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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2915/2011

ATA/219/2012 du 17.04.2012 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : ; PLAN DE ZONES ; POUVOIR D'EXAMEN ; PROTECTION CONTRE LE BRUIT ; IMMISSION ; AÉROPORT ; ZONE DE DÉVELOPPEMENT
Normes : LaLAT.35 ; LaLAT.12 ; LaLAT.16.al5 ; LaLAT.19 ; LCI.145 ; LAT.3 ; LAT.33 ; LPE.13 ; OPB.43 ; OPB.37
Parties : ASSOCIATION DES INTERETS DE VERNIER-VILLAGE / GRAND CONSEIL
Résumé : En se fondant sur des mesures d'immissions de bruit datant de 2002, confirmées en 2009 par le SPBR, l'autorité a pleinement respecté la loi en attribuant à la zone concernée un DS III. La zone 4A étant une zone affectée principalement à l'habitation, le principe qu'elle ne puisse être affectée qu'à des activités artisanales ou commerciales sans nuisances ne peut être admis. Le Grand Conseil n'a donc pas respecté la loi en prévoyant une zone de développement non conforme. Toutefois, la situation particulière des parcelles considérées, compte tenu des exigences de la prévention contre le bruit, permettait in casu d'opter pour la création d'une "zone de développement 4A" en l'affectant seulement à des activités qui auraient un niveau de nuisance compatible avec une telle zone. Rappel que la question de l'équipement et des voies d'accès nécessaires doit être traitée dans le cadre de l'élaboration du PLQ, lequel n'a fait l'objet d'aucun recours en l'espèce. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2915/2011-AMENAG ATA/219/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 avril 2012

 

 

dans la cause

 

ASSOCIATION DES INTÉRÊTS DE VERNIER-VILLAGE
représentée par Me Gérard Brutsch, avocat

contre

GRAND CONSEIL



EN FAIT

1. Le 1er octobre 2008, les services du département du territoire (ci-après : DT), devenu le département de l’intérieur et de la mobilité (ci-après : DIM), ont initié un projet de plan de zone n° 29707-540 modifiant les limites de zone n° 29707-549 situées le long de la route de Peney, entre le chemin de Crotte-au-Loup et celui de Mouille-Galland sur le territoire de la commune de Vernier.

Le projet portait sur une surface de 13’040 m2, située en 5ème zone destinée aux villas, sise le long de la route de Peney entre les chemins précités, constituée des parcelles privées nos 1’497 à 1’502, et des parcelles nos 4’005 et 4’006 appartenant respectivement au domaine public, cantonal et communal et visait à la création d’une zone de développement 4A affectée à des activités artisanales et commerciales n’engendrant pas de nuisances.

2. Dans le cadre de l’enquête technique effectuée par les services de l’Etat concernés, le projet a fait l’objet de préavis favorables, si ce n’était une réserve concernant une question de traitement des eaux polluées qui allait être réglée dans le cadre de l’élaboration du plan localisé de quartier (ci-après : PLQ).

Le 28 octobre 2008, le service de protection contre le bruit et les rayonnements non-ionisants (ci-après : SPBR) a émis un préavis favorable. Conformément aux définitions légales et à la pratique cantonale en la matière, le degré de sensibilité au bruit (ci-après : DS) III au sens de l’art. 43 de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) devait être attribué à la zone de développement 4A quand elle était affectée à des activités artisanales et administratives.

Les valeurs d’exposition au bruit (ci-après : Lr) dépassaient les valeurs limites d’immission (ci-après : VLI) attribuées au DS III selon le cadastre des immissions sonores du trafic routier sur la route de Peney sur une profondeur de 25 m par rapport à l’axe de la route. Un plan d’assainissement du bruit émanant de celle-ci était programmé pour la période 2012-2014.

En outre, les calculs des immissions du bruit du trafic aérien, élaborés par l’office fédéral des essais de matériaux rattaché à l’EMPA, un établissement de recherche lié aux écoles polytechniques fédérales à Dübendorf, sur la base des mesures du système de mesure et d’identification automatique du bruit des aéronefs (MIABA) installé par l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG), aboutissaient à des Lr dépassant les VLI du DS III lors de la première heure nocturne. L’exigence principale de protection contre le bruit était le respect des Lr à l’endroit où pourraient être érigés les bâtiments comportant des locaux « sensibles au bruit ». La modification de la zone projetée était une réponse conforme aux objectifs de protection contre le bruit. Elle ouvrait des possibilités de développement, qui étaient impraticables dans la 5ème zone villas existante, à laquelle était attribué un DS II. Les locaux artisanaux, dont le bruit intérieur était important, n’étaient pas considérés comme sensibles au bruit. En outre, des locaux administratifs n’étaient en principe pas occupés de nuit. Un « allègement » de + 5 décibels [ci-après : dB (A)] était prévu, raison pour laquelle les exigences citées ci-dessus étaient a priori respectées. Le projet de modification de zones était donc conforme aux exigences légales.

3. Par publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 3 juin 2009, le DT a mis le plan n° 29707-540 à l’enquête publique. Cette démarche n’a suscité aucune observation.

4. Le 21 octobre 2009, le conseil municipal de la commune de Vernier a adopté une délibération préavisant favorablement le projet de modification des limites de zone, moyennant quelques réserves sur des points sans rapport avec le présent contentieux.

5. Le 18 juin 2010, le Conseil d’Etat a adopté le projet de modification des limites de zone précité et a transmis au Grand Conseil un projet de loi 10642, modifiant les limites de zone sur le territoire de la commune de Vernier-route de Peney, chemin de Mouille-Galland, visant à la création d’une zone de développement 4A affectée à des activités administratives ou artisanales sans nuisances (ci-après : PL 10642).

La proximité de l’AIG avait pour conséquence que les nuisances sonores provenant du trafic aérien sur la surface de la zone considérée dépassaient de plus de 3 dB (A) les Lr admissibles pour un DS II. Il n’était donc pas possible de maintenir le secteur considéré en zone permettant la construction d’habitations. Pour cette raison, il était prévu de l’affecter à des activités administratives ou artisanales sans nuisances.

Le projet de création de zone était conforme au plan directeur cantonal (fiches nos 2.03, 2.09 et 5.03), dans sa version de juin 2006 approuvée par le Conseil Fédéral le 28 mars 2007 et par le département fédéral des transports, de l’énergie et de la communication le 28 juin 2007, ce dernier recommandant le changement d’affectation proposé. Le projet était également conforme au plan directeur communal de la commune de Vernier du 3 avril 2007.

6. Par publication dans la FAO du 18 juin 2010, le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI), qui avait repris la conduite des procédures d’aménagement du territoire, a ouvert une procédure d’opposition au PL 10642.

7. a. Le 2 juillet 2010, l’Association des intérêts de Vernier-Village (ci-après : AIVV) a fait opposition au PL 10642 et au plan n° 29707-540 qu’il visait.

Elle se trouvait dans l’obligation de contester systématiquement tout nouveau plan situé à proximité du périmètre de Vernier-Village, dans la mesure où l’Etat de Genève et les autorités cantonales étaient en passe de créer une véritable ceinture de zone de développement industrielle et artisanale à proximité directe de l’ancien village de Vernier, ce qui nuisait au cadre de vie de ses habitants. En transformant les zones villas existantes en zone de développement industrielle et artisanale, le PL 10642 favoriserait l’implantation d’entreprises, qui créerait une augmentation des nuisances liées au trafic sur la route de Peney déjà surchargée. Par contrecoup, cela induirait une augmentation du transit par le village de Vernier avec une augmentation des risques pour ses habitants. Pour ces motifs, elle s’opposait à la modification des limites de zone route de Peney-chemin de Mouille-Galand, telle qu’elle était prévue par le projet de loi.

b. Plusieurs autres associations ont également fait opposition, dont l’association des propriétaires de Montfleury.

8. Par publication dans la FAO du 24 novembre 2010, le DCTI a mis à l’enquête publique un projet de PLQ n° 29719-540, appelé à matérialiser les objectifs de la zone de développement précitée. Celui-ci prévoyait l’implantation sur les parcelles ou parties de parcelles visées par le plan de zone n° 29707-540 de trois bâtiments de trois étages sur rez, d’une hauteur de treize mètres, affectés à des activités administratives, commerciales et/ou artisanales sans nuisances.

9. Le 28 janvier 2011, le Grand Conseil a adopté le PL 10642. A teneur de son art. 1, le plan de zone n° 29707-540 était approuvé. Selon l’art. 2, le DS III était attribué aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 4A. A l’art. 3, plusieurs oppositions étaient rejetées, dont celle de l’AIVV.

10. Avant que le Conseil d’Etat ne promulgue la loi 10642, les services de l’Etat ont constaté que le Grand Conseil avait omis de statuer sur l’opposition formée par l’Association des propriétaires de Montfleury. De ce fait, le Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, le 31 mai 2011, un nouveau projet de loi 10831, modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Vernier (création d’une zone de développement 4A affectée à des activités administratives ou artisanales sans nuisances, située le long de la route de Peney, entre le chemin de Crotte-au-Loup et le chemin de Mouille-Galland) et abrogeant la loi 10642 du 28 janvier 2011 (ci-après : PL 10831).

Il s’agissait d’abroger la loi 10642 et de la ré-adopter en reprenant ses trois articles, mais en corrigeant l’art. 3 de façon à y inclure le rejet de l’opposition formée par l’Association des propriétaires de Montfleury.

Selon le message, la révision du statut des zones régissant le périmètre du plan de modification de zones était conforme au principe du concept de l’aménagement cantonal. Il était en effet judicieux de créer de nouvelles zones industrielles en contiguïté des zones périphériques existantes ou à proximité de moyens de transport adaptés lors du déclassement de la zone villas lorsque le secteur était surexposé aux nuisances, comme l’étaient les nuisances sonores de l’AIG. Maintenir les terrains en zone villas comme le voudraient certains opposants reviendrait à maintenir inconstructibles, et donc inutilisables, des terrains à bâtir et participerait à un gaspillage de terrains contraire au but même de l’aménagement du territoire consistant en une utilisation judicieuse et mesurée du sol et en une occupation rationnelle du territoire.

Aucun motif ne permettait de remettre en question les données relatives aux nuisances occasionnées par le bruit des avions. Cette question avait été suffisamment instruite et avait obtenu l’aval du service de protection de l’air (SPAir). Les intérêts liés à la protection de l’environnement n’avaient donc pas été négligés et respectaient les principes énoncés en la matière par le Tribunal fédéral. Le SPBR et la direction générale de la mobilité (ci-après : DGM), ainsi que les Transports publics genevois (TPG) avaient émis un préavis favorable au projet de modification de zones querellé.

Les difficultés potentielles pouvaient être surmontées lors de la phase ultérieure du PLQ et des autorisations de construire, de manière à respecter les exigences dans les différents domaines de compétence de ces services. Ce n’était pas dans le cadre de l’opposition au plan de modification de zones qu’il convenait de faire valoir des griefs en rapport avec l’augmentation de la circulation, au regard du réseau routier actuel. Il s’agissait d’un plan d’affectation générale au sens de l’art. 12 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et non pas d’un PLQ au sens de l’art. 13 al. 1 let. a LaLAT. L’adoption du plan de zone litigieux signifiait simplement que, moyennant l’adoption d’un PLQ et le respect des autres conditions de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), les terrains déclassés compris dans le périmètre pourraient désormais accueillir « des activités artisanales sans nuisances et/ou administratives ».

Toutes les questions relatives à la question de l’équipement, du trafic public et privé, tout comme celle de l’étude d’impact sur l’environnement, n’avaient pas à être prises en considération au stade de la planification générale. Finalement, les objectifs d’intérêt public poursuivis par le projet de loi devaient l’emporter sur les intérêts purement privés des opposants.

11. A la suite de cela, le PLQ n° 29719-540 a fait l’objet, dans la FAO du 10 juin 2011, d’une nouvelle procédure de publication, sans aucune modification.

12. Le 23 juin 2011, le Grand Conseil a adopté le PL 10831 dans la teneur proposée.

13. La loi 10831 a été promulguée par arrêté du Conseil d’Etat du 24 août 2011 et elle a été publiée dans la FAO du 29 août 2011.

14. Par pli posté le 26 septembre 2011, l’AIVV a formé un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la loi 10831 précitée, concluant à son annulation.

L’Etat de Genève était en train de créer un véritable cordon artisanal, industriel et administratif autour du vieux village de Vernier, dénaturant complètement les lieux et le site d’une manière générale, au motif principalement que les projets de déclassement visaient des zones affectées par les nuisances sonores de l’AIG, qui ne seraient plus propres à l’habitat. L’AIVV remettait en question le constat selon lequel les nuisances sonores provenant du trafic aérien affectant les terrains dépassaient de plus de 3 dB les Lr admissibles pour un degré de sensibilité au bruit DS II de l’OPB. En effet, selon une étude de l’office fédéral de l’aviation civile (ci-après : OFAC) concernant le cadastre de bruit de l’AIG datant de mars 2009, le seuil de bruit auquel se référait la commission d’aménagement du Grand Conseil dans son rapport était calculé sur la base de données de trafic réel, enregistrées durant l’année 2000. Or, ces chiffres ne correspondaient plus du tout à ceux applicables en 2011 compte tenu de l’évolution technologique dont avaient bénéficié les différents types d’aéronefs. Certains appareils en activité en 2000, notamment les avions russes, avaient été interdits de vol, non seulement à Genève mais aussi dans toute l’Europe occidentale. Il en allait de même de certains avions de construction américaine tels les DC9, tandis que d’autres, tels les Boeing 727 et les Douglas MD80, n’étaient plus ou pratiquement plus utilisés pour des vols à destination de Genève. En trente ans, les projets technologiques avaient permis de réduire d’un peu plus de 20 dB le bruit des avions à réaction. L’étude précitée révélait que, depuis 2007, le périmètre de bruit avait fortement diminué, quand bien même le nombre de voyageurs utilisant les services de l’AIG augmentait. Dans ces circonstances, le projet de modification de zones reposait sur une argumentation anachronique et intolérable. Rien n’indiquait que les terrains considérés par le plan de zones subissaient encore des nuisances sonores de l’AIG dépassant les VLI admissibles, qui justifieraient une réaffectation de la zone.

En outre, la commission de l’aménagement avait écarté à tort la question de l’augmentation des nuisances liées au trafic routier. La route de Peney était d’ores et déjà surchargée et les projets d’affectation artisanaux ou administratifs de la zone ne feraient qu’augmenter le trafic, déjà dense.

15. Le 17 octobre 2011, la présidente de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.

16. Le 9 novembre 2011, le Conseil d’Etat a publié un arrêté adoptant le PLQ n° 29719-540 qui concrétisait le PL 10831, lequel est entré en force.

17. Le 25 novembre 2011, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours. La chambre administrative ne pouvait revoir le plan d’affectation que sous l’angle de la légalité, son opportunité étant examinée au stade de l’opposition avec plein pouvoir d’examen par le Grand Conseil. En l’espèce, le recours devait être rejeté car le projet de modification de zones était conforme aux objectifs du plan directeur cantonal. Les griefs relatifs à une surévaluation des nuisances sonores dues au bruit des avions devaient être rejetés.

Dès 1987, les terrains précités avaient été colloqués en zone de bruit NNI B, au sens de l’ancien plan de zone de bruit approuvé par le Conseil Fédéral et entré en vigueur le 9 septembre 1987 (ONA-RS 148-01), lequel ne permettait pas sur ces terrains la construction de bâtiments d’habitation, même insonorisés.

Le SPBR avait préavisé positivement le projet le 28 octobre 2008, après avoir constaté que le niveau des Lr des terrains situés dans le secteur du plan de zone dépassait les VLI du DS II, voire celles du DS III. Il s’était fondé sur les relevés de bruit suivants :

Période

Lr exposition au bruit

VLI DS II

VLI DS III

06-22 h

64-65 dB (A)

60 dB (A)

65 dB (A)

22-23 h

58-59 dB (A)

55 dB (A)

55 dB (A)

23-24 h

53 dB (A)

50 dB (A)

55 dB (A)

05-06 h

< 45 dB (A)

50 dB (A)

55 dB (A)

Les valeurs d’exposition au bruit retenues par le cadastre du bruit adopté en mars 2009 par l’OFAC correspondant à celles figurant dans le préavis du SPBR précité, il en résultait que le périmètre concerné se situait largement au-delà des Lr des DS II et DS III, plus proches de celles du DS IV que de celles du DS III. De ce fait, le seuil de bruit permettant la construction de villas était donc très nettement franchi et le maintien de cette zone en zone destinée à du logement n’était plus autorisable.

Il était faux de prétendre que le cadastre du bruit de l’AIG adopté en mars 2009 par l’OFAC reposait sur des données obsolètes, soit sur les valeurs des Lr tirées du trafic 2000. En effet, lorsque l’OFAC avait adopté ledit cadastre, il avait retenu que ces valeurs de 2000 étaient toujours valables.

Le Grand Conseil avait toutefois demandé au SPBR, en rapport avec le présent litige, de lui transmettre les Lr dans le secteur considéré en fonction de données de trafic plus récentes que celles de 2000. Les constats de ce service avaient confirmé le dépassement des Lr du DS II. Selon le rapport de ce service du 18 octobre 2011, les valeurs d’exposition au bruit suivantes avaient été relevées sur la base des courbes de niveau de bruit fournies par l’AIG en fonction des données du trafic de 2010 :

Période

Lr exposition au bruit

selon trafic 2010

VLI DS II

VLI DS III

06-22 h

62-63 dB (A)

60 dB (A)

65 dB (A)

22-23 h

59 dB (A)

55 dB (A)

55 dB (A)

23-24 h

56 dB (A)

50 dB (A)

55 dB (A)

05-06 h

-

50 dB (A)

55 dB (A)

Si la situation environnementale concernant le bruit s’était légèrement améliorée depuis 2008, de 6h à 22h, avec une baisse de 2 dB (A), elle s’était significativement dégradée de 23h à 24h. Toutefois, sur les parcelles concernées par le plan de modification de zones, les valeurs limites légales du DS II étaient dépassées pour la construction de logements entre 6h et 24h.

Quant aux griefs relatifs à l’augmentation du trafic routier liée à la nouvelle affectation de la zone, ils ne pouvaient être invoqués dans le cadre d’un recours dirigé contre la loi d’affectation. Il s’agissait en effet d’une problématique qui concernait le PLQ ou la délivrance des autorisations de construire et n’avaient au demeurant pas à être examinées à ce stade de la procédure. S’il fallait traiter le fond de ce grief, la DGM, consultée à ce sujet, avait considéré, dans une note du 3 novembre 2011, que les augmentations de trafic que générerait le changement d’affectation de la zone pourraient être gérées dans le cadre de mesures d’accompagnement et d’aménagement routier, qui permettraient un développement harmonieux du secteur. La route de Peney, où circulaient les jours ouvrables 7’000 véhicules par jour, pourrait supporter, moyennant l’exécution desdites mesures, une charge qui passerait à 12’000 véhicules par jour.

18. Par courrier du 1er mars 2012, le juge a invité les parties à se déterminer sur la possibilité de créer une zone de développement 4A, exclusivement affectée à des activités artisanales ou commerciales sans nuisances.

a. Le 15 mars 2012, le Grand Conseil a persisté dans ses conclusions. L’art. 12 LaLAT l’autorisait à créer des zones de développement dont il pouvait fixer le régime d’affectation. Cette disposition ne faisait que codifier une pratique constante voulant que le Grand Conseil se réservait de créer, au besoin, des zones spécifiques sortant des catégories génériques faisant l’objet des lois générales telles la LGZD et la loi générale sur les zones de développement industriel du 13 décembre 1984 (LGZDI - L 1 45). La mention de différentes catégories spécifiques de zones de développement dans la LaLAT n’empêchait pas le Grand Conseil d’adopter toute autre catégorie de zone de développement assimilable à des zone d’affectation différées, destinées à des affectations spécifiques qui pourraient s’avérer nécessaires. Il avait donc poursuivi sa pratique codifiée par l’art. 12 al. 4 LaLAT, consistant à délimiter des zones de développement prévoyant des affectations générales spécifiques en fonction des besoins. Celles-ci pouvaient s’écarter partiellement ou totalement du catalogue des zones ordinaires décrites par l’art. 19 LaLAT ou résulter implicitement de la LGZDI ou de la LGZD, telles la loi 7883 du 27 mai 1999, qui avait créé à la route des Jeunes une zone de développement 3 affectée à des activités commerciales et administratives ainsi qu’à un stade de football, la loi 9318 qui avait créé sur le territoire de la commune de Vernier une zone de développement industrielle et artisanale également destinée à des activités commerciales et administratives, ou encore la loi 10127 qui avait créé une zone de développement 3 principalement destinée à du logement que le Tribunal administratif avait confirmée. Or, les trois premières zones ordinaires mentionnées à l’art. 19 LaLAT étaient affectées à l’habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, sans priorité. De même, les zones industrielles ne permettaient pas d’accueillir des activités commerciales ou administratives et les zones 3, de développement ou non, un stade de football.

Dans la présente espèce, la référence à la zone de développement 4A ne visait pas l’affectation prévue de manière générique pour les zones ordinaires 4A à l’art. 19 al. 2 LaLAT, dont le contenu n’entrait pas en ligne de compte et serait incompatible avec l’affectation voulue par le Grand Conseil. Elle faisait référence aux normes constructives relatives à la zone 4A contenues aux art. 30 à 57 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), référence utile dans l’optique de la délivrance d’une autorisation de construire par la voie dérogatoire prévue par la LGZD, hypothèse devenue théorique suite à l’adoption du PLQ n° 29719-540.

S’il était possible de ne pas faire mention du type de zone lorsqu’était créée une zone de développement industriel, car la LCI lui appliquait les dispositions relatives à la 3ème zone prévoyant un gabarit maximal de 21 m. Tel n’était pas le cas lors de la création d’autres zones de développement pour lesquelles cette spécification était nécessaire.

b. Le 16 mars 2012, l’AIVV a également persisté dans ses conclusions. La loi, qu’elle contestait, était contraire à l’art. 19 al. 2 LaLAT en instaurant une zone de développement 4A inadéquate pour une affectation à des activités artisanales sans nuisances et administratives. Le Grand Conseil était lié par l’intitulé de sa loi et ne pouvait plus le corriger à ce stade de la procédure. Il était d’autant moins autorisé à le faire que l’intitulé de la loi ne résultait pas d’une inadvertance.

19. Le 3 avril 2012, la cause a été gardée à juger, les parties n’ayant pas formulé de requête complémentaire.

EN DROIT

 

1. Aux termes de l’art. 35 LaLAT, la décision par laquelle le Grand Conseil adopte un plan d’affectation du sol visé à l’art. 12 LaLAT peut faire l’objet d’un recours à la chambre administrative (al. 1). Le délai pour interjeter recours est de trente jours dès la publication de l’arrêté de promulgation de la loi (al. 2). Le recours n’est par ailleurs recevable que si la voie de l’opposition a été préalablement épuisée (al. 4). Pour le surplus, la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) est applicable (al. 5).

En l’espèce, formé le 26 septembre 2011 contre la loi 10831 promulguée le 29 août 2011, le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente. La voie de l’opposition ayant été préalablement épuisée, l’exigence de subsidiarité du recours est également respectée.

2. a. Selon l’art. 35 al. 3 LaLAT, les associations actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir. L’analyse de la qualité pour recourir au sens de la disposition précitée s’examine de cas en cas, au regard des statuts de l’association concernée (ATA/742/2010 du 2 novembre 2010, consid. 3a ; ATA/190/2007 du 24 avril 2007, consid. 3b).

b. L’art. 35 al. 3 LaLAT possède un contenu identique à l’art. 145 al. 3 LCI. Le Tribunal fédéral a précisé qu’une association dont les statuts poursuivent la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l’étude, par pur idéal, de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments et des sites ne pouvait revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l’art. 145 al. 3 LCI (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004, consid. 2.2 et 2.3).

La chambre de céans a déjà admis par le passé que l’AIVV remplissait les conditions de l’art. 35 al. 3 LaLAT (ATA/101/2006 du 7 mars 2006). Les circonstances n’ayant pas changé, la qualité pour recourir doit donc lui être reconnue.

Le recours de l’AIVV est ainsi recevable à tous points de vue.

3. Selon l’art. 33 al. 3 let. b de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), les plans d’affectation au sens de l’art. 14 LAT doivent pouvoir être soumis, sur recours, à une autorité cantonale jouissant d’un libre pouvoir d’examen. A Genève, l’existence de la procédure d’opposition devant le Grand Conseil, instaurée par l’art. 16 al. 5 LaLAT, lequel a plein pouvoir d’examen, combinée avec la possibilité de saisir la chambre administrative d’un recours, satisfait à cette exigence (ATF 111 Ib 9 : 108 Ib 479 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n° 1123, p. 377).

Le pouvoir de cognition de la chambre administrative est défini par l’art. 61 LPA, auquel renvoie l’art. 35 al. 5 LaLAT. Celle-ci est habilitée à revoir un plan d’affectation sous l’angle de la légalité, soit pour violation du droit fédéral ou cantonal, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA), mais pas sous celui de l’opportunité des mesures d’aménagement (art. 61 al. 2 LPA ; J.-C. PAULI, L’élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d’aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p. 526 ; T. TANQUEREL, Le contentieux de l’aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10).

4. La délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l’aménagement du territoire (ATF 108 Ib 479 précité consid. 3c ; ATA/632/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/352/2005 du 24 mai 2005), domaine dans lequel le Grand Conseil, en tant qu’autorité cantonale supérieure de planification, possède un large pouvoir d’appréciation (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.444/2001 du 29 novembre 2001, consid. 3b bb ; 1A.140/1998 -1P.350/1998 du 27 septembre 2000, consid. 3), dans le contrôle duquel la chambre administrative doit garder une certaine retenue (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_365/2010 du 18 janvier 2011, consid. 2.3, non publié in ATF 137 II 23 ; T. TANQUEREL, op. cit., n° 523, p. 174 et n° 1123, p. 177, et la jurisprudence citée).

5. Aux termes de l’art. 3 LAT, il y a notamment lieu d’aménager les territoires réservés à l’habitat et à l’exercice des activités économiques selon les besoins de la population et de limiter leur étendue (al. 3) en répartissant judicieusement les lieux d’habitation et les lieux de travail, et en les dotant d’un réseau de transports suffisant (al. 3 let. a), en préservant autant que possible les lieux d’habitation des atteintes nuisibles ou incommodantes, telles que la pollution de l’air, le bruit et les trépidations (al. 3 let. b), et en ménageant dans le milieu bâti de nombreuses aires de verdure et espaces plantés d’arbres (al. 3 let e). En outre, il importe de déterminer selon des critères rationnels l’implantation des constructions et installations publiques ou d’intérêt public (art. 3 al. 4 LAT). Il convient notamment d’éviter ou de maintenir dans leur ensemble à un minimum les effets défavorables qu’exercent de telles implantations sur le milieu naturel, la population et l’économie (let. c).

Les activités des autorités qui ont des effets sur l’organisation du territoire doivent être guidées par les buts et les principes qui régissent l’aménagement du territoire. Les principes énoncent un ensemble de valeurs ou de critères qui doivent guider les autorités chargées de l’aménagement du territoire dans les décisions à prendre, vu qu’elles disposent dans ce domaine d’une marge d’appréciation relativement grande (P. ZEN RUFFINEN / C. GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001, p. 50 ss et 53). Selon le Tribunal fédéral, ces principes constituent des éléments d’appréciation et des critères de décision (ATF 115 Ia 353 consid. 3d). Ils servent exclusivement à protéger des intérêts publics (ATF 117 Ia 307 consid. 4b). Ils sont tous de même rang, car la loi n’établit pas de hiérarchie. Ils peuvent se contredire, ce qui oblige alors à apprécier les principes en cause en fonction de leur importance respective dans le cas concret. Les principes n’ont pas, en eux-mêmes, une portée absolue : ils n’affectent en rien la répartition des compétences ou la législation et ne peuvent pas abroger les plans d’affectation en vigueur (P. ZEN RUFFINEN / C. GUY-ECABERT, op. cit., p. 54 et 55 ; cf. également FF 1978 I 1007 ad art. 3 p. 1017).

L’art. 3 LAT n’est pas directement applicable. Il contient des principes, obligatoires pour les autorités, qu’il y a lieu de prendre en compte lors de l’élaboration des plans d’aménagement et de la prise de décision. Il s’agit donc d’une norme programmatique, les décisions proprement dites étant prises sur la base du droit cantonal (P. TSCHANNEN, in Commentaire LAT, art. 1 n° 3 et art. 3 nos 9 et 10 ; ATA/73/2008, confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 1C_161/2008 du 15 juillet 2008).

6. a. Les autorités cantonales et communales doivent veiller, dans les limites de leurs compétences, à coordonner leurs efforts pour atteindre les buts fixés par la législation fédérale et cantonale sur l’aménagement du territoire (2 al. 3 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 - OAT - RS 700.1 ; art. 2 al. 1 LaLAT). Leur action se fonde sur les principes énoncés à l’art. 3 LAT (art. 2 al. 3 LaLAT) qui visent à une utilisation rationnelle du sol en aménageant les territoires réservés à l’habitat et à l’exercice des activités économiques en fonction des besoins de la population et en limitant leur étendue (art. 3 al. 3 LAT).

7. La détermination de l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal est réalisée par la définition de zones dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à la loi (art. 12 al. 1 LaLAT). En outre, lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d’affectation doivent être réexaminés et, si nécessaire, adaptés (art. 21 al. 2 LAT et 13A al. 1 LaLAT).

8. Les zones au sens de l’art. 12 al. 1 LaLAT sont de trois types, soit les zones à bâtir, les zones de développement et les zones protégées (art. 12 al. 2 let. a à c LaLAT.)

9. Les zones ordinaires ont pour objet de définir l’affectation générale des terrains qu’elles englobent (art. 12 al. 3 et 18 LaLAT). Elles se répartissent principalement entre différentes zones à bâtir et la zone agricole.

10. a. L’art. 19 LaLAT définit les différentes zones à bâtir.

b. Elles sont constituées de cinq zones affectées à l’habitation, auxquelles la LCI applique des règles de construction (gabarits, rapports des constructions aux limites de propriété, distances sur rue, etc.) spécifiques.

Les trois premières zones sont destinées aux grandes maisons affectées à l’habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire. D’autres activités peuvent y être admises lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public. Il s’agit de la 1ère zone qui comprend les quartiers de la Ville de Genève qui se trouvent dans les limites des anciennes fortifications de la 2ème zone qui comprend les quartiers édifiés sur le territoire des anciennes fortifications et des quartiers nettement urbains qui leur sont contigus et de la 3ème zone qui comprend les régions dont la transformation en quartiers urbains est fortement avancée (19 al. 1 LaLAT).

La 4ème zone est destinée principalement aux maisons d’habitation et comporte en principe plusieurs logements mais dans laquelle des activités peuvent également être autorisées lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage et le public. Elle est divisée en 4ème zone urbaine, soit la 4ème zone A, et en 4ème zone rurale, soit 4ème zone B, applicable aux villages et hameaux, (art. 19 al. 2 LaLAT). Les constructions édifiées dans la zone industrielle ou artisanale ne peuvent pas dépasser un gabarit maximum de 15 m en zone rurale (art. 32 al. 3 LCI).

La 5ème zone est une zone résidentielle destinée aux villas où des exploitations agricoles peuvent également trouver place (art. 19 al. 3 LaLAT).

c. Les zones à bâtir comprennent également les zones industrielles et artisanales, la zone ferroviaire et la zone aéroportuaire (art. 19 al. 4 à 6 LaLAT). A teneur de l’art. 12 al. 4 LaLAT, « les zones industrielles et artisanales sont destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. L’affectation à des activités industrielles comportant, notamment dans les domaines chimiques et nucléaire, un risque de grave atteinte grave à l’environnement fait l’objet d’une mention spéciale approuvée par le Grand Conseil. Selon l’art. 80 al. 1 LCI, les constructions édifiées dans la zone industrielle ou artisanale sont soumises aux dispositions applicables à la 3ème zone à bâtir, dont un gabarit maximum de 27 m.

11. Selon l’art. 12 al. 4 LaLAT, « en vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes ou la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation. A l’intérieur de ces périmètres, le Conseil d’Etat peut, en vue de la délivrance d’une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la zone de développement en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue.

12. Conformément à l’art. 2 al. 1 OAT, les autorités chargées de la planification d’activités ayant des effets sur l’organisation du territoire, doivent tenir compte des besoins de terrain nécessaire à ces activités (let. a), des diverses possibilités et variantes entrant en ligne de compte (let. b), à la compatibilité de ces activités avec les buts et principes de l’aménagement du territoire (let. c) ainsi qu’à la rationalité de l’utilisation du sol envisagée (let. d) mais elle doivent également examiner si la solution choisie est compatible avec les plans et prescriptions de la Confédération, des cantons et des communes relatives à l’utilisation du sol (let. e).

13. Parmi les normes spéciales à prendre en considération figurent celles de la protection contre le bruit découlant de l’art. 13 de 1a loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et dont les valeurs limites en matière d’émission ou d’immission sont fixées par le Conseil fédéral dans les dispositions de l’OPB, conformément à l’art. 13 al. 1 LPE.

14. En particulier, l’autorité d’exécution a l’obligation d’évaluer les immissions de bruit extérieur produites par les installations fixes en procédant à la comparaison des Lr, soit la somme des immissions de bruit de même genre, avec les VLI figurant dans ses annexes ou qu’à défaut elle aura elle-même déterminée (art. 40 al. 1 à 3 OPB). Ces VLI ont pour but de protéger les bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit ou les zones à bâtir non construites, dans lesquelles ceux-ci pourrait s’implanter (art. 41 al. 1 et 2 let. a OPB ; A.-C. FAVRE, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection de l’environnement, 2002, p. 209).

15. Lors de l’adoption ou de la modification des plans d’affectation au sens des art. 14 ss LAT, l’art. 43 OPB impose à l’autorité d’exécution l’obligation de leur attribuer un DS (art. 43 et 44 al. 2 OPB ; art. 15 al. 1 et 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 20 octobre 1997 - LaLPE - K 1 70), lequel a pour fonction d’indiquer le niveau de protection de la zone contre les immissions sonores générées par des installations situées à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone (A.-C. FAVRE, op. cit., p. 219).

L’art. 43 al. 1 OPB prévoit quatre niveaux de DS :

- le DS I attribué aux zones qui requièrent une protection accrue contre le bruit comme une zone de détente (art. 43 al. 1 let. a OPB) ;

- le DS II attribué aux zones dans lesquelles aucune entreprise gênante n’est autorisée, notamment les zones d’habitation (art. 43 al. 1 let. b OPB) ;

- le DS III attribué aux zones dans lesquelles sont admises des entreprises moyennement gênantes, notamment dans les zones d’habitation et artisanales (zone mixte), ou les zones agricoles (art. 43 al. 1 let. c OPB) ;

- le DS IV attribué aux zones dans lesquelles sont admises des entreprises fortement gênantes, notamment une zone industrielle (let. d).

Les autorités concernées disposent d’un pouvoir d’appréciation pour l’attribution des DS aux zones d’affectation, même si celui-ci est limité, vu les définitions de l’art. 43 al. 1 OPB (ATF 120 Ib 287 consid. 2c/bb p. 295 ; 120 Ib 456 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1A.322/2000 du 1er juin 2001 ; 1A_20/2007 du 23 octobre 2007 ; A.-C. FAVRE, op. cit., 225 ; B. WAGNER PFEIFFER, Umweltrecht I, Zurich 1999, p. 87).

16. Selon la jurisprudence et la doctrine, pour déterminer le DS applicable à la zone, l’usage est d’examiner le type d’activités qui doit y prendre place. C’est donc en premier lieu le niveau de nuisances généré par ces activités compatible avec l’affectation de la zone, selon le droit cantonal, qui est déterminant pour l’attribution du degré de sensibilité (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.322/2000 du 1er juin 2001 ; A.-C. FAVRE, op. cit., p. 225, et arrêts cités). Cette façon de procéder ne peut cependant pas être utilisée lorsque l’affectation de la zone implique de devoir prendre en considération les nuisances causées par des immissions dues à une installation fixe située dans ou à proximité de celle-ci. En effet, dans un tel cas, l’affectation de la zone considérée ne peut plus être déterminée par l’autorité d’exécution en fonction d’objectifs d’aménagement de l’espace mais est dictée par la nécessité de respecter les VLI imposées par l’OPB, en fonction de l’origine des immissions affectant la zone.

17. Lorsque la source de l’immission et le bruit émanent d’un aérodrome civil, le niveau de DS à attribuer est déterminé au regard des Lr suivantes, arrêtées au ch. 22 de l’annexe 5 à l’OPB pour le bruit causé par l’ensemble du trafic des petits aéronefs et des grands avions :

DS

VLI de

06 à 22h

VLI de

22 à 23h

VLI de

23 à 24h

VLI de

05 à 06h

I

55 dB (A)

45 dB (A)

45 dB (A)

45 dB (A)

II

60 dB (A)

55 dB (A)

50 dB (A)

50 dB (A)

III

65 dB (A)

55 dB (A)

55 dB (A)

55 dB (A)

IV

70 dB (A)

60 dB (A)

60 dB (A)

60 dB (A)

18. En outre, pour chaque aérodrome, l’autorité d’exécution est responsable de consigner dans un cadastre du bruit les immissions de bruit causées par cette installation. Ce registre doit renseigner sur l’affectation des territoires exposés au bruit, selon l’affectation et les degrés de sensibilité attribués (art. 37 al. 1 et 2 let. d et e OPB). Pour l’AIG, le cadastre de bruit en vigueur et celui établi par l’OFAC.

19. La recourante ne conteste pas que le secteur concerné par le plan de zone litigieux soit sujet aux nuisances provenant du bruit des avions. Elle considère cependant que l’évolution de la technique aéronautique rend obsolètes les valeurs d’exposition au bruit retenues par le Grand Conseil sur la base des chiffres communiqués par le SPBR. Ce faisant, ses explications, fondées sur l’évolution des modèles d’avions, se réfèrent à des généralités plutôt qu’à des chiffres provenant de relevés scientifiques et elle ne fait que substituer une appréciation de la situation basée sur ses convictions à celle exprimée par la réalité de ces données. Certes, les Lr reprises dans le message à l’appui du PL 10831 se fondaient sur des mesures effectuées en 2002. Toutefois, elles avaient été reprises dans le cadastre de bruit de l’AIG de novembre 2009 et ces nouvelles valeurs ont été confirmées par le SPBR en 2010, que l’autorité intimée a produit à l’appui de sa réponse au recours. Ces données confirment en tous points que les Lr sur le site dépassent les VLI du DS II à toute heure du jour et de la nuit, et qu’elles correspondent à celles du DS III.

Compte tenu des critères de l’art. 43 OPB, il était exclu pour l’autorité planificatrice d’attribuer un DS II au plan n° 29707-540, dès lors que les VLI dudit DS étaient dépassées entre 6h et 24h, et elle a pleinement respecté la loi en lui attribuant un DS III, ce qui soumet la zone aux conditions d’affectation de l’art. 43 al. 1 let. c OPB.

20. La loi 10831, à teneur de son art. 1, crée une zone 4A affectée à des activités artisanales sans nuisances et administratives. Cet intitulé correspond à la volonté du législateur, dans l’esprit duquel il ne s’agissait pas d’instaurer un régime de zone incluant notamment la possibilité de construire de nouveaux locaux à usage d’habitation (Message à l’appui du PL 10831 du 6 juin 2011 ; Mémorial du Grand Conseil 2011, séance 55 du 23 juin 2011, consultable sur www.ge.ch/grandconseil/memoria/data/570210/55/570210_55_partie6.asp). Dès lors qu’à teneur de l’art. 19 al. 2 LaLAT, la zone 4A est une zone urbaine affectée principalement à de l’habitation, même si des activités autres peuvent y être admises lorsqu’elles n’engendrent pas de nuisances, se pose la question de savoir si le plan 29707-540 se situe encore dans le cadre des plans d’affectation que la LaLAT permet d’instaurer.

La création d’une zone de développement au sens de l’art. 12 al. 4 LaLAT vise à appliquer un régime de zone déterminé à un périmètre soumis à un régime différent. Sous cet angle, la création d’une zone de développement à laquelle est attribué le niveau 4A, implique qu’elle soit soumise au régime légal lui correspondant, soit à celui énoncé à l’art. 19 al. 2 LaLAT. La zone 4A étant une zone affectée principalement à l’habitation, le principe qu’une telle zone puisse n’être affectée qu’à des activités artisanales ou commerciales sans nuisances ne peut être admis. Contrairement à ce que le Grand Conseil soutient, il ne détient pas un droit général lui permettant de s’écarter selon son bon vouloir du catalogue des zones d’affectation prévues par la LaLAT. Il en va non seulement de la sécurité du droit, mais également du respect des principes prévalant en matière d’aménagement du territoire.

L’art. 19 LaLAT prévoit trois zones à bâtir dans lesquelles peuvent être construits des bâtiments à usage d’habitation ou commerciaux, ou d’autres activités du secteur tertiaire, la 4ème zone étant destinée principalement aux maisons d’habitation et, subsidiairement, à d’autres activités sans nuisances, puis la 5ème zone, résidentielle. De ces zones se distinguent les zones industrielles et artisanales, ferroviaires et aéroportuaires. Dès lors, en principe, la création d’une zone d’activités doit faire l’objet d’un plan de zone spécifique fondé sur l’art. 19 al. 4 LaLAT et ne devrait pas emprunter la forme d’une planification en 4ème zone, au sens de l’art. 19 al. 2 LaLAT.

A l’appui de sa position, le Grand Conseil a cité plusieurs exemples de lois qui, selon lui, confirmaient la marge de manœuvre dont il bénéficiait dans l’aménagement des régimes de zone. Ces exemples ne permettent cependant pas d’asseoir la pratique à laquelle il se réfère. La loi 7883 du 27 mai 1999 créait une zone de développement 3, affectée à des activités commerciales et administratives, que l’art. 19 al. 1 LaLAT autorisait, la question de la légitimité de la construction d’un stade de football dans cette zone n’ayant pas à être tranchée au regard de cette norme dans le cadre du présent recours. Quant à la loi 10127, elle créait une zone de développement 3, principalement destinée à du logement, ce qui était conforme à l’art. 19 al. 1 LaLAT.

21. L’interprétation stricte des dispositions de la LaLAT conduit au constat que le Grand Conseil, en adoptant la loi 10831, n’a pas respecté l’art. 19 al. 2 LaLAT en prévoyant une zone de développement non-conforme à cette disposition. Il y a toutefois lieu de prendre en considération la situation particulière des parcelles considérées, qui se situent en zone urbaine, mais également dans une zone de bruit empêchant l’affectation du périmètre à de nouvelles habitations, dès lors que doit lui être attribué un DS III.

Dans son exercice de planification de la zone considérée, le Grand Conseil devait non seulement viser une exploitation rationnelle du sol conformément à l’art. 3 al. 3 LAT, mais il se devait également de respecter les prescriptions de lutte contre le bruit en vertu de l’art. 2 OAT. Logiquement, le périmètre circonscrit par le plan 29707-540, affecté à de la zone villas et situé à proximité du centre de l’agglomération de Vernier, aurait dû être affecté à de l’habitation. Toutefois, les exigences de prévention contre le bruit ne permettaient pas une telle solution compte tenu des conditions de l’art. 43 OPB. L’autorité intimée pouvait, dans ces circonstances très particulières, opter pour la création d’une zone qu’elle qualifiait de « zone de développement 4A » sans l’affecter à de l’habitation, mais seulement à des activités qui auraient un niveau de nuisance compatible avec une telle zone. Un tel aménagement, qui porte sur une zone de faible étendue, laquelle à défaut ne pourrait plus être utilisée rationnellement alors qu’elle se trouve en milieu urbanisé bien que non-conforme à la législation, pourra exceptionnellement être confirmé par la chambre de céans car il respecte tant les objectifs du plan directeur cantonal (fiche 2.09 du schéma directeur) que ceux du plan directeur communal (plan de synthèse) et a fait l’objet de préavis tous favorables. Le Grand Conseil et le Conseil d’Etat seront invités à prendre à l’avenir les mesures ressortissant de leurs compétences respectives afin que de telles situations puissent être réglées différemment.

22. La recourante invoque encore à l’encontre du plan de zone 29707-540 les problèmes que générerait immanquablement le surcroît du trafic sur la route de Peney lors de la création d’une zone réservée au commerce et à l’artisanat dans le périmètre considéré. L’intimé conteste ce point de vue et se réfère au préavis favorable de la DGM du 20 novembre 2008.

De jurisprudence constante, la question de l’équipement et des voies d’accès nécessaires n’a pas à être traitée dans le cadre de la planification générale au sens de l’art. 12 LAT (ATF 113 Ia 266 ; ATA/891/2003 du 2 décembre 2003) mais doit l’être dans le cadre de l’élaboration des PLQ (art. 13 al. 3 LAT ; 3 al. 2 LGZD). En l’espèce, au stade de la planification générale, le Grand Conseil pouvait sans arbitraire retenir que l’accroissement possible de la circulation sur les artères avoisinant la zone ne faisait pas obstacle à l’adoption de la loi 10831, ainsi que l’a encore confirmé la DGM dans le cadre de l’instruction du présent recours. Au demeurant, la question des nuisances que pourrait générer le trafic des véhicules accédant à la zone a été traitée dans le cadre de l’élaboration du PLQ 29719-540, lequel est entré en force sans faire l’objet d’un recours. Aucun objet tiré des griefs des nuisances liées au trafic ne peut dès lors être invoqué dans le cadre du présent recours.

23. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la recourante. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 septembre 2011 par l’Association des intérêts de Vernier-Village contre la loi 10831 modifiant les limites de zone sur le territoire de la commune de Vernier-route de Peney, chemin de Mouille-Galland, visant à la création d’une zone de développement 4A affectée à des activités artisanales sans nuisances et administratives du 23 juin 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge de l’Association des intérêts de Vernier-Village ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gérard Brutsch, avocat de la recourante, ainsi qu’au Grand Conseil.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :