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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/181/2003

ATA/366/2003 du 13.05.2003 ( IEA ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CHOSE JUGEE; CONDITION DE RECEVABILITE; IEA
Normes : LPA.48; LPA.80
Résumé : Irrecevabilité d'un recours dirigé contre une décision rendue suite à une requête déposée à l'absence de faits nouveaux deux ans après une décision identique contre laquelle aucun recours n'avait été interjeté et qui était donc revêtue de l'autorité de la chose jugée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 13 mai 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur B. S.

représenté par Me Daniel Richard, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE

représentée par Me Marie-Claude de Rham-Casthélaz, avocate



EN FAIT

 

 

1. Monsieur B. S. (ci-après: M. S. ou le recourant) exerce la profession de gardien d'animaux et est détenteur d'un chenil à la même adresse.

 

2. Le recourant est propriétaire de la parcelle ... (ci-après: la parcelle), feuille ... de la commune de L. (ci-après: la commune) d'une surface de ..., située en zone agricole.

 

Trois bâtiments nos ..., ... et ... sont édifiés sur la parcelle précitée. Le premier sert d'habitation et les deux autres sont des dépendances.

 

Monsieur S. a acquis cette parcelle de sa mère, Madame S. S. qui a elle-même exercé la profession de gardienne d'animaux.

 

3. Le 2 août 1999, le recourant a obtenu du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: DAEL) une autorisation de construire tendant à l'agrandissement du chenil, après une enquête qui s'était révélée favorable.

 

4. Le 28 juillet 2000, le recourant a déposé devant la commission foncière agricole (ci-après: CFA), par l'intermédiaire de son notaire, Me F. D. M. (ci-après: Me D.), une requête en désassujettissement de la parcelle. A l'appui de la requête elle indiquait que la parcelle était exploitée comme chenil.

 

Dans le courrier d'accompagnement à la CFA du 28 juillet 2000, Me D. a exposé de surcroît, qu'elle avait été mandatée aux fins d'établir un acte portant création d'une cédule hypothécaire au porteur au capital de CHF 300'000.- grevant en 3ème rang la parcelle. En conséquence, elle sollicitait le désassujettissement de la parcelle.

 

Par décision du 5 septembre 2000, la CFA a maintenu l'assujettissement de la parcelle à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR- RS 211.412.11) au motif que la parcelle était appropriée à l'agriculture.

 

Cette décision a été notifiée au mandataire du recourant le 6 septembre 2000. Elle n'a fait l'objet d'aucun recours.

5. Suite à des pourparlers avec la banque X (ci-après: banque X) pour l'obtention d'un crédit, le recourant a obtenu deux propositions le 30 août 2001 et le 23 mai 2002, respectivement:

 

-Prêt hypothécaire de CHF 560'000.- à taux fixe pour une durée de trois ans, fixé 48 heures avant l'utilisation des fonds. Le taux figurant à titre indicatif était de 4,3%

 

-Crédit en compte courant: octroi d'une ligne de crédit de CHF 150'000.- à 5% l'an jusqu'à CHF 75'000.- puis 6 1/4% l'an au-delà.

 

6. Le 11 novembre 2002, Monsieur S., représenté par Me Richard, a déposé une requête en désassujettissement de sa parcelle n° ... afin d'obtenir un prêt dépassant la charge maximale, sous forme d'hypothèque.

 

A l'appui de sa demande, le recourant a indiqué "chenil existant depuis 196 (sic!). Autorisation pour agrandissement. Travaux effectués. Parcelle sans culture agricole depuis plus de 40 ans"

 

7. Au cours de sa séance du 10 décembre 2002, la CFA a rejeté la requête de M. S. au motif qu'une requête similaire en désassujettissement avait été faite le 28 juillet 2000 et que par décision du 5 septembre 2000 la CFA avait maintenu l'assujettissement de la parcelle à la LDFR estimant que cette parcelle était appropriée à l'agriculture. Cette décision était entrée en force et aucun fait nouveau n'était allégué à l'appui de la nouvelle requête de M. S..

 

Cette décision a été notifiée le 6 janvier 2003 et a été reçue par le recourant le 7 janvier 2003.

 

8. Par acte du 6 février 2003, M. S. a interjeté un recours auprès du Tribunal administratif à l'encontre de cette décision. Il a fait valoir que la parcelle n'avait pas été cultivée depuis quarante ans et qu'étant entourée d'une haie et d'une forêt elle était inadaptée à une quelconque culture. De plus elle était occupée par un chenil où il pratiquait uniquement la garde des chiens et non leur élevage. Il n'avait aucune activité agricole. En conséquence, en vertu de l'article 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 16 décembre 1993 (LaLDFR- M 1 10), la parcelle échappait à la LDFR.

Le recourant s'est plaint également d'une inégalité de traitement tant d'un point de vue purement foncier que fiscal, dès lors que ses voisins avaient bénéficié de décisions constatant le désassujettissement à la LDFR des parcelles dont ils étaient propriétaires.

Le recourant a conclu à l'annulation de la décision de la CFA ainsi qu'au prononcé du désassujettissement de sa parcelle.

 

9. Dans sa réponse du 28 mars 2003, la CFA a rappelé que l'autorité de chose jugée était attachée à la décision du 5 septembre 2000 et que, faute de faits nouveaux, celle-ci ne pouvait pas être revue. La requête du 11 novembre 2002 portant sur les même faits, elle devait être rejetée.

 

De plus, le terrain de la parcelle était apte à être utilisé de manière agricole, partant le désassujettissement ne se justifiait pas. Enfin, le but du recourant étant de créer une cédule hypothécaire de CHF 300'000.-, il lui était loisible de solliciter une autorisation de dépassement de la charge maximale, conformément à la LDFR.

 

La CFA a conclu au rejet du recours.

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable, de ce point de vue (art. 56 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. Par décision du 5 septembre 2000, la CFA a refusé le désassujettissement de la parcelle ... à la LDFR estimant que cette parcelle était appropriée à l'agriculture.

 

Cette décision n'ayant fait l'objet d'aucun recours au Tribunal administratif, elle a acquis force de chose jugée.

 

En effet, la force de chose jugée est le trait distinctif des décisions qui ne sont pas ou ne sont plus susceptibles d'être attaquées par un moyen juridictionnel ordinaire, c'est-à-dire, par un recours ou une opposition, ou bien par un moyen juridictionnel extraordinaire tel qu'une demande de révision ou d'interprétation (ATA C. du 7 septembre 1993 A... et les références citées).

 

b. Les décisions dotées de la chose jugée ou décidée peuvent faire l'objet d'une demande de réexamen par l'autorité administrative qui a pris la décision de base, ou d'une procédure de révision devant une autorité administrative supérieure, une instance quasi judiciaire ou un tribunal, selon que leur auteur est une autorité ou un tribunal (B. Knapp, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, n°1137)

 

Une demande de réexamen peut être présentée, en tout temps, par toute personne qui aurait la qualité pour recourir contre la décision objet de la demande au moment du dépôt de celle-ci. Elle a pour but d'obtenir la modification de la décision d'origine; le plus souvent elle tendra à la révocation d'une décision valable à l'origine imposant une obligation à un particulier. Lorsqu'elle est dirigée contre une décision dotée de l'autorité de la chose décidée, la demande de réexamen peut être motivée par des raisons relatives à des erreurs de droit, des erreurs de fait ou des erreurs d'appréciation de l'opportunité (B. Knapp, op. cit. n° 1770 ss; ATA I du 29 mars 1992)

 

3. Il convient de déterminer en l'espèce si la requête adressée à la CFA par le recourant en date du 11 novembre 2002 constitue une demande de réexamen suite à la décision du 5 septembre 2000 ou une nouvelle demande ayant un objet distinct de la première.

 

Dans sa requête du 11 novembre 2002, le recourant demandait à la CFA de prononcer le désassujettissement de la parcelle à la LDFR en vue d'obtenir un prêt dépassant la charge maximale, sous forme d'hypothèque. Or, la requête déposée en 2000 par Me D., mandataire du recourant tendait également au désassujettissement de la même parcelle pour le même motif soit la création d'une cédule hypothécaire.

 

Dès lors, il convient de traiter la requête du 11 novembre 2002 comme une demande de réexamen. C'est d'ailleurs ce qu'a fait la CFA en répondant au recourant que dans sa décision du 5 septembre 2000 elle avait maintenu l'assujettissement, que celle-ci était entrée en force et que dès lors qu'il n'alléguait aucun fait nouveau, elle rejetait la requête.

 

4. Il convient d'examiner si la CFA pouvait refuser d'entrer en matière.

 

La caractéristique la plus importante de la demande de réexamen est que son auteur n'a aucun droit en principe non seulement à une nouvelle décision, mais déjà à ce que l'autorité procède à un nouvel examen. Cette procédure ne peut pas avoir pour conséquence qu'une autorité devrait sans cesse reprendre les mêmes affaires. En revanche, l'autorité doit procéder à un nouvel examen si la loi le lui impose (B. Knapp, op. cit. no 1778 ss; ATF 100 Ib 372 3b; ATA K. du 7 février 1990, ATA A. du 23 octobre 1992).

 

Aux termes de l'article 48 LPA, les demandes en reconsidération des décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de revision au sens de l'article 80, lettre a et b, existe ou lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision.

 

En l'espèce, le recourant n'invoquait dans sa requête du 11 novembre 2002 ni des motifs de révision, ni une modification de circonstances notable. Depuis 2000, il tente d'obtenir le désassujettissement de sa parcelle pour pouvoir bénéficier d'un prêt hypothécaire qui dépasse la charge maximale prévue par la LDFR tout en se prévalant du fait que ladite parcelle n'a plus été cultivée depuis plus de quarante ans.

 

Faute d'éléments nouveaux, la CFA pouvait refuser d'entrer en matière sur la requête du recourant du 11 novembre 2002.

 

5. La décision du 10 décembre 2002 ne pouvait faire l'objet d'un recours dès lors qu'elle se bornait à confirmer la première décision. En effet, une décision de confirmation n'est pas sujette à recours lorsqu'elle a été rendue après qu'un examen sommaire de la demande a permis de constater qu'elle n'apportait aucun fait nouveau par rapport à la situation existant lorsque la décision a été prise, ni aucune preuve nouvelle. Dans ce cas, la demande n'a manifestement pas d'autre but que d'obtenir une nouvelle possibilité de recourir. La confirmation revient alors à constater qu'il n'y a pas lieu à réexamen, faute de fait nouveau, seul ce point étant, le cas échéant sujet à recours (ATA C. du 7 septembre 1993 et les références citées).

 

La décision d'une autorité sur requête en réexamen ne peut en effet être entreprise que pour quereller la décision de refus d'entrer en matière en alléguant que l'autorité a nié à tort l'existence des conditions requises (ATF 109 Ib 251, consid. 4 a; 100 Ib 372, consid. 3b; ATA F du 18 mars 1987; Grisel, op. cit., p. 949-950).

 

Est assimilable à une décision de non entrée en matière et est sujette à recours comme telle, la décision d'une autorité qui, bien que saisie d'une demande alléguant l'existence d'un motif de réexamen, se borne à confirmer sa première décision (RDAF 1981, p. 104).

 

Le recourant n'ayant jamais invoqué de motifs de réexamen et n'ayant pas allégué devant le Tribunal de céans que la CFA n'avait pas retenu à tort un cas de réexamen, son recours est irrecevable.

 

6. Le Tribunal administratif déclarera irrecevable le recours interjeté par Monsieur S.. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à sa charge. Vue l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif :

déclare irrecevable le recours interjeté le 6 février 2003 par Monsieur B. S. contre la décision de la commission foncière agricole du 10 décembre 2002;

 

confirme la décision de la commission foncière agricole du 10 décembre 2002 ;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-;

 

communique le présent arrêt à Me Daniel Richard, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Marie-Claude de Rham-Casthélaz, avocate de l'intimée.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère et Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci