Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1546/2008

ATA/234/2009 du 12.05.2009 ( FPUBL )

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1546/2008-FPUBL ATA/234/2009

DÉCISION

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 12 mai 2009

SUR RÉCUSATION

 

dans la cause

 

CONSEIL D’ÉTAT

contre

Madame Z______

 



EN FAIT

1. Le 5 mai 2008, Monsieur Y______ a saisi la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison (ci-après : CRPP) d’un recours dirigé contre l’arrêté du Conseil d’Etat (ACE) du 2 avril 2008 le révoquant de ses fonctions de sous-brigadier de gendarmerie.

Dite cause (A/1546/2008) a été attribuée à Madame Z______, présidente de la CRPP.

2. Mme le juge Z______ a procédé aux actes d’instruction, à savoir, a ordonné des échanges d’écritures et entendu les parties en audience de comparution personnelle.

3. Par courrier du 12 décembre 2008, Mme le juge Z______ a informé les parties que dès le 1er janvier 2009 la CRPP cesserait d’exister et que le dossier en cours serait repris par le Tribunal administratif auquel elle appartenait. Les parties étaient invitées à dire si elles acceptaient ou si au contraire elles avaient une cause de récusation à faire valoir quant au fait qu’elle continuait à siéger au sein de la composition du Tribunal administratif lorsqu’il s’agira de trancher ce recours.

4. Le 19 décembre 2008, M. Y______ a indiqué qu’il n’avait aucune opposition à ce que tel soit le cas.

5. Le 23 décembre 2008, le Conseil d’Etat a soulevé la cause de récusation prévue à l’art. 91 let. c de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05).

6. Le 6 janvier 2009, Mme le juge Z______ a informé les parties qu’au vu de la demande de récusation formée à son encontre, la cause était transférée pour raison de compétence au Tribunal administratif et attribuée à un autre juge rapporteur, et qu’elle-même ne siégerait pas dans la composition de la juridiction.

7. Le 7 janvier 2009, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt en matière de récusation (2C_755/2008). Il s’agissait alors d’une commission fédérale de recours dissoute dont les compétences étaient transférées au Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) dès le 1er janvier 2007. Le juge X. dont la récusation était demandée par l’Etat de Genève était président de la commission fédérale dissoute et par ailleurs juge au TAF.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a relevé que lorsqu’au cours d’une réorganisation judiciaire, une autorité est remplacée par une autre et reprend les tâches juridictionnelles de l’ancienne entité, les juges et les greffiers qui ont participé à l’instruction d’une cause devant l’ancienne autorité et qui interviennent ensuite, avec des tâches et des responsabilités similaires, dans le cadre de la nouvelle structure, le font au même titre (consid. 3.1.2) et le Tribunal fédéral de poursuivre : "contrairement à ce que soutient le recourant, X. agissait déjà en qualité de juge devant la commission fédérale de recours en matière de responsabilité de l’Etat, soit dans la même fonction que celle qu’il exerce auprès du TAF (…). Le juge X., agissant au même titre, on ne peut reprocher au TAF d’avoir considéré que le motif de récusation prévu à l’art. 34 al. 1 let. b LTF n’était pas réalisé" (consid. 3.1.2 in fine).

8. Par courrier du 6 février 2009 Mme le juge Z______ a demandé au Conseil d’Etat si, au vu de l’arrêt précité, la demande de récusation était maintenue.

9. Le Conseil d’Etat s’est déterminé le 17 février 2009 : la teneur de l’art.  91 let. c LOJ différait de celle de l’art. 34 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) à propos duquel l’arrêt du 7 janvier 2009 avait été rendu. Dès lors, il maintenait sa demande de récusation.

10. Le 24 février 2009, la présidente du Tribunal administratif a ouvert formellement une procédure de récusation et invité Monsieur le Procureur général ainsi que les parties à se déterminer.

11. Le 3 mars 2009, le Procureur général a conclu à l’admission de la demande dans la mesure où elle était recevable. Dans son courrier du 6 janvier 2009, Mme le juge Z______ avait accepté sa récusation et il était aujourd’hui tardif de remettre en cause cette décision. Ce constat était opéré indépendamment de l’état de la jurisprudence la plus récente, laquelle pourrait s’appliquer à tout autre cas de même nature.

12. Le 27 mars 2009, Mme le juge Z______ a déclaré s’en rapporter à justice.

13. Dans ses observations du 30 mars 2009, M. Y______ a conclu au rejet de la requête de récusation avec suite de frais et dépens et à ce que le Conseil d’Etat soit condamné à une amende pour emploi abusif des procédures, en application de l’art. 88 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Au vu des considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral du 7 janvier 2009, la position du Conseil d’Etat confinait à la témérité. Suite à la réorganisation du contentieux administratif genevois, une juridiction avait été remplacée par une autre. A cela s’ajoutait que le juge de la juridiction supprimée n’avait pas statué, à quel titre que ce soit, dans le litige. En définitive, il statuait donc dans la même juridiction et au même titre. Il n’y avait aucune cause de récusation.

 

EN DROIT

1. La demande de récusation du 23 décembre 2008 fait suite au courrier du 12 décembre 2008 de Mme le juge Z______. Celle-ci étant à l’époque présidente de la CRPP, la demande de récusation eût dû être adressée au vice-président de la juridiction concernée, voire, à compter du 1er janvier 2009, à la présidente du Tribunal administratif (art. 98 al. 2 LOJ).

Vu le contexte particulier de la demande de récusation, celle-ci sera néanmoins considérée comme recevable (ATA/801/2005 du 8 novembre 2005 et les références citées).

2. Les dispositions de la LOJ concernant les causes de récusation des juges sont applicables aux membres des juridictions administratives, par renvoi de l'art. 15 al. 1 LPA.

3. Lorsqu'une récusation est sollicitée, le/la ou les juges concernés doivent s'abstenir de procéder dans la cause dont ils sont saisis (HAUSER-HAUSER, Gerichtsverfassungsgesetz des Kantons Zürich, 3ème éd. 1978 ad. 116 n. 2 ; ATA T. du 30 avril 1997) et ils ne peuvent prendre part à la délibération sur la récusation (art. 100 LOJ).

En l'espèce, le Tribunal administratif siège en l'absence du juge dont la récusation est demandée.

4. Aux termes de l’art. 91 let. c LOJ, tout juge est récusable s’il en a précédemment connu comme juge dans une autre juridiction, comme arbitre ou comme expert.

En l’espèce, la mise en œuvre de la réforme fédérale en droit genevois et plus particulièrement en matière de droit administratif a débouché, dès le 1er janvier 2009, sur une réorganisation fondamentale du contentieux administratif genevois. En effet, la mise en œuvre de l’art. 86 al. 2 LTF a contraint les autorités genevoises à examiner si chacune des juridictions administratives statuant jusqu’au 31 décembre 2008 en dernière instance cantonale pouvait être considérée comme un tribunal supérieur au sens de la loi fédérale.

Le résultat de cet examen a notamment conduit à la suppression de la CRPP dont le contentieux a été transmis au Tribunal administratif dès le 1er janvier 2009.

Ce cas de figure est exactement celui étudié par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 7 janvier 2009. Pour mémoire, les tâches d’une commission fédérale de recours dissoute était transférées au TAF.

Bien que concernant un cas d’application de l’art. 34 al. 1 let. b LTF, on peut s’inspirer des préceptes énoncés par le Tribunal fédéral dans le cadre de l’art. 91 let. c LOJ. En effet, la ratio legis de ces deux articles est identique : l’une et l’autre de ces dispositions ont pour but d’éviter qu’un juge connaisse d’un cas en première instance puis en instance de recours, respectivement comme juge pénal et juge civil, voire administratif. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un transfert de compétences entre entités de même rang et magistrats remplissant la même tâche, aucun motif de récusation n’existe.

En l’espèce, les compétences de la CRPP ont été reprises par le Tribunal administratif dès le 1er janvier 2009. Mme le juge Z______ intervient donc au même titre, soit en sa qualité de juge titulaire d’une juridiction administrative de même rang et de surcroît elle n’a pris aucune décision sur le fond du litige. Dès lors, et en application de la jurisprudence fédérale, il faut admettre qu’il n’y pas de motif de récusation à son encontre.

5. Le fait que Mme le juge Z______ ait pris acte de la demande de récusation formée à son encontre et indiqué à cette occasion qu’elle ne fonctionnerait pas comme juge rapporteur ni ne siégerait dans la composition du Tribunal administratif n’est pas déterminant. En effet, il n’appartient pas au magistrat dont la récusation est sollicitée de statuer lui-même sur sa propre récusation (ATF 122 II 471 consid. 3a p. 476), cette compétence étant expressément réservée à la juridiction du magistrat concerné, soit en l’espèce au Tribunal administratif (art. 99 al. 1 LOJ).

6. Le Conseil d’Etat n’invoquant pas d’autre cause de récusation, sa demande sera rejetée.

7. Il n’appartient pas aux parties de prendre des conclusions visant à la condamnation de son adverse partie pour emploi abusif des procédures au sens de l’art. 88 LPA (ATA/396/2006 du 26 juillet 2006). Les conclusions de M. Y______ sur ce point seront donc déclarées irrecevables.

8. Il n’y a pas lieu de percevoir un émolument en relation avec l’incident de procédure ni d’allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette la demande de récusation déposée le 23 décembre 2008 par le Conseil d’Etat de la République et canton de Genève à l’encontre de Madame Z______ ;

déclare irrecevable les conclusions de Monsieur Y______ fondées sur l’art. 88 LPA ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision au Conseil d’Etat, à Madame Z______, à Me Robert Assaël, avocat de Monsieur Y______ ainsi qu’au Procureur général, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :