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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1232/2014

ATA/358/2014 du 16.05.2014 sur JTAPI/478/2014 ( MC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1232/2014-MC ATA/358/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 mai 2014

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Dominique Bavarel, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 mai 2014 (JTAPI/478/2014)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1987, est ressortissant de Tunisie.

2) Il est entré en Suisse le 2 janvier 2012 et y a déposé une demande d'asile.

3) Par décision du 29 mars 2012, l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a refusé d'entrer en matière sur ladite demande et a prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressé.

4) M. A______ a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales depuis son arrivée en Suisse, toujours par le biais d'ordonnances pénales du Ministère public genevois. Il a ainsi été condamné :

      le 5 juillet 2012, à 110 jours-amende avec sursis pendant trois ans pour vol, dommages à la propriété, violation de domicile et séjour illégal ;

      le 7 juillet 2012, à 30 jours-amende avec sursis pendant trois ans pour séjour illégal ;

      le 16 novembre 2012, à une peine privative de liberté de 170 jours pour lésions corporelles simples, vol, dommages à la propriété et violation de domicile, et à 10 jours-amende pour injures ;

      le 7 février 2013, à 60 jours de peine privative de liberté pour séjour illégal ;

      le 21 février 2013, à 3 mois de peine privative de liberté pour vol ;

      le 2 mai 2014, à 90 jours de peine privative de liberté pour séjour illégal.

5) M. A______ a été refoulé de Suisse le 14 février 2013.

6) Il est néanmoins revenu en Suisse et a exécuté l'une des peines privatives de liberté citées plus haut jusqu'au 2 avril 2014. Le 10 mars 2014, l'ODM a interpellé les autorités italiennes au sujet d'une éventuelle réadmission de M. A______ en application des accords dits de Dublin. Celles-ci ont répondu positivement le 21 mars 2014.

7) M. A______ a été remis en liberté le 2 avril 2014 sans être remis aux autorités de police, et a disparu. Il a néanmoins été interpellé par la police le 30 avril 2014 et condamné par le Ministère public, comme déjà mentionné, le 2 mai 2014.

8) Le même 2 mai 2014, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a demandé aux services de police d'exécuter le renvoi de l'intéressé.

9) Le 2 mai à 15h05, l'officier de police a émis un ordre de détention administrative à l'encontre de M. A______, pour une durée de quinze jours, sur la base de l'art. 75 let. h de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

L'intéressé avait été condamné pour vol à plusieurs reprises, infraction qui constituait un crime. L'ODM avait été par ailleurs immédiatement informé de l'arrestation de M. A______, et invité à prononcer une (nouvelle) décision de renvoi.

10) Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a tenu le 5 mai 2014 une audience de comparution personnelle des parties dans le cadre du contrôle de la détention.

M. A______ a déclaré qu'il ne voulait pas retourner en Italie car il avait un rendez-vous médical important pour ses yeux le 16 mai 2014, étant précisé qu'il ne pourrait pas poursuivre son traitement médical en Italie. Il ne savait pas si, après le 16 mai 2014, il pourrait quitter la Suisse. Il avait une amie qui habitait Coppet, mais dont il ne voulait pas révéler l'identité. Il n'avait pas d'adresse à Genève et pas d'argent. Par l'intermédiaire de son avocat, il a sollicité sa mise en liberté immédiate en raison du manque de célérité des autorités suisses, qui n'avaient pas profité de sa période de détention pénale pour mener à bien la procédure de renvoi.

Le représentant de l'officier de police a indiqué qu'il y avait eu une mauvaise coordination entre autorités administratives et judiciaires, si bien que les premières n'avaient pas été informées de la libération de l'intéressé le 2 avril 2014. La « procédure Dublin » avait toutefois été entamée alors qu'il était encore en détention. Les autorités italiennes devaient rapidement répondre à l'ODM et dès que cela serait fait (sic), ce dernier prendrait une décision à propos du renvoi, si bien qu'une durée de quinze jours était appropriée.

11) Par jugement du 5 mai 2014, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention.

M. A______ ne disposait pas d'un droit de séjour en Suisse et avait fait l'objet de plusieurs condamnations pénales pour vol, donc pour une infraction qualifiée de crime. La préparation de la décision concernant son renvoi et visant sa réadmission en Italie dans le cadre d'une procédure Dublin était en cours. Les conditions d'une mise en détention administrative étaient ainsi remplies.

On ne pouvait à ce stade reprocher aux autorités suisses un manque de diligence ou de célérité dans la préparation de la décision de renvoi. Les autorités italiennes avaient été interpellées le 10 mars 2014, alors que M. A______ était encore en détention. La durée prévue était conforme au principe de proportionnalité, étant précisé que si le renvoi était prononcé, la détention devrait, le cas échéant, être convertie en détention en vue de renvoi, ce qui impliquerait l'émission d'un nouvel ordre de mise en détention.

12) Le 6 mai 2014, l'ODM a rendu une décision de renvoi à l'encontre de M. A______. Les autorités italiennes avaient accepté la demande de réadmission le concernant, son transfert devant intervenir au plus tard le 22 septembre 2014. Un éventuel recours contre la décision n'avait pas d'effet suspensif. M. A______ devrait quitter la Suisse le lendemain de l'échéance du délai de recours, faute de quoi il s'exposait à des moyens de contrainte.

13) Le 9 mai 2014, M. A______ a déclaré vouloir faire recours contre la décision précitée, car il voulait d'abord se faire traiter pour sa pathologie oculaire à Genève.

14) Le 13 mai 2014 à 10h00, l'officier de police a émis un ordre de maintien en détention administrative sur la base de l'art. 76 LETr, suite à la décision de l'ODM, pour une durée de quatre mois.

Le renvoi de l'intéressé avait été prononcé. Au vu de l'opposition de M. A______ à son renvoi, soit un vol spécial serait organisé, si les soins pouvaient être effectués en Italie, soit un vol d'un type encore indéfini serait organisé à l'issue du traitement médical à Genève ; quelle que soit l'hypothèse, le vol interviendrait après l'issue du recours et ne pourrait intervenir à brève échéance.

15) Le 13 mai 2014 également, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 5 mai 2014.

Le principe de célérité avait été violé. M. A______ purgeait sa peine depuis le 4 novembre 2013 et était dès lors à la complète disposition des autorités dès cette date. Ce n'était pourtant que le 10 mars 2014 que des démarches en vue de sa réadmission en Italie avaient été effectuées. Ni l'ordre de mise en détention ni le TAPI ne mentionnaient du reste cette prompte réponse des autorités italiennes.

De plus, l'intéressé n'étant pas opposé sur le principe à son renvoi, des mesures de substitution auraient pu et dû être prises en lieu et place de la détention.

16) Par jugement du 15 mai 2014, le TAPI a confirmé l'ordre de maintien en détention du 13 mai 2014.

17) Le 15 mai 2014, l'officier de police a conclu à l'absence d'objet du recours et à sa radiation du rôle, subsidiairement à son rejet.

Les services de police attendaient désormais que l'intéressé leur communique le résultat de sa consultation ophtalmologique avant de déterminer la suite de la procédure de renvoi.

Une décision de renvoi ayant été prononcée et un ordre de maintien en détention émis et confirmé par le TAPI, le recours contre l'ordre de mise en détention avait perdu son objet.

Le principe de célérité n'avait pas été violé. Les autorités suisses de police des étrangers ne commençaient pas les procédures Dublin trop tôt afin de préserver les délais de reprise en charge, étant précisé qu'en cas de « hit Eurodac » comme en l'espèce, le délai de réponse était raccourci. Les démarches avaient été en l'espèce entamées plus d'un mois avant la libération de M. A______. Ce dernier s'était du reste opposé à son renvoi, et n'avait à tout le moins pas profité de sa libération ni pour retourner en Italie, ni pour se mettre à disposition des autorités.

18) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Selon l’art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine, qui a eu lieu en l’espèce le 13 mai 2014. En prononçant le présent arrêt ce jour, elle respecte ce délai.

2) La chambre administrative examine d'office et librement la recevabilité des recours qui sont portés devant elle (ATA/297/2014 du 29 avril 2014 consid. 2a ; ATA/252/2013 du 23 avril 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/68/2012 du 31 janvier 2012).

3) Interjeté le mardi 13 mai 2014 auprès de la chambre administrative, le recours dirigé contre le jugement rendu le 5 mai 2014 par le TAPI, et notifié le même jour, est recevable de ces points de vue (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; 10 al. 1 LaLEtr ; 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

4) Le recours porte sur le jugement du TAPI confirmant l'ordre de mise en détention administrative pris le 2 mai 2014 pour une durée de quinze jours, soit jusqu'au samedi 17 mai 2014 à 15h05. Cet ordre de mise en détention concernait une détention en phase préparatoire au sens de l'art. 75 LEtr.

5) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/297/2014 consid. 2b et ATA/252/2013 précités ; ATA/98/2012 du 21 février 2012 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées).

c. Selon la jurisprudence constante, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/721/2013 du 29 octobre 2013 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 p. 296 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

Le recourant doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés et l’intérêt invoqué - qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération. Il faut donc que l’admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique. Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire (ATF 137 II 40 consid. 2.3 ; ATF 124 II 293 consid. 3b et les références citées). L’intérêt digne de protection n’exige pas une atteinte à des intérêts juridiquement protégés, soit la violation d’une norme ayant pour but la protection des droits subjectifs (ATF 123 V 113 consid. 5c ; ATA/181/2013 du 19 mars 2013).

d. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34 consid. 1b ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; Hansjörg SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; Karl SPÜHLER/Annette DOLGE/Dominik VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2006, n. 5 ad art. 89 LTF).

L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/721/2013 précité et les références citées) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/343/2012 précité ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision ou la loi est révoquée ou annulée en cours d’instance (ATF 111 Ib 182 consid. 2 ; 110 Ia 140 consid. 2 ; 104 Ia 487 consid. 2 ; ATA/579/2011 du 6 septembre 2011 ; ATA/124/2005 du 8 mars 2005 consid. 2).

e. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 précité ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/721/2013 et ATA/188/2011 précités ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009).

6) En l'espèce, une décision de renvoi a été prise par l'ODM avant même le dépôt du présent recours, et, le jour même dudit dépôt, un nouveau titre de détention a été émis, puis confirmé par le TAPI le 15 mai 2014. Cet ordre de maintien en détention concerne une détention en vue de refoulement au sens de l'art. 76 LEtr et déploie ses effets pour une durée de quatre mois.

Il s'ensuit que le présent recours a perdu son objet en cours de procédure, et que le recourant n'a donc plus d'intérêt actuel à l'annulation de l'ordre de mise en détention du 2 mai 2014.

7) Par ailleurs, on ne saurait considérer en l'espèce qu'il convient de renoncer à l'exigence de l'intérêt actuel, les conditions jurisprudentielles n'étant pas remplies.

En effet, les deux griefs soumis par le recourant, à savoir la violation du principe de célérité et la prépondérance de mesures de substitution à la détention dans le cas d'espèce, peuvent parfaitement être examinés dans le cadre d'un éventuel recours contre le jugement du TAPI du 15 mai 2014.

8) Le recours sera en conséquence déclaré irrecevable.

9) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 13 mai 2014 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 mai 2014 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Bavarel, avocat du recourant, à l'officier de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, à l'office fédéral des migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :