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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2075/2005

ATA/34/2006 du 24.01.2006 ( CE ) , REJETE

Recours TF déposé le 08.03.2006, rendu le 05.07.2006, REJETE, 2P.73/2006
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2075/2005-CE ATA/34/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 janvier 2006

dans la cause

 

Madame W__________
représentée par Me Marc Lironi, avocat

contre

CONSEIL D’état


 

 


1. Madame W__________, née l8 décembre 1960, domiciliée à Genève, a été engagée au département des finances (ci-après : DF) dès le 1er mars 1991 en qualité de commise administrative 3 au service de la taxation A, avec le statut d’employée.

2. Elle a été nommée fonctionnaire à ce poste dès le 1er septembre 1992 par arrêté du Conseil d’Etat du 11 août 1993.

3. Elle a été promue à la fonction de taxatrice fiscale 1 dès le 1er juillet 1994 par arrêté du Conseil d’Etat du 8 février 1995.

4. Par arrêté du Conseil d’Etat du 26 avril 1995, elle a été transférée à l’ex- département de l’action sociale et de la santé (ci-après : DASS) et promue à la fonction de responsable de groupe – OCPA à l’office cantonal des personnes âgées (ci-après : OCPA) à dater du 1er mai 1995, fonction dans laquelle le Conseil d’Etat l’a confirmée le 1er mai 1996.

5. Dans le courant de l’année 2001, Mme W__________ a signé avec l’ex- département de l’économie, de l’emploi et des affaires extérieures (ci-après : DEEE) et l’office du personnel de l’Etat (ci-après : OPE), une convention de transfert dans le cadre de « Carrefour mobilité », qui était un centre de compétence mis à disposition du personnel et des services de la fonction publique dans le but de répondre à leurs besoins d’évolution et de mobilité professionnelle.

Aux termes de cette convention, l’intéressée était placée dès le 1er août 2001 et pour une période d’essai de six mois au secrétariat du DEEE en qualité de comptable 3. Si l’essai était concluant, le transfert deviendrait définitif. S’il ne l’était pas « Carrefour mobilité » s’efforcerait de lui trouver une nouvelle affectation, qui pourrait être provisoire.

6. Le 29 octobre 2001, M. B__________, responsable du service des affaires financières du DEEE, a fait le point de la situation concernant Mme W__________ à l’occasion d’un entretien avec cette dernière qui en a signé le compte-rendu.

Il en ressortait que le bilan n’était pas satisfaisant, qu’il s’agisse de la qualité du travail fourni, du volume et du temps d’exécution. Les connaissances comptables de l’intéressée n’étaient pas suffisantes en regard du poste occupé.

7. Par note du 26 novembre 2001 adressée à M. On__________, M. B__________ a demandé que Mme W__________ quitte son service dans les plus brefs délais, afin de pouvoir la remplacer le plus rapidement possible, ses performances ne s’étant pas améliorées, des pièces comptables ayant même été détruites.

8. Dans un courrier du 21 janvier 2002 adressé à « Carrefour mobilité », Mme W__________ a indiqué la raison pour laquelle elle avait « cru bon » de signer le compte rendu du point de situation du 29 octobre 2001 : dans l’incapacité d’accomplir correctement certaines tâches incombant à son poste en raison du manque de soutien et de disponibilité de M. B__________, elle avait été convaincue que la situation s’améliorerait après la mise au point du 29 octobre 2001. Tel n’avait pas été le cas, la collaboration s’étant détériorée au point de devenir impossible. Toute démarche d’intégration dans le service, qu’elle soit professionnelle ou relationnelle, avait été systématiquement contrée, tant par un manque d’information que par une attitude ouvertement hostile. Les circonstances actuelles étaient telles qu’elle ne pouvait exercer un travail en rapport avec ses compétences.

9. De décembre 2001 à fin 2002, l’intéressée a été affectée temporairement à la direction des affaires extérieures du DEEE, où elle a rejoint le secrétariat, alors en surcharge de travail.

10. A l’issue de cette affectation, Madame C__________, directrice, a adressé au DF un courrier daté du 13 janvier 2003 dans lequel elle relevait que faute de besoin dans un domaine proche de la comptabilité, Mme W__________ s’était vu confier des tâches d’appoint dont elle s’était acquittée consciencieusement et à satisfaction. L’intéressée s’était parfaitement intégrée à l’équipe de la direction des affaires extérieures et s’était très bien adaptée à ses modes de travail, s’était montrée aimable et serviable et avait été unanimement appréciée par ses collègues.

11. A partir du 18 février 2003, Mme W__________ a été affectée au service des rôles de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) où elle a été chargée d’enregistrer les demandes de délais pour le retour des déclarations fiscales, faire des identifications et traiter les retours postes. Elle devait en outre pouvoir s’acquitter d’autres travaux ne nécessitant pas une formation spéciale, en fonction des besoins du service.

12. Le 1er octobre 2003, un entretien a eu lieu entre l’intéressée, Monsieur Y_________, chef du service des rôles, et Madame P__________, adjointe au chef de service. Il a fait l’objet d’un compte-rendu établi par cette dernière et dont il ressort que Mme W__________ avait refusé de prendre les appels téléphoniques à une période où le service en était surchargé en raison de l’envoi des rappels de déclarations. Elle avait dévié son téléphone sur une autre ligne, prétextant un manque de connaissances.

Mme W__________ avait clairement dit qu’elle avait accepté cette place pour avoir un emploi, qu’elle n’était pas du tout motivée par le travail du service vu ses connaissances, ni disposée à s’y investir, n’étant là qu’en attente d’un autre emploi plus conforme à ses capacités.

Son travail quantitativement insuffisant et qualitativement médiocre ainsi que son attitude au sein du service – choix de ce qu’elle a envie de faire, travail privé durant les heures de travail, absences trop fréquentes et non acceptation d’ordre, réprimande ou observation – étaient conformes à ses déclarations.

Son déplacement dans les plus brefs délais était demandé.

13. Le 2 octobre 2003, Mme W__________ a passé un test pour un poste de taxatrice auprès du service des personnes morales de l’AFC et, à une date non déterminée, a eu un entretien au sujet de ce poste avec Madame M__________, cheffe du service précité et Madame N__________, cheffe de groupe qui avait travaillé avec Mme W__________ à l’époque où celle-ci était en fonction au service de la taxation A.

14. Le 8 octobre 2003, Mme M__________ a établi une note à l’intention de Madame S__________, responsable de secteur ressources humaines au DF, au sujet de la postulation de Mme W__________.

Le résultat du test était très moyen, tout juste suffisant dans une des parties et normalement, son service n’engageait pas les candidats de ce niveau. Par ailleurs, au cours de l’entretien, Mme W__________ avait donné l’impression de tout savoir et de vouloir toujours avoir le dernier mot, n’avait pas été ressentie comme très sincère dans ses réponses et avait indiqué n’avoir jamais eu de problèmes quant à son travail mais seulement des problèmes relationnels ce qui ne ressortait pas de cette manière de son dossier. Pour ces raisons entre autres, elles avaient décidé de ne pas prendre Mme W__________ au sein du service des personnes morales.

15. Le 13 octobre 2003, Madame E__________, responsable des ressources humaines du DF et Mme S__________ ont eu un entretien avec Mme W__________. Il ressort du compte-rendu établi par Mme S__________ et intitulé « note de dossier », que cette séance avait pour but d’informer l’intéressée du contenu des rapports établis à son sujet par M. Y_________ et Mme M__________. A cette occasion, Mme W__________ a été rendue attentive au fait que son ambition de trouver un travail correspondant à ses compétences ne devait pas la dispenser d’effectuer à satisfaction des tâches de simple commise administrative et de faire preuve d’une attitude collaborante et positive. Elle était invitée à suivre des cours de technique de recherche d’emploi et à remettre en question son comportement. Enfin, Mme E__________ ne voyait plus d’affectation possible au DF et n’avait plus d’autre solution que de demander à l’OPE l’ouverture d’une enquête administrative conduisant au licenciement.

16. Dès le 15 octobre 2003, Mme W__________ a été affectée au service de l’expédition, secteur courrier, où elle a tout d’abord procédé à l’ouverture du courrier entrant puis effectué du classement aux archives, dans un des sous-sols du DF.

17. Par arrêté du 26 novembre 2003, le Conseil d’Etat a ouvert une enquête administrative à l’encontre de Mme W__________ pour manquements aux devoirs de service, et confié sa conduite à un ancien fonctionnaire.

18. L’enquêteur a procédé à plusieurs auditions. Celles de Mme W__________ ont été faites en présence de son conseil et les témoins entendus l’ont été en présence de l’intéressée et de son conseil.

a. Mme W__________ a été entendue le 27 janvier 2004. Elle a rappelé son parcours professionnel et sa formation continue. Elle n’avait connu aucune difficulté relationnelle à l’OCPA mais avait souffert d’une tendinite assez grave due à toutes les heures supplémentaires qu’elle avait dû effectuer. Elle avait d’ailleurs utilisé ces heures accumulées pour entreprendre une formation préparant au brevet de comptable. Elle n’avait pas réussi tous les examens mais avait la possibilité de les repasser.

Le début de son activité au service des affaires financières du DEEE s’était bien passé, puis elle avait eu quelques difficultés avec son chef, M. B__________, qui ne lui fournissait pas toutes les informations utiles à l’exécution de son travail et qui avait pris l’habitude de lui « crier dessus » du matin au soir. Les relations s’étaient aggravées et il avait été décidé qu’il lui serait proposé une nouvelle place. Elle contestait le contenu de la note de M. B__________ du 26 novembre 2001.

Au service des rôles de l’AFC, elle n’avait pas eu à effectuer des tâches en relation avec sa formation et ses compétences et elle avait été démotivée car la situation, temporaire au départ, perdurait. Elle avait toutefois toujours effectué la masse de travail exigé. Si elle avait refusé de répondre à des appels téléphoniques, c’est parce qu’elle n’était pas en mesure de donner des réponses utiles, faute de formation. Quant au travail privé effectué durant les heures de travail, cela ne dépassait pas dix minutes par jour, n’était pas quotidien et correspondait à la poursuite de sa formation – laquelle se faisait en accord avec sa hiérarchie – et ses absences correspondaient à des recherches d’emploi.

S’agissant du poste de taxatrice fiscale au service des personnes morales, elle estimait que ses résultats au test ne permettaient pas de l’exclure.

Elle ne comprenait pas qu’on puisse lui faire grief de manquer de motivation car elle demandait un poste correspondant à ses qualifications et à chaque fois, on lui avait proposé autre chose.

b. M. Y_________ a été entendu le 24 février 2004. Mme W__________ avait travaillé dans son service en qualité d’aide, pour une période indéfinie mais courte à moyenne. Elle avait, dès le début, soulevé la problématique de la démotivation car elle considérait que les tâches qui lui étaient confiées ne correspondaient pas à sa formation et à ses connaissances. Cela s’était ressenti dans la qualité de son travail qui n’était pas bonne. De ce fait, il avait renoncé à lui confier des tâches plus difficiles. Quant au rythme de travail, Mme W__________ travaillait beaucoup lorsqu’il y avait beaucoup de travail et moins quand il y avait moins à faire, se refusant alors à des tâches supplémentaires.

Il n’avait pu se faire une opinion sur les capacités professionnelles de Mme W__________ en raison de la simplicité des tâches qui lui étaient confiées, soit essentiellement l’envoi de fax et l’octroi de délais sur requêtes des contribuables.

S’agissant des appels téléphoniques, le 90 % de ceux reçus au cours de la période de travail de l’intéressée concernaient une demande de délai. Par rapport à cela, elle était formée. Pour le reste, elle avait comme instruction de transférer l’appel à une personne compétente.

c. Mme P__________ a été auditionnée également le 24 février 2004. Avec M. Y_________, elle avait à maintes reprises mis en garde Mme W__________ au sujet de son travail insuffisant et qu’elle choisissait en fonction de son bon vouloir. Elle préparait des cours privés le matin. Cela a duré une quinzaine de jours jusqu’à ce qu’une remarque lui soit faite. Elle avait refusé de prendre des téléphones et dévié son poste sur une autre ligne du service. Elle travaillait lentement et commettait des erreurs, à propos desquelles elle acceptait mal les réprimandes ou observations. L’intéressée lui avait dit avoir accepté cette place en attente d’un emploi plus conforme à ses capacités et elle n’était pas du tout motivée par le travail, dans lequel elle ne voulait pas s’investir.

d. Toujours le 24 février 2004, M. B__________ a été entendu. Le rôle de Mme W__________ avait été de l’assister dans ses fonctions comptables, soit superviser les diverses comptabilités des services, gérer la comptabilité du service et boucler les comptes généraux mensuels et annuels. Il s’était rendu compte que ses connaissances comptables étaient des plus limitées. Il contestait avoir fait preuve de manque de soutien et de disponibilité envers Mme W__________.

e. Mme E__________ a été entendue le 8 mars 2004. Elle avait rencontré Mme W__________ à quatre reprises. Les recherches d’emploi de cette dernière posaient problème, car elle postulait pour des postes qui étaient supérieurs à ce à quoi elle pouvait prétendre au vu de son parcours à l’Etat. On avait essayé de lui faire comprendre qu’une postulation à un moindre niveau aurait eu plus de chance d’aboutir. Elle ne pouvait pas prétendre obtenir tout de suite un poste correspondant à sa formation récemment acquise, car il lui fallait de l’expérience. Le poste qui lui avait été confié au service des rôles n’était pas adapté à ses compétences mais ce qui lui avait été demandé était de le remplir à satisfaction.

f. Mme S__________ a été entendue le même jour que Mme E__________. Lorsqu’il y avait eu un besoin en personnel au service des rôles, elle avait pensé à Mme W__________ car celle-ci avait déjà travaillé à l’AFC. Jusqu’à la fin de l’été 2003, elle n’avait pas eu de retour d’information de sa hiérarchie. En septembre 2003, elle avait été informée de la quantité insuffisante et de la qualité médiocre du travail de Mme W__________ et des autres problèmes évoqués par M. Y_________. Elle confirmait les propos tenus par celle-ci lors de l’entretien du 13 octobre 2003, tels que rapportés dans la note établie le 15 octobre 2003.

g. Le 8 mars 2004 encore, Mme M__________ a été entendue. Elle avait reçu Mme W__________ pour un entretien d’engagement en qualité de taxatrice. Avant l’entretien, elle avait eu en sa possession le dossier administratif de l’intéressée, ce qui était usuel, mais dans lequel ne figurait pas encore le résultat du test qu’elle venait de passer. Les réponses de Mme W__________ au cours de l’entretien étaient en contradiction avec son dossier. Mme S__________ l’avait contrainte à recevoir Mme W__________ car, au vu de son dossier, elle ne l’aurait pas convoquée. C’est après qu’elle ait décidé de ne pas retenir sa candidature qu’une note lui a été demandée à ce sujet, cela pour la première fois en deux ans.

h. C’est également le 8 mars 2004 que Mme C__________ a fait sa déposition. Mme W__________ était restée dans son service de décembre 2001 à fin 2002. Cette dernière n’avait pas été engagée pour ses compétences comptables, mais pour diverses tâches. L’intéressée était ballottée d’un service à l’autre et subissait une sorte de déqualification, le temps passant. Elle avait aussi remarqué qu’elle était angoissée mais malgré cela, s’était investie de façon adéquate et même plus. Mme W__________ n’avait jamais dédaigné les tâches qui lui étaient confiées, quelles qu’elles soient.

i. Enfin, le 8 mars toujours, Mme T__________, ancienne collègue de Mme W__________ a été entendue. Elle avait travaillé avec celle-ci de mai à septembre/octobre 2003. Mme W__________ était assez rapide dans l’exécution de ses tâches et il n’y avait pas d’accumulation de travail sur son bureau. Elle n’avait pas entendu de remarques de M. Y_________ ou de Mme P__________ au sujet de la qualité ou de la quantité des prestations de Mme W__________. Au cours des deux derniers mois, M. Y_________ avait prié celle-ci de venir dans son bureau deux à trois fois par semaine. Quant à l’ambiance, elle n’était pas bonne envers les nouveaux venus, auxquels on demandait beaucoup alors que les anciens avaient pris un rythme de travail lent.

S’agissant des téléphones, les nouveaux venus ne recevaient pas de formation. Elle-même avait refusé de répondre au téléphone. Elle n’avait pas non plus été formée aux autres tâches, sa responsable de formation, Mme P__________, ayant pour phrase : « Vous apprendrez sur le tas ».

j. Mme W__________ a été entendue un nouvelle fois, à sa demande, le 12 mars 2004. Elle contestait l’affirmation de M. B__________ relative à la destruction de pièces comptables et demandait à pouvoir faire entendre un témoin qui aurait lu le rapport de l’Inspection cantonale des finances sur les comptes du service financier du DEEE. Elle remarquait par ailleurs que ni la note de Mme C__________ du 10 janvier 2003 ni le test Predom qu’elle avait effectué ne figuraient dans le dossier remis à l’enquêteur. Elle avait le sentiment, suite au témoignage de Mme M__________ sur les circonstances dans lesquelles celle-ci avait rédigé sa note du 8 octobre 2003, qu’il s’était agi de fabriquer un dossier en vue d’une enquête administrative. Elle avait aussi le sentiment qu’en l’affectant à des postes manifestement inadaptés, on l’encourageait de manière appuyée à donner sa démission.

19. Le 25 mars 2004, l’enquêteur a rendu son rapport, concluant, après examen des pièces du dossier et analyse des auditions auxquelles il a procédé, que la fin des rapports de service pour motif objectivement fondé, s’imposait, eu égard aux réserves quant à la capacité de Mme W__________ d’assumer pleinement une fonction au sein de l’Etat. Il lui avait en effet été proposé :

- un poste de comptable 3 qu’elle n’avait pas su assumer ;

- un poste à moindre responsabilité au service des rôles qu’elle n’avait pas voulu assumer, en dépit du fait qu’elle avait conservé une classe salariale supérieure à ses collègues et qu’elle n’avait pas à assumer toutes les tâches incombant aux titulaires de ce service ;

- un poste à plus grande responsabilité auprès du service des personnes morales pour lequel elle n’avait pas été retenue après test et entretien.

20. Par courrier du 1er avril 2004, l’OPE a transmis à Mme W__________ copie du rapport d’enquête précité en lui indiquant qu’elle pouvait adresser ses observations au Conseil d’Etat par écrit dans les trente jours suivant sa communication.

21. Le 6 mai 2004, par l’entremise de son avocat, Mme W__________ a transmis au Conseil d’Etat, à titre d’observations, copie de la plainte pour harcèlement psychologique qu’elle déposait le même jour auprès de la direction générale de l’OPE. Cette plainte visait M. B__________, Mme E__________ et Mme S__________.

22. Par courrier du 4 juin 2004, la Conseillère d’Etat en charge du DF a informé le conseil de Mme W__________ que la plainte pour harcèlement psychologique ne saurait valoir observations sur le rapport d’enquête administrative, les deux procédures étant distinctes. Dès lors, Mme W__________ était réputée avoir renoncé à s’exprimer sur ledit rapport d’enquête.

23. Par arrêté du 23 juin 2004, le Conseil d’Etat a licencié Mme W__________ avec effet au 30 septembre 2004, les diverses tentatives effectuées pour affecter durablement l’intéressée à un poste s’étaient soldées par échec en raison de l’insuffisance de ses prestations en matière de travail et de comportement. L’inadéquation entre les aspirations personnelles de Mme W__________ et les besoins de l’administration ne saurait justifier ses manquements répétés aux devoirs de service.

24. Par acte du 27 juillet 2004, Mme W__________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, concluant principalement à l’annulation dudit arrêté et à sa réintégration.

25. En date du 6 août 2004, l’OPE a informé le tribunal de céans qu’il était apparu que l’arrêté querellé avait été notifié en temps inopportun, Le congé était donc nul et il devait être renouvelé en temps utile.

26. Par décision du 11 août 2004, le Tribunal administratif a constaté que le recours de Mme W__________ était devenu sans objet et rayé la cause du rôle.

27. Par arrêté du 15 septembre 2004, le Conseil d’Etat a prononcé à nouveau le licenciement de Mme W__________. Cette décision, exécutoire nonobstant recours, reprend intégralement celle du 23 juin 2004, l’effet du licenciement étant fixé au 31 décembre 2004.

28. Par acte du 14 octobre 2004, Mme W__________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, prenant les mêmes conclusions principales que dans son recours du 27 juillet 2004.

29. Le 19 novembre 2004, le Conseil d’Etat a conclu au rejet du recours.

30. Par arrêt du 15 février 2005, le Tribunal administratif a admis le recours de Mme W__________ et constaté la nullité de son licenciement. En écartant la plainte pour harcèlement psychologique produite par l’intéressée à titre d’observations sur le rapport d’enquête et en considérant qu’elle avait renoncé à s’exprimer à ce sujet, le Conseil d’Etat avait violé son droit d’être entendu. Le pouvoir de cognition de la juridiction de recours ne permettait pas que cette violation soit réparée devant elle.

31. Le 11 mars 2005, Mme W__________ a informé l’OPE qu’elle était à disposition pour reprendre le travail immédiatement mais souhaitait néanmoins discuter des modalités de sa réintégration au vu du contexte particulier qui a préexisté à son licenciement et au vu des plaintes qu’elle avait pu émettre à l’encontre de certains de ses collègues.

32. Le 19 avril 2005, Mme W__________ et son conseil ont eu un entretien avec Monsieur J__________, directeur des ressources humaines (ci-après : DRH) du DF et Mme S__________, sur le contenu duquel les comptes rendus des parties divergent :

a. Dans un courrier du 20 avril 2005 adressé à l’intéressée, le DRH a précisé que l’entretien avait pour but notamment d’examiner les modalités de réintégration de celle-ci au sein du service du courrier dans lequel elle était précédemment affectée. Il devait lui confirmer dans les dix jours la position de son secrétaire général par rapport à la suite que ce dernier entendait donner à l’arrêt du Tribunal administratif (sic). Dans cette attente Mme W__________ était libérée de son obligation de travailler.

b. Le 21 avril 2005, Mme W__________, se référant à l’entretien précité, a confirmé par écrit au DRH qu’elle attendait que celui-ci lui fasse part de la décision du secrétaire général du DF concernant son avenir professionnel. Dès cette décision connue, elle se tiendrait à disposition afin de réintégrer un poste au sein de l’Etat de Genève, étant jusque là libérée de son obligation de travailler. Ainsi que cela avait été discuté, il serait judicieux que ce poste ne lui soit pas proposé au sein du DF mais dans un autre département.

33. Par courrier du 26 avril 2005, le DRH a informé l’intéressée qu’après examen, la présidente du DF avait décidé de mettre fin aux rapports de service la liant à l’Etat de Genève en lui notifiant un nouvel arrêté de licenciement. Vu les circonstances, la libération de l’obligation de travailler était prolongée jusqu’à nouvel ordre.

34. Par arrêté du 11 mai 2005, le Conseil d’Etat a prononcé pour la troisième fois le licenciement de Mme W__________, avec effet au 31 août 2005. La décision était exécutoire nonobstant recours. Les motifs étaient en substance ceux invoqués dans les deux précédents arrêtés. Les observations de Mme W__________ - soit la plainte pour harcèlement psychologique déposée le 6 mai 2004 - n’étaient pas de nature à remettre en cause les faits qui avaient été retenus à son encontre dans le cadre de l’enquête administrative. En outre l’intéressée n’entendait pas reprendre son activité au service du courrier. Ses manquements avaient rompu tout rapport de confiance.

35. Le 17 mai 2005, dans un courrier relatif au règlement de plusieurs points d’ordre administratif, adressé au DRH, Mme W__________ a contesté les motifs allégués à l’appui de son licenciement et principalement le fait qu’elle avait refusé de reprendre son activité au sein du service du courrier. Elle avait souhaité ne pas être affectée à ce service mais avait tout de suite fait connaître sa volonté de reprendre le travail. C’était bien en accord avec le DRH qu’elle avait été libérée de son obligation de travailler, dans l’attente de la décision de la présidente du DF sur le principe même du prononcé d’un nouveau licenciement.

36. Le 19 mai 2005, le DRH a accusé réception du courrier précité, répondant uniquement aux éléments à caractère administratif.

37. Par courrier du 13 juin 2005, l’OPE a informé Mme W__________, qui s’en était enquis le 8 précédant, que l’enquête interne ouverte à l’encontre de M. B__________ avait été suspendue le 22 décembre 2004 dans l’attente de la décision du Tribunal administratif sur son recours contre son licenciement du 15 septembre 2004 et le demeurait car l’arrêt du 15 février 2005 constatant la nullité de cette décision pour violation du droit d’être entendu, ne s’était pas prononcé sur le fond, « partant, sur l’existence ou l’absence d’actes de harcèlement ».

38. Par acte du 13 juin 2005, agissant par l’entremise de son avocat, Mme W__________ a recouru contre l’arrêté du 11 mai 2005, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif, principalement au constat de la nullité de la décision et subsidiairement au constat que le licenciement était contraire au droit avec demande de réintégration et d’indemnisation en cas de refus de cette dernière, le tout avec suite de frais et indemnité de procédure.

Le licenciement ne pouvait se fonder sur le rapport d’enquête administrative du 25 mars 2004. Une nouvelle enquête aurait dû être menée et la recourante aurait dû être entendue sur ce qui s’était passé depuis lors ainsi que sur le nouveau motif de licenciement retenu par le Conseil d’Etat, soit le refus de reprendre ses activités au sein du service du courrier. En outre, la décision avait été prise sans que l’on connaisse le résultat de l’enquête interne pendante contre M. B__________, sur les dires duquel le Conseil d’Etat s’était notamment fondé. L’autorité avait ainsi abusé de son pouvoir. Par ailleurs, le droit d’être entendu de Mme W__________ avait été manifestement violé car à aucun m moment elle n’avait pu s’exprimer sur le nouvel arrêté de licenciement rendu à son encontre, en particulier sur les nouveaux motifs invoqués.

Quant au fond, les manquements répétés aux devoirs du service n’avaient jamais été démontrés. Elle avait eu des difficultés relationnelles avec M. B__________ et, vu les postes qui lui avaient été proposés, elle n’avait pas toujours été totalement motivée pour effectuer ses tâches. Elle avait toutefois toujours fourni un travail correct et n’avait jamais commis de faute grave ou accumulé du retard. Elle s’était tenue à disposition de son employeur en tout temps pour travailler et n’avait pas refusé de travailler au service du courrier, même si elle préférerait être affectée à un autre service. C’est le DRH qui lui avait signifié sa libération de son obligation de travailler. La décision querellée était l’aboutissement de manœuvres de mobbing pratiquées sur sa personne, de la part de M. B__________ d’abord, qui la dévalorisait en permanence ; puis de Mmes E__________ et S__________ qui avaient fait pression sur elle pour qu’elle démissionne et l’avaient affectée à des tâches répétitives et bien en dessous de ses capacités professionnelles.

39. Le 22 juin 2005, le Conseil d’Etat s’est opposé à la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, pour les motifs déjà exposés dans ses écritures du 28 octobre 2004.

40. Par décision du 23 juin 2005, le Président du Tribunal administratif a refusé de restituer l’effet suspensif au recours de Mme W__________.

41. Le 18 juillet 2005, le Conseil d’Etat s’est opposé au recours.

Une nouvelle enquête administrative n’aurait pas permis d’apporter d’élément nouveau s’agissant des prestations de la recourante, qui n’avait plus exercé d’activité depuis le 10 mars 2004. En outre, elle avait refusé de réintégrer le service du courrier. Par ailleurs, l’enquête interne ouverte à l’encontre de M. B__________ était distincte de l’enquête administrative. Il était donc sans pertinence de reprocher au Conseil d’Etat d’avoir prononcé le licenciement sans connaître le résultat de celle-ci.

Sur le fond, les dysfonctionnements de la recourante et l’échec consécutif des tentatives pour l’affecter durablement à un poste au sein du DF résultaient de traits de caractère incompatibles avec les devoirs de service, ce qui ne saurait être imputé ni à ses collègues ni à ses supérieurs. Les prestations de Mme W__________ au service des rôles de l’administration fiscale cantonale avaient été insatisfaisantes tant en ce qui concernait le travail que l’attitude. En dépit des mises en garde qui lui avaient été faites par la direction du service, elle n’avait fourni aucun effort. La tentative de l’affecter à un poste de taxatrice avait échoué suite à l’entretien d’engagement et compte tenu de son dossier ainsi que de ses résultats très moyens à un test. L’inadéquation pouvant exister entre les aspirations personnelles et les prétentions de la recourante d’une part et les besoins de l’administration d’autre part, ne sauraient en aucun cas justifier les manquements aux devoirs de service.

42. Le 26 octobre 2005, en présence des parties, le tribunal de céans a procédé à l’audition de Mme S__________. Il en est ressorti les éléments suivants :

- S’agissant de la candidature de Mme W__________ au poste de taxatrice, elle avait insisté auprès de Mme M__________ pour que cette dernière, qui ne comptait pas retenir cette candidate sur la base des résultats du test, reçoive la recourante, par souci d’égalité avec les autres candidats puisque d’une manière générale, une sélection se faisait sur la base des trois éléments : dossier, tests, entretien. Contrairement à ce qu’avait déclaré Mme M__________ à l’enquêteur administratif le 8 mars 2004, elle ne lui avait pas demandé de note sur cette candidature mais seulement de lui transmettre le dossier de Mme W__________ avec la réponse « oui ou non » par rapport à ladite candidature. Les explications de Mme M__________ relatives au rejet de la postulation étaient plus longues qu’à l’accoutumée.

- Son insistance auprès de Mme M__________ était également motivée par le fait qu’elle cherchait un poste pour Mme W__________ dans le cadre de Carrefour Mobilité et qu’il n’y avait pas beaucoup de places vacantes pour elle. Cette recherche s’était effectuée au sein du DF seulement car Carrefour Mobilité, qui était en fin de parcours, en dépendait. Elle ignorait s’il aurait été possible de trouver un poste dans un autre département car cela n’était pas de sa compétence.

- Elle avait établi le certificat de travail intermédiaire délivré à Mme W__________ le 6 décembre 2004, sur la base des pièces figurant au dossier, notamment ses analyses de prestations. Il ne portait que sur les périodes durant lesquelles Mme W__________ avait travaillé au service des rôles, puis au service du courrier car il ne lui était pas possible de se prononcer pour un autre département que le DF. Ce document se voulait le plus objectif possible par rapport à la situation de l’intéressée, afin de ne pas compromettre davantage celle-ci.

43. Le 24 novembre 2005, en présence des parties, le Tribunal administratif a entendu M. B__________. Il ressort de son audition les éléments suivants :

- Il avait une formation d’apprentissage bancaire, secteur dans lequel il avait travaillé 40 ans, avant d’être engagé par l’Etat de Genève en 1999 en qualité de comptable puis comme responsable du service financier. Il s’était retrouvé seul à la tête de ce service courant 2001, suite au départ d’un collègue pour mésentente avec la cheffe de service de l’époque et du déplacement, puis de la démission de cette dernière.

- Il avait consacré à la formation de Mme W__________ « le temps nécessaire à ce que son poste représentait en formation ». Cela se faisait à chaque opération nouvelle pour elle. Il n’était pas en mesure de chiffrer ce que cela représentait en temps par rapport à son activité quotidienne.

- Durant ses trois semaines de vacances en septembre 2001, il avait été remplacé par le directeur financier du département. Durant cette période, personne ne s’était occupé de la formation de Mme W__________, à laquelle des tâches subalternes avaient été confiées.

- Dès le départ, il n’avait pas été satisfait des prestations de Mme W__________, dont les connaissances n’étaient pas en relation avec ce qu’il pouvait attendre d’une comptable 3. Sa formation, telle qu’elle ressortait de son curriculum vitae n’était pas suffisante pour assumer des tâches du niveau de ce poste. Sur la base de deux entretiens d’embauche, il était apparu qu’elle pouvait être engagée pour la période de six mois prévue dans le cadre de Carrefour Mobilité. Cette période d’essai avait révélé que l’on s’était trompé à l’engagement.

- S’agissant des pièces comptables détruites, il y en avait eu deux. C’étaient des avis de virement de comptes internes ne portant pas sur des montants importants et qu’il avait reconstitués afin qu’il n’y ait pas de problèmes avec l’Inspection cantonale des finances. C’est Mme W__________ qui lui avait indiqué que ces pièces étaient détruites lorsqu’il avait demandé les justificatifs des mouvements. Il ne pensait pas qu’elle avait détruit ces pièces volontairement et était même persuadé du contraire.

- L’enquête interne diligentée à son encontre, suite à la plainte du 6 mai 2004 déposée par Mme W__________, était suspendue. Il n’avait pas encore été entendu dans ce cadre.

A l’issue de cette audition, l’affaire a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les relations entre la recourante, fonctionnaire, et l’Etat de Genève sont régies par la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et ses dispositions d’application.

Dans ce cadre, les membres du personnel doivent notamment remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence, respecter leur horaire de travail et s’abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (art. 22 al. 1, 2 et 3 du règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 - RLPAC - B 5 05 01). Par leur attitude, ils se doivent, entre autres, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leur supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés (art. 21 let. a RLPAC). Leur affectation dépend des besoins de l’administration et peut être modifiée en tout temps, un changement d’affectation ne pouvant entraîner de diminution de salaire (art. 12 al. 1 et 2 LPAC).

3. Selon l’article 21 alinéa 2 lettre b LPAC, après la période probatoire, le Conseil d’Etat peut, pour un motif objectivement fondé, mettre fin aux rapports de service du fonctionnaire en respectant le délai de résiliation.

Est considéré comme objectivement fondé tout motif dûment constaté démontrant que la poursuite des rapports de service est rendue difficile en raison soit de l’insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC) ou de l’inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. c LPAC).

4. Lorsqu’il envisage de résilier des rapports de service pour un motif objectivement fondé, le Conseil d’Etat doit ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à un ou plusieurs magistrats ou fonctionnaires, en fonction ou retraités (art. 27 al. 2 LPAC). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture. Il peut se faire assister par un conseil de son choix (art. 27 al. 3 LPAC). Les dispositions de la LPA sont applicables, en particulier celles relatives à l’établissement des faits (art. 27 al. 1 LPAC). Une fois l’enquête achevée, l’intéressé peut s’exprimer par écrit dans les 30 jours qui suivent la communication du rapport d’enquête (art. 27 al. 5 LPAC). Le Conseil d’Etat statue alors à bref délai (art. 27 al. 6 LPAC)

En l’espèce, l’intimé a ordonné le 26 novembre 2003 l’ouverture de l’enquête administrative à l’encontre de la recourante pour manquement aux devoirs de service et l’a confiée à un fonctionnaire retraité. La recourante en a été dûment informée et a pu participer aux actes d’investigation, assistée de son avocat. A l’issue de l’enquête, elle a pu s’exprimer par écrit sur le rapport d’enquête, sa plainte pour harcèlement psychologique du 6 mai 2004 transmise en copie à titre d’observations sur ledit rapport, ayant finalement été prise en compte comme telles par le Conseil d’Etat, conformément à l’arrêt rendu le 15 février 2005 par le tribunal de céans.

5. La recourante reproche à l’intimé de n’avoir pas respecté l’article 27 alinéa 6 LPAC en rendant l’arrêté de licenciement querellé plus d’un an après la remise du rapport d’enquête et soutient qu’une nouvelle enquête aurait du être menée, prenant en compte ce qui s’était passé depuis lors.

Aucune conséquence juridique spécifique n’est attachée par la LPAC à une décision de licenciement qui n’interviendrait pas rapidement.

Par ailleurs, in casu, la première décision de licenciement fondée sur le rapport d’enquête du 25 mars 2004 a été rendu le 23 juin 2004. Notifiée en temps inopportun, elle était nulle. Le Conseil d’Etat a rendu un deuxième arrêté de licenciement le 15 septembre 2004, entaché d’un vice de procédure ayant entraîné un constat de nullité par le tribunal de céans, auquel la recourante s’était adressée. La décision dont est présentement recours est intervenue moins de trois mois après la notification de l’arrêt du 15 février 2005. Force est de constater qu’au gré de ces aléas procéduraux, le Conseil d’Etat n’a pas tardé à statuer.

6. La recourante soutient que le Conseil d’Etat a abusé de son pouvoir en fondant sa décision notamment sur les déclarations de M. B__________ sans connaître le résultat de l’enquête interne ouverte à l’encontre de celui-ci pour harcèlement psychologique.

Il ressort du dossier que l’enquête interne précitée a été suspendue par l’OPE dans l’attente de l’issue de la procédure de recours contre l’arrêté de licenciement du 15 septembre 2004 et n’a pas été reprise à la suite de l’arrêt du Tribunal administratif constatant la nullité de cette décision, en raison du nouvel arrêté de licenciement présentement querellé.

Par ailleurs, l’intimé s’est fondé sur le rapport d’enquête administrative antérieur à la plainte déposée par la recourante. Dans le cadre de cette procédure d’enquête, M. B__________ a été entendu en présence de l’intéressée, assistée de son conseil, sur des éléments repris ultérieurement dans la plainte pour harcèlement psychologique. Dite plainte a été remise au Conseil d’Etat à titre d’observations sur le rapport d’enquête administrative. Celui-ci a estimé que ces observations n’étaient pas de nature à remettre en cause les faits retenus à l’encontre de la recourante, en particulier ceux relatifs aux prestations fournies dans un autre département plus d’une année après avoir quitté le service de M. B__________. C’est le lieu de relever qu’elle n’a travaillé que quatre mois dans ce service, durant lesquels son supérieur hiérarchique a été absent trois semaines pour cause de vacances, sur la période de deux ans examinée au cours de l’enquête administrative. Ainsi, même si les reproches de harcèlement psychologique étaient fondés et son influence sur les prestations de la recourante dans ce service, démontrée, au point que ces éléments devraient être écartés, cela n’affecterait pas les autres éléments retenus dans l’enquête administrative.

Au vu de ce qui précède, le Conseil d’Etat n’a pas abusé de son pouvoir de décision en prononçant le licenciement de la recourante sans attendre l’issue de l’enquête interne ouverte contre M. B__________.

7. La recourante se plaint de ne pas avoir pu s’exprimer sur le seul nouveau grief - et non plusieurs comme elle le mentionne - retenu contre elle dans la décision querellée, soit le refus de reprendre ses activités au service du courrier.

Le droit d’être entendu, garanti expressément par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) est une garantie à caractère formel dont la violation doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 119 Ia 136 consid. 2b). Cette violation est toutefois réparable devant l’instance de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen des questions litigieuses que l’autorité intimée et si l’examen de ces questions ne relève pas de l’opportunité, car l’autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d’examen à celui de l’autorité de première instance (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.30/2003 du 2 juin 2003 consid. 2.4 et les arrêts cités ; ATA /703/2002 du 19 novembre 2002). In casu, le Tribunal administratif ne dispose pas du même pouvoir de cognition que le Conseil d’Etat, les éléments d’une décision de licenciement relevant de l’opportunité échappant à son examen (art. 61 al. 2 LPA), de sorte que la méconnaissance du droit d’être entendu de la recourante ne pourrait être réparée par le biais du présent recours.

Il ressort toutefois de la procédure que dès les premiers contacts entre la recourante et le DF à la suite de l’arrêt du Tribunal administratif du 15 février 2005, celle-là avait souhaité son transfert dans un autre département tandis que celui-ci entendait la réaffecter au service du courrier. L’intéressée a eu l’occasion de préciser pour quelle raison elle souhaitait une autre affectation avant que l’arrêté querellé ne soit rendu. Aussi son droit d’être entendu n’a-t-il pas été violé par le Conseil d’Etat.

8. Une décision de licenciement doit respecter le principe de la proportionnalité. L'autorité doit apprécier les actes ou les manquements reprochés à l'intéressé en les situant dans leur contexte, c'est-à-dire en tenant compte d'éventuelles circonstances atténuantes (ATA/53/2005 du 1er février 2005 ; ATA/46/2001 du 23 janvier 2001 et les références citées).

9. On parle d'excès de pouvoir positif lorsque l'autorité considère à tort qu'elle bénéficie d'une certaine liberté d'appréciation. Il y a excès de pouvoir négatif lorsque l'autorité s'estime liée, alors que la compétence que lui donne la loi est discrétionnaire : lorsque la norme confère un certain pouvoir d'appréciation, pour que compte puisse être tenu de circonstances particulières, l'administré a aussi le droit qu'il soit effectivement exercé.

Alors même que l'autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de proportionnalité (P. MOOR, Droit administratif, vol. I : Les fondements généraux, Berne 1994, p. 376 ss. et les références citées).

En l’espèce, les pièces du dossier font apparaître que la recourante est entrée au service de l’Etat de Genève le 1er mars 1991 et n’a pas connu de problèmes professionnels avant d’être affectée au service des affaires financières du DEEE. Elle n’a fait l’objet d’aucune sanction administrative et ses analyses de prestations successives, au cours des premières années de service, sont sans particularité. Jusqu’en automne 2001, aucun de ses supérieurs hiérarchiques ne s’est plaint de son travail ou de son comportement. Par ailleurs, il apparaît qu’elle a donné pleine satisfaction à sa hiérarchie durant son affectation temporaire d’une année au secrétariat de la direction des affaires extérieures du DEEE entre décembre 2001 et janvier 2003. Son travail et/ou son comportement ont fait l’objet de critiques au cours de deux périodes : entre le 1er août et fin novembre 2001 - au service des affaires financières du DEEE - et entre le 18 février et le 15 octobre 2003 - au service des rôles de l’AFC.

Dans le premier cas, la recourante s’est vu reprocher des prestations insuffisantes. Toutefois, il ressort de l’audition du chef du service concerné devant le tribunal de céans, qu’avant même l’engagement de l’intéressée, son curriculum vitae faisait apparaître que sa formation n’était pas suffisante pour assumer des tâches du niveau de ce poste. Or, aucun programme de mise à niveau des connaissances n’a été proposé à l’intéressée. Celle-ci s’est en outre vu confier des tâches subalternes - qui n’ont pas fait l’objet de critiques - durant les trois semaines de vacances de son supérieur direct, personne n’étant en charge de sa formation durant cette période. Au vu de ce qui précède, si prestations insuffisantes il a y eu, elles ne peuvent être retenues à charge de la recourante.

Dans le second cas, les témoignages recueillis font apparaître que le travail de la recourante a été jugé quantitativement et qualitativement médiocre par sa hiérarchie. Il lui a en particulier été reproché d’avoir refusé de répondre à des appels téléphoniques, ce qu’elle ne conteste pas mais justifie par le fait de n’avoir pas été en mesure de répondre utilement, faute de formation. Une telle justification n’est toutefois pas admissible dès lors qu’elle avait la possibilité de transmettre les appels à des collègues disposant des compétences nécessaires.

Il apparaît que la recourante a fait montre de manque de motivation se traduisant dans son comportement au sein du service, car elle considérait que les tâches qui lui étaient confiées ne correspondaient pas à sa formation, à ses qualifications et à ses capacités. Toutefois, ce comportement n’est pas acceptable au regard de son statut de membre du personnel de l’Etat de Genève, dont l’affectation dépend des besoins de l’administration et qui se doit de remplir consciencieusement et avec diligence tous les devoirs de sa fonction. A cet égard, en s’engageant dans une démarche d’évolution professionnelle dans le cadre de « Carrefour mobilité », elle savait qu’en cas d’échec au poste auquel elle avait été transférée à l’essai, elle n’avait aucune garantie d’avoir une affectation correspondant à ses aspirations.

Les manquements répétés aux devoirs de service sont ainsi établis pour la période passée par la recourante au service des rôles de l’AFC.

Il ressort en outre du dossier et des enquêtes auxquelles le tribunal de céans a procédé que les relations de travail de la recourante avec sa hiérarchie n’étaient pas bonnes, cela durant les deux périodes en cause et qu’elle avait à cet égard fait mauvaise impression à ses interlocutrices lors de l’entretien au sujet du poste de taxatrice en octobre 2003. Il serait vain de tenter d’établir l’origine de ces mauvaises relations dès lors que des difficultés d’ordre relationnel sont susceptibles de constituer des raisons justifiant le licenciement d’un fonctionnaire (ATA/829/2005 du 6 décembre 2005 ; ATA/65/2004 du 21 janvier 2004 et ATA/667/2003 du 2 septembre 2003).

Le licenciement de la recourante, enfin, respecte le principe de la proportionnalité, aucune autre mesure moins incisive n’apparaissant envisageable, dès lors qu’il s’inscrit dans un contexte d’insuffisance de prestations et non de sanction disciplinaire.

10. Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 juin 2005 par Madame W__________ contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 11 mai 2005 prononçant son licenciement ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Me Marc Lironi, avocat de la recourante ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :