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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/559/2002

ATA/43/2003 du 21.01.2003 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : FIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 21 janvier 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

 

et

 

Monsieur B. F.

représenté par Monsieur X.

 



EN FAIT

 

1. le 5 juillet 1995, Monsieur B. F. a acquis un immeuble sis sur la commune de C.

 

2. Il l'a revendu le 19 avril 1999 et a indiqué le 7 décembre suivant, sur une formule de déclaration fiscale relative à l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers, qu'il en avait subi une perte de CHF 143'503,10, selon le calcul suivant:

 

- valeur d'aliénation: CHF 1'400'000.-

 

diminuée de:

 

- valeur d'acquisition: CHF 1'200'000.-

 

- impenses: CHF 292'659,40

 

- frais de notaire: CHF 50'848,70

 

3. L'administration fiscale cantonale (ci-après: AFC) lui a envoyé le 14 décembre 1999 un bordereau d'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers au montant de CHF 60'800.-, calculé sur un gain imposable de CHF 152'000.- au taux de 40%.

 

4. Le 17 octobre 2000, l'AFC a écarté la réclamation déposée par M. F. à l'encontre de ce bordereau, en précisant qu'elle avait écarté les impenses du calcul susmentionné au motif que ces dernières n'avaient pas été annoncées à l'AFC dans les délais légaux et qu'elles ne pouvaient donc plus être prises en compte sur le plan fiscal.

5. M. F. a recouru contre cette décision le 6 novembre 2000 auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts, en concluant à ce que les impenses soient intégrées dans le calcul du bénéfice de la vente.

 

Il a exposé que l'immeuble n'était pas achevé lorsqu'il l'avait acquis et qu'il avait encore dû y faire exécuter des travaux pour un montant de CHF 292'659,40. Ces derniers avaient fait l'objet d'une autorisation de construire du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL), de sorte que l'administration avait été informée des travaux effectués.

 

6. Le 16 mai 2002, la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après: CCRI) a partiellement admis le recours, renvoyant le dossier à l'AFC pour nouvelle taxation. L'information qu'il convenait de donner à l'AFC lorsque l'exécution de travaux augmentaient la valeur d'un immeuble, avait pour but de soumettre le contribuable à un un impôt adapté à cette nouvelle valeur, mais n'impliquait pas, à teneur de la loi, que soient en outre écartées les dépenses relatives aux travaux non déclarés, lors du calcul du bénéfice résultant de la vente de l'immeuble. Cela étant, il convenait que l'AFC détermine en l'espèce quels étaient les travaux qui avaient apporté une plus-value à l'immeuble.

 

7. Le 17 juin 2002, l'AFC a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, en concluant à ce qu'elle soit annulée. En substance, l'historique de la LCP permettait d'affirmer que la possibilité de déduire, lors de la vente d'un immeuble, les dépenses faites pour des travaux à plus-value, était conditionnée par l'annonce à l'AFC de ces travaux dans un délai que M. F. n'avait en l'espèce pas respecté.

 

8. Le 27 septembre 2002, M. F., représenté par Monsieur J. B., expert comptable, a informé le tribunal de céans qu'il n'avait rien à ajouter à ses écritures. Il n'a pris aucune conclusion.

 

9. Le 30 septembre 2002, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. a. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

b. Sur le vu des écritures de l'intimé, la question pourrait se poser de savoir si M. J. B. peut être considéré comme un mandataire professionnellement qualifié au sens de la jurisprudence du tribunal de céans, question qui doit être résolue au cas par cas (ATA B. du 14 décembre 1999). La question peut cependant rester ouverte, dès lors que la qualité des écritures est sans incidence, le recours devant être rejeté.

 

2. Plusieurs lois fiscales cantonales adoptées en application de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001 et ont abrogé dès cette date un grand nombre de dispositions de la LCP. Celles-ci restent cependant applicables, notamment quant à l'imposition des personnes physiques, pour les périodes fiscales antérieures à l'année 2001 (art. 6 al. 1 de la loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 - LITPP-II - D 3 12).

 

Le présent litige est donc soumis à la LCP dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2001 (ci-après: aLCP pour ce qui concerne les dispositions légales abrogées dès cette date).

 

3. a. Selon l'article 53 alinéa 1 aLCP, tout propriétaire qui, par des travaux quelconques, augmentait la valeur d'un bâtiment ou d'une propriété, était tenu de faire au département des finances, dans les douze mois suivant l'achèvement des travaux, une déclaration indiquant la nature, l'importance et la valeur des modifications ou des nouvelles constructions. Le propriétaire qui n'avait pas fait cette déclaration dans le délai prescrit était passible d'une amende pouvant s'élever à trois fois l'impôt auquel l'augmentation de valeur donnait lieu (art. 53 al. 2 aLCP).

 

Dans le cadre de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (titre II LCP), l'article 82 alinéa 1 LCP prévoit depuis 1994 que le bénéfice ou gain imposable est constitué par la différence entre la valeur d'aliénation et la valeur d'acquisition. La valeur d'acquisition est égale au prix payé pour l'acquisition du bien, augmentée des impenses, ou, à défaut de prix, à sa valeur vénale (art. 82 al. 2 LCP). Les impenses sont notamment les dépenses qui ont augmenté la valeur de l'immeuble (art. 82 al. 8 LCP).

 

Comme le relève la recourante, l'article 82 LCP avait précédemment une teneur différente, prévoyant que devaient être ajoutés à la valeur d'acquisition les travaux ayant eu "pour effet d'augmenter la valeur de l'immeuble, pour autant qu'ils aient fait l'objet d'une déclaration selon l'article 53 dans les délais prescrits" (art. 82 al. 4 let. a LCP selon loi du 13 novembre 1986).

 

Cette disposition-ci a été à nouveau soumise à l'examen du Grand Conseil en 1991. Le projet de loi maintenait toutefois, dans un nouvel article 82 alinéa 7 lettre b LCP, la condition de la déclaration selon l'article 53 aLCP (Mémorial du Grand Conseil 1991 p. 4121). Au terme des travaux en commission fiscale, le projet était inchangé sur ce point (sur le plan formel, il se trouvait alors à l'article 82 alinéa 8 lettre b LCP; cf. Mémorial 1993 p. 2756). Cependant, le Grand Conseil décida de renvoyer une nouvelle fois le projet à la commission fiscale, considérant en substance que la révision de la loi tenait insuffisamment compte des intérêts du secteur immobilier (Mémorial 1994 p. 2507). Le second rapport de la commission fiscale indiquait simplement que l'article 82 alinéa 8 du projet, tel qu'issu du premier renvoi en commission, était supprimé. Aucune précision n'était apportée au sujet de cette modification, qui impliquait la disparition d'une liste exemplative de plusieurs types de frais permettant fiscalement de réduire le bénéfice de la vente (Mémorial 1994 p. 2511). L'article 82 LCP a dès lors été adopté le 23 juin 1994 dans la teneur qu'il a conservée depuis.

 

Il est difficile de dire si cette ultime modification est le fruit d'une inadvertance ou plutôt d'une volonté délibérée de permettre la déduction de dépenses qui n'auraient pas fait l'objet de la déclaration prévue à l'article 53 aLCP. La recourante soutient la thèse de l'indavertance en considérant que la règle contenue à l'article 82 alinéa 4 lettre a LCP, dans sa version du 13 novembre 1986, devait subsister car elle était logique: elle ne permettait de déduction des coûts des travaux que si ceux-ci avaient précédemment pu être pris en compte sur le plan fiscal en tant que plus-value. Cependant, l'exposé des motifs à l'appui de l'introduction de cette règle admet que la question n'était pas sans susciter des controverses (Mémorial 1984 p. 3633), ce qui démontre que l'inadvertance n'est pas la seule explication possible de la disparition de cette règle une dizaine d'années plus tard.

 

b. Dans un cadre tout à fait différent, le Tribunal administratif s'est déjà trouvé confronté à un problème similaire à celui qui se pose en l'espèce, soit la disparition inexpliquée, durant les travaux législatifs, d'une condition légale qui aurait "logiquement" dû accompagner la révision de la loi et renforcer l'application de cette dernière. Malgré le fait que cette disparition entraînait au contraire un affaiblissement de la loi par rapport à sa teneur précédente, la juridiction de céans s'en est alors tenue à l'application stricte du nouveau texte légal (ATA A. du 16 mai 2000).

 

La recourante suggère que le Tribunal administratif comble en l'espèce une lacune de la loi, réintroduisant à l'article 82 alinéa 8 LCP, par voie d'interprétation, la condition de la déclaration des travaux selon l'article 53 aLCP. De manière générale, la doctrine distingue les lacunes proprement dites et improprement dites de la loi. Les premières sont les silences non voulus par le législateur, qui rendent la loi inapplicable ou qui engendrent des résultats contraires à sa systématique ou à ses objectifs. Les secondes sont les silences de la loi sur des points qui en rendent l'application insatisfaisante. Ces dernières ne permettent pas au juge de se substituer au législateur (ATF 128 I 34 consid. 3b p. 42; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. I, 2ème éd., Berne 1994, pp. 154-155). En l'occurrence, on ne saurait parler de lacune proprement dite de la loi dans la mesure où celle-ci est applicable sans qu'il en résulte une contradiction organique.

 

L'application littérale de l'article 82 LCP conduit à la solution retenue par la commission de recours, pour les mêmes motifs.

 

4. a. Le recours sera par conséquent rejeté et la cause renvoyée à la recourante. Celle-ci devra calculer le bénéfice issu de la vente immobilière en déduisant le coût des travaux qui ont apporté une plus-value à l'immeuble.

 

b. Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument.

 

c. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l'intimé, celui-ci n'y ayant pas conclu.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 17 juin 2002 par l'administration fiscale cantonale contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 16 mai 2002;

 

au fond :

 

le rejette;

 

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité;

 

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Monsieur J. B., représentant de Monsieur B. F., ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci