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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2183/2018

ATA/433/2019 du 16.04.2019 ( DELIB ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2183/2018-DELIB ATA/433/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMUNE DE B______
représentée par Me Laurent Marconi, avocat

et

C______
appelée en cause

 



EN FAIT

1. Monsieur A______ siège au Conseil municipal de la commune de B______ (ci-après : la commune) depuis mai 2013, en qualité d’unique représentant du parti de l’Union démocratique du centre (ci-après : UDC) jusqu’au 26 novembre 2018 et en qualité d’indépendant depuis cette date.

2. Dans sa séance du 15 décembre 2015, le Conseil municipal a désigné quatre membres au Conseil de fondation (ci-après : le CF) de la C______ (ci-après : C______) pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020, dont M. A______, proposé par le groupe UDC (délibération n° 1'048).

Monsieur D______ présidait le CF. Monsieur E______ en était le secrétaire général.

3. Par courriel du 27 avril 2018, un tableau récapitulant les candidatures pour la location d’un appartement de cinq pièces au ______ a été soumis aux membres du CF. La majorité des voix en faveur d’un dossier entraînerait sa sélection.

4. Par courriel du 30 avril 2018, le président du CF a transmis aux membres du CF copie d’une lettre de l’association « F______ ». Elle leur demandait de soutenir la candidature d’un réfugié, qui avait précédemment habité dans un foyer de la commune.

Le taux d’effort dépassait les normes usuelles. Indépendamment du dossier particulier et d’une manière générale, il souhaitait aborder la question de la mise à disposition d’un ou de deux appartements pour des cas humanitaires.

5. Le tableau comparatif ayant été mis à jour en fonction des nouvelles informations fournies par l’Hospice général, les membres du CF se sont majoritairement exprimés en faveur de l’attribution dudit appartement audit réfugié et sa famille, lesquels vivaient à cinq dans un studio.

6. Par courriel du 8 mai 2018, M. A______ s’est opposé à cette attribution à un « réfugié économique » et a sollicité une réunion d’urgence. Son courriel mentionnait notamment : « J’ai le regret de vous informer que si ce logement devait être attribué à cette personne, l’UDC informera tous les locataires occupant un logement loyer libre de contester leur loyer et d’entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir une diminution de loyer. L’UDC soutiendra ces locataires dans leurs démarches et dénoncera les agissements de notre Fondation ».

7. Une séance extraordinaire du CF s’est déroulée le 17 mai 2018 à 7h30.

Il ressort notamment du procès-verbal de ladite séance, outre les motifs pour lesquels M. A______ s’opposait à ladite attribution, l’affirmation de celui-ci qu’il entreprendrait des démarches en vue de faire baisser les loyers des autres locataires de la fondation. Il indiquait qu’il écrirait à toutes les personnes ayant postulé pour cet appartement et les informerait de la situation. Il s’engageait par ailleurs à contacter les personnes qui occupaient des appartements à loyer libre afin qu’ils déposent une demande pour obtenir des diminutions de loyers.

Par quatre oui et une opposition, le CF a décidé d’attribuer le logement à la famille de réfugiés de cinq personnes, soit les candidats no 6. Le CF a par ailleurs validé le fait que son président informerait l’autorité de surveillance, soit le bureau du Conseil municipal, du courriel de M. A______ du 8 mai 2018 et des intentions de celui-ci de nuire à la C______.

8. Par courriel du même jour à 23h56 adressé aux membres du CF, M. A______ a réaffirmé sa position et ses intentions.

9. Le 29 mai 2018, l’UDC Genève a fait un communiqué de presse intitulé « B______ : migrants économiques favorisés, familles locales précarisées. Le conseiller municipal ______ A______ dénonce l’attribution d’un logement d’utilité publique à un migrant émargeant à l’aide sociale, cela au détriment des candidatures de plusieurs familles genevoises ».

10. Le 31 mai 2018, le bureau du Conseil municipal (ci-après : le bureau) a été convoqué à une séance pour le mardi 5 juin 2018. Il était prévu l’audition de MM. A______ et D______.

11. Le 30 mai 2018, M. A______ a transmis ses déterminations au bureau.

12. Il ressort du procès-verbal de la séance du 5 juin 2018 du bureau le détail des propos tenus lors de cette séance, soit sur quatre pages le compte rendu de l’audition de M. A______ et sur trois pages celui de M. D______.

À l’issue des auditions, le bureau a décidé, à l’unanimité des membres présents, de porter à l’ordre du jour de la séance du Conseil municipal du 12 juin 2018 un point intitulé « Proposition du bureau : révocation d’un membre du Conseil de fondation de la C______ ».

M. A______ en a été informé le lendemain.

13. Lors de sa séance du 12 juin 2018, le Conseil municipal a décidé, statuant à huis clos, par dix-neuf oui et une abstention, de la révocation immédiate de M. A______ du CF.

14. Par lettre du 21 juin 2018, M. A______ a sollicité du service de surveillance des communes (ci-après : SSC) l’annulation de la délibération du Conseil municipal du 12 juin 2018 le concernant.

Il contestait avoir proféré des menaces graves à l’encontre de la C______ et des membres du CF. Il n’avait pas annoncé des représailles préjudiciables à la fondation. Il n’avait pas violé son devoir de fidélité et de diligence envers la C______ ni mis la fondation dans une situation financière difficile.

Le huis clos avait été décidé sans son accord. Les conseillers municipaux avaient reçu sur le siège sa détermination du 30 mai 2018 relative aux accusations dont il était victime.

Le CF avait refusé de produire et de tenir à sa disposition les documents concernant le locataire concerné. Il était en droit d’obtenir toute information utile à ce propos. Les « membres de la fondation » avaient violé l’art. 16 des statuts selon lequel ils étaient responsables envers celle-ci des préjudices qu’ils causaient en manquant, intentionnellement ou par négligence, à leurs devoirs. Il lui appartenait, en qualité de membre du CF, d’assurer son bon fonctionnement et d’alerter l’instance supérieure en cas d’anomalie constatée mettant l’institution en péril.

15. Lors de sa séance du 18 septembre 2018, le Conseil municipal a approuvé le procès-verbal de la séance du 12 juin 2018.

La demande de huis clos avait été acceptée par dix-neuf voix pour et une contre. M. A______ avait « manifesté énergiquement son indignation à ce qu’on discute de sa révocation en huis clos ». Le public s’était retiré. L’enregistrement ainsi que le procès-verbal avaient été suspendus le temps de la délibération et du vote.

16. Par courrier du 27 juin 2018, le SSC a transmis le courrier de M. A______ à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence.

17. La commune a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la délibération du Conseil municipal du 12 juin 2018.

18. Dans sa réplique, M. A______ a pris des conclusions formelles. La chambre administrative devait dire que la délibération n° ______ du 12 juin 2018 était infondée, l’annuler et « restituer » M. A______ dans sa qualité de membre du CF. Il avait été contraint de déposer plainte pénale le 24 août 2018 contre MM. D______ et E______, lesquels avaient porté atteinte à sa réputation « professionnelle et publique ».

Il n’avait pas violé ses devoirs en qualité de membre du CF, mais s’était opposé à la proposition faite par le président, pour des motifs importants, d’intérêt public. Il avait essayé de défendre les intérêts des habitants de la commune. Ses dires n’avaient en aucun cas constitué des menaces contre les intérêts de la C______. La commune n’apportait d’ailleurs aucune preuve d’un dommage. Il n’existait aucun motif justifiant sa révocation, raison pour laquelle la délibération du Conseil municipal devait être annulée.

19. Appelée en cause, la C______ a soutenu la détermination de la commune. La révocation prononcée par le Conseil municipal était une mesure adaptée.

20. Dans ses observations finales, la commune a persisté dans ses conclusions.

21. Le 14 février 2019, le recourant a persisté dans ses conclusions.

La transparence ne devait pas nuire au fonctionnement des institutions. Elle permettait de conserver la confiance des électeurs. Avertir les locataires de leur droit à une baisse de loyer n’était pas interdit. Respecter le droit des locataires qui disposaient de peu de moyens financiers était aussi un devoir de la fondation. Les intérêts financiers de la fondation pouvaient être préservés par le fait d’éviter des dépenses démesurées. La décision du CF avait été prise sans être en possession de tous les éléments pertinents sur la situation du locataire, notamment la profession, ses chances de trouver un travail en Suisse, sa réinsertion professionnelle, son revenu déterminant ou son activité actuelle.

Il avait toujours œuvré dans l’intérêt des citoyens, notamment des habitants de la commune. Il n’avait finalement pas entrepris la démarche d’envoyer un courrier aux locataires. Ceux-ci avaient été informés de leur droit par le biais de l’article dans ______. Le communiqué de presse consistait en une information politique afin de rendre compte aux citoyens des activités qui se déroulaient au sein de la C______. En sa qualité de professionnel de l’immobilier, il avait déployé tous les moyens à sa disposition pour respecter les obligations de la C______. Il ne contestait pas que la décision avait été prise de façon démocratique. Elle n’en restait pas moins critiquable. La contestation de l’attribution du logement n’était qu’un prétexte pour l’exclure du CF, compte tenu de ses oppositions répétées et remises en question régulières des dépenses de la C______ et du projet de la construction de la salle de spectacles à G______.

22. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile, le recours est recevable de ce point de vue (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. L’objet du recours consiste dans la délibération n° 1'181 du 12 juin 2018 que le Conseil municipal de la commune a adoptée sur proposition de son bureau. En tant qu’elle révoque M. A______ de son mandat de membre du CF de la C______, cette délibération revêt les caractéristiques d’une décision formatrice au sens de l’art. 4 al. 1 let. a LPA (ATA/714/2013 du 29 octobre 2013 consid. 1).

b. Lorsqu’une délibération d’un conseil municipal fait l’objet d’un recours à la chambre administrative, ce recours est communiqué au Conseil d’État, qui a accès au dossier de la cause. La chambre administrative peut impartir un délai convenable au Conseil d’État pour décider s’il entend annuler la délibération attaquée en application de l’art. 89 de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05 ; art. 100 LAC).

c. À Genève, les communes sont placées sous la surveillance du Conseil d’État qui exerce celle-ci par l’intermédiaire du département chargé de la surveillance des communes (art. 81 al. 4 et 82 al. 1 LAC). Toutes les délibérations d’un conseil municipal doivent être transmises à ce département (art. 88 al. 1 LAC), celles prises dans l’exercice des fonctions énumérées à l’art. 30 LAC étant susceptibles d’annulation par le Conseil d’État (art. 89 et 91 al. 2 et 3 LAC ; ATA/714/2013 du 29 octobre 2013 consid. 1e ; ATA/444/2012 du 30 juillet 2012 consid. 4).

L’art. 30 al. 1 LAC contient une énumération des attributions du conseil municipal sujettes à délibération. Le conseil municipal peut également adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés de portée générale qui régissent les domaines relevant de la compétence des communes (art. 30
al. 2 LAC).

d. En l’espèce, par l’intermédiaire de son département, le Conseil d’État a transmis le courrier du recourant pour raison de compétence à la chambre de céans, considérant implicitement que la délibération n° 1'181 ne comptait pas parmi les fonctions délibératives énumérées à l’art. 30 al. 1 LAC, de telle sorte qu’elle échappait à sa compétence d’annulation. Il n’y a donc aucun risque que des décisions divergentes soient, en l’espèce, rendues.

La chambre administrative est ainsi compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 100
al. 1 LAC).

3. a. Selon l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d’une certaine souplesse s’agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu’elles ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est, en soi, pas un motif d’irrecevabilité, pour autant que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d’une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne déploie pas d’effets juridiques (ATA/123/2019 du 5 février 2019 consid. 2a ; ATA/1251/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2a).

b. En l’espèce, la lettre du 21 juin 2018 du recourant au SSC, transmise pour raison de compétence à la chambre de céans, vaut recours contre la délibération. La volonté de l’intéressé de faire annuler la délibération querellée ressort de cette correspondance.

Le recours est en conséquence en tous points recevable.

4. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du Conseil municipal de révoquer immédiatement le recourant du CF de la C______.

5. Il est créé sous le nom « C______ » une fondation de droit public au sens de la loi sur les fondations de droit public du 15 novembre 1958. Cette fondation est dotée de la personnalité juridique. Elle est placée sous la surveillance du Conseil municipal de la commune de B______ (art. 1 de la loi concernant la constitution de la LCBL du 28 avril 1994 – Prescriptions autonomes 565.00).

6. La C______ a pour but la création, l’administration et la gestion de logements sur la commune de B______ (art. 2 des statuts de la C______ du 28 avril 1994 – Prescriptions autonomes 565.01 – ci-après : les statuts).

Le Conseil municipal de la commune exerce la surveillance de la fondation (art. 7 al. 1 statuts).

La fondation est administrée par un Conseil composé notamment d’un membre par parti politique représenté au Conseil municipal pris non obligatoirement en son sein (art. 10 statuts).

Il est l’organe suprême de la fondation (art. 13 al. 1 statuts). Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour l’accomplissement des buts de la fondation, pour l’administration et la gestion de celle-ci. L’alinéa 2 définit les tâches principales du Conseil.

Les membres du Conseil de fondation sont responsables envers la fondation de la commune des préjudices qu’ils causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leur devoir (art. 16 statuts).

Un membre du Conseil de fondation peut être révoqué en tout temps par l’autorité qui l’a élu, pour de justes motifs, notamment s’il ne participe pas régulièrement, même sans sa faute, aux séances du Conseil de fondation (art. 20 al. 2 statuts).

7. L’interprétation des dispositions statutaires d’une institution de droit public se fait selon les règles applicables à l’interprétation des lois (ATF 133 V 314 consid. 4.1 ; 128 V 116 consid. 3b ; 116 V 218 consid. 2 ; ATA/209/2000 du 4 avril 2000 consid. 5).

Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 138 II 557 consid. 7.1 ; 138 II 105 consid. 5.2 ; 132 V 321 consid. 6 ; 129 V 258 consid. 5.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d’interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 138 II 217 consid. 4.1 p. 224 ; 133 III 175 consid. 3.3.1 p. 178 ; 125 II 206 consid. 4a p. 208/209 ; ATA/422/2008 du 26 août 2008 consid. 7). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités), ou plus généralement au droit supérieur.

Le juge est, en principe, lié par un texte légal clair et sans équivoque. Ce principe n’est cependant pas absolu. En effet, il est possible que la lettre d’une norme ne corresponde pas à son sens véritable. Ainsi, l’autorité qui applique le droit ne peut s’en écarter que s’il existe des motifs sérieux de penser que le texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d’autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1 ; 138 V 445 consid. 5.1 ; 131 I 394 consid. 3.2 ; 131 II 13 consid. 7.1 ; 130 V 479 consid. 5.2 ; 130 V 472 consid. 6.5.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s’écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e ; 117 II 523 consid. 1c).

La chambre de céans revoit librement l’interprétation des notions juridiques indéterminées. Si ces notions font appel à des connaissances spécifiques que l’autorité administrative est mieux à même d’apprécier qu’un tribunal, elle s’impose toutefois une certaine retenue. Lorsqu’il résulte de l’interprétation de la loi que le législateur a voulu, par l’utilisation de notions juridiques indéterminées, conférer à l’autorité de décision une marge de manœuvre, elle limite de même son contrôle à l’excès ou à l’abus de ce pouvoir d’appréciation (ATA/126/2013 du 26 février 2013 consid. 6c ; ATA/513/2009 du 13 octobre 2009 consid. 9 ; voir aussi ATF 132 II 257 consid. 3.2 ; 131 II 13 consid. 3.4).

8. Dans un arrêt du 29 octobre 2013, la chambre de céans a considéré que le fait de changer de parti politique en cours de législature ne constituait pas un juste motif de révocation au sens des statuts concernés qui avaient une teneur identique à ceux du présent litige. Le but qui se dégageait de l’article statutaire, visait à garantir que les membres du CF remplissent correctement leurs tâches. Aucun autre motif tenant à la capacité à exercer correctement son mandat n’ayant été invoqué, la délibération querellée était infondée et a été annulée par la chambre de céans (ATA/714/2013).

Dans un autre arrêt, concernant un établissement de droit public cantonal, la chambre de céans avait retenu qu’accuser un établissement de droit public d’irrégularités ou de malversations pour étayer ses interventions politiques et convaincre son auditoire, alors que l’on désapprouve une décision prise en toute légalité par un organe collégial d’administration auquel l’on appartient, peut justifier à lui seul une révocation tant il contrevient gravement aux devoirs de réserve et de fidélité qu’un administrateur doit à l’institution qu’il représente (ATA/20/2010 consid. 11).

9. En l’espèce, la notion de « justes motifs » de révocation au sens de l’art. 20 al. 2 des statuts constitue une notion juridique indéterminée, sujette à interprétation.

a. Conformément à l’art. 1 des statuts, la C______ est régie par les statuts et le Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Ni ce dernier ni les statuts ne définissent les « justes motifs » de révocation. Les statuts se limitent à en donner un exemple d’application, à savoir ne pas participer régulièrement, même sans sa faute, aux séances du CF (art. 20 al. 2 statuts). Si la révocation d’un membre du conseil de fondation ne suppose donc pas nécessairement un comportement fautif, cet exemple montre que l’aptitude de ce membre à remplir les devoirs de sa charge a, en revanche, été jugée déterminante lors de l’adoption des statuts.

b. L’autorité intimée reproche au recourant d’avoir, d’une part, menacé d’écrire aux locataires de la C______ dans le but de les pousser à demander une baisse de leur loyer si l’attribution d’un logement à une famille de migrants était confirmée et, d’autre part, le fait d’avoir diffusé un communiqué de presse, au nom de son parti politique, dont le contenu était de nature à nuire à l’image de la fondation.

Ces faits ne sont pas contestés par le recourant. Pour le surplus, ils ressortent tant de son courriel du 8 mai 2018, que du procès-verbal de la séance du CF du 17 mai 2018, du courriel du recourant du même jour que du communiqué de presse du 29 mai 2018.

Le recourant ne conteste pas non plus que la décision initialement litigieuse, soit l’octroi de l’appartement à une famille de personnes réfugiées en Suisse, est formellement valable. Il conteste le bien-fondé de la décision et le caractère dénigrant du communiqué de presse.

Il n’est pas nécessaire d’analyser le bien-fondé de la décision du CF compte tenu des considérants qui suivent. S’agissant du caractère dénigrant du communiqué de presse à l’égard de la C______ et de sa gestion, celui-ci ressort notamment dans les accusations selon lesquelles le CF aurait attribué le logement à « un migrant émargeant à l’aide sociale » « sans même connaître le dossier de la personne », « en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal fédéral », « du seul fait de son séjour au centre H______ ».

Le recourant fait partie du CF de la C______, soit l’organe suprême de la fondation (art. 13 al. 1 statuts). Le CF est investi des pouvoirs les plus étendus pour l’accomplissement des buts de la fondation, pour l’administration et la gestion de celle-ci (art. 13 al. 2 statuts). Les décisions du CF sont prises collégialement, conformément à l’art. 17 al. 2 des statuts qui indique que les décisions sont prises à la majorité des membres présents. En sa qualité de membre du CF, le recourant est tenu à des obligations particulières, conformément aux articles qui précèdent. Il ne le conteste pas, relevant lui-même, dans son courrier du 21 juin 2018, qu’il n’avait pas violé son devoir de fidélité et de diligence envers la C______. Contrairement toutefois à ce qu’il soutient, menacer, en sa qualité de membre du CF, à plusieurs reprises, la C______ d’intervenir auprès de ses locataires pour les inciter à entreprendre des démarches à l’encontre de la C______, et procéder à un communiqué de presse dénigrant la politique menée par la fondation, au motif d’un désaccord sur le bien-fondé d’une décision valablement prise par le CF, est à l’évidence contraire aux statuts et aux obligations des membres du CF de veiller aux intérêts de ladite fondation.

Par ailleurs, des procédures de surveillance interne existent si le CF, ou l’un de ses membres, devait commettre des irrégularités dans la gestion de la fondation, par la saisine de son président, voire du Conseil municipal en sa qualité d’autorité de surveillance. De même, une éventuelle saisine de la Cour des comptes reste possible (art. 128 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). La responsabilité des membres du CF serait par ailleurs engagée, à teneur de l’art. 16 des statuts, envers la fondation pour les préjudices causés en manquant, intentionnellement ou par négligence, à leurs devoirs. Enfin, le droit pénal achèverait d’assurer la protection de l’institution contre les personnes qui mettraient en danger ses intérêts patrimoniaux en violant leurs obligations et en enfreignant la loi.

En agissant notamment par la voie du communiqué de presse, le recourant a fait primer son intérêt personnel et politique, ou en tous les cas ses convictions personnelles et politiques, sur ses obligations de membre du CF de la C______, au détriment de cette dernière. Ce faisant, il a gravement violé ses obligations à l’égard de l’entité publique qu’il devait servir.

En conséquence le comportement du recourant à l’égard de la fondation constitue un juste motif de révocation au sens de l’art. 20 des statuts, étant rappelé qu’une seule indisponibilité non fautive constitue déjà, à teneur dudit article, un juste motif de révocation.

10. Enfin, le choix d’une délibération à huis clos a été approuvé par la majorité des membres du conseil municipal conformément à ce qu’exige l’art. 9 du Règlement d’application de la loi sur l’administration des communes du 31 octobre 1984 (RAC - B 6 05.01). Aucun enregistrement n’était en conséquence autorisé (art. 26 LAC).

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

11. Vu son issue, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans, celle-là comptant plus de dix mille habitants (dix mille deux cent soixante-trois habitants à fin septembre 2018 selon le site de la commune : ______consulté le 11 avril 2019) et étant en conséquence réputée disposer de son propre service juridique et ne pas avoir à recourir au service d’un mandataire extérieur (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1531/2017 du 28 novembre 2017 consid. 18). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la C______ qui n’a pas engagé de frais pour sa défense.

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 juin 2018 par Monsieur A______ contre la décision de la commune de B______ du 12 juin 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à Me Laurent Marconi, avocat de la commune de B______, à la C______, appelée en cause, ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Cramer et Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :