tout le personnel de H______ le 21 mars 2012. Huit témoins ont été entendus par Mme F______ et des constatations de l’examen oculaire par l’autorité (art. 20 al. 2 let. d LPA) sont consignées dans le rapport d’enquête.

Dans la mesure où l’enquêtrice a été contrainte d’établir le climat dans lequel les relations entre les parties ont évolué, le rapport d’enquête est utile au présent litige, la procédure devant la chambre administrative étant régie par la maxime d’office (art. 76 et 19 LPA).

9) L’enquêtrice a conclu que le soupçon de consommation de substances illicites, ainsi que celui de travail sous l’effet desdites substances devait être écartés. Elle a considéré nécessaire d’examiner si le soupçon ne relevait pas d’un « mobbing ».

a. L’enquêtrice a retenu que Mme C______ et M. B______ avaient parlé à un tiers, en l’occurrence Monsieur I______, de la situation professionnelle de M. A______ en le dénigrant de telle façon que celui-là a considéré que l’intéressé méritait d’être licencié. Ni Mme C______ ni M. B______ n’avaient prétendu avoir été libérés du secret de fonction pour critiquer ainsi le recourant. L’enquêtrice comprenait la crainte exprimée par l’intéressé que les propos tenus sans droit par sa hiérarchie envers des tiers, compromettent son avenir professionnel.

b. Mme C______ n’avait pas contesté que le cahier des charges d’un chef d’équipe, dont dépendait M. A______, n’était pas respecté ni qu’il régnait une ambiance professionnelle laissant peu de place à l’initiative personnelle.

c. L’intéressé avait été amené à devoir prêter son propre matériel à son employeur. Il avait tardé à le ramener chez lui mais l’employeur lui avait assigné pour ce faire un délai qui paraissait chicanier.

d. M. A______ avait vu son cahier des charges réduit avant d’être rétrogradé de sa fonction de bûcheron, soit d’ouvrier spécialisé, à celle d’ouvrier polyvalent, affecté à l’intérieur. Cette nouvelle modification du cahier des charges, déjà constatée avant l’ouverture de l’enquête administrative, avait encore été accentuée lors de la reprise du travail par le recourant, après un long congé maladie. Le recourant s’était retrouvé à travailler à l’intérieur et à devoir nettoyer des toilettes.

e. Selon l’enquêtrice, il était établi que M. A______ avait fait l’objet de réflexions racistes dans son environnement professionnel à H______.

f. M. A______ avait fait l’objet, pendant son conflit avec son ex-compagne, de reproches d’ordre privé de la part de la directrice.

10) L’enquêtrice mentionnait : « on peut comprendre que Monsieur A______ ait été gravement déstabilisé par le traitement qui lui était réservé par sa hiérarchie » (rapport p. 37). M. A______ avait subi des atteintes fréquentes, entraînant un stress. Selon Mme F______, « on peut donc sérieusement se demander s’il a été placé dans une situation où chaque acte pris individuellement peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l’ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu’à l’élimination professionnelle (voir, sur la définition du mobbing par le Tribunal fédéral, l’arrêt précité 4A_680/2012 du 7 mars 2013) ».

11) L’enquêtrice avait aussi estimé utile pour l’enquête de déterminer si, comme le prétendait M. A______, l’atmosphère de travail était rendue difficile par la direction. « Il s’agit en effet d’un reproche important, dont la vérification permet de tester la bonne foi de M. A______ (et la transparence de la fondation). Or, les affirmations de Monsieur A______ sont confirmées par des témoignages ».

Les reproches formulés par M. A______ se situaient dans une atmosphère tendue dont on pouvait penser qu’elle éclairait le présent dossier, plusieurs autres membres du personnel de H______ ayant été amenés à consulter des médecins ou des avocats.

12) Les conclusions de l’enquêtrice sont confortées par la lecture des pièces du dossier.

Ainsi les différents certificats médicaux établis par le médecin traitant mentionnaient parfois des périodes d’incapacité extrêmement courtes, allant jusqu’à un seul jour. Le cumul des attestations médicales a manifestement créé des complications tant pour l’employeur que pour le collaborateur, celui-ci devant produire, dans certaines conditions prévues par le statut de la commune, une nouvelle preuve de son indisponibilité le premier jour de toute incapacité de travail. A défaut, l’employeur attendait de lui qu’il soit présent à 7h00 précises sur son lieu de travail. A l’évidence, la multiplicité des certificats médicaux a créé des difficultés dont la commune n’a pas tenu compte. Il ne ressort pas du dossier qu’elle ait abordé ces difficultés avec le collaborateur dans l’optique de trouver une solution plus praticable pour toutes les parties.

D’autres éléments interpellent à l’instar de la fréquence des rappels à l’ordre écrits, parfois jusqu’à deux par jour, versés au dossier, les précisions à la minute des tentatives téléphoniques de joindre le collaborateur, l’absence de réelle gravité de certains reproches à l’instar du dépôt du certificat médical le 31 octobre dans la boîte aux lettres de la mairie qui « témoignait d’un passage hors de l’horaire d’ouverture au public de la mairie et par conséquent d’une annonce tardive d’une prolongation d’absence ». Les écritures de la commune font même mention de ce que le collaborateur « n’a pas prévenu sa hiérarchie qu’il déposerait un document important dans la boîte aux lettres ou vérifié le lendemain matin que ce document avait bien été reçu ». La réponse au recours fait grief au recourant que l’intimée n’ait pas reçu ledit certificat avant le 13 novembre 2012 (voire le 8 novembre 2012 par la fondation), alors que la mairie avait admis que le certificat avait été dûment réceptionné le 2 novembre 2012 (lettre de licenciement du 6 décembre 2012).

La déclaration de la supérieure du recourant selon laquelle elle recourait aux services de trois avocats extérieurs à l’intimée (rapport d’enquête p. 7) témoigne des difficultés à établir un dialogue direct et sans intermédiaire, apte à dégager des solutions raisonnables et immédiates pouvant rencontrer l’approbation tant de l’agent communal que de la hiérarchie. Cet élément conforte l’idée de difficultés relationnelles entre les parties et met en évidence des problèmes de gouvernance au sein de l’intimée.

13) L’éclairage que donne le rapport d’enquête ainsi que les pièces du dossier permet de considérer que les conditions de travail du collaborateur licencié n’étaient pas conformes au règlement de la commune, puisque la personnalité du travailleur n’a pas été protégée (art. 100 du statut). Les manquements reprochés au collaborateur par la commune dans la décision de licenciement ainsi que les griefs qui lui avaient été faits au préalable, ne peuvent être retenus comme fondés compte tenu du climat de travail instauré par l’intimée elle-même.

Dans ces conditions, la commune ne peut se prévaloir des règles de la bonne foi pour considérer que la poursuite des rapports de travail n’est plus possible au sens de l’art. 25 du statut.

La décision de licenciement est arbitraire et contraire au droit.

14) Se fondant sur l’art. 102 al. 2 du statut, l’intimée a relevé que la réintégration de l’agent communal n’était pas autorisée.

Cette lecture fait fi du début de l’al. 2 selon lequel si la chambre administrative retient que la décision contestée est contraire au droit, elle peut proposer la réintégration de l’intéressé. Si le conseil administratif rejette cette proposition, la chambre administrative fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois et supérieur à vingt-quatre du dernier traitement brut, à l’exclusion de tout autre élément de rémunération.

Les écritures de l’intimée laissent cependant clairement apparaître que la réintégration du collaborateur n’est pas envisagée, la commune insistant sur le fait que celui-ci n’a pas de droit à être réintégré. Le recourant a été licencié dans le respect du délai de trois mois pour la fin d’un mois de l’art. 25 al. 1 du statut mais par une décision déclarée exécutoire nonobstant recours et sur laquelle la commune n’est pas revenue au cours de la procédure. La commune avait par ailleurs conclu au rejet de la demande de restitution d’effet suspensif formée par le recourant. Cela permet de retenir une volonté de sa part de se séparer définitivement de leur agent communal.

Reste donc à examiner les conclusions en indemnité du recourant, en tant qu'il appartient à la juridiction de céans de la fixer.

15) Dans ses derniers arrêts en matière de licenciement d’agents publics, la chambre administrative a procédé à une analyse détaillée de l’évolution de sa jurisprudence pour arriver à la conclusion que le moyen d’obtenir réparation du caractère infondé du licenciement était de ne pas faire dépendre complètement le droit à une indemnité ainsi que la quotité de celle-ci de la possibilité d’une réintégration. Il y avait lieu désormais de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, et de les apprécier sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects, comme le fait d’avoir ou non retrouvé un emploi en cours de procédure (ATA/196/2014, ATA/195/2014 et ATA/193/2014 du 1er avril 2014).

En l'espèce, il sera tenu compte de l’ensemble des circonstances, notamment de la durée des rapports de service (quarante et un mois), des résultats de l’enquête administrative y compris du fait que le collaborateur a dû subir dite enquête alors que le soupçon s’est avéré mal fondé, des atteintes portées à la personnalité du collaborateur pendant la durée du contrat de travail, du fait que l’intimée a retiré tout effet suspensif à sa décision de licenciement et n’a pas entendu réintégrer le recourant alors qu’il y était disposé. Il est aussi tenu compte du fait que malgré le contexte dans lequel le collaborateur a dû évoluer, tous les griefs de l’intimée ne sont pas sans pertinence, notamment quant au respect des horaires, même s’ils ne fondent pas un licenciement.

L’indemnité pour refus de réintégration sera fixée à douze mois du dernier traitement brut du recourant, au sens des art. 55 et 56 du statut, à l’exclusion de toute autre rémunération.

La somme portera intérêt dès la naissance du droit à l’indemnité, soit le 1er juin 2013, date à partir de laquelle l’intimée a cessé le versement du salaire et qui marque la fin des rapports de service (ATA/258/2014 du 15 avril 2014).

16) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la commune (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l'intimée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 avril 2013 par Monsieur  A______ contre la décision de la commune d'Onex du 28 février 2013 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate que le décision de la commune d’Onex du 28 février 2013 prononçant le licenciement de Monsieur A______ est contraire au droit ;

constate que la commune d’Onex a refusé la réintégration de Monsieur  A______ ;

fixe l'indemnité pour refus de réintégration à douze mois du dernier traitement brut de Monsieur A______, à l'exclusion de toute autre rémunération, avec intérêt moratoire de 5 % l’an dès le 1er juin 2013, au sens des considérants ;

condamne en tant que de besoin la commune d’Onex à payer à Monsieur  A______ l'indemnité correspondant à douze mois de son dernier traitement brut au sens des considérants plus intérêt moratoire de 5 % l’an dès le 1er juin 2013 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2’000.- à Monsieur A______, à la charge de la commune d’Onex ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure à la commune d’Onex ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant, ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de la commune d'Onex.

Siégeants : M. Thélin, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges et M. Jordan, juge suppléant.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :