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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/661/2013

ATA/436/2014 du 17.06.2014 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MAISON DE RETRAITE ; ETAT LOCATIF ; BAIL À LOYER ; LOYER ; LOYER CONTRÔLÉ ; SUBVENTION ; SUBVENTION POUR LA CONSTRUCTION
Normes : LGEPA.19; LGEPA.20; LGEPA.30; RGEPA.29; RGEPA.30; LGL.1.al3; LIAF.15; LIAF.23.al1
Résumé : L'amortissement de la subvention étatique à la construction d'un EMS doit être déduit de la valeur locative autorisée à raison d'1/50ème par année.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/661/2013-EXPLOI ATA/436/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 juin 2014

 

dans la cause

 

FONDATION A______
représentée par Me Pierre Louis Manfrini, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1) La Fondation A______ (ci-après : A______) est propriétaire de la parcelle n° 1______ du cadastre de la commune de B______, à l’adresse C______.

Sur cette parcelle a été construit avec l'aide d'une subvention de l'État de Genève, votée en décembre 2008 par le Grand Conseil, l'établissement
médico-social D______(ci-après : D______). Ce dernier est géré par l'association E______ (ci-après : l'association) qui a conclu un contrat de bail de vingt ans avec A______ le 21 février 2011.

2) Par arrêté du 1er mars 2011, le département de la solidarité et de l’emploi, devenu depuis lors le département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : le département), a autorisé l'association à exploiter D______.

3) Le 20 avril 2011, le département a adressé un courrier à l'ensemble des établissements médicaux-sociaux (ci-après : EMS) du canton de Genève. Conformément à la directive départementale sur la fixation des loyers dans les EMS (ci-après : la directive) et suite à un rapport de l'inspection cantonale des finances (ci-après : ICF) sur l’absence de prise en compte des subventions étatiques dans le calcul du loyer facturé, la subvention versée devait être comptabilisée dans les comptes de l'immeuble par analogie avec la méthode des produits différés. La subvention était dissoute de 1/50ème par année et déduite du loyer facturé à l'entité exploitante. Les autres paramètres déterminants pour le calcul du loyer étaient appliqués à la totalité du coût de construction admis, quel que soit le montant de la subvention.

4) Le 2 février 2012, A______ et l'association ont signé un avenant au contrat de bail fixant le loyer provisoire à CHF 1'336'560.- par an, soit CHF 111'380.- par mois, avec effet au 1er mars 2012.

5) Le 11 mai 2012, la direction générale de l'action sociale (ci-après : la direction générale), dépendante du département, a communiqué le coût de construction fixé admis et a informé l'association que le prix de pension pratiqué devait être revu en fonction du décompte final du coût de construction et du premier résultat d'exploitation.

6) Le 18 juillet 2012, A______ a demandé à la direction générale de lui accorder la qualité de partie. Elle était propriétaire de l'immeuble abritant D______ et l'évaluation du loyer total aurait un impact sur les fonds investis.

7) Le 25 juillet 2012, la direction générale a accédé à cette demande et a octroyé à A______ un délai jusqu'au 15 septembre 2012 pour faire valoir ses observations.

8) Le 12 septembre 2012, en réponse à l'ICF, A______ a détaillé le calcul du loyer. Elle a précisé qu'1/50ème de la subvention étatique était soustraite du loyer total annuel afin de fixer le loyer total final. Les calculs présentés partaient d'une estimation de A______.

9) Le 28 novembre 2012, après discussion avec A______ et l'office des bâtiments, la direction générale a arrêté le coût total du projet à CHF 28'341'178.- toutes taxes comprises (ci-après : TTC). La valeur locative annuelle était, elle, fixée à CHF 1'171'125.-. Le loyer était bloqué pour dix ans.

10) Selon les différents documents fournis par les parties, le coût se décomposait comme suit :

Coût total du projet : CHF 28'341'178.- TTC.

·      Prix du terrain : CHF 3'790'878.-, dont :

§  subvention étatique à l'achat du terrain : CHF 1'246'000.- (ci-après : subvention terrain) ;

§  investissement de A______ pour achat terrain : CHF 2'544'878.- (ci-après: investissement terrain propriétaire) ;

¨      fonds propres : CHF 2'145'854.- (ci-après : fonds propres) ;

¨      emprunt de A______ pour achat terrain : CHF 399'024.- (ci-après : emprunt terrain).

·      Coût de construction : CHF 24'550'300.- (ci-après : coût total de construction), dont :

§  subvention étatique à la construction : CHF 9'004'000.- (ci-après : subvention construction) ;

§  investissement de A______ pour construction : CHF 15'546'300.- (ci-après : investissement propriétaire), dont :

¨   emprunt de A______ pour construction : CHF 15'546'300.- (ci-après : emprunt construction).

11) a. La subvention étatique totale s'élevait à CHF 10'250'000.- (ci-après : subvention totale).

b. L'emprunt total de A______ s'élevait CHF 15'945'324.- (ci-après : emprunt total).

c. L'investissement total de A______ hors subventions s'élevait à un peu plus de CHF 18'000'000.- (ci-après : investissement total).

12) Le calcul de la valeur locative nette se composait des éléments suivants :

      frais d'intérêts hypothécaires : CHF 518'223.- (calculé sur l'emprunt total) ;

      charges d'amortissement : CHF 491'006.- ;

      charges d'entretien : CHF 245'503.- ;

      rendement des fonds propres : CHF 96'563.- ;

= valeur locative annuelle avant déduction : CHF 1'351'295.- (ci-après : valeur locative brute).

      Amortissement de la subvention à l'investissement : CHF 180'080.- (ci-après : amortissement subvention) (1/50ème de la subvention construction) ;

= valeur locative annuelle fixée par le département : CHF 1'171'215.- (ci-après : valeur locative nette).

13) Par courrier au département du 18 décembre 2012, A______ a manifesté son désaccord quant à la valeur locative annuelle et au blocage de cette dernière. Elle demandait une décision formelle du département.

Aucune base légale ne permettait de bloquer le loyer pendant dix ans.

L'imputation de l'amortissement subvention ne reposait sur aucune base légale. Elle empêchait la constitution du fonds de rénovation prescrit par le cadre réglementaire.

La comptabilisation de l'amortissement subvention revenait à prendre en compte la subvention construction deux fois, soit d’une part dans le calcul de la valeur locative et d’autre part comme amortissement. En effet, l'absence de subvention construction aurait obligé A______ à trouver du financement extérieur ce qui aurait augmenté les charges d'intérêts hypothécaires. Cela aurait aussi augmenté les besoins de fonds propres et leur rendement. Ainsi, en l'absence de subvention, la valeur locative autorisable aurait été 30 % au-dessus de la valeur locative brute.

14) Le 21 décembre 2012, la direction générale a accusé réception du courrier de A______.

15) Par courrier du 22 janvier 2013, la direction générale a fourni des explications complémentaires pour le calcul de la valeur locative nette.

Le blocage du loyer pendant dix ans se fondait sur la directive qui prévoyait un mécanisme de révision des loyers à l'échéance des dix ans. La direction générale se déclarait prête à considérer un raccourcissement de cette période.

La subvention construction devait se comptabiliser selon les recommandations de la « Swiss GAAP RPC, Fondation pour les recommandations relatives à la présentation des comptes ». La dissolution de la subvention construction à raison d'1/50ème annuel se faisait donc selon la méthode des « produits différés ». Après cinquante ans, la subvention construction était définitivement acquise au propriétaire sauf si D______ cessait son activité, changeait d'affectation ou diminuait significativement le nombre de lits. La subvention construction n'était donc pas un prêt ; elle n'était pas remboursable. Elle servait à faire baisser l'impact du loyer sur le prix de la pension.

Lorsque la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées du 4 décembre 2009 (LGEPA - J 7 20) avait été adoptée, la volonté du législateur était de subventionner les pensionnaires des EMS « en aval » par les prestations complémentaires. En revanche, avant cette loi, la subvention construction permettait justement de baisser le loyer « en amont ».

A______ ne pouvait pas prétendre tenir compte des charges sur le coût total de construction alors que la construction lui avait en réalité coûté environ la moitié grâce à la subvention construction.

Il fallait dissocier les charges d'amortissement qui étaient calculées à un taux de 2 % sur le coût total de construction et celle de l'amortissement subvention qui était déduit ensuite du loyer facturé à l'entité exploitante.

Dans le calcul précédent effectué par A______ elle-même, la rubrique amortissement subvention existait. Elle avait également validé la méthode des produits différés dans un courrier du 12 septembre 2012 à l'ICF.

16) Le 22 février 2013, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier du 22 janvier 2013.

Ce dernier devait être considéré comme une décision, même s'il n'indiquait pas de délai ni de voie de recours. La chambre administrative devrait décider des conséquences de ce manquement. En tout état de cause, cette décision devait être annulée, ou réformée par la chambre administrative en ne prenant pas en compte l'amortissement subvention dans le calcul.

La légalité de la directive était remise en cause.

Elle ne pouvait pas bloquer les loyers pendant dix ans, le cadre légal ne le permettant pas. Plus particulièrement, la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) à laquelle renvoyait la LGEPA prévoyait une évolution du loyer en fonction des charges. Le législateur avait prévu que des facteurs économiques indépendants de la volonté du propriétaire pouvaient avoir un impact sur les charges au fil du temps. Le mécanisme d'ajustement pouvait aussi être activé à la baisse.

A______ ne remettait en cause ni le principe, ni la quotité des éléments de calcul de la valeur locative annuelle brute. En revanche, l'amortissement subvention était problématique : il ne reposait pas sur une base légale et il empêchait le propriétaire de remplir son obligation de constituer un fonds de rénovation, d'entretenir l'immeuble.

Les charges d'amortissement devaient permettre la constitution, sur une durée de cinquante ans, d'un fonds de rénovation rendant possible à terme la reconstruction du bâtiment.

Comme les intérêts de la dette hypothécaire, les charges d'amortissement et les charges d'entretien ne pouvaient pas être réduites, la déduction de l'amortissement subvention venant nécessairement réduire le rendement sur fonds propres, seul montant « disponible ». Dès lors, pour respecter ses obligations, A______ aurait un rendement négatif et perdrait de l'argent annuellement. Cela violait la garantie de la propriété. En outre, à l'issu des cinquante ans, l'État devrait fournir un nouveau subventionnement, A______ n'ayant pas pu constituer un fonds de rénovation.

La subvention construction avait déjà eu un effet sur les loyers en les réduisant de 30 %.

Si la direction générale considérait que la subvention était versée en 50 tranches, d'un point de vue comptable, elle n'était pas versée en une fois au moment de la construction. Ainsi, les fonds propres augmentaient au fil des années, ainsi que le rendement de ces derniers et au final la valeur locative nette.

Finalement, la décision violait le principe de la proportionnalité des charges liées à une subvention.

17) Par courrier du 15 avril 2013, le département a conclu au rejet du recours.

Le département, plus précisément la direction générale, désirait rester dans un contexte non contentieux avec le courrier du 22 janvier 2013. Si ce courrier devait être néanmoins considéré comme une décision, l'absence de délai et de voie de recours avait pu être réparée.

Le but de l'adoption de la LGEPA a été notamment de remettre de l'ordre dans la gestion des EMS. En particulier, l'ICF avait mis en évidence des situations de loyers qui dépassaient les charges des immeubles.

L'exposé des motifs du projet de loi ayant mené à l'adoption de la LGEPA expliquait que l'Etat de Genève pourrait fixer au préalable les standards de construction, les modalités de rémunération des fonds propres des opérateurs et par voie de conséquence admettre les loyers ou les charges immobilières qui en découlaient. Pour les établissements actuels, il s'agirait de retraiter en comptabilité les subventions construction octroyées selon la méthode des produits différés. Le département devrait édicter une directive en ce sens.

Une base légale existait pour régler le cadre applicable aux loyers et charges des immeubles abritant les EMS. La LGL précisait que l'Etat instaurait un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits avec l'aide de l'Etat de Genève.

La directive avait été adoptée pour disposer d'une méthode homogène et univoque dans la fixation des loyers des EMS. Les deux éléments de fixation du loyer étaient : le coût de construction, en amont, et, en aval, les charges et frais immobiliers.

Le blocage de dix ans des loyers répondait à un besoin de stabilité dans le loyer, afin d'éviter de systématiquement ajuster cette composante. L'ajustement pouvait se faire après cette période de dix ans, que le département était prêt à revoir à la baisse. Le taux hypothécaire était fixé à 0,5 % au-dessus du taux de référence conformément à la loi.

Pour ce qui était de l'amortissement subvention, il existait des bases légales suffisantes pour le prévoir dans la directive. En outre, le département était surpris que A______ remît en cause l'application de la méthode des produits différés, alors qu'elle l'avait admise dans le courrier du 12 septembre 2012.

La méthode des produits différés ne faisait pas obstacle à la constitution du fonds de rénovation. Le calcul de la valeur locative nette se basait sur le coût total de construction ce qui permettait la constitution d'un fonds de rénovation et la garantie des charges d'entretien suffisantes pour les réfections de l'immeuble.

A______ n'avait pas investi le coût total de la construction mais seulement l'investissement propriétaire, le calcul du loyer devait tenir compte de la diminution liée. Dans le cas contraire, celui de la non-prise en compte de l'amortissement subvention, les fonds propres et les amortissements dans leur ensemble seraient surévalués car calqués exclusivement sur le coût total de la construction.

Cette situation serait inexacte du point de vue comptable et légal. Du point de vue comptable, l'amortissement permettait de reconstituer les fonds propres investis et de rembourser les emprunts (dettes hypothécaires). Dans le cas d'espèce, au terme de la durée de vie du bâtiment, les charges d'amortissement, déduction faite de l'amortissement subvention, permettraient à A______ de rembourser les emprunts contractés et les fonds propres investis.

Du point de vue légal, rien n'imposait à A______ de disposer des fonds propres suffisants pour financer le coût total de la reconstruction de D______ au terme de sa durée de vie. Il était normal qu'au terme de la durée de vie du bien, le Grand Conseil exerce sa souveraineté en décidant s'il souhaite à nouveau encourager la construction d'un EMS. En effet, les EMS poursuivaient une mission d'intérêt public.

L'absence de prise en compte des produits différés aurait trois conséquences négatives :

      le prix de pension serait plus élevé ;

      l'amortissement générerait une rétention de fonds supplémentaires à la hauteur de la subvention construction dont A______ serait propriétaire et qu’elle pourrait utiliser à autre chose qu'à la construction d'EMS sans contrôle du Grand Conseil ;

      un rendement de fonds propres excessif. Le rendement serait composé des charges d'amortissement ordinaires et de l'amortissement subvention, ce qui équivaudrait à un rendement de 13 %, 8,5 % supérieur aux 4,5 % admissibles selon la directive.

Le calcul de A______ concernant des rendements sur fonds propres négatifs était erroné. Les charges d'amortissement, calculées sur le coût total de construction, les charges d'intérêts hypothécaires, d'entretien et la rémunération des fonds propres couvraient l'ensemble des coûts supportés. En effet, A______ n'avait pris en charge que l'investissement propriétaire alors que le coût total de construction incluait la subvention construction.

Finalement, la déduction de l'amortissement subvention n'était pas une charge mais était un élément de calcul. En tout état de cause, si c'était une charge, elle n'était pas disproportionnée.

18) Le 16 mai 2013, A______ a répliqué. Elle a persisté dans ses conclusions en reprenant ses arguments.

Il n'existait pas de bases légales suffisantes pour bloquer les loyers pendant dix ans.

Selon la directive, les charges d'amortissement devaient permettre de couvrir le coût total de construction et non le coût total de construction diminué de la subvention construction.

Le département mélangeait rendement des fonds propres et provision pour fonds d'amortissement. Pourtant, les montants affectés au fonds d'amortissement n'étaient pas librement disponibles.

Le département comptabilisait deux fois la subvention. Il fallait, soit, la comptabiliser en une fois en obtenant une valeur locative nette de 30 % inférieure à la situation sans subvention, soit, la comptabiliser annuellement à raison de 1/50ème avec un loyer supérieur à la valeur locative nette.

19) Le 14 octobre 2013 a eu lieu une audience de comparution personnelle des parties.

Le représentant de A______ a confirmé son argumentation et précisé que le loyer qu'elle proposait permettait de financer les travaux nécessaires au maintien de l'objet à l'issue des cinquante ans. L’éventuelle modification des éléments de fixation du loyer devraient pouvoir être prise en compte immédiatement et pas seulement après dix ans. Certes, les intérêts hypothécaires étaient fixés pour quinze ans, mais d'autres aspects pouvaient varier.

L'amortissement subvention devait être déduit selon le représentant de la direction générale. Dans le cas contraire, A______ bénéficierait deux fois de la subvention : lors de la construction, puis annuellement pendant cinquante ans car le loyer admis ne subirait pas de déduction. La direction générale était prête à avoir une période de blocage plus courte en tenant compte des contrats hypothécaires de A______.

20) Le 16 octobre 2013, la direction générale a versé à la procédure différents documents demandés suite à l'audience du 14 octobre 2013.

Notamment, un document visait à montrer que si la méthode des produits différés n'était pas appliquée, les charges d'amortissement seraient calculées avec un taux de 2 % non pas sur le coût total de construction mais sur l'investissement propriétaire. Le loyer admis obtenu serait égal à la valeur locative nette obtenue par la méthode des produits différés.

21) Le 21 novembre 2013, A______ a constaté qu'il ressortait de l'audience du 14 octobre 2013 que l'objet du litige était circonscrit à deux points : la légalité de déduire de la valeur locative autorisée de la subvention construction ainsi que la légalité du blocage de cette valeur locative pendant une période de dix ans.

22) Le 25 novembre 2013, la direction générale a pris acte du courrier de A______, sans remettre en cause la limitation de l'objet du litige.

23) Le 9 janvier 2014, A______ a émis des observations sur les documents du 25 novembre 2013. Elle a largement repris les arguments développés dans ses précédents courriers.

Elle a ajouté que la déduction de l'amortissement subvention était en réalité un remboursement caché de la subvention construction, ce qui n'était permis par la loi qu'à des conditions non remplies en l’espèce. Le fait que la subvention lui était acquise avait pour conséquence que le fonds d'amortissement devait permettre de rembourser l'emprunt hypothécaire et de constituer un fonds correspondant au coût total de construction, et pas seulement à hauteur de l'investissement propriétaire.

24) Le 11 février 2014, la direction générale a rejeté les arguments de A______.

Plus particulièrement, la directive n'indiquait pas que les charges d'amortissement devaient générer des fonds qui s'élevaient au coût total de la construction du bâtiment. Elle ne faisait que préciser l'affectation de ces charges.

En outre, l'amortissement ne permettait que de rembourser les emprunts et de reconstituer les fonds propres investis pour financer l'investissement. La subvention construction n'était ni un emprunt, sauf dans des cas exceptionnels, ni un fonds propre investi par A______. L'amortissement subvention servait à ne pas faire payer aux résidents des EMS une charge injustifiée contraire aux objectifs de l'amortissement. Il ne s'agissait pas de rembourser une subvention mais de déduire du montant du loyer, et du prix de pension in fine, 1/50ème de la subvention accordée par l'Etat.

25) Le 4 mars 2014, A______ a indiqué que la directive était claire sur la question du fonds d'amortissement qui devait servir à la reconstruction de l'immeuble, ce qui impliquait qu'il devait être calculé sur le coût total de construction.

26) A la suite de ces échanges, le 4 mars 2014, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. La chambre administrative est en principe compétente pour statuer sur un recours dirigé contre un acte fondé sur la LGEPA sous réserve de la réalisation des conditions prévues par l’art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), à savoir notamment que l’acte litigieux soit une décision au sens de l’art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

b. Le délai de recours est de trente jours s’il s’agit d’une décision finale (art. 62 al. 1 LPA).

2) a. Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

b. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

Le principe général du droit rappelé à l’art. 47 LPA découle des règles de la bonne foi, qui imposent des devoirs tant à l’autorité dans la conduite d’une procédure (ATF 123 II 231 consid. 8b p. 238) qu’à l’administré (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_318/2009 du 10 décembre 2009). On peut et doit attendre d’un justiciable en désaccord avec une décision dépourvue de l’indication des voies de droit qu’il se renseigne sur ses possibilités de recours auprès d’un avocat ou de l’autorité qui a statué, conformément aux règles de la bonne foi. A défaut, la décision entre en force passé un certain délai, même si une disposition légale prévoyait expressément l’obligation de porter la mention des voies de droit (ATF 121 II 72 consid. 2a ; ATF 119 IV 330 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.83/2006 du 5 septembre 2006 et la jurisprudence citée). Il y a donc lieu d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice ou si elle a agi dans un délai raisonnable (ATA/147/2013 du 5 mars 2013 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 355 et la jurisprudence citée).

3) A teneur de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

4) En l'espèce, le courrier du 22 janvier 2013 fixe et bloque un loyer pendant une durée de dix ans pour D______. Il crée clairement des obligations pour A______. Il s'agit donc bien d'une décision contre laquelle A______ a la qualité pour recourir, ce qui n’est d'ailleurs plus contesté par l'autorité intimée.

La décision n'indique pas de voies de recours ni de délai. Cependant, la recourante et la direction générale ont pu faire valoir leurs arguments à de nombreuses reprises, par courrier mais aussi en audience de comparution personnelle. Le recours a en outre été rédigé dans un délai de trente jours. De ce fait, il n'existe aucun préjudice pour les parties.

Le recours du 22 février 2013 est dès lors recevable.

5) En premier lieu, la recourante remet en cause la valeur locative nette retenue par l’autorité et, plus précisément, la déduction de l'amortissement subvention de la valeur locative brute.

6) a. Le 1er avril 2010, la LGEPA a abrogé l'ancienne loi relative aux EMS accueillant des personnes âgées du 3 octobre 1997 (aLEMS - J 7 20). La nouvelle loi vise à assurer à toutes les personnes âgées, des conditions d'accueil, d'hébergement et de soins de qualité dans les EMS, subventionnés et reconnus d'utilité publique, ainsi que dans les résidences pour personnes âgées (art. 1 LGEPA). Elle définit notamment les conditions d'octroi de la subvention et les modalités d'organisation générale des EMS (art. 2 let. b LGEPA).

b. La LGEPA vise à assurer à toutes les personnes âgées, dépendantes, accueillies en institutions une prise en charge de qualité à des conditions financièrement supportables pour la collectivité (PL 10’401 du 27 octobre 2009, p. 14). Son adoption répondait notamment aux constatations de l'ICF sur la gestion des EMS : des loyers dépassant les charges des immeubles, des frais et débours inadéquats, une présentation des états financiers peu satisfaisante, une thésaurisation des subventions, un manque de rigueur dans l’application des directives de gestion, une absence de convention collective de travail (ci-après : CCT) pour une partie du personnel (Rapport de la commission des affaires sociales, PL 10’401-A, p. 4).

7) Les revenus de l'établissement, dans le cadre de l'autorisation d'exploitation, sont notamment : le prix de pension facturé aux résidants (art. 19 let. a LGEPA) ; le forfait versé par les assureurs maladie (art. 19 let. b LGEPA) ; la subvention cantonale (art. 19 let. c LGEPA). Le prix de pension est fixé par le département (art. 20 al. 1 LGEPA). Il comprend notamment un loyer et/ou les charges immobilières (art. 20 al. 2 let. b LGEPA).

8) Le département règle le cadre de calcul applicable aux loyers et charges dédiés aux immeubles sur la base de l'art. 30 LGEPA (art. 42 al. 5 LGEPA). Les projets de constructions en cours, selon les anciennes dispositions de l'aLEMS, sont réexaminés à la lumière des dispositions prévues par LGEPA, s'agissant notamment des standards, des équipements, des prix de pension et de loyers (art. 42 al. 7 LGEPA).

9) a. Les loyers et charges admis se basent sur les dispositions prévues par la LGL, appliquées par analogie, notamment en ce qui concerne le rendement des fonds propres (art. 30 al. 1 let. a LGEPA). Ils se basent également sur les standards de construction et de transformation admis par le département (art. 30 al. 1 let. b LGEPA). Le département peut fixer, le cas échéant, des règles spécifiques (art. 30 al. 2 LGEPA).

b. Pour les établissements déjà construits ou dont la construction a débuté avant l'adoption de la LGEPA, il est nécessaire de retraiter en comptabilité les subventions d'investissements octroyées selon la méthode des produits différés. Le département édicte une directive sur cet objet par analogie à ce qui est prévu dans les directives cantonale d'application des normes IPSAS (International public sector accounting standard ; directive comptable de l’Etat de Genève - ci-après : DiCo-Ge) sur cet aspect (PL 10’401 du 27 octobre 2009, pp. 45-46).

10) Le montant maximum admis au titre de loyer ou de charges immobilières est fixé par le département, en application de la directive y relative (art. 26 du règlement d'application de la LGEPA du 16 mars 2010 - RGEPA - J 7 20.011).

11) L’Etat instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec l’aide de l’Etat de Genève (art. 1 al. 3 1ère phr. LGL).

12) a. L'objectif de la directive est de définir les paramètres inhérents à la fixation d'un loyer maximum dans le prix de pension d'un EMS. Elle se base sur les art. 29 et 30 LGEPA et 26 RGEPA.

b. Les deux éléments déterminants pour la fixation du loyer sont (point 2.1 « Objectif » de la directive) :

      en amont, les coûts de construction d'un EMS ;

      en aval, à l'instar des loyers contrôlés par l'Etat dans le cadre des immeubles soumis à la LGL, les charges et frais immobiliers, fixés par le département dans la directive. L'objectif visé est de stabiliser la composante « loyer » dans le prix de pension facturé aux résidants séjournant en EMS.

c. Les charges et frais immobiliers constitutifs du loyer sont : les charges d'intérêts hypothécaires ; le rendement net sur fonds propres ; les charges consécutives à l'amortissement des immobilisations ; les charges d'entretien ; le cas échéant, la rente foncière inhérente à un droit de superficie (point 4.1 de la directive). Les charges d'intérêts hypothécaires maximaux admissibles se basent sur le taux hypothécaire de référence, selon l'art. 12a de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 (OBLF - RS 221.213.11 ; point 5.1 de la directive), majoré d'un point en cas de financement partiel par le biais de fonds propres (point 6.1 de la directive). Les charges d'amortissement ne peuvent excéder annuellement 2 % du coût de la construction admis (point 7.1 de la directive). Les charges d'entretien sont fixées à 1 % maximum du coût de la construction admis (point 8.1 de la directive).

d. Selon les dispositions transitoires figurant à l’art. 42 al. 5 et 7 LGEPA, le département peut exiger une révision des charges et des frais immobiliers (loyers) des EMS existants, en s'inspirant des dispositions stipulées dans la directive. Par ailleurs, et pour les immeubles ayant été construits grâce à une subvention d'investissement, le taux d'amortissement, selon définition au point 7.1, se calcule sur le coût total de la construction (hors terrain) avec application de la méthode des produits différés s'agissant de la subvention d'investissement (point 11 de la directive).

13) A titre liminaire, la recourante invoque l'absence de base légale permettant la déduction de la subvention amortissement, énoncée dans la directive.

D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 133 II 305 consid. 8.1 et les références citées ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_176/2012 du 18 octobre 2012 consid. 5.4.3 ; 2C_132/2010 du 17 août 2010 ; ATA/625/2011 du 4 octobre 2011 ; ATA/611/2010 du 1er septembre 2010 consid. 4 ; ATA/617/2008 du 9 décembre 2008 consid. 6c).

En l'espèce, l'art. 30 al. 1 LGEPA offre une base de calcul de la valeur locative. Plus largement, par renvoi de la LGEPA, l’art. 1 al. 3 LGL indique que l'Etat peut contrôler les loyers lorsqu'il les subventionne. L'art. 30 al. 2 LGEPA donne en outre la possibilité au département de prévoir des règles spécifiques pour la fixation du loyer dans une directive. Il est d'ailleurs précisé dans l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi qui a donné naissance à la LGEPA que le département devra édicter une directive sur la question de la méthode des produits différés pour les subventions d'investissements. L'art. 26 LGEPA confirme la compétence du département de fixer les loyers en suivant les principes de la directive. Des indications précises et techniques ont leur place dans une directive et non dans une loi ou un règlement. Dès lors, la base légale de la directive existe. Cette dernière ne fait que définir les éléments de la loi.

Sur ce point, le grief sera donc écarté.

14) Il s'ensuit qu'il faut examiner la déduction de l'amortissement subvention sur le fond en tenant compte des bases légales décrites ci-dessus et de la directive.

Dans le cas d'espèce, les charges d'amortissement se fondent sur le coût total de construction conformément à la directive. Sur ce coût total, l'Etat de Genève a subventionné plus du tiers de la construction. La déduction de l'amortissement subvention permet de prendre en compte le fait que la recourante n'a pas financé la totalité de l'immeuble. A l'issue des cinquante ans d'amortissement, la recourante se trouvera dans la même situation qu'au moment de la construction, avec un fonds de rénovation à la hauteur de son investissement initial. Afin de pouvoir réunir le coût total de subvention, la recourante devra, soit trouver des investissements extérieurs soit s'appuyer sur un subventionnement étatique. La situation est conforme au but même du subventionnement étatique. En effet, les EMS ont une mission d'intérêt public. L'Etat de Genève, par le biais du Grand Conseil, pourra décider s'il désire construire ou rénover entièrement D______ concerné. Il garde ainsi le contrôle d'une mission d'intérêt public. Une solution contraire engendrerait une valeur locative plus importante, augmenterait les loyers, et donc le prix de pensions. Cette situation ne serait pas conforme au but même de la loi. Finalement, la subvention n'est comptabilisée qu'une fois, au moment de la construction. La déduction de l'amortissement subvention permet de prendre en compte le fait que la recourante n'a pas payé le coût total de la construction.

De ce fait, le grief est infondé.

15) La recourante argumente que cette solution annulerait tout rendement sur les fonds propres et violerait ainsi la garantie de propriété.

La méthode de calcul retenue intègre l'ensemble des coûts supportés par la recourante : le rendement net sur fonds propres tout comme les charges d'intérêts hypothécaires, les charges d'entretien et l'amortissement. La déduction de l'amortissement subvention ne se fait pas sur le rendement des fonds propres mais sur l'ensemble des charges. La recourante ne pouvait prétendre à un bénéfice sur l'entier du coût de construction n'en ayant assumé qu'une partie.

Le grief sera donc écarté.

16) La recourante invoque le fait que l'amortissement subvention serait une charge disproportionnée.

17) Les subventions peuvent être assorties de charges que le bénéficiaire doit respecter (art. 15 de la loi sur les indemnités et les aides financières du 15 décembre 2005 - LIAF - D 1 11). Ces charges doivent respecter le principe de la proportionnalité (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 292 n. 852). Elles sont ajoutées au dispositif d'une décision et obligent le destinataire à faire, ne pas faire, ou à tolérer quelque chose. La charge n'est pas un élément nécessaire de la décision ; elle est en complément (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème édition, p. 223 n. 985).

En l'espèce, comme expliqué précédemment, la déduction de l'amortissement subvention est un élément à part entière de la valeur locative nette. Le fait qu'elle diminue potentiellement le revenu de la recourante n'en fait pas de facto une charge.

Le grief sera donc écarté.

18) La recourante met en avant que l'amortissement subvention constituerait un remboursement de la subvention à l'Etat et qu'aucune des conditions le permettant ne serait remplie.

L’autorité compétente révoque la décision d’octroi, résilie le contrat de droit public, réduit le montant de l'indemnité ou de l'aide financière octroyée et en exige la restitution totale ou partielle lorsque :

      l'indemnité ou l'aide financière n’est pas utilisée en conformité de l’affectation prévue (art. 23 al. 1 let. a LIAF) ;

      le bénéficiaire n’accomplit pas ou accomplit incorrectement sa tâche en dépit d’une mise en demeure (art. 23 al. 1 let. b LIAF) ;

      l'indemnité ou l'aide financière a été indûment promise ou versée, soit en violation du droit, soit sur la base d’un état de fait inexact ou incomplet (art. 23 al. 1 let. c LIAF).

En l'espèce, l'amortissement doit permettre à la recourante de se remettre dans la situation initiale, avant l'investissement. Comme décrit précédemment, la valeur locative nette permettra au terme des cinquante ans de récupérer les fonds investis, la subvention construction de l'Etat étant exclue. Dès lors, l'amortissement subvention est conforme à ce mécanisme et n'est pas un remboursement à l'Etat de Genève. Il permet dans les faits de réduire le prix de pension des résidents.

Le grief est dès lors infondé.

Ainsi, la méthode des produits différés et la déduction de l'amortissement subvention sont conformes à la loi.

19) La recourante s'oppose au blocage de la valeur locative pour une durée de dix ans.

a. Aux termes de l'échéance du bail à loyer (en principe dix ans), les conditions pour la révision du bail à loyer se réfèrent aux modalités qui prévalent, s'agissant de l'adaptation du taux hypothécaire admissible et du rendement sur fonds propres en fonction de l'évolution du taux hypothécaire de référence. En outre, il est tenu compte de l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation s'agissant des charges d'entretien (point 10 de la directive).

b. Les loyers et les charges se basent sur la LGL (art. 30 al. 1 LGEPA). L’Etat instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec l’aide de l’Etat de Genève. Les logements et les locaux situés dans des immeubles construits avec l’aide de l'Etat, notamment par des subventions, sont soumis à ce contrôle aussi longtemps qu’ils bénéficient de cette aide (art. 1 al. 3 LGL). Pendant toute la durée du contrôle des loyers institués par l’art. 1 al. 3 LGL, l’état locatif agréé de l’immeuble ne peut être modifié qu’en raison de la diminution légale des prestations de l’Etat et de l’évolution des conditions d’exploitation des immeubles, notamment des variations du taux des intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d’entretien et de réparation, sans préjudice des besoins d’alimentation des réserves pour l’entretien (art. 42 al. 1 LGL). Le service compétent statue sur les demandes de modification de l’état locatif agréé présentées par le propriétaire et autorise ou refuse la demande (art. 42 al. 3 LGL). Le service compétent peut diminuer l’état locatif agréé, en cas de réduction des charges d’exploitation, du taux des intérêts des dettes hypothécaires, ou d’un rendement des fonds propres supérieur à celui fixé par le Conseil d’Etat (art. 42 al. 5 LGL). Les décisions du service compétent sont prises soit d’office, soit sur demande du propriétaire ou d’un locataire (art. 42 al. 6 LGL).

20) En l'espèce, la durée de blocage du loyer de dix ans s'oppose aux dispositions prévues par la LGL. Si, au vu du subventionnement, un contrôle étatique des loyers est possible pour dix ans voire pour une période pouvant aller jusqu'à cinquante ans (amortissement de la subvention sur cette période), un strict blocage des loyers sans possibilité de modification est contraire à la loi. En effet, si les conditions de l'art. 42 LGL sont remplies, et les procédures respectées, il est possible de revoir le loyer, en tout temps, à la hausse ou à la baisse.

Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis sur ce point. Sous l'angle précité, la décision du département du 22 janvier 2013 sera partiellement annulée.

21) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 février 2013 par la Fondation A______ contre la décision du département de la solidarité et de l’emploi du 22 janvier 2013 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du département de la solidarité et de l’emploi du 22 janvier 2013 en ce qu’elle fixe à dix ans la période de blocage des loyers et les possibilités de révision ;

la confirme au surplus ;

dit qu'un émolument de CHF 1500.- est mis à la charge de la recourante ;

dit qu'une indemnité de procédure de CHF 1'000.- est allouée à la recourante, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Louis Manfrini, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé.

Siégeants : M. Thélin, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges, M. Jordan, juge suppléant.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :