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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/997/2004

ATA/397/2005 du 31.05.2005 ( CM ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/997/2004-CM ATA/397/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 mai 2005

dans la cause

 

Monsieur X.__________

contre

VILLE DE CAROUGE
représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat


 


1. Monsieur X.__________, né en 1952 et domicilié en France est fonctionnaire à la Ville de Carouge. Il y travaille en qualité de jardinier depuis 1982.

2. Le 3 juin 2002, le chef du secteur « parcs et promenades » et le chef du secteur « voirie et nettoiement » du service travaux/voirie de la commune ont adressé une note au secrétaire général de cette dernière dont il résulte que M. X.__________ avait demandé à une de leurs employées, Mme A.__________, que trois caisses de fleurs faisant partie des suppléments achetés par la commune soient livrées à la mère de cette dernière. Celle-ci, en larmes et tremblante, avait indiqué qu’elle ne viendrait pas travailler ce jour-là.

3. Le 4 juin 2002, le Conseil Administratif a ordonné à M. X.__________ de cesser ses activités pendant quinze jours, à titre de mesure d’urgence.

Malgré les avertissements qui lui avaient été adressés, son comportement à l’égard de Mme A.__________ ne s’était pas amélioré et le planning de cette dernière avait dû être aménagé afin qu’elle n’ait pas à travailler avec M. X.__________.

4. Par courrier du 21 juin 2002, la Ville de Carouge a pris acte du fait que M. X.__________ avait repris le travail. Il a été informé qu’aucun fait de nature à porter atteinte à l’équilibre physique ou moral de Mme A.__________ ne serait toléré. De plus, il était déchargé de toute responsabilité pour les visites guidées, vu la difficulté de ses rapports avec Mme A.__________ et l’attitude qu’il avait adoptée à l’égard du conservateur du musée de Carouge et de Mme B.__________, juriste à la Ville de Carouge.

5. Par note du 16 juin 2003, adressée au secrétaire général de la commune, le chef du service « maintenance, voirie, environnement » et le chef du secteur « espaces verts et environnement » ont évoqué la situation de M. X.__________.

Stigmatisant son attitude négative et destructrice, ils ont exposé qu’un nouveau chef du secteur « espaces verts et environnement », M. C.__________, était entré en fonction le 1er janvier 2003. Or, pendant les premiers mois de l’année, alors que M. X.__________ était absent pour cause de maladie, le service avait fonctionné sereinement. M. X.__________ avait repris le travail le 28 avril 2003 et avec lui était réapparu un climat détestable, négatif, conflictuel, ainsi que des tensions à l’intérieur des équipes de jardiniers. Le secrétaire général et le Conseil Administratif en avaient été rapidement informés.

Le 7 mai 2003, M. X.__________ n’avait pas exécuté les instructions qui lui avaient été données par M. C.__________.

M. X.__________ avait été observé alors qu’il était à la recherche de Mme A.__________, qu’il avait fini par trouver mais qui avait refusé de lui parler. Il avait été signalé que M. X.__________ se cachait pour observer Mme A.__________ et qu’il avait été surpris en larmes, parce qu’il ne travaillait plus avec elle.

Le même jour, M. X.__________ ne s’était pas présenté à l’assemblée générale de la caisse de pension du personnel, alors que tous les employés de la Ville de Carouge y avaient été convoqués.

Le 14 mai 2003, M. X.__________ ne s’était pas présenté à la remise des primes d’ancienneté, à laquelle tout le personnel avait été convoqué.

Le 23 mai 2003, l’intéressé avait refusé d’aider une collègue qui terminait une plantation. M. C.__________ avait dû insister pour que ce travail soit exécuté.

Le week-end des 24 et 25 mai 2003, alors que M. X.__________ était de service pour les marchés, il n’avait pas vidé son véhicule des déchets récoltés dans les panières. Lorsque la remarque lui en avait été faite, il avait répondu agressivement.

Le 26 mai 2003, il était arrivé au travail avec quarante minutes de retard. Il avait refusé d’exécuter une plantation qui lui avait été demandée et le travail avait dû être confié à une autre personne.

Le 2 juin 2003, il avait incité un de ses collègues à aller se promener, plutôt que de travailler.

Il ne respectait pas l’ordre de service concernant la tenue de travail, contrairement à tous ses collègues. Il cherchait systématiquement le point de rupture avec sa hiérarchie et faisait preuve de mauvaise foi. Lorsqu’un véhicule lui était prêté, il l’utilisait pour s’absenter de son lieu de travail. Il se permettait de critiquer sa hiérarchie.

6. Le 30 juin 2003, les mêmes chefs de service ont adressé une nouvelle note au secrétaire général de la commune. Une employée temporaire s’était plainte du comportement douteux de M. X.__________ à son égard. Entendue par la hiérarchie, la personne avait qualifié M. X.__________ comme suit :

« Il est pervers (…) ce n’est pas tolérable (…) il a une libido un peu trop démonstrative (..) il regarde mes seins (…) il m’a caressé la joue, l’épaule (…) il a voulu m’amener dans un recoin pour me faire goûter des fruits (…) il est entreprenant (…) j’ai averti ma mère qui m’a mise en garde (…) je suis gênée et j’ai peur de faire des remarques à M. X.__________ ».

M. C.__________ s’était rendu sur le lieu de travail de l’intéressée pour excuser l’attitude de M. X.__________.

7. L e 27 juin 2003, la Ville de Carouge a prononcé à l’encontre de M. X.__________ une interdiction de travail de deux jours, au vu des faits signalés.

M. X.__________ a été informé qu’un enquête administrative allait être ordonnée par le Conseil Administratif.

8. Par courrier du 30 juin 2003, la Ville de Carouge a informé M. X.__________ que l’interdiction temporaire de travailler qui lui avait été signifiée était prolongée.

9. Par décision du 21 juillet 2003, le Conseil Administratif a formellement confié une enquête administrative à Monsieur D.__________, maréchal-chef, chef du service de la sécurité municipale.

10. Le 4 septembre 2003, M. D.__________ a rendu son rapport, après avoir procédé à l’audition de seize personnes. Les procès-verbaux ont été annexés au dossier.

Les conclusions de l’enquêteur sont les suivantes  :

a. M. X.__________ avait enfreint l’article 14 lettre a du statut du personnel de la Ville de Carouge du 26 mars 1987 (LC 08.151 - ci-après : le statut) en adoptant une attitude inadmissible vis-à-vis de sa hiérarchie.

b. M. X.__________ n’entretenait pas des relations dignes et correctes avec une partie de ses collègues.

c. M. X.__________ entretenait des relations dignes et correctes avec le reste du personnel de l’administration carougeoise.

d. M. X.__________ avait un penchant très prononcé pour les femmes. Son attitude et son comportement, qui n’étaient ni dignes ni corrects, posaient problème aux personnes avec qui il travaillait et pour qui il éprouvait une attirance.

L’enquêteur suggérait toutefois qu’il ne soit pas tenu compte de cet élément pour une éventuelle sanction, mais que le Conseil Administratif soit très vigilant à l’avenir.

e. M. X.__________ n’avait pas entretenu des relations dignes et correctes avec l’employée temporaire, ce qui avait provoqué un sentiment de gêne chez cette dernière. Une telle attitude était inadmissible, sachant que l’intéressé avait été enseignant et maître d’apprentissage.

f. M. X.__________ était conscient que son attitude par rapport à Mme A.__________ posait problème. L’enquêteur a toutefois indiqué qu’il n’en portait pas l’entière responsabilité. Il a recommandé aux autorités de ne pas tenir compte de cet élément dans la sanction à prendre. Si M. X.__________ restait au sein du personnel de la commune, il devrait suivre un traitement médical spécialisé adéquat et ne plus travailler avec Mme A.__________.

En faisant livrer des fleurs à la mère de Mme A.__________, M. X.__________ avait commis un vol et avait quitté son travail sans autorisation. Il devait pour cela être sanctionné sévèrement.

g. M. X.__________ ne s’était pas conformé à la note de service relative à la tenue et aux habits de travail, violant ainsi l’article 90 du statut.

h. M. X.__________ avait refusé à deux reprises les ordres qui lui étaient donnés, violant ainsi l’article 15 du statut.

i. Occasionnellement, M. X.__________ avait occupé son temps de travail à des activités non professionnelles, en violation du statut.

j. L’enquêteur a recommandé de ne pas tenir compte de l’absence de M. X.__________ à la cérémonie de remise des primes d’ancienneté. Affaibli, il n’avait pas voulu apparaître à son désavantage. Il avait travaillé pendant la cérémonie en question.

11. Le 25 février 2004, le Conseil Administratif a indiqué à M. X.__________ qu’il envisageait de prendre une des sanctions prévues par le statut. Afin de respecter son droit d’être entendu, une copie du dossier complet de l’enquête administrative lui a été remise. Il disposait de trente jours pour se déterminer à cet égard.

12. Le 18 mars 2004, M. X.__________ a transmis au Conseil Administratif sa position.

a. Il se rendait compte que ses rapports avec ses supérieurs avaient été très tendus pendant une période ; sa maladie n’excusait pas tout. A sa reprise du travail, au mois de mai 2003, il avait des idées suicidaires.

b. Il n’avait jamais refusé d’aider et de conseiller ses collègues au travail. Lorsqu’on lui demandait un renseignement, il allait au fond des choses, ce qui pouvait être ressenti comme une attitude hautaine.

c. Il adhérait à l’analyse de M. D.__________.

d. Quant à ses relations avec la jeune stagiaire, il a relevé qu’il s’était vu confier une autre jeune fille, précisément pour lui permettre de travailler dans la tranquillité, un autre jardinier ayant eu des propos déplacés à son égard.

e Il a regretté que l’employée d’été ait mal interprété son attitude, dont il ne pensait pas qu’elle fût choquante. La jeune fille était allée s’asseoir sur les genoux d’un autre collègue, devant la petite amie de ce dernier.

f. S’agissant de ses relations avec Mme A.__________, il a reconnu qu’il avait été très difficile de reprendre le travail avec elle. La confiance et l’amitié qu’il éprouvait à son endroit avaient altéré son jugement.

g. Il n’avait pas pensé à mal en prenant quelques fleurs pour les offrir à la mère de Mme A.__________, qu’il appréciait beaucoup. Les plantes en question n’étaient plus utiles pour les plantations et avaient été mises de côté pour les amateurs, comme cela s’était fait chaque année.

h. En ce qui concernait la tenue de travail, il se changeait dans sa voiture ou dans le vestiaire. Il avait demandé à plusieurs reprises des pantalons, car il n’en avait que deux paires, ce qui était insuffisant. Pendant la période du G8, il avait gardé ses vêtements de travail pour passer la douane, ce qui avait simplifié ce passage.

i. Il n’avait pas refusé d’effectuer le travail qui lui avait été demandé, mais avait préféré suivre une collègue qui avait déjà fait des plantations et qui connaissait les stocks disponibles. Il ne désirait pas prendre la responsabilité d’un travail pour lequel il n’avait pas reçu de directives concrètes. Il a expliqué qu’avant sa maladie, il avait dessiné les plans relatifs aux plantations, mais que ces derniers avaient été changés pendant son absence. A son retour, il n’était pas au courant des modifications, ni des plantes disponibles.

j. Il était exact qu’il avait proposé à deux collègues d’aller boire un verre pendant l’après-midi, car il avait eu envie de parler, travaillant seul depuis longtemps. Il n’avait pas de véhicule à ce moment-là.

k. M. D.__________ avait très bien su transcrire ses déclarations, s’agissant de son absence lors de la cérémonie des primes d’ancienneté. Il a rappelé que pour y assister, il fallait s’inscrire, ce qu’il n’avait pas fait. Il avait été affecté par la manière dont il avait été mis hors circuit.

D’une manière générale, M. X.__________ a indiqué que les faits avaient été grossis lors des auditions auxquelles M. D.__________ avait procédé. Même s’il avait été en conflit avec certains de ses supérieurs, il avait toujours œuvré pour le bien et le prestige de la Ville de Carouge.

13. Le 19 avril 2004, la Ville de Carouge a révoqué M. X.__________, constatant qu’il avait gravement violé plusieurs dispositions du statut. Un interdiction temporaire de travailler avait déjà été prononcée, pour des faits graves, au mois de juin 2002.

14. Le 12 mai 2004, M. X.__________ a saisi le Tribunal administratif d’un recours. Il n’a pas contesté les faits qui lui étaient reprochés, mais considérait qu’ils avaient été exagérés. Les trois dépressions dont il avait souffert étaient pour beaucoup dans sa manière d’agir et le comportement de certaines personnes, en qui il avait confiance, n’avait pas arrangé les choses. Il a admis le principe d’une sanction, mais a tenu à relever que jamais un blâme ne lui avait été infligé. En outre, tous les avantages de la Ville de Carouge lui avaient été accordés sans restriction.

15. Le 21 juin 2004, la Ville de Carouge s’est opposée au recours. M. X.__________ avait violé le statut à plusieurs reprises par les relations détestables qu’il entretenait avec son supérieur direct et avec ses collègues, par les gestes qu’il avait eus à l’égard d’une jeune employée, par le vol de trois caisses de fleurs et par le refus d’exécuter les ordres qui lui étaient donnés. Deux mises à pied avaient déjà été prononcées et aucune sanction autre que la révocation n’était envisageable en l’espèce.

Au vu de la formation de M. X.__________, aucun autre poste ne pouvait lui être proposé dans l’administration communale.

16. Des audiences de comparution personnelle et d’enquêtes ont eu lieu les 25 octobre 2004 et 17 janvier 2005.

a. M. X.__________, qui était alors en arrêt maladie pour une dépression et des problèmes aux genoux, a confirmé les termes de son recours.

S’agissant de ses rapports avec le personnel féminin de la commune, ils n’avaient été tendus qu’avec Mme A.__________. Ces tensions s’étaient greffées sur celles qu’il avait avec son chef de service. Au surplus, il a contesté avoir eu une attitude équivoque vis-à-vis d’une employée d’été, à laquelle il n’avait guère parlé plus de deux fois cinq minutes, devant témoins. De plus, cette personne n’était restée que quinze jours dans cet emploi.

Quant aux rapports avec sa hiérarchie, il avait remplacé à plusieurs reprises son chef de service. Il a reconnu qu’à ces occasions, il y avait eu des tensions avec les autres chefs de service. Il n’avait pas rencontré de problèmes avec son chef direct, mais à deux reprises, il avait dû corriger des erreurs faites par ce dernier.

Il était exact qu’il avait répondu vertement à Mme B.__________ lors de la fixation de dates pour des visites. Il avait peut-être mal interprété la remarque qu’elle lui avait faite.

Il a également admis qu’une remarque lui avait été faite au sujet de sa tenue au moment du G8, parce qu’il la gardait – par mesure de simplification pour passer la frontière – lorsqu’il rentrait chez lui.

Pendant son hospitalisation, un nouveau chef avait été nommé. Il s’agissait de M. C.__________. Lorsqu’il avait repris le travail, ce dernier lui avait demandé d’aller planter un massif. M. X.__________ avait demandé une liste des plans, car ceux qu’il avait en tête avaient été modifiés pendant son absence. Une collègue s’était alors occupée de l’affaire. Il l’avait d’ailleurs aidée.

Il a confirmé avoir offert une douzaine de fleurs à la mère de Mme A.__________, fleurs qui allaient être jetées ou que le personnel allait se partager. Il lui était aussi arrivé d’aller se cacher ou de chiner chez Emmaüs, alors qu’il était en dépression. Il était l’un des seuls jardiniers à ne jamais aller boire de verres l’après-midi et ce, même s’il avait proposé à un collègue de se rendre dans un café, en plaisantant. A cette époque, il était en dépression. Il ne s’était pas rendu à l’assemblée générale de la caisse de retraite, car il craignait de fondre en larmes au milieu de ses collègues.

b. Madame E.__________ travaillait à la Ville de Carouge depuis vingt-sept ans et connaissait M. X.__________. Ce dernier avait toujours été correct avec elle. Elle n’était pas au courant des différends entre celui-ci et ses chefs et avait été surprise par le licenciement. Lors de soirées organisées par la commune, il lui était arrivé de demander à M. X.__________ de la reconduire chez elle, car elle savait qu’il était correct.

c. Madame F.__________ avait travaillé à la Ville de Carouge de septembre 2000 à juin 2003 en qualité d’horticultrice. L’ambiance était assez sympathique, mais s’était quelque peu dégradée à la fin. Elle avait eu de bons rapports avec son premier chef, Monsieur G.__________, s’était moins bien entendue avec M. C.__________, avec qui elle avait travaillé pendant six mois et avait toujours eu d’excellents rapports avec M. X.__________, qui était un bon professionnel.

Elle avait constaté que les rapports entre M. X.__________ et ses chefs, surtout M. C.__________, ainsi qu’avec les autres collègues, n’étaient pas excellents. Elle ne connaissait pas l’origine de cette mésentente. M. X.__________ s’était montré réfractaire aux ordres donnés par M. C.__________ à plusieurs reprises.

Mme F.__________ a encore indiqué que le recourant n’avait jamais eu de gestes déplacés. En revanche, elle savait, mais sans connaître les détails, qu’il y avait eu quelque chose d’équivoque entre M. X.__________ et Mme A.__________. Quant à la jeune employée d’été, elle avait constaté qu’elle était un peu impertinente avec les hommes et que son comportement était un peu provocant. Elle portait des pulls relativement décolletés et sautait volontiers dans les bras des jardiniers, se mettant aussi sur leurs genoux. Un tel comportement était inadéquat dans un milieu masculin, notamment au vu de son jeune âge.

d. Monsieur H.__________ a exposé qu’il travaillait à la Ville de Carouge depuis dix ans et qu’il connaissait M. X.__________ pour l’avoir côtoyé dans un emploi antérieur. Ses contacts professionnels avec le recourant étaient bons. La situation s’était dégradée lorsque Mme A.__________ avait été engagée comme apprentie. M. H.__________ était en charge de sa formation et le recourant intervenait sans cesse, l’empêchant de s’acquitter de sa tâche. Il avait de bons rapports avec ses chefs, tant avec M. G.__________ qu’avec M. C.__________. M. X.__________, quant à lui, avait de la peine à accepter certains ordres et certaines décisions. Il n’avait pas constaté que l’intéressé aurait eu un comportement particulier avec les femmes, sauf avec Mme A.__________. Il se montrait plus avenant avec elle qu’avec ses autres collègues. La situation était équivoque, car il y avait un mélange entre les domaines professionnel et affectif. Il était arrivé à plusieurs reprises que M. X.__________ déconsidère ses collègues, les traitant d’incapables ou de bons à rien, soit devant les personnes concernées, soit hors de leur présence. Il a confirmé que M. X.__________ ne s’entendait pas avec M. C.__________.

e. Monsieur I.__________ a indiqué qu’il travaillait en qualité de jardinier à la Ville de Carouge depuis dix-sept ans. M. X.__________ était un collègue et leur collaboration était normale. Les rapports du recourant avec sa hiérarchie étaient tendus et cela créait des tensions dans le groupe. Il avait le sentiment de travailler moins bien lorsque M. X.__________ était présent, en raison de ces tensions.

La stagiaire s’était plainte à lui du comportement de M. X.__________ et il lui avait suggéré d’en parler à un supérieur hiérarchique. Cette jeune femme n’était pas différente des autres personnes engagées en cette qualité.

Il avait eu connaissance d’un problème entre M. X.__________ et Mme A.__________. La relation de ces deux personnes avait bien débuté, mais avait ensuite mal évolué, ce qui avait eu des répercussions sur le groupe.

M. X.__________ avait une attitude dépréciative à l’égard de ses collègues. Cela se ressentait dans le groupe. La tension était très importante entre M. X.__________ et M. C.__________.

f. M. C.__________ a indiqué qu’il travaillait à la Ville de Carouge depuis deux ans, en qualité de chef de secteur des espaces verts. A sa prise de fonction, il avait procédé à une consultation du groupe. M. X.__________ était alors en congé maladie. A son arrivée, il n’y avait pas de tensions particulières et le travail tournait par habitude. Au retour de M. X.__________, il lui avait confié la réfection d’une plate-bande, soit un gros travail de remise en état. M. X.__________ avait commencé le travail à son entière satisfaction puis, lors de la plantation, la situation s’était dégradée, M. X.__________ n’ayant pas voulu effectuer ce qu’il demandait. Le recourant avait estimé qu’il aurait dû obtenir le nombre exact des plantes à installer, et non le document qu’il lui avait fourni, compréhensible par n’importe qui. Le travail avait été effectué par des aides-jardiniers.

Pour le témoin, M. X.__________ recherchait systématiquement le conflit. Il était assez solitaire, mais n’avait pas de problèmes particuliers avec les jardiniers masculins. Il y avait eu un problème, dont il ne connaissait pas l’origine, avec Mme A.__________ et il avait veillé à ce qu’ils ne travaillent pas ensemble. S’agissant de l’épisode de la jeune stagiaire, il avait jugé les faits suffisamment graves pour en informer sa hiérarchie.

Réagissant à cette déposition, M. X.__________ a indiqué qu’il ne prenait pas la responsabilité d’une plantation s’il n’y avait pas un bon plan. Celui fourni par M. C.__________ comportait des erreurs, telle, notamment, une distance erronée entre les géraniums.

g. Monsieur J.__________, chef du service « travaux et voirie » depuis 1994, a aussi été entendu. Il n’avait pas de rapports directs avec M. X.__________, mais les collègues et les chefs de secteurs se plaignaient de son manque de collaboration et de son mauvais esprit. Il avait eu connaissance des épisodes désagréables avec Mme A.__________, avec la jeune stagiaire d’été, ainsi qu’avec une troisième personne qui avait quitté le service cinq ans plus tôt. Au cours des nombreux entretiens qu’il avait eus avec M. X.__________, il avait attiré son attention sur le problème.

Réagissant à cette audition, M. X.__________ a indiqué que M. J.__________ peinait à prendre ses responsabilités en cas de problèmes.

h. Monsieur K.__________, ancien conseiller administratif de la Ville de Carouge, a indiqué que M. X.__________ était « un garçon sympathique », qui connaissait bien son métier. M. K.__________ l’avait rendu à plusieurs reprises attentif à la distinction qu’il devait faire entre les griefs personnels et les revendications formulées en sa qualité de délégué du personnel. Mme A.__________ s’était plainte de harcèlement et la relation affective entre les deux était difficile.

i. Monsieur L.__________, responsable des ateliers de la Ville de Carouge depuis 1998, a aussi été entendu. Il connaissait M. X.__________ et le fréquentait en tant que collègue. Il avait observé une détérioration des rapports de travail dans le secteur où ce dernier travaillait, en particulier avec M. C.__________, lorsque le recourant était revenu de maladie. M. C.__________ avait instauré un nouvel esprit dans ce secteur et M. X.__________ n’avait pas fait l’effort de s’y intégrer. Il était parfois délicat de collaborer avec le recourant. La situation avec Mme A.__________ était difficile. Le côté vie privée avait pris le pas sur le côté vie professionnelle, ce qui était problématique, surtout lorsqu’une des deux personnes devait assurer la formation de l’autre. L’ancien responsable du secteur aurait dû intervenir bien plus tôt. Il était exact que M. X.__________, lorsqu’il avait remplacé M. G.__________, avait dû se battre pour obtenir un véhicule nécessaire à son travail. Ce genre de problèmes se posait à tous les chefs mais, contrairement à ces derniers, M. X.__________ ne dialoguait pas.

j. Monsieur M.__________, secrétaire général a indiqué que sa relation avec M. X.__________ avait toujours été courtoise et polie. Il avait décidé de le suspendre en 2003, l’intéressé ayant eu une conduite inadéquate vis-à-vis d’une jeune femme. Précédemment, les chefs de secteurs étaient venus se plaindre du recourant. En particulier, M. C.__________ avait relevé que la bonne ambiance instaurée depuis sa prise de fonction s’était détériorée au retour de M. X.__________. Lors du départ de M. G.__________, M. X.__________ avait posé sa candidature, qui n’avait pas été retenue.

M. M.__________ avait aussi dû intervenir lorsque des tensions s’étaient manifestées entre M. X.__________ et Mme A.__________. Les plans de travail avaient dû être réaménagés, afin qu’ils ne se rencontrent pas. Le fait que M. X.__________ soit délégué du personnel n’avait pas joué en sa défaveur. Au contraire, cet élément l’avait probablement protégé.

Fondamentalement, le fait que M. X.__________ soit incapable d’accepter des ordres de ses chefs sans les discuter avait joué un très grand rôle dans la décision prise de le licencier. Personne, au sein du Conseil Administratif, n’envisageait la réintégration de M. X.__________ au sein d’un service, car l’ensemble des chantiers de la commune ne pourraient alors plus fonctionner.

k. Monsieur N.__________, adjoint de direction à la Ville de Carouge, n’avait eu que peu de contacts avec M. X.__________. Il avait entendu parler de problèmes, sans les constater personnellement. En 1999, M. X.__________ avait souhaité son départ, dans le cadre de son travail à la commission du personnel.

l. Mme B.__________ a indiqué qu’elle avait travaillé à la Ville de Carouge jusqu’en février 2003. Elle avait eu des contacts avec M. X.__________ à plusieurs reprises, qui se passaient en général bien.

Toutefois, dans le cadre d’une collaboration entre le musée et les jardiniers de Carouge, il y avait eu un incident. M. X.__________ et le conservateur du musée avaient une relation houleuse pour une histoire de photos et le musée avait mis fin à cette collaboration.

17. a. M. X.__________ à versé à la procédure divers documents :

Un message confirmant que les dates de visite du musée avaient été changées ;

Un plan et une liste de plantations ;

Une lettre de remerciements de M. K.__________, adressée à M. X.__________, du 5 novembre 1998, concernant sa participation aux floralies ;

Une lettre adressée à M. X.__________ par la Ville de Carouge le 11 juin 2002, lui transmettant un courrier et lui rappelant qu’il n’était pas autorisé à se domicilier auprès de la Ville de Carouge ;

Divers certificats médicaux, dont l’un, du 19 janvier 2005, attestant d’une longue maladie du 8 juillet 2003 au 30 novembre 2004 ;

Une lettre rédigée par MM. J.__________ et O.__________, chefs de secteurs en 1996, mettant en cause la qualité du travail d’une jardinière qui avait quitté la commune cinq ans plut tôt ;

b. La commune, quant à elle, a déposé un plan de plantations établi par M. C.__________.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56B alinéa 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 39 al. 1 du statut du personnel de la Ville de Carouge du 26 mars 1987 (LC 08.151) ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Les fonctionnaires doivent par leur attitude entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés; permettre de faciliter la collaboration entre ces personnes ainsi que justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 14 al. 1 lit. a et c statut). Ils doivent notamment remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence et respecter leur horaire de travail, s’abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail et se conformer aux instructions de leurs supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement (art. 15 statut).

b. L’article 20 statut précise notamment qu’il est interdit aux fonctionnaires de quitter le travail sans l’autorisation de leur chef et de fréquenter les établissements publics pendant le travail.

c. Quand à l’article 90 statut, il donne au Conseil administratif la compétence de prescrire le port d’un uniforme, d’insignes de service ou de vêtements de travail, fournis par l’administration. En application de cette disposition, la Ville de Carouge a édicté une note de service imposant aux collaborateurs du service travaux-voirie le port de vêtements fluorescent équipés de bande rétro réfléchissante, et de chaussures de sécurité fourni par la commune. L’usage de ces tenues de travail est réservé aux heures de services, et est interdit notamment pour les trajets entre le domicile et le lieu de travail.

En l’espèce, l’instruction à laquelle le Tribunal administratif a procédé démontre que M. X.__________ a objectivement violé les dispositions statutaires précitées.

Il admet lui-même qu’il lui est arrivé de quitter son lieu de travail à quelques reprises, qu’il a vertement répondu à une fonctionnaire communale, offert à une tierce personne des fleurs appartenant à son employeur et, enfin, qu’il a porté son uniforme pendant les trajets entre son lieu de travail et son domicile.

Ces éléments ont par ailleurs été confirmés par les témoins entendus par le Tribunal administratif. Selon Mme F.__________, le recourant s’est montré réfractaire aux ordres donnés par son supérieur hiérarchique à plusieurs reprises. Pour M. H.__________, l’intéressé déconsidérait ses collègues et les traitait d’incapables ou de bons à rien, qu’ils soient présents ou non. M. I.__________ a confirmé que les rapports de M. X.__________ avec sa hiérarchie étaient tendus, ce qui influençait négativement le travail, et qu’il avait une attitude dépréciative à l’égard de ses collègues. Quant à M. C.__________, il a confirmé que M. X.__________ refusait d’exécuter les ordres qu’il avait donnés et qu’il recherchait systématiquement le conflit.

De plus, la procédure montre que les relations tendues qui liaient Mme A.__________ à M. X.__________ ont aussi eu des répercussions sur leur travail et que l’intéressé a eu une attitude à l’égard d’une jeune stagiaire d’été qui l’a heurtée. Ces deux éléments, inadmissibles si avérés, seront toutefois considérés avec une certaine réserve, dans la mesure où Mme A.__________ et la jeune employée d’été n’ont pas été entendues par le tribunal ni confrontées au recourant. Le Tribunal a en effet renoncé à ordonner de telles mesures, au vu des autres reproches faits au recourant.

3. a. Le fonctionnaire qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, est passible d'une sanction disciplinaire (art. 33 al. 1 1ère phrase statut). A cet égard, l'article 34 alinéa 1 et 2 statut a la teneur suivante :

"Les sanctions disciplinaires sont :

a. ...

b. ...

c. prononcées par le Conseil administratif :

- la suppression de l'augmentation annuelle de traitement pour l'année à venir;

- la mise à pied jusqu'à un mois avec suppression de traitement;

- la réduction du traitement, temporaire ou définitive, dans les limites de la catégorie;

la mise au temporaire, l'intéressé perdant sa qualité de fonctionnaire mais restant engagé sur la base d'un contrat de droit privé;

- la rétrogradation temporaire ou définitive dans une classe inférieure, avec réduction de traitement dans les limites de la nouvelle catégorie;

- la révocation.

Ces sanctions peuvent être cumulées".

b. Pour déterminer la sanction appropriée, l'autorité disciplinaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation.

Cependant, la sanction doit être proportionnelle à la gravité de la violation du devoir de fonction, à l'importance du devoir ainsi violé et à la faute de l'agent public.

Si les peines légères répriment des manquements bénins, les peines lourdes ne peuvent être prononcées que si le fonctionnaire s'est rendu coupable d'une infraction unique mais spécialement grave ou s'il a commis un ensemble de transgressions qui, prises isolément, ne seraient pas graves, mais dont la gravité résulte de leur répétition (ATA/741/2001 du 20 novembre 2001 et réf. cit.).

4. En l’espèce, aucun des manquements reprochés à M. X.__________ ne justifierait, à lui seul, la révocation. En revanche, une appréciation d’ensemble portée sur son attitude générale et la répercussion de celle-ci sur la marche du service ne peut qu’entraîner la confirmation de cette mesure.

Les éléments que M. X.__________ avance à sa décharge ne sont pas propres à modifier cette appréciation. Les problèmes médicaux qu’il a rencontrés et traités pendant un congé de maladie de plusieurs semaines ne sauraient être pris en compte après la reprise du travail. Les excuses qu’il donne pour justifier les refus d’ordre, en particulier les critiques portées au contenu de ces ordres, sont significatives de l’attitude chicanière du recourant. De plus, le prononcé d’une sanction plus légère en application du principe de la proportionnalité est exclu, au vu des répercussions du comportement du recourant sur la qualité du travail de ses collègues et des remarques qui lui avaient déjà été adressées à cet égard.

5. La décision attaquée sera ainsi confirmée et le recours rejeté.

Au vu de l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 mai 2004 par Monsieur X.__________ contre la décision de la Ville de Carouge du 19 avril 2004 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’000.- ;

communique le présent arrêt à Monsieur X.__________ ainsi qu'à Me Jean-Pierre Carera, avocat de la Ville de Carouge.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :