Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2352/2013

ATA/373/2014 du 20.05.2014 ( CPOPUL ) , REJETE

Descripteurs : PROTECTION DES DONNÉES ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : LIPAD.39.al9
Résumé : La communication par l'OCPM de l'adresse à l'étranger d'une personne ayant quitté le canton est possible si aucun intérêt privé prépondérant ne s'oppose à l'intérêt de la société à recouvrer sa créance.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2352/2013-CPOPUL ATA/373/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 mai 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Alain Dubuis, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

et

UBS SA



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1951, est ressortissant de la Suisse.

2) Le 11 mars 2013, suite à une information de l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) qui mentionnait que M. A______ avait quitté le canton de Genève, UBS SA (ci-après : la société) a demandé l'adresse actuelle de M. A______ ainsi que sa date de départ du canton.

La société détenait à l'encontre de M. A______ un certificat d'insuffisance de gage de CHF 341'706,51 (ci-après : le certificat) délivré le 14 avril 2004. Elle voulait le contacter voire engager des poursuites contre lui.

3) Le 25 mars 2013, l'OCPM a contacté M. A______ pour que ce dernier se détermine sur la demande de la société. Cette dernière souhaitait le « contacter concernant un certificat d'insuffisance de gage ».

L'OCPM pouvait délivrer à la société le renseignement concernant l'adresse de M. A______ si un intérêt privé prépondérant le justifiait. Se soustraire à des prétentions fondées en droit ou empêcher la sauvegarde d'autres intérêts dignes de protection ne constituaient pas des intérêts dignes de protection.

4) Le 25 avril 2013, par l'intermédiaire de son conseil, M. A______ s'est opposé à la requête de la société.

La société savait qu'elle pouvait joindre M. A______ par le biais de son conseil. Elle avait systématiquement obtenu les réponses aux questions posées par ce moyen.

5) Par décision du 13 juin 2013, reçue le 17 juin 2013, l'OCPM a informé M. A______ qu'elle communiquerait son adresse en Espagne à UBS SA dès l'entrée en force de la décision.

La société avait un intérêt privé prépondérant à obtenir l'adresse afin de faire valoir ses droits en justice afin de procéder au recouvrement d'une créance fondée sur le certificat. M. A______ n'avait pas prouvé avoir un intérêt digne de protection s'y opposant.

6) Le 17 juillet 2013, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à ce que la demande de la société soit rejetée.

Cette dernière avait toujours pu contacter M. A______ par le biais de son conseil. Elle n'avait pas donc d'intérêt prépondérant à connaître l'adresse de M. A______.

Le courrier de l'OCPM du 25 mars 2013 mentionnait seulement une volonté de la société de « contacter » M. A______ au sujet du certificat d'insuffisance de gage. Il n'était pas fait mention de la volonté de « procéder » au recouvrement de la créance. Ainsi de bonne foi, M. A______ n'avait pu se prononcer que sur le contact. L'OCPM avait violé son droit d'être entendu et le principe de la bonne foi.

7) Le 22 août 2013, l'OCPM a maintenu sa décision et conclu au rejet du recours.

L'omission de l'OCPM de mentionner les poursuites pouvant être engagées par la société avait été réparée dans la décision. Le recourant avait ainsi pu faire valoir son droit d'être entendu dès ce moment-là. En tout état de cause, la violation du droit d'être entendu pouvait être réparée devant la chambre administrative.

Le recourant avait en outre admis que la connaissance de son adresse permettrait à la société d'agir en justice, ce qui pouvait constituer un intérêt prépondérant.

8) Le 27 septembre 2013, appelée à faire connaître ses observations, la société a conclu au rejet du recours.

Le recourant avait été avisé dès le 21 janvier 2013 de la volonté de la société d'engager des poursuites pour recouvrer le montant de la créance constatée dans le certificat. Il ne pouvait donc pas ignorer que la demande de renseignement auprès de l'OCPM concernait cette démarche. Au surplus, le droit d'être entendu de M. A______ avait été respecté tout du moins à partir du 13 juin 2013.

M. A______ avait admis que le fait de connaître son adresse constituait un intérêt privé prépondérant pour la société.

9) Le 31 octobre 2013, M. A______ ayant renoncé à répliquer, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant invoque tout d'abord une violation du droit d'être entendu.

3) a. Selon la jurisprudence fondée sur l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend pour l’intéressé celui d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b ; 127 III 576 consid. 2c ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2).

b. La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, est possible lorsque l’autorité dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure (ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 6 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 3ème éd., Berne 2011, ch. 2.2.7.4 p. 323). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/735/2013 précité consid. 6).

En l'espèce, le recourant se plaint du fait que l'OCPM n'a pas mentionné la procédure de poursuites envisagée par la société, mais seulement la volonté de le « contacter », ce qui ne lui a pas permis de s'exprimer sur le bien-fondé de l'intérêt privé prépondérant avancé par la société. Cependant, la société l'avait contacté auparavant pour lui indiquer ses intentions, il ne pouvait pas les ignorer. En tout état de fait, une éventuelle violation du droit d'être entendu a été réparée depuis. Le recourant a pu prendre connaissance de l'ensemble du dossier au moment de la décision qui mentionnait le recouvrement de créance. Il a pu faire valoir ses arguments devant la chambre administrative qui a, sur le point litigieux, le même pouvoir de cognition que l'autorité de décision. Ainsi, le grief de violation du droit d'être entendu est écarté.

Ce grief sera en conséquence rejeté.

4) Le recourant remet ensuite en cause l'intérêt privé prépondérant de la société.

a. L'art. 39 al. 9 de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - RS A 2 08) prévoit que la communication de données personnelles à une tierce personne de droit privé n'est possible, alternativement, que si :

-          une loi ou un règlement le prévoit explicitement (art. 39 al. 9 let. a LIPAD) ;

-          un intérêt privé digne de protection du requérant le justifie sans qu'un intérêt prépondérant des personnes concernées ne s'y oppose (art. 39 al. 9 let. b LIPAD).

b. L'OCPM est autorisé à fournir au public, contre paiement d'une taxe et sur demande démontrant un intérêt privé prépondérant à l'obtention du renseignement, l'adresse ou le lieu de destination et la date de départ de toute personne ayant quitté le canton (art. 3 al. 2 du règlement relatif à la délivrance de renseignements et de documents, ainsi qu'à la perception de diverses taxes, par l'office cantonal de la population et des migrations et les communes du 23 janvier 1974 – RDROCPMC - F 2 20.08).

c. La chambre de céans a estimé que dans l'application de ces règles, l'intérêt privé à obtenir l’adresse d'une personne pour faire valoir ses droits en justice constitue un intérêt privé prépondérant au sens de la loi et du règlement qui l’emporte sur la protection de la sphère privée du recourant (ATA/819/2012 du 4 décembre 2012).

5) En l'espèce, la créance concernant le certificat d'insuffisance de gage n'est pas contestée par le recourant. La société a indiqué vouloir entamer des poursuites pour recouvrer sa créance. Or, certains actes judiciaires nécessitent de connaître l’adresse de domicile de la personne poursuivie. Indépendamment du litige de fond, la société a un intérêt privé prépondérant à faire valoir ses droits en justice et le recourant ne s'est prévalu d'aucun intérêt légitime pour s'y opposer. Dès lors, ce grief sera écarté.

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision de l'OCPM du 13 juin 2013 sera confirmée. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de M. A______, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la société, qui n'y a pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juillet 2013 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 13 juin 2013 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Dubuis, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu’au bureau du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence et à l’UBS SA.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :