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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1561/2018

ATA/253/2020 du 03.03.2020 sur JTAPI/219/2019 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1561/2018-PE ATA/253/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mars 2020

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Gaétan Droz, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mars 2019 (JTAPI/219/2019)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1977, est citoyen algérien.

2) M. A______ vit en Suisse depuis une dizaine d'années, sous déduction d'une interruption de sept mois. Il est sans emploi ni ressources propres, loge depuis plusieurs années chez M. B______ et vit actuellement d'aides que lui accordent des tiers, dont la mosquée de Genève.

3) Le 4 mai 2010, il avait déposé au centre d'enregistrement de Vallorbe une demande d'asile sous l'identité - fausse - de C______, né le ______ 1977. Il avait été attribué au canton de Schwyz et sa demande d'asile avait été rejetée par une décision de non entrée en matière entrée en force le 19 juin 2010.

4) Une prise d'empreintes digitales effectuée le 27 juin 2016 a révélé que, sous l'identité de D______, né le ______ 1977 et originaire d'Algérie,
M. A______ était connu des services de police pour :

-          avoir demandé l'asile à Vallorbe le 4 mai 2010 sous une fausse identité ;

-          vol dans le canton de Genève le 26 octobre 2010 ;

-          vol dans le canton de Neuchâtel le 23 octobre 2013 ;

-          infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 - alors LEtr) dans le canton de Zoug le 18 novembre 2013 ;

-          infraction à la LEI dans le canton de Schwyz le 5 décembre 2013 ;

-          infraction à la LEI dans le canton de Genève le 26 décembre 2014.

5) L'extrait du casier judiciaire suisse de M. A______ indique par ailleurs, à la date du 25 août 2015, que celui-ci a été condamné :

-          le 19 mai 2010 par le Ministère public de Kreuzlingen à soixante
jours-amende à CHF 30.- avec sursis pour infractions (concours) à l'art. 115 al. 1 let. a LEI ;

-          le 31 octobre 2010 par le Ministère public de Zürich à une peine privative de liberté de nonante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI ;

-          le 27 octobre 2011, sous l'identité de D______, par le Ministère public de Genève à une peine privative de liberté de cent vingt jours pour recel et infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr (auj. LEI) ;

-          le 18 juillet 2012, sous l'identité de D______, par le Ministère public de Genève à une peine privative de liberté de nonante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr (auj. LEI) ;

-          le 28 mai 2013 par le Ministère public de Genève à une peine privative de liberté de cent quatre-vingt jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEtr (auj. LEI) ;

-          le 23 octobre 2013 par le Ministère public de la Chaux-de-Fonds à une peine privative de liberté de trois mois pour vol et violation de domicile ;

-          le 18 novembre 2013 par le Ministère public de Zoug à une peine privative de liberté de soixante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr (auj. LEI) ;

-          le 24 janvier 2014 par le Ministère public de Schwyz à une peine privative de liberté de nonante jours pour vol et infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr
(auj. LEI) ;

-          le 24 septembre 2014 par le Ministère public de Zoug à une peine privative de liberté de quarante jours pour vol d'importance mineure, infraction aux
art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEtr (auj. LEI) ;

-          le 16 décembre 2014 par le Ministère public de Genève à une peine privative de liberté de nonante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr
(auj. LEI).

6) Enfin, il ressort du dossier de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que M. A______ a encore été condamné :

-          le 19 juin 2017, sous l'identité de D______, par le Ministère public genevois à une amende de CHF 200.- pour infraction à l'art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ;

-          le 27 février 2019 par le Ministère public genevois à une amende de CHF 200.- pour infraction à l'art. 19a LStup ;

-          le 18 juillet 2019 par le Ministère public genevois à une peine pécuniaire de trente jours-amende à CHF 10.- avec sursis pour vol ;

-          le 9 octobre 2019, sous l'identité de D______, par le Tribunal de police de Genève à une peine privative de liberté de nonante jours pour vol et infraction à l'art. 19a LStup.

7) Le 25 juin 2015, M. A______ a complété un formulaire M de demande de permis de séjour pour ressortissant hors UE/AELE en vue de regroupement familial, indiquant B______ sous la rubrique « conjoint ». Le formulaire a été acheminé à l'OCPM par le conseil de M. A______ le 10 août 2015.

8) Le 10 août 2015, sous la plume de son conseil, M. A______ a fait parvenir à la mairie F______ une demande en vue d'enregistrement de partenariat signée de sa main et de celle de son compagnon B______.

9) Le 14 juillet 2016, sous la plume de son conseil, M. A______ a expliqué à l'OCPM qu'il avait quitté la Suisse suite au rejet de sa demande d'asile, qu'il avait séjourné sept mois en Autriche avant d'y être arrêté puis expulsé vers la Suisse en application des accords de Dublin sur la réadmission.

Il avait fait la connaissance de M. B______ à son retour d'Autriche en 2012, et il faisait ménage commun avec lui depuis 2013 ou 2014.

Il ne parvenait pas à obtenir le renouvellement de son passeport algérien en vue du partenariat enregistré, et le consulat lui avait demandé de se présenter avec sa fiancée, soit une femme.

Cela étant il ne parvenait pas à se résoudre à enregistrer le partenariat, car il craignait de s'exposer à une réprobation et à une exclusion sociale et familiale en Algérie, voire à une arrestation et à une condamnation lors d'un voyage au pays.

En outre, il serait mal à l'aise avec sa foi musulmane s'il devait consacrer civilement sa relation avec un homme.

M. A______ a demandé la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, fondée sur l'art. 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

10) Le 7 décembre 2017, l'OCPM a annoncé à M. A______ qu'il envisageait de ne pas donner suite à sa demande.

M. A______ avait renoncé à conclure un partenariat enregistré. Sa demande d'asile avait été refusée à Schwyz et il n'avait pas quitté la Suisse au sens de la loi, de sorte qu'il ne pouvait de prévaloir d'un droit au sens de l'art. 14 al. 1 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31). Enfin, il n'établissait pas de vie commune avec M. B______ et ce dernier n'avait jamais répondu au courrier de l'OCPM.

11) Le 11 janvier 2018, M. A______ a produit des images de sa vie commune avec M. B______, des attestations de M. B______ indiquant qu'ils s'étaient rencontrés en 2011, vivaient en couple depuis début 2012 et faisaient ménage commun à la rue G_______ depuis début 2013, ainsi qu'une convention de vie commune établie le 4 août 2016 avec ce dernier. M. B______ avait bien répondu à l'OCPM à l'époque.

12) Le 27 mars 2018, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de M. A______.

L'art. 14 al. 1 LAsi disposait qu'à moins qu'il n'y ait droit, le requérant d'asile ne pouvait engager de procédure visant l'octroi d'une autorisation de séjour relevant du droit des étrangers entre le moment où il déposait une demande d'asile et celui où il quittait la Suisse suite à une décision de renvoi exécutoire, après le retrait de sa demande ou si le renvoi ne pouvait être exécuté et qu'une mesure de substitution était ordonnée.

Or, selon l'art. 3 ch. 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les états membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise pas la Suisse dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen (directive sur le retour - RO 2010 5925 ; ci-après : la directive), le « retour » au sens de l'art. 14 al. 1 LAsi désignait le fait de rentrer par choix ou par contrainte dans son pays d'origine ou dans un pays de transit conformément aux accords de réadmission.

Tel n'était pas le cas en l'espèce, car M. A______ avait séjourné en Autriche sans droit.

L'art. 14 al. 2 LAsi disposait que sous réserve de l'approbation du secrétariat d'État aux migrations (SEM), un canton pouvait octroyer une autorisation de séjour à toute personne qui lui avait été attribuée conformément à la présente loi, aux conditions cumulatives que la personne concernée séjournait en Suisse depuis au moins cinq ans à compter du dépôt de la demande d'asile, que son lieu de séjour avait toujours été connu des autorités, qu'il s'agissait d'un cas de rigueur grave en raison de l'intégration poussée de la personne concerné, et qu'il n'existait aucun motif de révocation au sens de l'art. 62 al. 1 LEI.

Cette faculté offerte par la loi devait être utilisée par le canton d'attribution, soit Schwyz.

Une décision de renvoi de Suisse avait déjà été rendue suite au rejet de la demande d'asile, aussi l'OCPM invitait M. A______ à se tenir à disposition des autorités schwyzoises pour l'exécution de son renvoi.

La décision était exécutoire nonobstant recours.

13) Par acte remis à la poste le 8 mai 2018, M. A______ a recouru contre la décision au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il satisfaisait aux conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, précisant l'art. 30
let. b LEI, car il vivait en couple et en ménage commun avec M. B______ depuis 2013 et avait conclu une convention de concubinage. Il ne pouvait retourner en Algérie faute de passeport valable et soupçonnait que les autorités algériennes savaient qu'il était homosexuel, ce qui l'exposerait à la prison à son retour. Il n'avait d'antécédents pénaux que concernant la loi sur les étrangers. Il remplissait toutes les conditions du cas de rigueur grave.

Dans une écriture du 5 juin 2018 développant ses griefs, M. A______ a ajouté que l'art. 14 al. 1 LAsi n'était pas applicable, car le principe d'exclusivité n'était pas absolu et que l'autorité pouvait passer outre dans les cas de détresse personnelle grave.

C'était de manière arbitraire que l'OCPM n'avait pas pris en compte les preuves apportées par M. A______ de sa vie commune avec M. B______. M. A______ ne pouvait être obligé de conclure un partenariat enregistré, car celui-ci lui fermerait à jamais les portes de son pays d'origine.

14) L'OCPM s'est opposé au recours.

M. A______ ne pouvait démontrer qu'il avait quitté la Suisse au sens de l'art. 14 al. 1 LAsi. De la sorte il ne pourrait obtenir un titre de séjour même s'il remplissait par hypothèse les conditions du cas d'extrême gravité et d'absence de motifs de révocation de l'art. 62 LEI. L'ATF 138 I 41 consid. 4 concernait une autorisation de séjour en vue de mariage et non une requête d'un couple homosexuel ayant renoncé à conclure un partenariat enregistré.

15) Le 19 octobre 2018, M. A______ a persisté dans son recours.

L'OCPM n'avait pas examiné s'il avait un droit au permis au sens de
l'art. 14 al. 1 LAsi. Or tel était bien le cas, puisqu'il avait un droit à un permis pour un cas de l'art. 31 al. 1 OASA.

16) Par jugement du 8 mars 2019, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Les exceptions à l'art. 14 al. 1 LAsi étaient constituées par des cas des
art. 42, 43, 48 et 2 LEI, 8, 9 et 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ou encore du droit international, notamment l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Les dispositions potestatives ne donnaient par contre pas droit à une autorisation de présence ordinaire. Tel était le cas du cas individuel d'extrême gravité (arrêt du Tribunal fédéral 2D_41/2010 du 15 décembre 2010 consid. 2 ; ATF 128 II 200), car une autorisation pour cas de rigueur ne conférait aucun droit à l'étranger
(ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du
17 septembre 2018, consid. 4.1)

La protection de la vie familiale consacrée aux art. 8 CEDH et 13 al. 1 Cst. ne pouvait être invoquée par les couples homosexuels, mais un refus d'autorisation de séjour pouvait toutefois, dans certaines circonstances, se révéler une atteinte à la vie privée.

En l'espèce, toutefois, un éventuel droit de M. A______ à une autorisation de séjour ne pouvait être reconnu car celui-ci avait été condamné pénalement à une dizaine de reprises, également pour vol et recel, soit pour des crimes, ainsi que pour violation de domicile, de sorte qu'un permis de séjour pourrait lui être refusé.

Même en admettant que M. A______ disposait d'un droit, la demande de permis pour cas de rigueur devrait être soumise aux autorités schwyzoises, seules compétentes pour proposer cas échéant au SEM son admission provisoire.

La solution retenue n'apparaissait enfin pas arbitraire, le point litigieux ne constituant par la stabilité et l'intensité de la relation du recourant avec son compagnon, mais sa situation juridique dans le contexte d'un requérant d'asile n'ayant jamais quitté la Suisse et sollicitant un permis de séjour sur la base du droit ordinaire des étrangers.

17) Par acte remis à la poste le 10 avril 2019, M. A______ a recouru contre le jugement du TAPI.

Sa relation avec M. B______ répondait aux conditions posées par la jurisprudence d'une relation stable d'une certaine durée, dont l'intensité était établie par une convention entre concubins, la volonté et la capacité du partenaire étranger d'intégrer la vie commune en Suisse et l'absence de violation de l'ordre public.

Les directives du SEM reconnaissaient elles-mêmes des cas dans lesquels un des partenaires renonçait à se « pacser » pour des motifs personnels comme des inconvénients dans le pays d'origine. Dans de tels cas, une autorisation de séjour pouvait être délivrée en vertu de l'art. 31 OASA lorsque les conditions fixées par le Tribunal fédéral étaient remplies.

L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Schalk & Kopf
c. Autriche, prononcé en 2010, avait considéré comme artificielle la distinction encore marquée par certains États entre couples hétérosexuels et homosexuels dans la définition de la vie familiale selon l'art. 8 CEDH. Il fallait donc traiter la demande du recourant comme portant sur un droit découlant de l'art. 8 CEDH.

Le TAPI avait omis de se prononcer sur l'existence d'un tel droit, et s'était limité à nier qu'il fût manifeste.

Pareillement, le TAPI avait erré en se concentrant sur les antécédents du recourant plutôt que d'examiner l'ensemble des circonstances.

Les antécédents autres que pour infractions à la LEI dataient de 2011 et 2014 et réassortissaient à une période révolue pour le recourant, antérieure à sa rencontre avec son concubin. La mise en ménage avait constitué un facteur stabilisant et le recourant n'avait plus commis d'infractions depuis lors, autres que celles liées à son statut administratif.

Il n'était pas exigible des concubins qu'ils vivent leur relation en Algérie, où les relations homosexuelles étaient réprimées par la loi.

Enfin, la délivrance d'un permis humanitaire était de la compétence du canton de résidence.

Le jugement entrepris devait être annulé et le permis octroyé.

18) L'OCPM s'est opposé au recours.

En l'absence de nouvel élément, il s'en est rapporté aux motifs de sa décision et aux considérants du jugement attaqué.

Le 27 août 2019, l'OCPM a encore transmis une ordonnance pénale du Ministère public genevois condamnant le recourant, sous l'identité de D______, à une peine pécuniaire de trente jours-amende à CHF 10.- avec sursis pour le vol d'un sac à main le 27 juin 2019 dans le restaurant E______ à la rue F______.

19) Le 25 septembre 2019, le recourant a indiqué que l'ordonnance pénale remise par l'OCPM ne modifiait pas le constat qu'il disposait d'un droit manifeste à la délivrance d'une autorisation de séjour.

20) Le 12 novembre 2019, l'OCPM a transmis un jugement du Tribunal de police du 9 octobre 2019 condamnant le recourant, sous l'identité de D______, à une peine privative de liberté ferme de nonante jours pour un vol commis au détriment d'un autre plaignant pour consommation de stupéfiants.

21) La cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le
6 janvier 2020.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'objet du recours consiste à déterminer si c'est à juste titre que le TAPI a confirmé le refus de l'OCPM d'entrer en matière sur la demande du recourant de se voir accorder un permis de séjour. Celui-ci reproche à l'OCPM et au TAPI d'avoir retenu à tort qu'il n'avait jamais quitté la Suisse au sens de la LAsi, et que le droit sur l'asile s'appliquait exclusivement du droit général sur les étrangers.

a. L'art. 14 al. 1 LAsi dispose qu'à moins qu'il n'y ait droit, le requérant d'asile ne peut engager de procédure visant l'octroi d'une autorisation de séjour relevant du droit des étrangers entre le moment où il dépose une demande d'asile et celui où il quitte la Suisse suite à une décision de renvoi exécutoire, après le retrait de sa demande ou si le renvoi ne peut être exécuté et qu'une mesure de substitution est ordonnée.

Selon l'art. 3 ch. 3 de la directive, le « retour » est le fait, pour le ressortissant d'un pays tiers, de rentrer - que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé - dans son pays d'origine, ou un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou un autre pays tiers dans lequel il décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis (ATA/364/2015 du 20 avril 2015, consid. 5 ; ATA/640/2015 du 16 juin 2015, consid. 9).

b. En l'espèce, le recourant ne disposait d'aucun titre de séjour qui lui permettait de se rendre légalement dans un autre État que son pays d'origine. Il ne soutient en particulier pas avoir disposé d'un droit de séjour en Autriche.

Bien au contraire, dès lors qu'il avait déposé une demande d'asile, refusée, en Suisse, cette dernière a été obligée de le réadmettre en vertu des accords de Dublin (accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un État membre ou en Suisse - AAD - RS 0.142.392.68), lorsque les autorités autrichiennes l'ont arrêté puis expulsé.

c. C'est ainsi à bon droit que l'OCPM puis le TAPI ont retenu que le recourant n'avait pas quitté la Suisse au sens de la LAsi et que l'art. 14 al. 1 LAsi trouvait application.

Le grief sur ce point doit être écarté.

3) Le recourant reproche à l'OCPM et au TAPI d'avoir retenu à tort qu'il n'avait pas droit à une autorisation de séjour au sens de l'art. 14 al. 1 LAsi.

a. Le recourant soutient qu'un couple homosexuel devrait bénéficier du même droit à la protection de la vie familiale par les art. 13 al. 1 Cst. et 8 CEDH.

Il est vrai que depuis l'ACEDH Mata Estevez c. Espagne du 10 mai 2001 (req. 56501/00), la position de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'étendue de la protection de la vie familiale a évolué, et que dans l'ACEDH Schalk et Kopf c. Autriche du 24 juin 2010 (req. 30141/04) cité par le recourant, la Cour a jugé qu'il était artificiel de continuer à considérer que, au contraire d'un couple hétérosexuel, un couple homosexuel ne saurait connaître une vie familiale aux fins de l'art. 8 CEDH, et qu'en conséquence, la relation qu'entretenaient les requérants, un couple homosexuel cohabitant de fait de manière stable, relevait de la notion de vie familiale au même titre que celle d'un couple hétérosexuel se trouvant dans la même situation, que les faits de la cause entraient dans le champ d'application de la notion de « vie privée » ainsi que de celle de « vie familiale » au sens de l'art. 8 CEDH, et que partant, l'art. 14 CEDH combiné avec
l'art. 8 CEDH trouvaient à s'appliquer (arrêt cité §§ 94 et 95).

La situation en droit suisse a elle aussi passablement évolué depuis, puisque la commission des affaires juridiques du Conseil national a approuvé le 14 février 2019 une initiative parlementaire 13.468 de 2013 introduisant à l'art. 14 Cst. un droit au mariage et aux autres formes d'union indépendant du genre, et que le Conseil fédéral a recommandé l'approbation du projet par un message du
29 janvier 2020 (FF 2020 1223).

En l'espèce, on se trouve toutefois dans un cas d'application de l'art. 14
al. 1 LAsi, qui poursuit un objectif spécifique d'empêcher la juxtaposition d'une procédure d'asile et de droit ordinaire des étrangers, de sorte que la question de la protection de la vie familiale du recourant par l'art. 8 CEDH ne s'examine que sous l'angle très restreint des exceptions ouvertes par la jurisprudence
(ATF 137 I 351 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_665/2017 du 9 janvier 2018 consid. 1.1.1 ; 2C_947/2016 du 17 mars 2018 consid. 3.3).

b. Il faut donc examiner en l'espèce si le recourant peut établir l'existence d'une relation stable d'une certaine durée avec son compagnon, si l'intensité de cette relation est confirmée par d'autres éléments, si le recourant a la capacité et la volonté de s'intégrer en Suisse, si le couple vit ensemble en Suisse et s'il n'existe aucune violation de l'ordre public.

Il n'est pas douteux que le recourant vit en concubinage avec M. B______ en Suisse depuis 2013, sous réserve des périodes où il a été détenu. Cela est établi par les déclarations constantes du recourant à la police, par les attestations de M. B______, par la documentation photographique produite ainsi que par le contrat de concubinage.

La portée de la renonciation à conclure un partenariat enregistré pourra quant à elle rester indécise, vu le sort qui doit être réservé au recours pour un autre motif. Il en ira de même de la question de la capacité et de la volonté de s'intégrer en Suisse du recourant.

C'est en effet sous l'angle de la violation de l'ordre public que le recourant ne saurait remplir les conditions à l'octroi d'une autorisation de séjour.

Le recourant a été condamné à de nombreuses reprises pour diverses infractions à la LEI et à la LStup, mais aussi et surtout à plusieurs reprises pour vol, et encore récemment, soit les 18 juillet et 9 octobre 2019, alors que la présente procédure était pendante. Or il s'agit d'un crime permettant de refuser l'octroi du permis de séjour en application de l'art. 62 LEI.

C'est donc à bon droit que l'OCPM et le TAPI ont conclu que le recourant ne pouvait faire valoir de droit à une autorisation de séjour valant exception à l'art. 14 al. 1 LAsi.

4) Le recourant se plaint que l'OCPM se soit considéré incompétent pour octroyer une autorisation de séjour au sens de l'art. 14 al. 2 LAsi.

a. L'art. 14 al. 2 LAsi dispose que sous réserve de l'approbation du SEM, le canton peut octroyer une autorisation de séjour à toute personne qui lui a été attribuée conformément à la présente loi, aux conditions cumulatives suivantes :

- la personne concernée séjourne en Suisse depuis au moins cinq ans à compter du dépôt de la demande d'asile ;

- le lieu de séjour de la personne concernée a toujours été connu des autorités ;

- il s'agit d'un cas de rigueur grave en raison de l'intégration poussée de la personne concernée ;

- il n'existe aucun motif de révocation au sens de l'art. 62 al. 1 LEI.

b. En l'espèce, le recourant demeurait attribué au canton de Schwyz. C'est ainsi à bon droit que l'OCPM puis le TAPI ont jugé qu'il appartenait au recourant de s'adresser aux autorités schwyzoises pour réclamer un permis de séjour en application de l'art. 14 al. 2 LAsi.

5) Le recourant se plaint enfin qu'un cas d'extrême gravité n'ait pas été retenu compte tenu des risques que comporterait son retour en Algérie.

Cette question est sans objet dans la présente procédure, et serait le cas échéant du ressort des autorités schwyzoises saisies d'une demande fondée sur l'art. 14 al. 2 LAsi.

Il sera toutefois observé que l'existence de discriminations à l'égard des homosexuels et d'une situation difficile pour eux dans un pays d'Afrique du Nord (en l'espèce l'Algérie) a été considérée comme ne s'apparentant pas à une persécution, les condamnations étant rares et les personnes ne s'affichant pas publiquement n'étant pas inquiétées. Le fait d'être renié par sa famille, de ne pouvoir vivre en tout lieu et de devoir cacher son homosexualité est certes accablant mais ces difficultés n'atteignent pas le degré de gravité extrême exigé par l'art. 30 al. 1 let. b LEI (ATA/244/2012 du 24 avril 2012 consid. 9c ; ATA/825/2014 du 28 octobre 2014 consid. 9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2013 du 8 septembre 2013).

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Aucun émolument ne sera perçu malgré l'issue du litige, le recourant plaidant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Au vu de ladite issue, aucune indemnité de procédure de lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 avril 2019 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
8 mars 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gaétan Droz, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.