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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/448/2011

ATA/391/2011 du 21.06.2011 ( PROC ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 19.09.2011, rendu le 02.03.2012, REJETE, 8D_2/11, 8C_220/11, 8D_1/2011
Descripteurs : ; SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL) ; INTERPRÉTATION(PROCÉDURE) ; ACTION EN RECTIFICATION
Normes : LPA.14 ; LPA.84 ; LPA.85
Résumé : Conditions formelles et matérielles applicables aux demande en interprétation et en rectification des arrêts rendus par la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/448/2011-PROC ATA/391/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 juin 2011

 

 

dans la cause

 

Monsieur P______
représenté par Me Christian Bruchez, avocat

contre

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE

et

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1. Monsieur P______, né en 1964, a été engagé le 1er juillet 2004 en qualité de collaborateur technique au service des ressources humaines de la Ville de Genève (ci-après : la ville).

2. Début 2010, un litige est survenu entre M. P______ et son employeur au sujet de la classe de traitement à laquelle celui-là pouvait prétendre pour les tâches et les remplacements qu'il avait effectués.

3. Ce litige a abouti à un recours interjeté le 7 juin 2010 par l'intéressé auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le refus de la ville de prendre une décision formelle au sujet de ses prétentions.

Dans son acte de recours, M. P______ a pris, à titre principal, les conclusions suivantes :

« condamner la Ville de Genève à payer à Monsieur P______ la différence entre le salaire qui lui a été versé et le salaire qui aurait dû lui être versé compte tenu des tâches effectuées, soit un traitement en classe 12-14 au moins dès le mois de mars 2005 et un traitement en classe 19 durant les mois de février et mars 2006 et des mois de février 2008 à mars 2009, sous déduction des indemnités de remplacement versées, avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2009 ;

condamner la Ville de Genève à remettre à Monsieur P______ un nouveau certificat de travail dans le sens des considérants ;

condamner la Ville de Genève aux dépens de l'instance (…) ».

4. Par arrêt du 1er février 2011 (ATA/60/2011), la chambre administrative n'a admis que partiellement le recours dans le sens où « M. P______ ne se [voyait] pas octroyer la classe 14 en 2005 et en 2006 ». Elle a adopté le dispositif suivant :

« condamne la Ville de Genève à verser au recourant :

- du 1er mars au 31 décembre 2005 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 0 ;

- du 1er janvier au 31 décembre 2006 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 1 ;

- du 1er janvier au 30 juin 2007 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 2 ;

- du 1er juillet au 31 décembre 2007 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 7 ;

- du 1er au 31 janvier 2008 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 8 ;

- du 1er février au 31 décembre 2008 un traitement correspondant à la classe 19 annuité 0 ;

- du 1er janvier au 31 mars 2009 un traitement correspondant à la classe 19 annuité 1 ;

le tout avec intérêts à 5 % dès le 13 janvier 2010, sous déduction du salaire et des indemnités de remplacement perçus durant ces périodes ;

met à la charge de la Ville de Genève, une indemnité de procédure de CHF 2'500.- ;

alloue à M. P______, à la charge de la Ville de Genève, une indemnité de procédure de CHF 2'500.- ;

(…) ».

5. Le 16 février 2011, M. P______ a déposé par-devant la chambre de céans une demande en interprétation et en rectification de l'arrêt du 1er février 2011.

a. Bien que la chambre administrative ait partiellement admis le recours et souhaité donner gain de cause pour l'essentiel au recourant, le calcul auquel on parvenait en appliquant le dispositif de l'arrêt du 1er février 2011 conduisait en réalité à ne rien lui accorder. Certes, la chambre administrative lui avait octroyé une classe de traitement supérieure, mais en faisant partir celle-ci de l'annuité 0, le salaire annuel correspondant était inférieur à celui qu'il avait effectivement perçu. Cette importante contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt devait être corrigée par le biais d'une interprétation. Aucune conclusion précise n'était prise à cet égard.

b. S'agissant de son certificat de travail, la chambre administrative avait considéré que « les modifications proposées par le recourant [correspondaient] aux tâches que celui-ci [avait] réellement accomplies pendant la période considérée, de sorte que l'intimée [était] priée d'établir un nouveau certificat de travail conforme à la proposition faite par M. P______ lors de l'audience de comparution personnelle [du 15 octobre 2010], en respectant la procédure prévue à cet effet par l'art. 92 SPAM ».

La chambre administrative avait toutefois omis d'adopter le dispositif correspondant. Il convenait de rectifier cette omission en application de l'art. 85 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et de compléter le dispositif comme suit : « condamne la Ville de Genève à remettre à M. P______ un nouveau certificat de travail conforme à la modification proposée lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 15 octobre 2010. »

6. Le 14 mars 2011, M. P______, d'une part, et la ville, d'autre part, ont recouru auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la chambre administrative du 1er février 2011.

7. La ville a déposé ses observations le 31 mars 2011 en sollicitant préalablement la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral. Elle conclut, principalement, à l'irrecevabilité de la demande, et subsidiairement, à son rejet.

a. La demande en interprétation visait à modifier substantiellement le dispositif de l'arrêt entrepris. En outre, il n'existait pas de contradiction entre les motifs et le dispositif de celui-ci ; la chambre administrative s'était uniquement bornée à accorder au recourant le plein de ses conclusions.

b. La demande en rectification concernant le certificat de travail du demandeur ne visait pas une simple erreur de plume ou de calcul au sens de l'art. 85 LPA. Il s'agissait de rédiger dans le dispositif un point entier ne figurant pas dans l'arrêt attaqué.

8. Par lettre du 14 avril 2011, M. P______ s'est opposé à la demande de suspension de la procédure formée par la ville.

9. Le 15 avril 2011, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

10. Le 11 mai 2011, le Tribunal fédéral a joint les deux recours interjetés devant lui et prononcé la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la demande d'interprétation et de rectification déposée devant la chambre administrative le 16 février 2011.

EN DROIT

1. Le Tribunal fédéral ayant suspendu la cause jusqu'à droit jugé devant la chambre administrative, il ne sera pas donné suite à la demande de suspension de la procédure formée par la ville (art. 14 al. 1er LPA).

2. La demande en interprétation et en rectification consiste, juridiquement, en deux demandes distinctes, qui seront traitées séparément.

Interjetées dans les délais et devant l'autorité compétente, ces deux demandes sont recevables (art. 84 al. 2 et 62 al. 1er let a LPA et 85 LPA).

3. Le demandeur soutient que la rétribution qui lui est allouée dans le dispositif de l'arrêt entrepris entre en contradiction avec les motifs de ce dernier. Il demande que ce dispositif soit « interprété » en conséquence, sans prendre de conclusions précises à cet égard.

4. A la demande d’une partie, la juridiction qui a statué interprète sa décision, lorsqu’elle contient des obscurités ou des contradictions dans le dispositif ou entre le dispositif et les considérants (art. 84 al. 1er LPA).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'interprétation tend à remédier à une formulation peu claire, incomplète, équivoque ou en elle-même contradictoire du dispositif de la décision rendue. Elle peut, en outre, se rapporter à des contradictions existant entre les motifs de la décision et le dispositif. Les considérants ne peuvent faire l'objet d'une interprétation que si et dans la mesure où il n'est possible de déterminer le sens du dispositif de la décision qu'en ayant recours aux motifs (ATF 110 V 222 consid. 1 et les références ; Arrêts du Tribunal fédéral 4G.3/2007 du 22 novembre 2007 consid. 3 ; 4G.1/2007 du 13 septembre 2007 consid. 2).

Ne sont pas admises, en revanche, les demandes d'interprétation qui visent à la modification du contenu de la décision. L'interprétation a en effet uniquement pour objet de reformuler clairement et complètement une décision qui ne l'a pas été alors même qu'elle a été clairement et pleinement pensée et voulue (ATF précités).

En adoptant le dispositif litigieux, la chambre administrative a voulu partiellement donner droit à la demande du recourant. Il appert aujourd'hui que, se fondant sur les conclusions imprécises et non chiffrées du recourant, elle s'est trompée sur le résultat auquel conduisait son dispositif. Pour modifier ce résultat, la chambre de céans devrait procéder à un réexamen de la cause, par des calculs et des comparaisons qui sortent du champ d'application de la demande d'interprétation. Le recourant, qui ne prend aucune conclusion claire sur la manière dont le dispositif devrait être rectifié de ce point de vue, ne s'y est d'ailleurs pas trompé.

Un tel réexamen n'est possible que dans le cadre du contrôle juridictionnel exercé par l'autorité de recours.

Il appartient ainsi au Tribunal fédéral, cas échéant, de constater l'illégalité de l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la chambre administrative pour nouvel examen.

5. Le demandeur demande par ailleurs à la chambre administrative la « rectification » dudit dispositif s'agissant de son certificat de travail, sur le fondement de l'art. 85 LPA.

A teneur de cette disposition, la juridiction qui a statué peut rectifier, en tout temps, les fautes de rédaction et les erreurs de calcul.

La chambre de céans a considéré qu'une erreur de rédaction pouvait être corrigée par l'autorité concernée pour autant que la substance de la décision n’en soit pas modifiée. Dans un tel cas, la décision rectifiée n'a pas à être notifiée une nouvelle fois et aucun délai de recours ne commence à courir à son encontre. Il en est de même en cas d’erreur de calcul (ATA/150/2010 du 9 mars 2010).

La rectification pouvant être opérée « en tout temps », soit après les délais de recours et, en particulier, lorsque l'arrêt concerné a acquis force de chose jugée, les notions de « fautes de rédaction » et d' « erreur de calcul » doivent s'interpréter restrictivement (ATA/753/2010 du 2 février 2010 consid. 5).

L'absence de toute mention relative au certificat de travail dans le dispositif de l'arrêt entrepris ne consiste pas en une « erreur de rédaction » au sens de cette disposition, mais en une omission dont le recourant peut demander, cas échéant, la réparation dans le cadre de la demande d'interprétation. En effet, une telle correction ne se borne pas à corriger une simple erreur de plume, mais prescrit une obligation qui, bien que clairement pensée et voulue par la chambre de céans, n'a pas été mentionnée dans le dispositif de l'arrêt. De telles modifications sont de nature à porter atteinte au principe de la sécurité du droit et doivent être demandées dans le délai de 30 jours accordé par les art. 84 al. 2 et 62 al. 1er let. a LPA.

Le principe de l'interdiction du formalisme excessif commande de traiter la demande en rectification, qui ne peut qu'être rejetée, comme une demande en interprétation.

6. Interjetée dans les délais légaux, cette demande est recevable.

7. Au considérant 20 de son arrêt, la chambre administrative a retenu que « les modifications proposées par le recourant [correspondaient] aux tâches que celui-ci [avait] réellement accomplies pendant la période considérée, de sorte que l'intimée [était] priée d'établir un nouveau certificat de travail conforme à la proposition faite par M. P______ lors de l'audience de comparution personnelle [du 15 octobre 2010], en respectant la procédure prévue à cet effet par l'art. 92 SPAM ».

L'absence de l'injonction correspondante dans le dispositif de l'arrêt précité résulte d'une pure omission de la chambre de céans.

La demande en interprétation sera ainsi partiellement admise.

8. Au vu des circonstances, il ne sera pas perçu d'émolument. Faute de conclusions dans ce sens, il ne sera pas alloué d'indemnité (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable les demandes en interprétation et en rectification déposées le 16 février 2011 par Monsieur P______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice du 1er février 2011 ;

au fond :

rejette la demande de rectification ;

admet partiellement la demande d'interprétation ;

dit qu'il doit être ajouté au dispositif de l'arrêt de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice du 1er février 2011 la mention :

« ordonne à la Ville de Genève de compléter le certificat de travail de Monsieur P______ du 17 mars 2010 en précisant, au troisième paragraphe, que « Dès l’année 2005, Monsieur P______ a été amené à assurer la gestion de la section sécurité et a également dû assister son responsable dans la direction et la coordination du secteur santé et sécurité comprenant la section des assurances, la section des relations humaines ainsi que la formation santé et sécurité.

Par ailleurs, Monsieur P______ a été amené à remplacer son responsable durant une période totale de 17 mois et à effectuer toutes les tâches en relation avec la fonction »".

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Bruchez, avocat du recourant, à la Ville de Genève, ainsi qu'au Tribunal fédéral pour information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :