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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/789/2008

ATA/43/2011 du 25.01.2011 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/789/2008-FIN ATA/43/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

du 25 janvier 2011

2ème section

dans la cause

 

Monsieur J______ F______
représenté par Monsieur G______ F______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________

Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du 28 janvier 2008



EN FAIT

1. Monsieur J______ F______, de nationalité suisse, a été domicilié en France, dans la commune de Habère-Lullin, jusqu’au 30 novembre 2003, avec son épouse et leurs deux enfants, S______, née le 8 juin 1982 et A______, née le 21 août 1996.

2. Employé en qualité d’ingénieur par l’entreprise X______ S.A. (ci-après : X______ S.A.), il a réalisé en 2003 un revenu de CHF 93’069,80 sur lequel un montant de CHF 9’772,30 a été retenu au titre de l’impôt à la source (taux 10,49 %, selon attestation-quittance du 31 décembre 2003).

3. Le 1er décembre 2003, M. J______ F______ s’est domicilié seul à Genève pour des raisons professionnelles, sans se séparer de son épouse.

4. Le 11 avril 2004, il a demandé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC - GE) la rectification de la retenue à la source effectuée par son employeur en 2003.

5. Par décision du 4 octobre 2004, l’AFC - GE est entrée en matière sur cette demande et a rectifié l’impôt à la source 2003 en défaveur du contribuable.

L’impôt à la source était fixé du 1er janvier au 30 novembre 2003. Aucune charge de famille n’était admise. L’impôt dû était porté à CHF 15’428,50, soit un montant de CHF 5’681,20 en défaveur du contribuable (incluant une taxe personnelle de CHF 25.-).

6. M. J______ F______ a formé réclamation contre cette décision auprès de l’AFC - GE le 1er novembre 2004, en contestant l’absence de prise en compte, dans l’imposition à la source, de déductions admises en imposition ordinaire (2ème pilier, frais de repas et de déplacements, etc.).

7. Le 5 juillet 2004, le contribuable a été taxé en imposition ordinaire pour le mois de décembre 2003.

L’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) dû s’élevait à CHF 206,95 et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) à CHF 27,85, soit un total de CHF 234,80. Les déductions suivantes étaient admises : cotisations sociales salariales, frais professionnels, assurance-maladie pour le chef de famille et les enfants, charges et frais d’entretien d’immeuble, intérêts hypothécaires, frais bancaires, frais médicaux pour le chef de famille et les enfants, assurance-accidents, primes d’assurance-vie et intérêts d’épargne.

8. Le 18 août 2005, l’AFC - GE a statué sur la réclamation du 1er novembre 2004 (concernant l’imposition à la source du 1er janvier au 30 novembre 2003). Elle a réduit l’impôt dû à CHF 8’232,55.

Une pleine charge et une demi-charge de famille étaient accordées pour les enfants. Les autres déductions demandées ne pouvaient être admises.

9. Par acte du 14 septembre 2005, le contribuable a interjeté recours contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts, remplacée par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), elle-même devenue, depuis le 1er janvier 2011, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

La motivation de la décision entreprise ne permettait pas de vérifier la prise en considération des déductions forfaitaires (frais de déplacements et de repas, notamment) et, partant, le bien-fondé des revenus imposables. La taxation à la source 2003 était trois fois supérieure à celle effectuée, sur la base des mêmes revenus, à celle de l’imposition ordinaire du mois de décembre 2003, annualisée.

A partir du 1er décembre 2003, il souhaitait se voir reconnaître un « domicile alternant » du fait des liens qu’il conservait avec sa famille et ne pas être traité plus défavorablement que les contribuables « fiscalement » domiciliés à Genève, mais qui ne disposaient dans ce canton que d'une « boîte aux lettres ».

10. Par décision du 28 janvier 2008, la commission a déclaré irrecevable la conclusion relative à la reconnaissance d’un domicile alternant et rejeté le recours pour le surplus.

La taxation litigieuse était conforme à la convention entre la Confédération suisse et la République française du 9 septembre 1966 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ci-après : CDI ou la convention - RS 0.672.934.91). La différence d’imposition entre la taxation ordinaire et celle effectuée à la source trouvait son fondement dans les particularités de ces deux régimes d'imposition et ne violait ni le principe de l’égalité de traitement, ni celui de l'interdiction de l’arbitraire.

11. Par acte du 6 mars 2008 posté le 10, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative), sous la plume de Monsieur G______ F______, expert-comptable de profession (ci-après : le mandataire de M. J______ F______).

a. A titre principal, il conclut à l’annulation de « cinq décisions prises par la commission cantonale de recours dans sa séance du 28 janvier 2008 ». En outre, il prend les conclusions suivantes, par ordre de subsidiarité :

- « Ordonner à l’AFC d’adresser une nouvelle déclaration fiscale 2003 au contribuable, en vue d’une taxation ordinaire de la famille du contribuable, à retourner remplie et signée dans les trente jours ;

- renoncer à exiger le retour du « questionnaire servant à déterminer le domicile fiscal des époux vivant séparés… » ;

- porter en déduction de la taxation ordinaire et annuelle 2003, les montants payés […] ainsi que l’impôt à la source selon l’attestation de quittance 2003 ;

- accepter les deux domiciles alternants de la famille de J______ F______ : à Genève en raison de son rattachement économique et à Habère-Lullin, France, où il se rend quotidiennement avec sa famille ;

- annuler l’ensemble des émoluments mis à la charge du contribuable ».

Enfin, le contribuable demande que lui soit allouée une indemnité « maximale » de CHF 10’000.-.

b. Suit une argumentation extrêmement confuse, d’où l’on peut extraire les éléments suivants :

En annualisant l’impôt fixé pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2003 (CHF 8’232,55), l’on parvenait à un impôt à la source de CHF 8’981.-. En effectuant la même démarche pour l’imposition ordinaire de décembre 2003, on arrivait à un total de CHF 2’817,60, soit une différence entre les deux modes d’imposition, pour la même année et les mêmes revenus, de CHF 6’163,40. L’impôt à la source était donc trois fois supérieur à celui fixé sur la base d’un régime d’imposition ordinaire. A cela venaient s’ajouter les impôts français perçus en application de la CDI, prélevés sur les revenus de l’épouse du contribuable, et les revenus immobiliers 2003, soit un impôt de € 578.-.

Cette différence d’imposition découlait du fait qu’un nombre considérable de déductions prises en compte dans le cadre de l’imposition ordinaire n’était pas admis dans l’imposition à la source.

Par ailleurs, depuis le 1er décembre 2003, l’AFC - GE considérait que l’état civil du contribuable était « séparé », ce qui ne correspondait pas à sa situation maritale.

12. L’AFC - GE a répondu le 15 avril 2008 et conclu au rejet du recours.

Elle ne contestait pas le calcul opéré par le contribuable.

Bien que des différences d'imposition puissent être parfois constatées entre les deux régimes d’imposition, le système de l’imposition à la source genevois, fondé sur des déductions forfaitaires intégrées dans le calcul du taux d’imposition, ne violait pas l’interdiction de discrimination entre résidents et non-résidents garantie par les accords internationaux conclus par la Suisse (Accord entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 - ALCP, RS 0.142.112.681 - et CDI). Il était également compatible avec la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (ci-après : CJCE) rendue avant l’entrée en vigueur de l’ALCP. Quant à la jurisprudence postérieure, elle n’était pas applicable, le comité mixte n’en ayant pas encore déterminé les implications (art. 16 § 2, 2ème phr. ALCP).

13. Par arrêt du 1er décembre 2009, le Tribunal administratif a admis le recours (ATA/633/2009).

Le recourant était valablement représenté par son frère, qui était considéré comme un mandataire professionnellement qualifié.

Les conclusions concernant la détermination du « domicile fiscal des époux vivant séparés » et celles d'un domicile « alternant » étaient irrecevables.

Par le seul fait du changement de résidence, soit sans qu’aucun autre élément n’ait changé dans la situation matrimoniale et patrimoniale du contribuable, l’impôt calculé sur la base du régime de l’imposition à la source était plus de trois fois supérieur à celui calculé sur la base de l’imposition ordinaire. Ce résultat était choquant et violait le principe de l’interdiction de l’arbitraire.

14. L’AFC - GE a recouru auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt par acte du 1er février 2010.

Les taxations 2003 mises en comparaison ne se fondaient pas sur les mêmes revenus. L’imposition à la source du 1er janvier au 30 novembre 2003 était basée sur une attestation-quittance de l’employeur faisant état d'un revenu 2003 de CHF 93'069,80 alors que l’imposition ordinaire effectuée pour la période du 1er au 31 décembre 2003 s’était fondée sur un revenu 2003 déclaré par le contribuable de CHF 76'721.-.

En prenant comme base le revenu de CHF 93'069,80, l’imposition ordinaire du mois de décembre 2003, annualisée, aurait conduit à un impôt total de CHF 8'498,40 (708,20 pour un mois, au lieu des CHF 209,90 imposés pour le mois de décembre 2003). La différence entre les deux modes d'imposition n’était ainsi que de CHF 482,55 (CHF 8'980,95 - CHF 8'498,40).

15. Le 30 juin 2010, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC - CH) a soutenu les conclusions de l’AFC - GE devant le Tribunal fédéral, en développant les mêmes arguments.

16. Après que M. J______ F______ ait déclaré « ne pas pouvoir s'opposer à ce recours », le Tribunal fédéral a admis celui-ci et renvoyé la cause au Tribunal administratif pour instruction et nouvelle décision (Arrêt du Tribunal fédéral 2C.108/2010 du 18 août 2010).

Le Tribunal administratif avait établi les faits de manière inexacte. Il n’avait pas tenu compte du fait que les deux types d'imposition à la comparaison desquels il avait procédé se fondaient sur des revenus divergents. Avant de comparer ces deux modes d'imposition, il aurait dû déterminer lequel des deux montants avait été retenu à tort.

17. Le 11 octobre 2010, le juge-délégué a prié X______ S.A. de lui faire parvenir le certificat de salaire attestant des revenus réalisés par M. J______ F______ en 2003.

18. Le 20 octobre 2010, X______ S.A. a transmis au Tribunal administratif une copie du certificat de salaire 2003 attestant d’un revenu brut total de CHF 90'670.-, réalisé par le contribuable entre le 1er janvier et le 31 décembre 2003, ainsi qu’une copie de l’attestation-quittance 2003, mentionnant un revenu brut total de CHF 93'069,80.

19. Le 23 novembre 2010, le mandataire de M. J______ F______ a informé le Tribunal administratif qu’il était hospitalisé et sollicitait un délai pour se prononcer sur le fond et les documents produits.

20. Le 24 novembre 2010, le juge-délégué a accordé au mandataire de M. J______ F______ un délai au 30 novembre 2010 pour répondre à sa demande du 5 novembre 2010.

21. Le 29 novembre 2010, l’AFC - GE a déposé ses observations.

Les documents déposés par X______ S.A. attestaient d'un salaire 2003 de CHF 90'670.-. La différence de CHF 2'400.- entre le revenu brut déclaré dans l’attestation-quittance 2003 (CHF 93'069,80) d’une part, et dans le certificat de salaire 2003 d’autre part (CHF 90'670.-), provenait des allocations familiales perçues par le contribuable en 2003.

La taxation ordinaire effectuée pour décembre 2003 tenait compte d'un revenu 2003 de CHF 76'721.- déclaré par le contribuable le 11 avril 2004. Ce revenu était erroné. Pour déterminer si les deux modes d'imposition (ordinaire et à la source) conduisaient ou non à une différence insoutenable, il convenait de procéder à une simulation, soit de faire comme si le salaire réel de CHF 90'670.- avait été déclaré.

22. M. J______ F______ s'est déterminé le 15 décembre 2010.

Il avait examiné les documents fournis par X______ S.A. et n’en contestait pas le contenu. Il observait, sans prendre de conclusions à ce sujet, l’absence de concordance des revenus indiqués dans les documents fournis par X______ S.A.

Il avait dépensé CHF 1'300.- de frais pour cette cause et ne souhaitait pas engager de dépenses supplémentaires. Il lui importait cependant qu’un contribuable ne soit pas imposé à la source plus sévèrement que selon un mode d'imposition ordinaire.

23. Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant l’autorité alors compétente, le recours est recevable (art. 63 al. 1er let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010).

3. Le litige ne porte que sur la validité de la taxation à la source effectuée par l’AFC - GE pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2003.

Les autres points tranchés par le Tribunal administratif dans son arrêt du 1er décembre 2009, non contestés par les parties, ne seront pas rediscutés.

4. Le recourant considère que le système de l’imposition à la source, tel qu’il est pratiqué à Genève, discrimine les frontaliers par rapport aux résidents genevois, d’une manière qui violerait l'interdiction de discrimination garantie par les accords internationaux et la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

5. Selon l’art. 7 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994 (LISP - D 3 20), les travailleurs qui, sans être domiciliés ni en séjour en Suisse, exercent une activité lucrative dépendante, sont soumis à l’impôt à la source sur le revenu de leur activité conformément aux art. 2 à 4.

L’impôt est calculé sur le revenu brut (art. 2 al. 1er LISP). 

Sont imposables tous les revenus provenant d’une activité pour le compte d’autrui, y compris les revenus accessoires tels que les indemnités pour prestations spéciales, les commissions, les allocations, les primes pour ancienneté de service, les pourboires et autres avantages appréciables en argent, de même que les revenus acquis en compensation tels que les indemnités journalières des assurances-maladie, d’assurances contre les accidents ou de l’assurance-chômage (art. 2 al. 2 LISP).

6. Le système de l’impôt à la source est ancré aux art. 83 et ss de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) pour l’IFD et aux art. 32 et ss de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) (en relation avec l'art. 36 al. 1er let. a LHID), 1 et ss LISP et 1 et ss du règlement d’application de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 12 décembre 1994 (RISP - D 3 20.01). Il a pour fonction de se substituer aux impôts fédéral, cantonal et communal perçus selon la procédure ordinaire (art. 32 al. 1er LHID, 17 LISP). Le barème des retenues est établi d’après les taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (art. 85 LIFD, 33 al. 1er LHID et 3 al. 1er LISP). Selon l’art. 86 LIFD, le barème tient compte des frais professionnels (art. 26), des primes et cotisations d'assurances (art. 33 al. 1er let. d [AVS, AI, prévoyance professionnelle], f [chômage et accident obligatoire] et g [vie, maladie et accident] LIFD) sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille du contribuable. La déduction des cotisations périodiques versées en vue de l’acquisition des droits aux prestations dans le cadre de la prévoyance professionnelle (2ème pilier) est ainsi comprise dans le forfait (art. 86 al. 1er LIFD, 33 al. 3 LHID et 4 al. 1er LISP). Sur demande du contribuable (art. 23 LISP), l’administration fiscale cantonale admet, comme déduction supplémentaire au forfait, les versements à une institution de prévoyance professionnelle pour le rachat d’années d’assurance et la finance d’entrée, ainsi qu’à une institution reconnue de prévoyance individuelle liée, au sens et dans les limites admises par le droit fédéral en matière de prévoyance et par l’ancienne loi sur l’imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l’impôt et rabais d’impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V - D 3 16) (3ème pilier A), les pensions alimentaires et les contributions d’entretien au sens de l’art. 5 aLIPP-V, ainsi que les frais de garde au sens et dans les limites admises par l’art. 7 aLIPP-V (art. 4 RISP et 2 let. b aLIPP-V).

7. Selon l’art. 2 ALCP, les ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne doivent pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, être discriminés en raison de leur nationalité. L’art. 26 al. 1er CDI dispose pour sa part que les nationaux d’un Etat contractant ne sont soumis dans l’autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation. Enfin, selon l’art. 8 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine ou de son mode de vie.

8. Bien qu’il soit de nationalité suisse, le recourant peut se plaindre d’une violation du principe de non-discrimination contre son Etat d'origine (Arrêt de la Cour de justice des communautés européennes [ci-après : ACJCE] ACJCE Gilly du 12 mai 1998 § 21 et 22, aff. C-336/96 ; Asscher du 27 juin 1996 § 32, aff. C-107-94 ; ATA/152/2009 du 24 mars 2009 consid. 21).

9. Sur la portée matérielle qu’il convient de donner au principe de non-discrimination en droit fiscal interne, le recourant se prévaut de la jurisprudence rendue en la matière par la CJCE, ainsi que des directives et recommandations européennes. Il prétend que ces sources sont directement applicables en droit suisse. C’est méconnaître les engagements pris par la Suisse dans le cadre de ces accords, qui ne sont que sectoriels, sont pourvus de mécanismes de régulation propres et ne consacrent pas une participation pleine et entière au marché intérieur de la Communauté européenne (ATF 130 II 113 consid. 6.1. p. 120 ; Message du Conseil fédéral du 23 juin 1999 relatif à l’approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la Communauté européenne, FF 1999 p. 5440 ss, 5473 ; R. BIEBER, Quelques remarques à l’occasion de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux Suisse-CE, in Mélanges en l’honneur de B. DUTOIT, Genève 2002, p. 13 ss, 14).

Selon le Tribunal fédéral, lorsqu’il est amené à interpréter l’ALCP, le juge suisse doit tenir compte du fait que la plupart des arrêts de la CJCE sont rendus dans le cadre d’une procédure spéciale dite de renvoi préjudiciel (ATF 130 II 113 consid. 6.1. p. 120). Cette procédure comporte en effet des propriétés qui ne sont pas sans conséquences pour apprécier la portée de cette jurisprudence dans l’ordre juridique suisse. En particulier, le renvoi préjudiciel est un instrument de coopération judiciaire qui vise à assurer une application uniforme du droit communautaire sans porter atteinte à l’autonomie dont jouissent les juridictions nationales : la CJCE se limite à répondre aux questions d’interprétation du droit communautaire que lui adressent les juges nationaux, tandis que ces derniers restent seuls à statuer sur le fond en tenant compte des circonstances de fait et de droit des affaires dont ils sont saisis (cf. arrêt de la CJCE du 18 octobre 1990, Dzodzi, aff. jointes C-297/88 et C-197/89, Rec. 1990, p. I-3763, points 31 ss ; J.-P. JACQUÉ, Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris 2001, n. 1090/1091 et les références citées). Cette répartition des rôles a notamment pour effet que la CJCE s’abstient généralement d'examiner des questions qui relèvent de l’appréciation du juge national, tels les faits ou leur exactitude ; elle veille également à rester dans le cadre de la demande et évite d'aborder une question que le juge national n’a pas posée ou a refusé de poser (J.-P. JACQUÉ, op. cit., n. 1101). Si ce dernier désire poser une nouvelle question de droit ou soumettre des éléments nouveaux, ou s’il se heurte à des difficultés de compréhension ou d’interprétation d’un arrêt, il peut saisir à nouveau la CJCE ; il y est même tenu lorsqu’il statue en dernier ressort (ATF 130 II 113 consid. 6.1. p. 120).

Un tel mécanisme de coopération judiciaire n’existe pas entre la Suisse et la Communauté européenne et ses Etats membres. Confronté à un problème d’interprétation, le juge suisse n’a donc ni l'obligation, ni même la possibilité, de se référer à la CJCE, mais doit le résoudre seul, en se conformant aux règles d’interprétation habituelles déduites de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV - RS 0.111 ; ATF 113 II 113 consid. 6.1. p. 120). L’art. 31 § 1 CV prescrit que les traités doivent s’interpréter de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (cf. F. FILLIEZ, Application des accords sectoriels par les juridictions suisses : quelques repères, in D. FELDER/C. KADDOUS [éd.], Bilaterale Abkommen Schweiz-EU, 2001, p. 183 ss, 201 ss).

Il résulte de ce qui précède que les arrêts de la CJCE fondés sur des notions ou des considérations dépassant le cadre relativement étroit des accords sectoriels ne sauraient donc, sans autre examen, être transposés dans l’ordre juridique suisse et que les engagements pris par la Suisse en matière de non-discrimination doivent être interprétés.

Il convient donc, en l’espèce, d'examiner si le critère de la résidence peut justifier une inégalité de traitement entre les contribuables imposés en Suisse, sans violer ces engagements.

10. Ce critère de différenciation des situations est expressément prévu dans l’ALCP. En effet, si à son art. 9 § 2, l’annexe I ALCP prévoit que les travailleurs salariés et les membres de sa famille bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille, l’art. 21 § 2 ALCP intitulé « relation avec les accords bilatéraux en matière de double imposition », prévoit qu’aucune disposition de l'accord ne peut être interprétée de manière à empêcher les parties contractantes d’établir une distinction dans l’application des dispositions pertinentes de leur législation fiscale entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans des situations comparables, « en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence ». Cette dernière disposition indique clairement que l’art. 9 § 2 de l'annexe I ne vise pas les frontaliers, mais les étrangers résidant à Genève, et que ceux-là peuvent être traités différemment.

S’agissant de la portée de l'art. 26 CDI, le point VI du protocole additionnel de cette convention indique : « il est entendu qu’une personne physique […] qui est résident[e] d’un Etat contractant ne se trouve pas dans la même situation qu’une personne physique […] qui n’est pas résident[e] de cet Etat […] ».

Par ailleurs, le modèle de convention fiscale élaboré par l’organisation de coopération et de développement économiques (ci-après : OCDE), qui a servi de base à la rédaction de la CDI, commente la disposition interdisant expressément toute discrimination de la manière suivante :

« La disposition qui concerne la non-discrimination [art. 24 du modèle ; art. 26 CDI] est généralement insérée dans l'ensemble des accords fiscaux conformément au modèle OCDE. Elle pose le principe selon lequel les discriminations fondées sur la nationalité sont interdites. Les nationaux d’un Etat ne peuvent pas être traités moins favorablement dans l’autre Etat contractant. Pour bénéficier de cette clause, nationaux et non-nationaux doivent se trouver dans une situation égale « notamment au regard de la résidence ». Par conséquent, des avantages fiscaux (déductions personnelles, réduction d'impôts en fonction des charges de famille) que la législation nationale réserve aux résidents ne peuvent pas être revendiqués, sur cette base par le non-résident, même s'il se trouve, pour le reste, dans une situation comparable à celle d'un résident ».

Il résulte de cet examen que le principe d'un traitement différencié des contribuables résidents et non-résidents a été expressément envisagé et accepté par les parties à ces accords. Celui-ci n’est ainsi pas contraire aux engagements internationaux pris par la Suisse.

11. Le Tribunal fédéral a confirmé à plusieurs reprises que, d’un point de vue global, le système de l’impôt à la source ne violait pas ce principe. Il a comparé l’imposition ordinaire à du « sur mesure », par rapport à l’impôt à la source, qui habillait « en confection » en se fondant sur des moyennes. La charge fiscale pouvait ainsi être plus lourde que celle d’un contribuable ordinaire sans pour autant violer le principe de l'égalité de traitement (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.145/1999 du 31 janvier 2000). Des considérations identiques ont justifié la schématisation des barèmes appliqués dans le calcul de la valeur locative des immeubles, qui conduisait également à des inégalités de traitement. Selon notre Haute Cour, un tel résultat était inévitable pour des raisons pratiques touchant également à l’économie de la taxation ; dans une certaine mesure, ce désavantage était acceptable, même si, par là, une égalité de traitement ne pouvait pas être entièrement garantie (ATF 2P.279/1999 du 3 novembre 2000, publié in Revue fiscale 2001 [56] p. 414). Ce résultat est encore renforcé par le fait que l’impôt à la source permet la constitution de sûretés visant à garantir le paiement de l’impôt par des personnes domiciliées à l'étranger.

12. Cette compatibilité de principe n’autorise toutefois pas le canton de Genève à appliquer n'importe quels barèmes et taux aux frontaliers pour le seul motif qu'ils ne sont pas résidents. En effet, les distinctions doivent se fonder sur des motifs raisonnables au regard de la situation de fait à réglementer et ne pas être arbitraires (ATF 118 Ia 1 consid. 3 p. 2-3 et arrêts cités ; ATA/214/2008 du 6 mai 2008 ; ATA/530/2007 du 16 octobre 2007).

13. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D.30/2008 du 21 mai 2008 consid. 5.1). L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée ; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C 171/2008 du 20 juin 2008 consid. 3.1 et les arrêts cités ; ATA/381/2008 du 29 juillet 2008 consid. 4a). Appelé à examiner le caractère arbitraire d’une décision, le Tribunal administratif suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/344/2008 du 24 juin 2008 consid. 6a).

14. Dans un arrêt du 24 mars 2009 (ATA/152/2009), le Tribunal administratif a admis que ne constituait pas une décision arbitraire une taxation conduisant à un impôt à la source une fois et demie supérieur à celui calculé sur la base du régime de l’imposition ordinaire. La schématisation du système de l’imposition à la source (et en particulier les déductions forfaitaires) pouvait entraîner, en raison de la présence, dans certains cas, de facteurs défavorisants, des différences importantes qui demeuraient néanmoins admissibles.

15. En l’espèce, la taxation du contribuable du mois de décembre 2003 (régime d’imposition ordinaire) a été de CHF 234,80. Annualisé, ce montant conduit à un impôt total (ICC et IFD) 2003 de CHF 2'817,60. Pour les mois de janvier à novembre de la même année, la taxation fondée sur le régime de l’impôt à la source a été de CHF 8'232,55. Annualisé, ce montant conduit à un impôt 2003 de CHF 8'981.-.

16. Cette différence n’est toutefois pas due au régime d'imposition : taxation ordinaire, d'une part, et taxation à la source, d’autre part. Elle s'explique par l’absence de concordance des déclarations de salaire produites, l’une par le contribuable (imposition ordinaire), et l’autre par l’employeur (imposition à la source).

En effet, la taxation du contribuable du 5 juillet 2004 visant le mois de décembre 2003 (régime d’imposition ordinaire) et portant l’impôt à CHF 234,80 a été établie sur la base d'un revenu annuel brut 2003 déclaré par l'intéressé de CHF 76'716.- (cf. bordereau de taxation du 5 juillet 2004) ; celle effectuée à la source du 1er janvier au 30 novembre 2003 a été établie sur la base d'un revenu annuel brut 2003 déclaré par l’employeur de CHF 93'069,80.- (ramené pour la taxation à onze mois ; cf. bordereau de taxation rectifié du 18 août 2005).

17. Il résulte de la simulation produite par l’AFC - GE, dont le recourant ne conteste pas le résultat, qu'en prenant comme base fictive dans le calcul de l'imposition ordinaire, le revenu annuel brut déclaré par l'employeur de CHF 93'069,80.-, allocations familiales incluses, la différence d'imposition n’aurait été que de CHF 482,55.

Une différence de cette nature ne viole ni le principe de l’égalité de traitement, ni l’interdiction de l'arbitraire, ainsi que la jurisprudence du Tribunal administratif l’a établi (ATA/52/2009 précité).

Les griefs du recourant sur ce point doivent donc être écartés.

18. Enfin, l’exactitude du montant de CHF 93'069,80.- retenu comme revenu imposable dans la taxation litigieuse (en lieu et place de celui de CHF 76'716.- déclaré par le contribuable dans le cadre de l’imposition ordinaire) a été confirmée par X______ S.A. dans les deux attestations (attestation-quittance 2003 et certificat de salaire 2003) envoyées par cette entreprise au Tribunal administratif le 20 octobre 2010.

La décision attaquée, qui confirme ladite taxation, est ainsi entièrement conforme à la loi.

19. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

20. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 10 mars 2008 par Monsieur J______ F______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 28 janvier 2008 ;

met à la charge de Monsieur J______ F______ un émolument de CHF 2'000.- ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur G______ F______, mandataire de Monsieur J______ F______, au Tribunal administratif de première instance, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu'à l’administration fédérale des contributions, pour information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :