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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1192/2009

ATA/20/2010 du 19.01.2010 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.03.2010, rendu le 18.10.2010, REJETE, 8C_220/2010
Descripteurs : ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; CONSULTATION DU DOSSIER ; SECRET D'AFFAIRES ; CONSEIL D'ADMINISTRATION ; FIDÉLITÉ ; SECRET PROFESSIONNEL ; DILIGENCE
Normes : Cst-GE.158 ; Cst-GE.159 ; LPA.45 ; LSIG.6 ; LSIG.9 ; LSIG.10 ; LSIG.13 ; LSIG.16 ; LSIG.17
Résumé : Confirmation d'une révocation prononcée par le Conseil d'Etat à l'encontre d'un administrateur des SIG exerçant parallèlement à son mandat d'administrateur la fonction de député au Grand Conseil, en raison de violations graves et répétées du secret de fonction et des devoirs de diligence et de fidélité commises à l'égard de l'institution qu'il représente. Compatibilité et portée des devoirs imposés à l'administrateur et des droits parlementaires découlant de la qualité de député lorsque ceux-ci sont exercés par une même personne.
En droit RÉPUBLIQUE ET

A/1192/2009-FPUBL  ATA/20/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 janvier 2010

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Mauro Poggia, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 


FAIT

1.1.1.          Le 20 décembre 2006, le Conseil d’Etat a arrêté la composition du Conseil d’administration des Services industriels de Genève (ci-après : SIG) pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2010. Parmi les sept membres désignés par le Grand Conseil figure Monsieur X______, né le ______1964, représentant le Mouvement des citoyens genevois (ci-après : MCG) dont il est par ailleurs le président. Ce mouvement est représenté au Grand Conseil depuis le mois de novembre 2005. Il comprenait durant la législature en cours huit députés.

1.1.2.          Le 28 juin 2007, lors d’une séance du Conseil d’administration des SIG (ciaprès : Conseil d’administration), M. X______ a souhaité connaître le montant des bonus distribués à la direction générale par l’établissement.

                   Monsieur Y______, président du Conseil d’administration (ci-après : le Président), a d’abord refusé d’accéder à cette demande.

                   La compétence d’attribuer les bonus à la direction générale avait été déléguée par le Conseil d’administration au bureau. Le montant de ceux-ci relevait de la sphère privée et n’avait jamais été divulgué.

                   Insatisfait de cette réponse, M. X______ a insisté, se prévalant de sa qualité d’administrateur et de son droit à une information transparente.

                   Suite à une intervention de Monsieur Z______, également membre du Conseil d’administration et député socialiste au Grand Conseil, le Président s’est engagé à répondre à M. X______ de manière transparente, à condition que celui-ci formule ses demandes clairement et par écrit.

1.1.3.          Le 9 juillet 2007, M. X______ a déposé devant le Grand Conseil une proposition de résolution intitulée « SIG - monopole d’Etat et les millions de francs de bonus payés à la direction générale sur le dos des consommateurs qui n’ont d’autre choix d’approvisionnement ! ».

                   Les SIG bénéficiaient d’une situation de monopole pour la fourniture de l’eau, de l’électricité et du gaz. Le prix de ces prestations dépendait des coûts de production, et notamment de la charge salariale. Il apparaissait qu’outre un treizième salaire payé aux cadres des SIG, des millions de francs étaient versés sous forme de bonus en fin d’année au personnel, alors que tous les fonctionnaires s’étaient vus bloquer leurs augmentations de salaires pour des raisons d’économie budgétaire.

                   Le Conseil d’Etat était en conséquence invité « à rendre un rapport détaillé (…) sur le montant exact total des bonus versés à l’ensemble du personnel des SIG, pour les années 2000 à 2006 et les montants prévus ou payés en 2007 ; à supprimer toute forme de bonus pour des régies publiques bénéficiant d’une situation de monopole, tant et aussi longtemps que l’équité avec tous les fonctionnaires n’était pas assurée ; à effectuer une réévaluation des salaires du personnel des SIG si cela s’avérait nécessaire en respectant la parité avec l’ensemble de la fonction publique ».

1.1.4.          Parallèlement, M. X______ a dénoncé à la Cour des comptes les bonus trop élevés versés aux membres de la direction générale et au personnel des SIG.

1.1.5.          Le 10 juillet 2007, la Tribune de Genève (ci-après : TDG) a publié l’article suivant : « le MCG remet en cause les bonus versés aux cadres des SIG ».

                   Relayant les propos de M. X______, elle indiquait que ce dernier avait formé une demande aux SIG sur le montant des bonus à laquelle les SIG avaient refusé de répondre.

                   Dans son article « Bonus aux boss dénoncés », le journal « Vingt minutes » relevait que M. X______ « s’insurgeait contre les prix pratiqués par les SIG ». Les bonus versés à la direction générale de l’établissement étaient mis en cause. M. X______ les évaluait à plusieurs millions de francs ; il avait déposé auprès du Grand Conseil une résolution pour en connaître les montants exacts.

1.1.6.          Le 12 juillet 2007, M. X______ a adressé au Président un courrier sur papier à en-tête du Grand Conseil.

                   Il lui faisait part de sa stupéfaction concernant la manière dont la séance du Conseil d’administration du 28 juin 2007 s’était déroulée. Il y avait appris que des bonus avaient été versés aux employés en 2006 et qu'il en avait été de même pour la direction générale. Si le montant des premiers avait été communiqué (CHF 4'000'000.- au total), l'autre avait été tenu secret. Il avait souhaité les connaître, ce à quoi on lui avait opposé une fin de non-recevoir. La presse lui avait appris que le Président bénéficiait également d’un bonus, ce qu’il ignorait. Il représentait le peuple au sein de ce Conseil d’administration. Il était normal, dans ces conditions, qu’il porte à la connaissance du parlement et de l’exécutif le problème que posaient ces bonus. Conformément à ce qui avait été convenu lors de ladite séance, il souhaitait obtenir une réponse aux questions suivantes :

«   1.  Confirmation du montant total des bonus attribués aux employés des SIG, avec mention du bonus minimum et maximum payé individuellement ainsi que les critères d’attribution.

     2.  Le montant exact des bonus payés à la direction générale des SIG ainsi que le détail par fonction ».

1.1.7.          Le 23 juillet 2007, M. X______ a déposé devant le secrétariat du Grand Conseil une interpellation urgente écrite (ci-après : IUE) intitulée : « Rhino, Bistrok, Cave 12 : au nom de la loi ça suffit ! ».

                   Les squatters ne pouvaient plus être tolérés. « La complicité des SIG et avec eux leur magistrat de tutelle, qui fournissaient les énergies était (…) navrante et devait être dénoncée (…). La responsabilité éminemment politique dans ce dossier était prouvée par la présence à la présidence du Conseil d’administration d’un ancien élu communiste et des liens étroits qu’il entretenait avec le Conseil d’Etat et ministre de tutelle de cette société publique autonome ». Le Conseil d’Etat était prié d’indiquer quelles actions de fond il entendait mettre en place pour que ces situations de squat ne puissent plus voir le jour.

1.1.8.          Dans un courrier électronique du 26 juillet 2007 portant l’adresse du Grand Conseil, M. X______ a prié le Président de répondre à un ensemble de questions sur les squats et la pose de compteurs SIG dans les bâtiments concernés.

1.1.9.          Le 31 juillet 2007, la TDG titrait : « CHF 330'000.- de primes pour les patrons des SIG en 2006 ».

                   Chacun des huit directeurs des SIG avait perçu, en moyenne, une prime de CHF 41'000.-. Questionné à ce sujet, M. X______ déplorait n’avoir obtenu aucune réponse du Conseil d’administration aux questions qu'il avait posées le 28 juin 2007.

1.1.10.             Ce même journal publiait un nouvel article le 8 août 2007.

                   L’opacité de l’information concernant les bonus était due au copinage politique, à la situation monopolistique des SIG et au cumul fréquent du mandat d'administrateur avec la fonction d'élu.

1.1.11.             Les SIG ont contesté s'être conduits contrairement à la loi en versant des bonus aux employés, dans une lettre du jour publiée à la TDG le 11 août 2007.

                   Leurs états financiers étaient publiés chaque année. Ils étaient soumis au contrôle d’un auditeur externe, ainsi qu’à l’inspection cantonale des finances, avant d’être transmis pour approbation au Conseil d’Etat et au Grand Conseil, lequel validait chaque année les comptes de l’établissement.

1.1.12.             Le 20 août 2007, le Président a répondu, point par point, aux différentes questions posées par M. X______ concernant l’alimentation électrique fournie par les SIG aux habitants du squat Rhino.

                   Le squat avait été équipé de compteurs électriques pour éviter les branchements sauvages, jugés trop dangereux.

1.1.13.             Dans un courrier adressé à M. X______ le 22 août 2007, il a répondu aux questions posées par ce dernier le 12 juillet 2007 concernant le montant des bonus.

                   En 2006, le montant total versé à ce titre était de CHF 6'500'000.-. Les bonus versés à la direction générale ascendaient CHF 330'000.-.

                   Le détail de l’attribution des bonus par fonction n’était pas mentionné.

1.1.14.             Le 4 septembre 2007, la TDG titrait : « la direction des SIG veut la tête de X______ ».

                   Dans une interview relayée par la presse dans cet article, M. X______ a indiqué avoir « la nette impression que le système de bonus (était) illégal ».

1.1.15.             Le 5 septembre 2007, le Président, agissant sur mandat du Conseil d’administration suite à une décision prise à une très forte majorité, a demandé au Conseil d'Etat de révoquer M. X______ en application de l’art. 13 de la loi sur l’organisation des SIG du 5 octobre 1973 (LSIG - L 2 35).

                   M. X______ était soumis à un devoir de fidélité et de diligence qui lui imposait d’agir dans l’intérêt des SIG et dans le respect de ceux-ci. Il devait s’acquitter consciencieusement des tâches qui lui étaient dévolues et faire preuve de loyauté envers le Conseil d’administration et ses membres, ainsi qu’envers les collaborateurs de l’entreprise.

                   Il avait violé ces devoirs en divulguant dans la presse de manière trompeuse et polémique, avant de poser ses questions écrites et sans attendre les réponses promises, le contenu confidentiel de la séance du Conseil d’administration du 28 juin 2007 lors de laquelle la question des bonus avait été débattue. En violation de ces devoirs, il avait affirmé publiquement, par le biais d'une résolution déposée devant le Grand Conseil le 7 juillet 2007, que les tarifs des SIG étaient 3,5 fois supérieurs au tarif français sans faire les vérifications nécessaires, sans demander à l’entreprise de prendre position sur cette question et sans demander au préalable l’éventuelle modification des tarifs devant le Conseil d’administration s’il le jugeait opportun. Dans ses interventions liées au squat Rhino, il avait accusé publiquement les SIG et son Président d’être complices d’infractions commises par les occupants de ce squat, portant ainsi atteinte à la confiance que les collaborateurs, les usagers/clients ainsi que les autres parties prenantes des SIG pouvaient avoir dans l’entreprise et dans ses organes.

                   Dans le contexte de la libération prochaine du marché de l’électricité, les atteintes portées par M. X______ au crédit de l’entreprise avaient créé un tort économique important à cette dernière. Ces agissements étaient de nature à saper les efforts entrepris dans un contexte difficile de nouvelle culture d’entreprise liée à la concurrence qu'il faudrait affronter. Les SIG avaient consacré des moyens disproportionnés pour rétablir la vérité, suite aux accusations de M. X______, afin d’éviter que son image ne soit mise en péril et que les collaborateurs perdent leur motivation, notamment par le biais de publications internes.

                   Il ne faisait par ailleurs pas de doute que la violation de ces devoirs était fautive.

1.1.16.             Consécutivement, la Cour des comptes a décidé d’ouvrir une enquête sur la question de la rémunération du Conseil d’administration des SIG.

1.1.17.             Le 20 septembre 2007, la chancellerie d’Etat a prié M. X______ de se déterminer sur la demande de révocation le concernant.

1.1.18.             Le 25 septembre 2007, M. X______ et d’autres députés de son parti ont déposé devant le secrétariat du Grand Conseil une proposition de résolution intitulée « les ordures de la mafia italienne infiltrent les SIG ! », invitant le Conseil d’Etat « à interdire sans délai toute importation de déchets ménagers et/ou industriels, en vue de leur incinération aux Cheneviers, ne provenant pas de la région immédiate de Genève ; à fermer le four n° 3 si Genève et ses environs immédiats ne produisaient pas localement assez de déchets ; à réévaluer le montant établi lors des transferts d’actifs des SIG envers l’Etat de Genève, si celui-ci apparaissait comme erroné ».

                   Les erreurs de prévision et d’évaluation des SIG les obligeaient à importer 100'000 tonnes par année de déchets supplémentaires pour faire fonctionner le troisième four de l’usine d’incinération des Cheneviers. En raison des « errements mégalomaniaques » de cette entreprise d’Etat, plus de 60'000 tonnes par année de déchets ménagers et industriels toxiques étaient importées d’Italie, alors même qu’il était de notoriété publique que les ordures du sud de l’Italie étaient gérées par des réseaux de type maffieux et qu’elles étaient toxiques. Cette politique était réalisée au détriment de la santé des genevois. Elle était condamnable et violait le principe général de précaution.

1.1.19.             Lors d’une séance du 4 octobre 2007, le Conseil d’administration a décidé de faire la transparence sur les rémunérations des membres du Conseil d’administration.

1.1.20.             Le 12 octobre 2007, le journal « Le Temps » publiait un article intitulé « polémique sur les Services industriels de Genève », dans lequel le Président a fait savoir qu'il avait gagné, en 2006, un total de CHF 368'824.-.

1.1.21.             Son courrier du 20 septembre 2007 étant resté sans réponse, la chancellerie d’Etat a prié une nouvelle fois M. X______ de se déterminer sur la demande de révocation le concernant, le 26 octobre 2007.

1.1.22.             M. X______ a répondu à cette invite le 20 novembre 2007, sur papier à entête du Grand Conseil, sous la signature « X______, député ».

                   Si les SIG étaient une entreprise autonome, leur capital était d’origine publique. Les députés membres du Conseil d’administration devaient fidélité au Souverain si les règles de gouvernance étaient contraires aux intérêts de ce dernier. Son action avait prouvé que les bonus n’étaient pas conformes à la loi et contraires à l'intérêt public.

1.1.23.             Fin 2007, M. X______ et d'autres membres du MCG se sont rendus à Naples pour tenter de déterminer la provenance des déchets dits « napolitains », arrivant à l'usine des Cheneviers. Les autorités italiennes ont nié, à cette occasion, être en relation d'affaires avec Genève concernant leurs déchets. Ce désaveu a conduit le Conseil d'Etat à suspendre toutes les importations de déchets.

1.1.24.             Dans son audit de légalité et de gestion relatif aux rémunérations du Conseil d’administration et de la direction des SIG du 21 février 2008, la Cour des comptes a constaté que les rémunérations du Conseil d’administration n’avaient pas donné lieu à une acceptation formelle du Conseil d’Etat comme prévu par la loi. Toutefois, un document récapitulatif des rémunérations des principaux établissements publics autonomes, faisant état des rémunérations de l’ensemble des administrateurs des SIG, avait été communiqué à cette autorité le 8 février 2002, qui n'avait pas relevé d'irrégularité. En revanche, contrairement à la loi, les salaires de six membres de la direction des SIG avaient été supérieurs à ceux de la fonction publique.

1.1.25.             A la suite de ce rapport, le salaire du Président a passé de CHF 374'900.- à CHF 220'000.-.

1.1.26.             Le 1er juin 2008, une loi modifiant la LSIG a été soumise à une votation populaire. Selon les auteurs du projet, cette loi avait pour but de séparer le pôle politique, assuré par la présence au sein du Conseil d'administration des membres nommés par le Grand Conseil et par le Conseil d’Etat, du pôle opérationnel de la gestion des SIG. Dans un souci d’efficacité, le Conseil d’administration était réduit et ses membres choisis selon des critères de compétence et non d'appartenance politique.

                   Cette modification a été rejetée par le peuple.

1.1.27.             Le 12 juin 2008, plusieurs députés du MCG, dont son Président, ont déposé devant le secrétariat du Grand Conseil une proposition de résolution invitant le Conseil d’Etat à dissoudre, respectivement révoquer le Conseil d’administration dans son entier ou à défaut, son Président. Cette résolution faisait suite à la volonté populaire exprimée lors de la votation précitée. Elle voulait mettre fin « au copinage » dans la nomination des administrateurs des SIG, dont les membres privilégiaient les intérêts financiers de l’entreprise au détriment des impératifs de santé publique, en acceptant notamment l’importation régulière de déchets toxiques incinérés à l’usine des Cheneviers.

1.1.28.             Le 20 août 2008, plusieurs députés du même parti, dont M. X______, ont déposé devant le secrétariat du Grand Conseil une proposition de motion intitulée « tarifs d’électricité : 30 % de hausse en un an, ça suffit ! Où est passé le CHF 1'000'000'000.- encaissé par les SIG ? », invitant le Conseil d’Etat : « à refuser toute nouvelle hausse des tarifs d’électricité pour les usagers genevois ; à préparer les démarches en vue de la vente des actions que détenaient les SIG au sein de l’entreprise Energie Ouest Suisse (ci-après : EOS ; 23 % des actions) ; à utiliser les fonds propres provenant de cette vente d’actions à l’étude et à la construction d’une usine de géothermie (énergies propres) sur le canton de Genève, afin d’atteindre au minimum 80 % d’autonomie énergétique pour le canton de Genève ; à entreprendre sans délai tout projet qui tendrait à augmenter l’autonomie de production d’électricité sur le canton de Genève ; à obliger les SIG à dénoncer les contrats de fourniture d’électricité avec la ville de Nyon et cesser tout approvisionnement en électricité à la ville de Nyon ; à cesser toute fourniture d’électricité en dehors du canton de Genève ; à dire toute la vérité au Grand Conseil, respectivement à la population genevoise, de l’utilisation, et où est passé le CHF 1'000'000'000.- que les SIG ont encaissé sur le dos des usagers genevois en obtenant des tarifs préférentiels d’EOS et en laissant des tarifs d’électricité arbitrairement élevés ; à divulguer publiquement le montant investi pour construire le siège des SIG au Lignon et sa valeur actuelle estimée en cas de vente ».

                   Dans les années 1980, le canton de Genève avait investi dans la construction d’un barrage hydroélectrique dans le Valais au travers d’EOS. Par des mécanismes financiers « qui pouvaient être douteux », les SIG avaient ponctionné près de CHF 100'000'000.- à EOS au moyen de rabais négociés (plan PI). Forts de leur monopole, de leur santé financière et de leur « arrogance naturelle », ils avaient fait construire le « palais » des SIG sur le dos des usagers genevois, s’octroyant les salaires les plus élevés de l’ensemble des fonctionnaires d’Etat, le tout cautionné par le Conseil d’administration et le Conseil d’Etat. Les rabais négociés sur les tarifs d’électricité avec EOS n’avaient jamais été répercutés sur les usagers genevois. Dans la situation de monopole actuelle, ces contributions constituaient un impôt déguisé frappant aveuglément toute la population genevoise.

1.1.29.             Le 27 août 2008, le journal « Vingt minutes » a publié l'article « les Services industriels ont trompé les Genevois ».

                   Le président du MCG y accusait les SIG d’avoir « trompé la population » en encaissant près de CHF 1’000'000'000.- sur le dos de leurs clients.

1.1.30.             M. X______ a confirmé cette position dans une émission de Radio Cité du 27 août 2008.

1.1.31.             Lors de sa séance du 28 août 2008, le Conseil d’administration a débattu de l’évolution à donner à un programme participatif d’économie d’énergie intitulé « Eco 21 » dont il avait décidé le lancement en 2006, qui avait été doté d’une allocation de CHF 42'000'000.- constituée de CHF 21'000'000.- que les SIG devaient rétrocéder aux usagers suite à une intervention du contrôle fédéral des prix antérieure à 2006 et de CHF 21'000'000.- anticipant la révision future, par le contrôle fédéral des prix, de la révision du timbre d’acheminement de l’électricité.

                   Il était prévu de prendre sur ces fonds CHF 1'800'000.- pour des mesures incitatives, les frais de gestion, les salaires et l'événementiel de ce programme.

1.1.32.             Le même jour, le journal « Genève Home Informations » (ci-après : GHI) publiait l’article « 30 % d’augmentation en un an, ça suffit ! ».

                   Cité par la presse, M. X______ a exprimé : « on se fait voler » par les SIG. Le renchérissement de 30 % des tarifs d’électricité était le résultat d’une politique énergétique « menée par des nains ». La solution résidait dans la vente par les SIG des parts d’EOS et dans l'affectation de CHF 500'000'000.- ainsi dégagés à l’étude et à la réalisation d’une usine de géothermie, l’idée étant d’atteindre une autonomie énergétique de 80 % au moins.

1.1.33.             Dans son édition de septembre 2008, le journal du MCG a fait paraître un article intitulé : « électricité : les Genevois rackettés ! ».

                   Les genevois se faisaient « tondre par l’Etat ». A Zurich, l’électricité coûtait la moitié du prix de Genève. Les SIG avaient, au mépris du bon sens, investi dans la société EOS qui, devenue une holding, n’était plus conduite par le service public mais par le profit de ses actionnaires. Les lecteurs étaient invités à réclamer aux SIG « les sommes perçues de façon abusive ». Un coupon à découper était imprimé à cette fin.

1.1.34.             Lors d’une séance de la commission de l'énergie du Conseil d’administration du 2 septembre 2008, M. X______ a demandé des explications au sujet d’une somme de CHF 100'000'000.- versée par les SIG à EOS entre 2001 et 2003. Il souhaitait savoir si ce montant avait été prêté à cette société sans intérêts. Un membre de la direction générale a expliqué que le versement de ces CHF 100'000'000.- était intervenu dans le cadre d’un plan général d'assainissement d’EOS, appelé « plan PI », comportant un prêt convertible de CHF 36'000'000.- d’une part et un versement de CHF 100'000'000.- lié à un contrat d’approvisionnement à 4 cts/kWh durant plusieurs années, cette prestation à bas prix constituant la rémunération et le remboursement de ces CHF 100'000'000.-. Cette opération avait permis aux SIG de baisser le prix de l’énergie entre 2001 et 2007 et d’avoir un impact favorable sur le coût à charge des clients.

1.1.35.             Dans un message électronique daté du 7 septembre 2008, M. X______ a adressé au Président une liste de questions en huit points, à laquelle il souhaitait obtenir une réponse pour la réunion du Conseil d’administration du 9 septembre, concernant les CHF 100'000'000.- versés à EOS.

1.1.36.             Le 8 septembre 2008, la secrétaire du Conseil d’administration lui a répondu qu’elle avait pris contact avec les personnes susceptibles de répondre à sa demande. Cependant, au vu du nombre et de la diversité des questions ainsi que la disponibilité des intéressés, il ne pourrait lui être répondu avant la séance, prévue pour le lendemain, mais le serait dans les plus brefs délais.

1.1.37.             Le même jour et le lendemain, plusieurs journalistes ont interpellé les SIG pour connaître leur détermination sur l’IUE que M. X______ avait indiqué avoir déposée devant le Grand Conseil au sujet de ces CHF 100'000'000.-.

1.1.38.             Cette IUE a été déposée formellement devant le Grand Conseil par M. X______ le 11 septembre 2008. Elle se décline sous la forme de cinq IUE distinctes (IUE 619 à IUE 623), toutes intitulées « SIG la banque royale à la charge des citoyens ! ». Les questions posées au Conseil d’Etat sont les suivantes :

«   -   Le Conseil d’Etat peut-il confirmer avoir été au courant de ce « prêt » de CHF 100'000'000.- décaissé par les SIG en faveur d’EOS sans intérêts remboursable en 2033. Si oui, peut-il nous indiquer le numéro de l’arrêté du Conseil d’Etat confirmant la décision de son collège, ou à défaut figure-t-il dans un budget avalisé par le Grand Conseil ? (Question 1) ;

     -   Le Conseiller d’Etat en charge des SIG a-t-il été informé par les SIG de l’octroi de ce prêt de CHF 100'000'000.-, si oui quand, et a-t-il été approuvé par ce dernier ? (Question 2) ;

     -   Le mode de procéder des SIG, qui a abouti au décaissement de CHF 100'000’000.- en faveur d’EOS remboursables sans intérêts jusqu’en 2033, a-t-il respecté les règles et lois en vigueur ? (Question 3) ;

     -   Combien, et pour quels montants, existe-t-il d’engagements « hors budget ou hors bilan » ou de paiements fournisseurs d’avances aux SIG, et qui en sont les bénéficiaires ? (Question 4) ;

     -   Le Conseil d’Etat entend-il demander aux SIG le remboursement intégral du solde de ce « prêt » dans les meilleurs délais en facturant un intérêt ou entend-il faire payer la charge financière à la population et passer le message à la population : « tais-toi et paie » ? ».

                   Le versement de ces CHF 100'000'000.- était un paiement à fonds perdu, au sujet duquel il n'était pas possible d'obtenir des informations. On pouvait « imaginer » que les règles comptables n’avaient pas été respectées. Ces faits avaient été dénoncés à la Cour des comptes et au Procureur général.

1.1.39.             En réaction à ces événements, l’association des cadres supérieurs des SIG (ci-après : ACSSIG) a écrit au Président et au directeur général de l'établissement.

                   M. X______ avait diffusé sur son blog une vidéo intitulée « déchets importés à Genève » qui remettait en cause la véracité des explications transmises à ce sujet par le responsable de l’activité « valorisation des déchets ». Celle-ci insinuait que les cadres des SIG pouvaient intentionnellement mentir afin de justifier certaines actions de l’entreprise. De telles allégations mettaient en doute la probité et la compétence de ses employés et étaient incompatibles avec les valeurs véhiculées dans l'établissement. Elles gênaient le travail des chefs d’équipe, étaient contreproductives et démotivantes. Les défis actuels et futurs de l’entreprise requéraient implication, compétence, et motivation de la part des collaborateurs ainsi qu’une vision et une stratégie partagées et soutenues par les organes de gouvernance.

                   L’ACSSIG souhaitait en conséquence que des mesures soient prises pour que cette situation cesse.

1.1.40.             Dans une note d’information adressée aux membres du Conseil d’administration, le Président a fourni une réponse détaillée aux différentes questions posées par M. X______ le 7 septembre 2008 au sujet du « prêt » accordé à EOS. Ces explications reprennent en substance, avec davantage de détails, celles données à M. X______ lors de la séance de la commission énergie du 2 septembre 2008 du Conseil d’administration. Il y est précisé également que la société Gaznat S.A. (ci-après : Gaznat) a bénéficié, comme EOS, d’un plan d’assainissement de la part de ses actionnaires et que l’engagement des SIG envers cette société se montait à fin 2000 à CHF 74'000'000.- et, à fin 2007, à CHF 35'000'000.-.

1.1.41.             Le 13 septembre 2008, M. X______ a déposé devant le secrétariat du Grand Conseil une IUE « le bilan des SIG est-il un faux, les genevois ont-ils été trompés ? », priant le Conseil d’Etat de répondre à la question suivante : « le Conseil d’Etat peut-il affirmer que les comptes annuels des SIG, depuis 2000 à ce jour, sont conformes aux dispositions qu’ils doivent respecter, notamment les normes comptables impératives et les dispositions de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO  RS 220) en matière de transparence et de clarté de l’information ? ».

                   Les SIG « semblaient » avoir fait une fausse déclaration dans le bilan pour échapper à un projet de loi en bonne et due forme acceptant, modifiant, ou refusant l’investissement accordé à EOS. Dans le meilleur des cas, il y avait eu une fausse présentation des comptes de la part des SIG, qui ne respectait pas les normes comptables. Celle-là avait été volontaire afin d’occulter le subventionnement de CHF 100'000'000.- à EOS et d’échapper à l’approbation nécessaire du Grand Conseil et du Conseil d’Etat. Dans le pire des cas, il s’était agi de « cavalerie », destinés à échapper sciemment au contrôle de ces deux autorités. Les SIG prétendaient que la régie recevait en contrepartie de ce versement du courant électrique facturé au prix de revient pendant plusieurs décennies. Ceci était un mensonge car les quantités de courant prélevées par les SIG ne pouvaient excéder le montant de CHF 100'000'000.-, conformément aux contrats liés au « plan PI », ce qui revenait à avoir octroyé à EOS un prêt de CHF 100'000'000.- sans intérêts. Le Conseil d’Etat n’avait pas, quant à lui, respecté l’art. 26 LSIG en n’ayant pas publié le rapport des SIG sur cet investissement.

1.1.42.             Le 16 septembre 2008, M. X______ a déposé devant le secrétariat du Grand Conseil l’IUE « électricité qui paie quoi et à qui ! » demandant au Conseil d’Etat de « confirmer qu’une subvention pour l’achat d’électricité a bien eu lieu par le biais des mécanismes décrits [dans l’exposé des motifs] depuis 1995, notamment en achetant le courant à environ 11 cts/kWh alors que le prix du marché était à environ 4 cts/kWh ? Le Conseil d’Etat voudra bien dans sa réponse circonstanciée, fournir un tableau comparatif de l’évolution du prix de l’électricité, du prix d’achat des SIG à EOS et du prix facturé aux usagers genevois pour les mêmes périodes, c’est-à-dire de 1995 à ce jour ! ».

                   Les SIG avaient violé la loi en inscrivant l’investissement de CHF 100'000’000.- dans le bilan sous la rubrique « achat d’électricité » alors qu’il s’agissait d’un prêt sans intérêts ou d’un paiement à fonds perdu, contournant l’obligation qui leur était faite de présenter devant le Grand Conseil un projet de loi d’investissement. Ils avaient également contrevenu aux dispositions réprimant la dilapidation d’actifs au sein de la société EOS en demandant des rabais extraordinaires à cette société afin de se désendetter.

1.1.43.             Dans un communiqué de presse du 16 septembre 2008 intitulé « SIG Services industriels de Genève et EOS Energie Ouest Suisse, faux bilan, les cantons romands floués ! », le MCG a affirmé que « les investigations menées par le représentant du MCG au sein du Conseil d’administration permettaient aujourd’hui d’affirmer que les directions des SIG et d’EOS avaient mis au point un système financier leur ayant permis de contourner les lois ». La situation était à ce point grave qu’elle commandait de destituer le Conseil d’administration avec effet immédiat et d’ouvrir une enquête pour comprendre les mécanismes qui avaient permis cette dérive.

                   Le 30 septembre 2008, M. X______ cosignait avec d’autres députés de son parti un projet de loi intitulé « loi Eco 21 », qui prévoyait en substance la distribution par le Conseil d’Etat via les SIG d’ampoules basse consommation à tous les usagers genevois, le financement de l’acquisition des ampoules devant être réalisé au moyen des fonds dont disposait le programme « Eco 21 » des SIG, qui devaient être restitués aux usagers. Dans l’exposé des motifs dudit projet de loi, il était relevé qu’en deux ans, le programme « Eco 21 » avait dépensé plus de CHF 10'000'000.- en publicité, en prospectus luxueux, en salaire et en frais de représentation pour une économie globale énergétique sans modification significative.

                   Le dépôt de ce projet de loi s'est doublé d’une conférence de presse donnée par le MCG sur la place du Molard intitulée « opération post tenebras MCG - après les ténèbres, la lumière ». Dans ce communiqué, le MCG indiquait qu’il allait distribuer au Molard, à partir de 11h00, des ampoules à basse consommation d’énergie jusqu’à épuisement du stock afin de « dénoncer le fait que CHF 42'000'000.- avaient été prélevés pendant cinq ans par les SIG, provenant d’une taxe illégale (timbre d’acheminement) à l’instigation du Conseiller d’Etat Robert Cramer avec la complicité des SIG ».

1.1.44.             Le 5 octobre 2008, la direction générale des SIG a adressé une lettre au Président dénonçant la dégradation du climat de travail au sein des SIG.

                   Les mensonges répétés, la désinformation systématique, les insinuations calomnieuses et le discrédit porté à leur action pesaient lourdement sur l’entreprise, ses collaborateurs, sa réputation, sa crédibilité, voire sa légitimité. Cet acharnement dirigé tous azimuts contre les SIG était ressenti au plus profond de chacun des membres du personnel comme pernicieux et injuste. La direction souhaitait qu’un vrai débat démocratique ait lieu autour des gros enjeux de l’entreprise comme l’importation des déchets ou la rémunération du personnel des SIG. Elle s’élevait en revanche contre les accusations proférées.

1.1.45.             Le 9 octobre 2008, le Conseil d’Etat a répondu aux cinq questions figurant dans les IUE du 11 septembre 2008 déposées par M. X______.

                   Ce dernier aurait pu obtenir les explications souhaitées en sollicitant la présidence et la direction générale des SIG. Au lieu d’épuiser les possibilités du débat interne et avant même d’avoir formellement saisi le Grand Conseil, il avait préféré porter l’affaire sur la place publique par voie de presse sur un ton polémique.

                   Suit une explication détaillée des tenants et aboutissants du « plan PI » dans lequel s’insèrent les CHF 100'000'000.- versés à EOS. Ce plan était considéré comme légal tant du point de vue comptable que des lois en vigueur. Il poursuivait le même but que les CHF 74'000'000.- versés à Gaznat dans le cadre de son assainissement.

1.1.46.             Le 10 octobre 2008, un débat a eu lieu en séance plénière du Grand Conseil concernant un projet de loi 10290 du Conseil d’Etat modifiant la LSIG ayant pour but d’intégrer dans cette loi les modifications découlant de l’entrée en vigueur partielle, le 1er janvier 2008, de la loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité du 23 mars 2007 (LApEI - RS 734.7) et de la loi fédérale sur l’énergie du 26 juin 1998 (LEne - RS 730.0). A cette occasion, M. X______ a accusé la direction des SIG d’agir dans une « opacité totale », fondant ses accusations sur les « CHF 100'000'000.- versés à EOS ou - nous le savons depuis hier - les CHF 74'000'000.- payés sur la même base, c’est-à-dire sans intérêts, pour une durée de quinze à trente ans, à Gaznat, qui est le fournisseur exclusif des SIG pour le gaz… Nous en sommes donc déjà à CHF 174'000'000.- payés par les SIG, et cela avec quoi ? Avec ce que vous payez chaque fin de mois Mesdames et Messieurs les députés, et vous, citoyens de ce canton ! ». Suite à cette intervention, un vif débat s’est engagé entre les députés. M. Z______ a pris la parole pour fustiger l’intervention de M. X______, rappelant aux députés que ce dernier était administrateur des SIG et qu'il devait faire preuve de loyauté envers cette institution. Ce dernier avait reçu toutes les informations pertinentes et toutes les réponses à ses questions. Malgré cela, il continuait de mettre en cause l'image de probité des SIG qui s’était construite sur de longues années. Il sommait M. X______ de fonder ses accusations sur des faits établis ou de reconnaître qu’il avait livré des contrevérités aux citoyens et accusé à tort les SIG de racketteurs et d’escrocs.

1.1.47.             Le 14 octobre 2008, la TDG titrait : « un élu veut virer X______ des SIG », relayant dans cet article la séance houleuse du Grand Conseil du 10 octobre 2008 et les accusations répétées de M. X______.

1.1.48.             Dans sa séance du 16 octobre 2008, le Conseil d’administration a débattu de l’attitude de M. X______ à l’égard de l’institution.

                   M. Z______ a demandé à M. X______ de rétracter publiquement ses accusations de racket et d’escroquerie. S’il persistait, il n’avait plus sa place au sein dudit Conseil. Il demandait que le service juridique des SIG soit saisi et lance une plainte pour diffamation ou calomnie contre M. X______ s’il ne faisait pas ses excuses.

                   M. X______ a maintenu ses positions. Il n’avait pas violé son secret de fonction concernant les CHF 100'000'000.- versés à EOS, puisque tous les mécanismes de cette transaction avaient été publiés dans le journal « 24 heures » en 2001. L’existence du prêt de CHF 74’0000'000.- accordé à Gaznat était tombée dans le domaine public depuis que le Conseil d’Etat avait répondu à sa dernière IUE. Les questions qu’il avait portées devant le Grand Conseil, relayées par la presse, relevait du débat politique. Il priait le Président de lui fournir différentes informations sur les contrats conclus avec Gaznat.

                   Monsieur W______, également membre du Conseil d’administration, a pris la parole à cette occasion. L’information circulait mal au sein du Conseil d’administration ; quand il posait des questions, il n’obtenait pas de réponses dans de courts délais. Une semaine auparavant, il avait demandé des précisions sur les CHF 74'000'000.- versés à Gaznat et n’avait toujours pas reçu de réponse. Il avait été directeur financier des SIG et organe de révision de Gaznat. Dans cette fonction, il s’était heurté à un occultisme comptable et à une limitation des moyens de vérification de l’organe de contrôle, jamais vus auparavant et contraires aux normes légales. Tous les problèmes rencontrés par les SIG actuellement découlaient d’une situation ayant son origine à la fin des années 1980 et au début des années 1990 qui était totalement contraire à la loi ; les SIG avaient vendu le gaz en dessous du prix de revient, pour évincer les mazoutiers (dumping). Il produisait, à l'appui de ces accusations, des extraits de documents confidentiels de l'époque restés en sa possession. Il désapprouvait les accusations de M. X______ quant à leur forme, mais pas quant au fond, car les questions soulevées n'étaient pas claires et appelaient des réponses.

                   Suite à un long débat, il a été convenu, à l’issue de cette séance, de convoquer la presse pour lui faire part de l’exaspération du Conseil d'administration face aux attaques de M. X______. La voie de la plainte pénale serait étudiée et le Conseil d’Etat à nouveau saisi.

1.1.49.             Ce communiqué de presse a été divulgué le 16 octobre 2008.

1.1.50.             Le 17 octobre 2008, les journaux se sont faits l’écho des fortes dissensions existant au sein du Conseil d’administration.

                   Interrogé à cette occasion, M. X______ a indiqué ne pas vouloir changer d’attitude et avoir trouvé le soutien de l’un des administrateurs pour appuyer sa dernière accusation contre les SIG : le versement indu de CHF 74'000'000.- à Gaznat (article du journal « Le Temps » : « Les SIG poussés à bout par X______). Cette société filiale des SIG avait « falsifié ses comptes dans les années 1990 pour dissimuler un dumping de ses tarifs afin de couler les mazoutiers » (article de la TDG : « tensions en hausse à la tête des SIG »).

1.1.51.             Le même jour, M. X______ a demandé au Conseil d’administration la copie des documents financiers produits par M. W______ lors de la séance du Conseil d’administration du 16 octobre 2008.

                   La lecture faite par M. W______ des documents concernés faisait état de graves irrégularités comptables qui auraient eu lieu durant les années 1990. Il souhaitait obtenir une copie de ces documents.

1.1.52.             Une heure plus tard, la secrétaire du Conseil d’administration a répondu à M. X______.

                   La consultation intégrale des documents dont M. W______ avait lu en séance quelques paragraphes ne pouvait être autorisée sans qu’il ait préalablement été vérifié si et dans quelle mesure ils pouvaient être consultés, transmis ou complétés. Ces documents étaient confidentiels et dataient de plus de quinze ans. Il serait néanmoins rapidement donné suite à sa demande.

1.1.53.             M. X______ a répondu à ce refus par retour de courriel. Il était invraisemblable d’opposer à la consultation d’un membre du Conseil d’administration la confidentialité de documents détenus par les SIG. Il dénonçait cette rétention d’information à la Cour des comptes ainsi qu’au Conseil d’Etat.

1.1.54.             Le même jour, M. X______ a divulgué aux membres de la commission Energie du Grand Conseil le contenu des discussions ayant eu lieu lors de la séance du Conseil d'administration du 16 octobre 2008 et la teneur des documents produits par M. W______ à cette occasion.

1.1.55.             Dans un courrier adressé le 20 octobre 2008 par Gaznat au Président, celle-ci s’est déclarée extrêmement préoccupée par les accusations proférées par un membre du Conseil d’administration au sujet du prétendu « prêt » sans intérêts de CHF 74'000’0000.- dont elle aurait bénéficié en 2000 de la part de l’établissement. Elle allait devoir procéder prochainement à de nouveaux investissements d’extension de son réseau, notamment pour renforcer l’approvisionnement de Genève. Ces déclarations risquaient d’avoir pour conséquence de rendre plus difficile les conditions d’obtention des crédits bancaires nécessaires au financement des infrastructures, ce qui serait préjudiciable tant pour la société que pour ses partenaires, dont les SIG.

                   Elle faisait parvenir aux SIG un document démontrant que ces accusations étaient dénuées de tout fondement.

1.1.56.             Le 25 octobre 2008, M. X______ a publié sur son blog l’échange de courriels qu’il avait eu avec le Conseil d’administration concernant sa demande de communication des documents lus par M. W______ lors de la séance de ce Conseil du 16 octobre 2008.

1.1.57.             Le 27 octobre 2008, le Président a informé M. X______ que sa demande de transmission desdits documents serait soumise au Conseil d’administration dans son ensemble lors de la séance du 18 novembre 2008.

1.1.58.             Le même jour, il a adressé au Conseil d’Etat un courrier exprimant le vif désaveu porté par la plupart des membres du Conseil d’administration sur les agissements de M. X______, relevant le préjudice grave que ce dernier pouvait porter aux SIG et à ses sociétés partenaires.

1.1.59.             Le 28 octobre 2008, EOS a informé les SIG qu’elle n’accepterait plus que des accusations soient publiquement portées contre elle. Elle avait fait face à des situations extrêmement difficiles depuis 2002 et avait délibéré sur des objets très confidentiels. Ces questions avaient été ouvertement discutées au sein du Conseil d’administration, dans un esprit de confiance. Aujourd’hui, M. X______ rendait compte à la population de toutes ses activités d’administrateur considérant qu’il n’était tenu par aucun devoir de confidentialité. EOS allait prochainement présenter à ses actionnaires des informations confidentielles sur les mesures stratégiques à prendre. Il ne lui était pas possible, au vu de la situation actuelle, d’informer les SIG de ces mesures, car elle ne pouvait prendre le risque que celles-ci soient divulguées au public.

1.1.60.             Le même jour, le MCG a fait publier dans la presse un encart publicitaire intitulé « la patron d’X______, c’est le peuple, pas les Services industriels de Genève - SIG ». Le communiqué de presse des SIG du 16 octobre 2008, qui mettait en cause « le courageux membre du Conseil d’administration de cette entreprise, Monsieur X______, député MCG, qui osait dénoncer les scandales que les partis gouvernementaux couvraient odieusement comme ils l’avaient fait à la BCG, chez Swissair et maintenant à l’UBS aux frais des honnêtes citoyens de ce pays », constituait « une très grave insulte au débat démocratique et une atteinte intolérable à la liberté d’expression ».

1.1.61.             Par arrêté du 29 octobre 2008, le Conseil d’Etat a ouvert une procédure administrative en vue de déterminer si M. X______ avait enfreint les devoirs liés à sa charge d’administrateur des SIG.

1.1.62.             Le même jour, cette autorité a adressé à M. X______ une lettre l’informant de cette situation et lui rappelant ses devoirs de diligence et de fidélité, sa soumission au secret de fonction et son obligation de respecter la confidentialité des débats au sein du Conseil d’administration, du bureau et des commissions.

1.1.63.             Le 3 novembre 2008, un journaliste a pris contact avec les SIG. Il avait reçu dans sa boîte aux lettres le procès-verbal de la séance du Conseil d'administration du 16 octobre 2008 et demandait des explications au sujet des documents produits par M. W______.

1.1.64.             Le 5 novembre 2008, la TDG titrait : « SIG : une affaire à CHF 74'000'000.- ressortie du placard ». Basé sur le procès-verbal de la séance du Conseil d’administration du 16 octobre 2008, cet article relayait le contenu des divulgations faites par M. W______ au sujet de Gaznat.

1.1.65.             Le 7 novembre 2008, les SIG ont déposé leurs observations auprès du Conseil d’Etat et demandé la révocation immédiate de M. X______.

                   En tant qu’administrateur des SIG, M. X______ était soumis, comme les magistrats communaux et cantonaux, aux mêmes devoirs de fonction que les agents de l’Etat.

                   Ces devoirs découlaient de l’art. 13 LSIG, et de la loi sur la gestion administrative et financière de l’Etat de Genève du 7 octobre 1993 (LGAF  D 1 05), ainsi que du règlement intérieur des SIG, approuvé par le Conseil d’administration le 30 juin 2005 (ci-après : RI). Ces devoirs comportaient une obligation de diligence, de fidélité et de confidentialité. Aucune exception n’était prévue pour les députés cumulant les mandats.

                   La légitimité des questions soulevées par M. X______ au sein du Conseil d’administration et en sa qualité de député ne motivait pas les conclusions prises ; seul le procédé utilisé par M. X______ pour avancer ses arguments était mis en cause. Ce dernier consistait à porter immédiatement sur la place publique et sur le ton de la dénonciation les questions dont il appartenait au Conseil d’administration de se saisir en premier lieu. Systématiquement, M. X______ court-circuitait la procédure interne à l’établissement, avec la conséquence que le fonctionnement normal de ses organes n’était plus possible. A cela s’ajoutait la diffusion d’informations erronées qui portait atteinte au crédit de l’entreprise, sans qu’aucune rétractation ni rectification n’intervienne lorsque, par la suite, la fausseté de ces allégations étaient démontrée.

                   Dans ses interventions au sujet des tarifs d’électricité, M. X______ avait gravement violé son devoir de réserve. Venant de la part d’un administrateur des SIG, les accusations de « tromperie » et de « racket » des usagers, sans aucune vérification préalable sur la question de savoir où le CHF 1'000'000'000.- économisé était passé, avaient mis gravement en cause la crédibilité de l’institution auprès du public.

                   Concernant les allégués au sujet de la contribution des SIG à EOS de CHF 100'000'000.-, M. X______ avait violé ses devoirs de fonction à plus d’un titre. En premier lieu, il n’avait pas respecté la procédure applicable aux délibérations du Conseil d’administration en n’attendant pas la réponse du Président aux questions qu’il avait posées le 7 septembre 2008 avant de déposer son IUE. En répondant dans la presse que les SIG avaient produit de faux bilans, avant même d’avoir obtenu les réponses qui lui étaient parvenues le 12 septembre 2008, il avait violé son devoir de réserve et de fidélité à l’institution.

                   Les déclarations de M. X______ relatives à Gaznat contrevenaient également aux devoirs précités, la décision d’assainir cette entreprise ayant été prise en toute légalité et expliquée aux administrateurs le 8 mai 2008. En qualifiant publiquement cet investissement de « cadeau indécent » dont l’origine se trouverait dans une falsification des comptes d’une filiale des SIG dans les années 1990, M. X______ avait discrédité injustement l’établissement.

                   Dans le cadre du programme « Eco 21 » discuté lors de la séance du Conseil d’administration le 28 août 2008, M. X______ avait publiquement répandu l’information selon laquelle les SIG auraient dépensé CHF 10'000'000.- en publicité, frais de représentation, salaires et prospectus luxueux dans ce programme, alors que ces dépenses étaient en réalité de CHF 1'800'000.-, ce dont il avait parfaitement connaissance, puisqu’il avait participé à la séance du Conseil d’administration précitée. Ce comportement violait une fois encore gravement les devoirs incombant à un administrateur et portait atteinte à l’image des SIG.

                   Par ailleurs, en faisant état, lors de la séance de la commission de l’énergie et des services industriels du Grand Conseil du 17 octobre 2008, des documents lus par M. W______ lors de la séance du Conseil d’administration du 16 octobre 2008 et en publiant sur son blog l’échange de courriels qu’il avait eu avec la secrétaire du Conseil d’administration au sujet de ces documents, dont il demandait une copie, M. X______ avait violé la confidentialité des débats du Conseil d’administration et son secret de fonction.

                   Ces agissements entraînaient de graves conséquences sur le fonctionnement du Conseil d’administration qui ne disposait plus de la sérénité requise pour exercer ses compétences et passait beaucoup de temps à réagir aux dénonciations calomnieuses de M. X______ et à tenter de restaurer son image. Le personnel des SIG était également très affecté et perturbé par le discrédit porté à l’institution, à la probité et au professionnalisme de ses employés et de ses organes. Ses partenaires industriels, en particulier le groupe EOS et Gaznat, avaient perdu confiance dans le Conseil d’administration et n’osaient plus lui communiquer d’informations confidentielles, ce qui était extrêmement grave.

1.1.66.             M. X______ s’est déterminé le 3 décembre 2008, concluant au rejet de la mesure.

                   En prévoyant qu’un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil devait être nommé au Conseil d’administration, le législateur avait chargé ses représentants de contrôler politiquement cet établissement. Cette volonté populaire avait été réaffirmée lors de la votation du 1er juin 2008. Il ne faisait ainsi qu'exécuter sa mission. On lui reprochait d’avoir accompli trop consciencieusement ses tâches. Si l’administrateur était soumis au secret de fonction, ce dernier ne pouvait occulter les devoirs d’un député délégué « èsqualités » au sein du Conseil d’administration, de rapporter au Grand Conseil les dysfonctionnements qu’il constatait, notamment lorsque les démarches internes n’avaient pas permis de corriger ou d’éviter ces dysfonctionnements ou qu’il était d’ores et déjà acquis que les organes dirigeants des SIG n’avaient aucune intention de modifier le comportement mis en cause.

                   Dans toutes les affaires invoquées à l’appui de la demande de révocation, il n’était intervenu au Grand Conseil qu’après avoir été convaincu que les SIG dérogeaient de manière inadmissible aux tâches qui leur étaient confiées et que cette attitude ne pourrait en aucun cas être modifiée par la mise en œuvre du processus de contrôle interne.

                   S'il avait tu les dysfonctionnements constatés en application d’un prétendu devoir de fidélité à l’égard de l’institution, il aurait violé son devoir de fonction en tant que député et son devoir de fidélité à l’égard du parlement qui l’avait désigné comme membre du Conseil d’administration.

                   Il n’y avait aucun conflit d’intérêts entre les mandats de député et d'administrateur mais des intérêts convergents, dans la mesure où l’établissement de droit public avait pour seul devoir de servir la collectivité et que celle-ci était représentée par les députés élus au Grand Conseil.

                   S’agissant des bonus, la pertinence de sa démarche avait été prouvée par la déclaration ultérieure d’illégalité les concernant. Les bénéficaires de ces primes ayant également le rôle de décideur, il n’y aurait jamais eu remise en cause, à l’interne, du versement de ces bonus.

                   Concernant le squat Rhino, sa démarche avait été salutaire, « car il n’était pas compréhensible que le squat le plus célèbre de la République soit officiellement alimenté en eau, gaz et électricité sans un contrôle quelconque de la part du Conseil d’administration ». La livraison de fluide à des squatters ayant pour conséquence de permettre qu’une situation illégale perdure, ses interventions étaient justifiées.

                   La lecture des différentes questions posées dans les IUE au sujet des CHF 100'000'000.- versés à EOS par les SIG suffisait à établir la pertinence de ces dernières, la Cour des comptes ayant été, quant à elle, saisie de l’examen de leur légalité.

                   Les questions posées en relation avec les CHF 74'000'000.- versés à Gaznat avaient eu le mérite de mettre le doigt sur les pratiques douteuses des années 1990. Toute la lumière n’avait d’ailleurs pas encore été faite sur cette opération.

                   Concernant le programme « Eco 21 » et le projet de loi sur l’économie d’énergie déposé par plusieurs députés du MCG le 30 septembre 2008, il était vrai que ce dernier indiquait à tort que CHF 10'000'000.- avaient été dépensés. Il n’en demeurait pas moins que le but de ce projet de loi était parfaitement louable et que les SIG auraient dû le soutenir, plutôt que de le critiquer.

                   Quant aux déchets napolitains, les démarches qu'il avait engagées avaient mis en évidence la légèreté avec laquelle les sujets sérieux touchant directement la santé de la population étaient gérés à tous les niveaux.

                   Il était normal, au vu des graves lacunes qu’il avait portées au grand jour, qu'il soit devenu une « persona non grata », que l’on tentait d’évincer par tous les moyens.

1.1.67.             Au terme d’un arrêté du 2 mars 2009, exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’Etat a révoqué M. X______ de sa qualité d’administrateur des SIG avec effet immédiat.

                   Selon l’art. 13 LSIG, le Conseil d’Etat pouvait en tout temps révoquer un administrateur pour de justes motifs. Etaient considérés comme tels au sens de cette disposition le fait que pendant la durée de sa fonction l’administrateur s’était rendu coupable d’un acte grave, avait manqué à ses devoirs ou était devenu incapable de bien gérer. Ces devoirs ne disparaissaient pas si un mandat de député était parallèlement exercé. En effet, la coexistence chez une même personne d’un mandat politique et d’un mandat d’administrateur ne pouvait avoir pour conséquence qu’un aménagement concret de l’exercice des droits relatifs aux deux fonctions. Les devoirs de fidélité et de loyauté envers l’établissement public autonome ne pouvaient être éludés au motif que l’administrateur jouissait par ailleurs de ses droits politiques de citoyen ou de ceux de député.

                   En l’espèce, M. X______ avait systématiquement utilisé les outils parlementaires avant d’épuiser les voies qui lui étaient offertes « à l’interne ». S’il estimait que le recours aux procédures du Conseil d’administration ne permettait pas d’intervenir suffisamment rapidement pour expliciter ou corriger une situation qu’il jugeait contraire à la loi, il lui appartenait de saisir non pas l’opinion publique ou le Grand Conseil, mais bien d’abord le Conseil d’Etat en sa qualité d’autorité de surveillance. Par ailleurs, le ton employé dans ses différentes interventions était polémique et dénigrant, ce qui ne s’imposait nullement pour la défense des intérêts supérieurs qu’il prétendait sauvegarder. Enfin, l’inexactitude des informations véhiculées était de nature à porter préjudice aux SIG.

                   Suit le détail des reproches formulés à l’encontre de M. X______ dans le cadre des différentes affaires dans lesquelles ce dernier est intervenu. Ceux-ci seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

1.1.68.             Le 1er avril 2009, M. X______ a recouru contre cet arrêté par-devant le Tribunal administratif, en concluant à son annulation, ainsi qu'à la restitution de l’effet suspensif.

                   Les conditions de l’art. 13 LSIG n’étaient pas réalisées, aucun juste motif ne pouvant être retenu contre lui.

                   Le Grand Conseil l’avait nommé en qualité d’administrateur et muni d’une fonction de contrôle des SIG, pour son compte et pour celui des électrices et électeurs du canton. Ses tâches allaient dès lors au-delà des devoirs de gestion confiées aux administrateurs des SIG non issus du Grand Conseil. Dans la votation du 1er juin 2008, le peuple avait renouvelé sa volonté de confier cette mission de surveillance aux représentants des membres de chaque parti siégeant au Grand Conseil. Les intérêts des SIG étaient en tous points convergents à ceux de la population du canton et, en cas de conflits, l’intérêt de la population devait primer. Les devoirs de député étaient fondés sur la loi, contrairement aux devoirs des administrateurs qui figuraient dans un règlement. En cas de conflit, les premiers étaient ainsi prioritaires sur les seconds.

                   Concernant les bonus, il contestait formellement avoir proféré des accusations sans fondement et posé des questions non-pertinentes. La fourniture de fluides à des squats constituait des atteintes illégales à la propriété d’autrui, au sujet de laquelle il n’avait pu obtenir de réponses satisfaisantes de la part du Président avant son intervention parlementaire.

                   Le ton utilisé dans sa question parlementaire liée à l’importation des déchets napolitains n’avait pas à être commenté par le Conseil d’Etat. Il exerçait ses tâches de député comme bon lui semblait, dans le respect de la légalité. Les attaques du Conseil d’Etat à cet égard violaient le principe de la séparation des pouvoirs. Ce projet avait, en outre, été cosigné par plusieurs députés et ne pouvait lui être attribué à lui seul. Il n’avait jamais été démontré que ses déclarations concernant les tarifs d’électricité n’étaient pas véridiques ; il appartenait à l’autorité administrative qui entendait le sanctionner d’apporter la preuve de leur inexactitude. Concernant les CHF 100'000'000.- versés à EOS, il n’avait déposé ses IUE auprès du Grand Conseil qu’après avoir constaté que les réponses aux questions posées étaient insatisfaisantes. S’agissant des CHF 74'000'000.- versés à Gaznat, la réponse du Conseil d’Etat était insatisfaisante et incohérente. Devoir s’en contenter réduisait son rôle d’administrateur et de député à de la simple figuration. Il lui appartenait de dénoncer les moyens critiquables mis en place par les SIG dans le cadre du programme « Eco 21 ». Quant à la divulgation du contenu de la séance du 16 octobre 2008 du Conseil d’administration aux membres de la commission parlementaire, elle s’était imposée au nom de l’intérêt de la collectivité, les dysfonctionnements constatés devant être portés à la connaissance du Grand Conseil.

                   Ainsi, aucune faute ne pouvait lui être reprochée. Il avait travaillé dans un esprit de loyauté envers le Grand Conseil et à travers lui, envers la population du canton de Genève.

1.1.69.             Le 15 mai 2009, le Conseil d’Etat a déposé ses observations sur la demande de mesures provisionnelles et conclu à leur rejet.

1.1.70.             Par décision du 19 mai 2009, la présidente du Tribunal administratif a refusé d’accorder la restitution de l’effet suspensif demandée.

1.1.71.             Le 13 juillet 2009, le Conseil d’Etat a répondu sur le fond du recours et conclu à son rejet.

                   Il contestait formellement l’approche selon laquelle l’administrateur, parallèlement député, était investi d’une tâche de contrôle politique allant au-delà des tâches confiées aux autres administrateurs des SIG. La qualité de député n’était pas une condition nécessaire pour être nommé administrateur par le Grand Conseil. En nommant lesdits administrateurs, le Grand Conseil ne faisait pas de ces derniers des « représentants » du parlement ou du peuple, mais des représentants du parti auquel ils appartenaient. Cette nomination n’avait pas pour conséquence d’affranchir les administrateurs ainsi nommés des devoirs leur incombant. Admettre le contraire reviendrait à créer des inégalités de traitement entre les administrateurs eux-mêmes et à consacrer une situation préjudiciable à l’intérêt public, ainsi qu’à celui de l’établissement autonome concerné.

                   Suit une argumentation détaillée, point par point, des différents allégués de M. X______, qui sera exposée dans la mesure utile, ci-après.

1.1.72.             Le 1er octobre 2009, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle. M. X______ a tenté d’obtenir des informations au sujet des mesures prises par le Conseil d’Etat concernant les déchets napolitains, entre le 5 septembre 2007 et le 29 octobre 2008. Il a prié le représentant du Conseil d’Etat de le renseigner sur les tarifs d’électricité, sur le remboursement des CHF 42'000'000.- perçus en trop par les SIG et sur la manière dont ceux-ci avaient financé le versement de CHF 100'000'000.- à EOS. Le Conseil d’Etat l’a renvoyé à la lecture des considérants de son arrêté.

                   M. X______ a sollicité la production des factures mensuelles de CHF 3'000'000.- d’EOS ainsi que le justificatif du paiement de ces factures. Le Conseil d’Etat a demandé un délai pour se prononcer. M. X______ a enfin demandé à pouvoir plaider.

                   A l’issue de l’audience, un délai a été imparti au Conseil d’Etat pour produire les réponses données aux différentes propositions de résolution, motions et IUE déposées par M. X______ et les députés de son parti et pour se prononcer sur la mesure probatoire sollicitée.

1.1.73.             Le 22 octobre 2009, la Cour des comptes a adressé un courrier à M. X______.

                   Elle l’informait que son rapport sur le « plan PI » et, d’une manière plus générale, sur la tarification de l’électricité allait être prochainement publié.

                   L’apport financier à Gaznat était conforme tant au droit qu’aux normes comptables en vigueur et n’appelait pas de commentaire particulier de la Cour des comptes, même si le bon emploi de ces fonds par ladite société ne pouvait être vérifié, Gaznat ayant son siège à Lausanne et donc hors du champ de compétence de la Cour des comptes.

1.1.74.             Le rapport susmentionné a été publié le 30 octobre 2009 (rapport concernant l’audit de légalité de gestion relatif à la fixation du tarif de l’électricité et la comptabilisation du « plan PI », du 30 octobre 2009, rapport n° 23).

                   Il dresse un ensemble de constats et pose plusieurs recommandations, mais ne démontre aucune illégalité dans la gestion des SIG.

1.1.75.             Le 30 octobre 2009, le Conseil d’Etat a versé à la procédure les pièces demandées lors de la comparution personnelle du 1er octobre 2009 (factures d’EOS établies dans le cadre du « plan PI »). Le Conseil d'Etat a demandé au tribunal de les soustraire à la consultation de la partie adverse.

1.1.76.             L'audience de plaidoiries, appointée pour le 22 décembre 2009, a été annulée à la demande de M. X______ le 21 décembre 2009, qui a renoncé à plaider.

                   Ce dernier a en revanche demandé de pouvoir consulter les factures précitées.

1.1.77.             Le 22 décembre 2009, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.1.1.          Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A ss de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 LOJ E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA E 5 10).

1.1.2.          M. X______ demande l'accès aux factures liées à l'exécution du plan PI (contrat avec EOS).

                   Selon l'art. 45 LPA, l’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (al. 1er). Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à celles qu’il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu’elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu’elles ont faites (al. 2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (al. 3). 

                   En l'espèce, les pièces dont la consultation est demandée se trouvent être sans aucun rapport avec la révocation prononcée, qui ne dépend pas du bien-fondé des accusations portées par M. X______ contre les SIG, mais de violations qu'il aurait commises à son secret de fonction et à ses obligations d'administrateur.

                   Ces pièces, qui sont au surplus couvertes par le secret des affaires, seront donc purement et simplement écartées de la procédure.

1.1.3.          Selon l'art. 158 de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE - A 2 00), l’approvisionnement et la distribution d’eau et d’électricité sont un monopole public exercé par les SIG (al. 1 et 2), qui sont un établissement de droit public autonome, doté de la personnalité juridique. Les SIG ont également pour but de fournir dans le canton de Genève le gaz et l’énergie thermique, et de traiter les déchets. Leur siège est à Genève (al. 4). Leur organisation est réglée dans la LSIG (art. 159 Cst-GE).

1.1.4.           A teneur de l'art. 6 LSIG, l’administration des SIG est confiée à un Conseil d’administration dont les membres sont nommés à raison de :

a)       1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier ;

b)      4 membres, dont un conseiller d’Etat, par le Conseil d’Etat ;

c)       4 membres par le Conseil municipal de la Ville de Genève ;

d)      1 membre choisi en son sein par le Conseil administratif de la Ville de Genève ;

e)       3 membres par les conseillers municipaux des autres communes, choisis au sein d’exécutifs communaux, dont un par ceux de la rive droite, un par ceux des communes entre Arve et lac et un par ceux des communes entre Arve et Rhône. Leur mode d’élection est déterminé par un règlement du Conseil d’Etat ;

f)       4 membres faisant partie du personnel des SIG, élus par l’ensemble de ce personnel au bulletin secret et selon le système proportionnel appliqué à l’élection du Conseil national, à l’exception de la disposition concernant le cumul. Seuls ont le droit de vote et d’éligibilité les employés et ouvriers engagés à titre régulier, qui sont assurés ou déposants auprès de la caisse d’assurance. Aucun autre employé ou ouvrier des SIG ne peut faire partie du Conseil d’administration.

                   Les administrateurs sont nommés pour quatre ans (art. 10 LSIG). Ils sont rémunérés (art. 15 al. 4 LSIG).

1.1.5.          Sous réserve des compétences du Grand Conseil et du Conseil d’Etat, le Conseil d’administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion des SIG, dont il est l'autorité supérieure (art. 16 al. 1 et 2 LSIG). Conformément à l'art. 16 al. 2 LSIG, il exerce les compétences suivantes :

a)       il ordonne par règlement son mode de fonctionnement et l’exercice de sa surveillance générale sur l’établissement ;

b)      il fixe les compétences du bureau du Conseil d’administration et, sous réserve du Président et du Vice-président, élit les 3 autres membres appelés à en faire partie. Il fixe également les compétences du comité de direction ;

c)       il organise les services d’administration générale, les services techniques et commerciaux ;

d)      il détermine les attributions des directions et des chefs de service ;

e)       il veille à la tenue régulière de la comptabilité et à son contrôle permanent ;

f)       il propose les augmentations du capital de dotation ;

g)       il établit chaque année le budget d’exploitation et le budget d’investissement, les comptes de clôture, soit bilan et compte de profits et pertes, et le rapport de gestion ;

h)       il se prononce sur le rapport annuel du service de contrôle financier ;

i)        il établit les conditions des contrats d’abonnement, les tarifs de vente et, fixe le tarif des taxes d’élimination des déchets conformément aux dispositions de la loi sur la gestion des déchets, du 20 mai 1999, et le tarif de la taxe annuelle d’épuration conformément à la loi sur les eaux, du 5 juillet 1961 ;

j)       il arrête les programmes de travaux et contrôle l’emploi des sommes prévues pour leur exécution ;

k)      il décide des opérations d’acquisition ou d’aliénation d’immeubles ;

l)        il décide des opérations d’acquisition ou d’aliénation d’actions, parts sociales, participations ou obligations ;

m)      il établit le statut du personnel, procède au classement des fonctions et fixe les traitements en respectant les limites correspondant au minimum de la classe inférieure et au maximum de la classe supérieure de l’échelle des traitements appliquée au personnel de l’Etat de Genève ;

n)       il nomme et révoque le directeur général, les directeurs, ainsi que le personnel, sous réserve des attributions du comité de direction et des dispositions du statut du personnel concernant le droit de recours ;

o)      il arrête les conditions générales, d’engagement des ouvriers et employés temporaires et fixe leur rémunération en conformité de la loi ;

p)      il décide de tous les appels de fonds destinés au financement des SIG ;

q)      il se prononce sur les conventions avec des entreprises suisses ou étrangères destinées à faciliter ou garantir l’approvisionnement dans le canton de Genève, en eau, en gaz, en électricité et en énergie thermique, ainsi que le traitement et la valorisation des déchets et des eaux polluées ;

r)       d’une manière générale, il ordonne toutes les études, tous les actes et prend toutes les mesures utiles à la bonne marche des SIG et aux prévisions de développement que comportent l’évolution démographique et les progrès de la technique.

1.1.6.          Le Conseil d'administration est un organe collégial : ses décisions sont prises à la majorité des administrateurs présents, le Président ne prenant pas part au vote. En cas d’égalité, le Président départage (art. 17 al. 5 LSIG).

1.1.7.          A teneur des art. 158 al 5 Cst-GE et 9 LSIG, les SIG sont placés sous la surveillance du Conseil d’Etat, qui peut solliciter tous dossiers et pièces justificatives de la part de l'établissement, s'il l'estime nécessaire (art. 39 al. 2 LSIG).

1.1.8.          Se fondant sur l'art. 16 al. 2 let. a LSIG énoncé ci-dessus, le Conseil d'administration a adopté le RI, dont une partie est consacrée expressément à la nature et à l'étendue des droits et des devoirs de l'administrateur (art. 5.4 RI).

                   Selon l'art. 5.4.1, l'administrateur doit agir dans le respect des lois, être fidèle à l'entreprise (devoir de fidélité, qui implique un devoir de réserve) et s'acquitter consciencieusement des tâches qui lui sont dévolues (devoir de diligence). Les devoirs de fidélité et de réserve exigent de l'administrateur qu'il agisse dans l'intérêt des SIG et dans le respect de la mission de service public de celle-ci, en restreignant, au besoin et dans la mesure strictement nécessaire, sa liberté d'expression (art. 5.4.1 RI).

                   En outre, conformément à l'art. 5.4.2 RI - lequel reprend la teneur de l'art. 11 de la loi sur les commissions officielles du 18 septembre 2009 (LCO - A 2 20), dont la subsidiarité à la LSIG et à ses règlements d'exécution est exprimée à l'art. 1 al. al. 2 LCO, - l'administrateur est soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont il a connaissance dans l'exercice de son mandat. Il est notamment tenu de respecter la confidentialité des débats menés au sein du Conseil d'administration, du bureau et des commissions.

1.1.9.          Le recourant ne conteste pas ne pas s'être conformé aux devoirs énoncés cidessus ; il considère ne pas y être soumis, au motif que sa nomination par le Grand Conseil en sa qualité de député lui accorderait un statut particulier, celui de représentant du peuple au sein du Conseil d'administration. Son devoir de fidélité au Souverain - dont il serait l'émanation directe au sein du Conseil - aurait, en cas de « conflit d'intérêts » entre ce dernier et les SIG, la prééminence sur son devoir de fidélité aux SIG.

                   La question est mal posée et la réalité est tout autre. Tout d'abord, M. X______ ne représente pas le souverain, qui réside dans le peuple (art. 1er al. 2 Cst-GE). Il a été élu au sein du Grand Conseil comme le représentant d'un mouvement politique, le MCG, auquel il n'est lié par aucun mandat impératif (art. 84 Cst-GE). Ce parti défend les intérêts entendus de quelques uns, qui sont contestés et combattus par d'autres. Il ne saurait ainsi y avoir de « conflit d'intérêts » entre le Souverain et les SIG lorsque le recourant considère que le comportement de cet établissement et les décisions prises par ses organes sont contraires à ses convictions. Un tel conflit ne peut exister qu'en cas de violation par cet établissement de la loi ou de la Constitution, ces actes seuls représentant la voix unifiée du Souverain.

                   La voie instituée par ces actes normatifs (et donc par le Souverain auquel M. X______ déclare être soumis) pour surveiller et, le cas échéant, poursuivre ou sanctionner les auteurs d'une telle violation, est la plainte au Conseil d'Etat, qui assume le rôle d'autorité de surveillance des SIG. La voie de la plainte à la Cour des comptes, qui assure un contrôle indépendant et autonome de l'administration cantonale (art. 1 de la loi instituant une Cour des comptes du 10 juin 2005 ; LICC - D 1 12) peut également être utilisée, notamment lorsque des doutes existent sur la légalité des actes de gestion du Conseil d'administration et que la plainte au Conseil d'Etat ne donne pas les résultats escomptés. Une saisine du Grand Conseil pour l'ouverture d'une enquête parlementaire est en outre ouverte (art. 230 let. e de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 - LRGC - B 1 01). Enfin, le droit pénal achève d'assurer la protection de l'institution contre les personnes qui mettraient en danger ses intérêts patrimoniaux en violant leurs obligations et en enfreignant la loi.

                   Lorsqu'il suspecte le Conseil d'administration, un de ses membres ou un autre organe des SIG d'avoir commis une infraction, l'administrateur fidèle et diligent doit saisir le Conseil d'administration et lui demander de prendre position sur la question. S'il n'obtient pas de réponse dans un délai raisonnable ou si la position tenue par cette autorité n'est pas de nature à effacer ses doutes sur la légalité des actes en cause, il doit saisir le Conseil d'Etat d'une plainte et attendre sa détermination, avant de discréditer publiquement l'institution qu'il représente et d'utiliser, cas échéant, les autres voies de droit utiles.

                   Le Conseil d'administration est l'organe politique des SIG. La présence en son sein d'un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil n'a pas pour fonction d'assurer une surveillance parlementaire de l'établissement, mais de garantir la représentation, dans cet organe majeur de gouvernance, des différentes tendances politiques présentes au parlement. Dans l'esprit de la loi, cette représentation est la contrepartie logique du monopole accordé aux SIG. La qualité de représentant d'un parti politique au sein du Conseil d'administration n'est pas dépendante d'un mandat de député.

                    La loi soumise à la votation populaire le 1er juin 2008 avait pour but la professionnalisation des structures dirigeantes des établissements publics autonomes. Elle proposait une séparation des pôles politique, d'une part, et opérationnel, d'autre part, en dépolitisant les Conseils d'administration par l'abandon de la nomination, en leur sein, d'un membre par parti politique représenté au Grand Conseil. Le rejet de cette loi par le peuple ne signifie pas, contrairement à ce que soutient le recourant, que celui-là ait voulu confier un rôle de surveillance aux députés nommés ; le peuple a uniquement signifié, par ce vote, sa volonté de maintenir la situation actuelle, soit l'existence d'une représentation des grandes forces politiques du canton dans l'organe de pilotage de l'institution.

                   Si l'administrateur ne peut se substituer aux autorités de surveillance et de répression, il n'est pas privé du droit, lorsqu'il se trouve parallèlement député, d'utiliser les moyens parlementaires pour prendre politiquement et publiquement position si une infraction a été dûment constatée par les organes compétents ou encore pour contester les décisions politiques légales prises à la majorité par le Conseil d'administration, qu'il désapprouve. En effet, les devoirs de fidélité et de diligence, comme le secret de fonction de l'administrateur, ne sont pas incompatibles avec les droits et les devoirs des députés. Certes, des limitations existent, qui imposent notamment à l'administrateur-député de veiller à ne pas nuire, plus que ce qui est absolument nécessaire, à l'image et aux intérêts de l'établissement qu'il représente, de ne pas utiliser de propos inutilement blessants, de ne pas répandre de fausses informations, de vérifier la véracité des faits exposés à l'appui de ses interventions, d'épuiser tous les moyens légaux mis à sa disposition pour ce faire, de choisir le moment opportun - en pesant les intérêts de l'établissement, d'une part, et l'urgence d'une intervention politique d'autre part - pour combattre politiquement ses positions, ou de ne pas provoquer, par le biais d'interpellations ou de questions parlementaires, la divulgation de faits dont la confidentialité est nécessaire à la bonne exécution de décisions prises légalement et à la majorité des membres présents, par le Conseil d'administration.

                    Enfin, la loi ne fait aucune distinction entre les administrateurs nommés par le Grand Conseil - qui auraient, comme le soutient le recourant, un rôle plus important et des obligations atténuées - et les autres administrateurs.

1.1.10.             Selon l'art. 13 LSIG, quel que soit le mode de nomination, le Conseil d’Etat peut en tout temps révoquer l’administrateur pour de justes motifs. Sont notamment considérés comme tels le fait que, pendant la durée de sa fonction, l’administrateur s’est rendu coupable d’un acte grave, a manqué à ses devoirs ou est devenu incapable de bien gérer.

1.1.11.             En l'espèce, il est indéniable que le recourant a manqué à ses devoirs de réserve et de fidélité, de surcroît, de façon grave et répétée.

                   En effet, ce dernier est intervenu politiquement sans la moindre précaution, en accusant et en discréditant l'établissement qu'il représente, en utilisant des propos inutilement blessants et attentatoires à l'honneur, avant même de vérifier la véracité des faits qu'il avançait (accusation d'établir de faux bilans, de tromper les consommateurs, de les racketter, de dilapider les actifs de l'établissement, de violer les règles comptables, d'avoir falsifié les comptes d'une filiale, de soutenir la mafia italienne, etc.).

                    Conformément à ces devoirs, il aurait dû utiliser les canaux d'information mis à sa disposition par la loi pour établir les faits exposés à l'appui de ses interventions parlementaires (comparaison des tarifs d'électricité entre la France et les SIG) ou attendre le temps nécessaire pour obtenir des réponses à ses questions, ce qu'il n'a pas fait (questions posées au Président sur les CHF 100'000'000.- versés à EOS, le 7 septembre 2008, puis posées au Conseil d'Etat par le biais de l'IUE quatre jours plus tard ; réponse à ses questions sur les bonus).

                   Il a déclaré que des infractions avaient été commises sans épuiser les voies de droit internes et sans attendre la détermination des autorités de surveillance sur le sujet (blocage de l'information de la part du Président ; refus du Président de lui envoyer par retour de courriels les documents confidentiels déposés par M. W______ lors de la séance du Conseil d’administration du 16 octobre 2008 ; légalité des bonus ; légalité de l'alimentation électrique du squat Rhino).

                   Il a accusé les SIG d'irrégularités ou de malversations pour étayer ses interventions politiques et convaincre son auditoire, lorsqu'il désapprouvait une décision prise en toute légalité par le Conseil d'administration (prétendu établissement de faux bilans dans l'affaire d'EOS et accusation de dilapidation d'actifs ; accusation de voler les consommateurs suite à la décision du Conseil d'administration d'affecter une partie du bénéfice de l'établissement à l'amortissement de la dette plutôt qu'à une baisse des tarifs). Ce procédé justifierait à lui seul une révocation, tant il contrevient gravement aux devoirs de réserve et de fidélité que l'administrateur doit à l'institution qu'il représente.

                    De même, en ne rétablissant pas la vérité lorsque ses accusations se sont avérées fausses après ses interventions (prétendue illégalité des CHF 100'000'000.- versés à EOS ; des CHF 74'000'000.- versés à Gaznat ; dépense de CHF 10'000'000.- en frais de publicité dans le programme « Eco 21 », qui était en réalité de CHF 1'800'000.-, etc.), le recourant ne s'est pas conduit conformément à ses devoirs.

                   La divulgation de son échange de courriels avec le Président sur le blog du MCG, a violé gravement le secret de fonction auquel il était tenu et la confidentialité des débats du Conseil d'administration (demande de transmission des documents confidentiels déposés par M. W______ lors de la séance du Conseil d'administration du 16 octobre 2008), de même que la révélation, à la commission énergie du Grand Conseil, du contenu des débats tenus par le Conseil d'administration lors de cette séance, et de la teneur des documents confidentiels produits par M. W______ à cette occasion.

1.1.12.             Enfin, il ne fait pas de doute que la révocation litigieuse respecte le principe de la proportionnalité.

                   En effet, ce dernier exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive ; en outre , il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les réf. citées). Traditionnellement, ce principe se compose ainsi des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

                   En l'espèce, on ne voit pas quelle mesure moins incisive permettant d'atteindre le but visé soit la cessation de la mise en danger de l'institution par les violations répétées par M. X______ de ses devoirs d'administrateur pourrait être prise. En effet, le recourant a été informé de ses devoirs lors de son engagement et a fait le serment de les respecter. Son attention a été attirée sur le fait qu'il était soumis, dans le cadre de ce mandat, au secret de fonction. Maintes fois, le Conseil d'administration et le Conseil d'Etat ont tenté de le rappeler à ses devoirs ou signalé ses violations (courrier des SIG au Conseil d'Etat du 5 septembre 2007, séance du Conseil d'administration du 16 octobre 2008, lettre du Conseil d'Etat à M. X______ du 29 octobre 2008). Malgré ces rappels, M. X______ n'a pas modifié son comportement. Au contraire, il a affirmé vouloir persister dans son attitude.

                   Par ailleurs, le recourant n'a jamais rétabli publiquement la vérité et ne s'est jamais excusé pour les accusations qu'il avait prononcées à tort. Il demeure convaincu, aujourd'hui encore, qu'il est investi d'un rôle de surveillance directe. Cette situation laisse clairement penser qu'il ne changera pas d'attitude et qu'une mesure moins incisive ne pourrait atteindre le résultat escompté.

1.1.13.             Pour les raisons exposées, le recours sera rejeté.

1.1.14.             Un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

préalablement :

écarte de la procédure les factures d’EOS établies dans le cadre du « plan PI » pour les SIG ;

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er avril 2009 par Monsieur X______ contre l'arrêté du 2 mars 2009 du Conseil d'Etat ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les articles 113 et suivants LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mauro Poggia, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants :   Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :