Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3885/2006

ATA/193/2007 du 24.04.2007 ( IP ) , ADMIS

Descripteurs : ; ÉTUDIANT ; PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL ; MANDATAIRE
Normes : RES.15.al1.letd ; OLE.31 ; OLE.32 ; LEE.19
Résumé : Concernant les élèves étrangers résidants en Suisse, l'article 15 alinéa 1 lettre d RES est contraire au droit fédéral parce qu'il impose des conditions plus contraignantes que ce qui est prévu par le droit fédéral (permis d'établissement et indépendance économique au sens de l'article 19 LEE).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3885/2006-IP ATA/193/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 avril 2007

dans la cause

 

Monsieur V______
représenté par le centre social protestant, mandataire

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE


 


1. Monsieur V______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), ressortissant colombien, est né le ______ 1985. Il est arrivé en Suisse en juin 2004 au bénéfice d'un permis d'étudiant pour apprendre le français. L’intéressé est titulaire d’un baccalauréat colombien jugé équivalent au certificat de maturité gymnasial suisse.

2. Au début de l’année 2006, l'intéressé a présenté des travaux au concours d’entrée à l’Ecole d'arts appliqués (ci-après : EAA) en vue de son admission dans cet établissement en classe propédeutique de communication visuelle.

3. Par courrier daté du mois de mai 2006, le directeur de l’EAA a informé l’intéressé que ses travaux avaient été retenus pour son admission dans la filière susmentionnée.

Toutefois, il le mettait en garde quant au fait que son inscription définitive en classe propédeutique était subordonnée à diverses conditions dont l’obtention des titres requis (maturité, baccalauréat ou titre jugé équivalent) et pour les non-genevois domiciliés à Genève, que leur statut soit conforme au règlement de l'enseignement secondaire du 14 octobre 1998 (RES - C 1 10 24).

Enfin, il lui demandait de se présenter à l’école le 28 juin 2006 afin de procéder aux dernières formalités d’enregistrement.

4. L’intéressé s’est rendu à l’école à la date indiquée et celle-ci a constaté qu’il ne remplissait pas les conditions de domicile requises pour son inscription définitive dans cet établissement.

5. Par courrier du 4 juillet 2006, la doyenne de l’école a confirmé à l’intéressé l’annulation de son admission en année propédeutique compte tenu du fait qu’il ne remplissait pas les conditions de l’article 15 RES.

En effet, sa situation n’était pas conforme à l’article 15 alinéa 1 lettre d du règlement précité. Lors de son inscription provisoire, il avait été dûment informé de la nécessité de pouvoir se conformer à cet article au plus tard au moment de son inscription définitive.

6. Le contenu du courrier précité a été confirmé à l’intéressé par lettre du 18 juillet 2006 avec indication des voies de recours.

7. Dans une lettre du 27 juillet 2006 adressée à la direction générale de l'enseignement postobligatoire (ci-après : DGPO), Monsieur C______, parrain de l'intéressé, a attiré l'attention de la DGPO sur l'existence d'une lacune de l'article 15 alinéa 1 lettre d RES, celui-ci ne prévoyant rien pour le cas des élèves disposant d'un permis de séjour d'étudiant, à l'instar de son filleul. Ce dernier ne pouvait en effet obtenir le renouvellement de son titre de séjour sans une attestation de l'EAA. Dès lors que cette école refusait de la lui fournir au motif qu'il ne bénéficiait pas d'une autorisation d'établissement, l'intéressé se trouvait dans une impasse. Il appartenait donc à la DGPO d'intervenir auprès de l'EAA pour que celle-ci revienne sur sa décision du 4 juillet 2006.

Ce courrier est resté sans réponse.

8. Par pli du 7 août 2006, l’intéressé, représenté par le centre social protestant (ci-après : CSP), a recouru contre la décision du 18 juillet 2006 auprès de la DGPO.

Selon le raisonnement tenu par la DGPO, pour suivre l’année propédeutique de l’école, en application de l’article 15 alinéa 1 lettre d RES, l’étudiant majeur étranger, dont les moyens financiers étaient assurés, devait être au bénéfice d’une autorisation d’établissement, soit un permis C. Cette exigence empêchait de facto de nombreuses personnes étrangères qui souhaitaient entreprendre la filière haute école spécialisée (ci-après : HES) de l’EAA de le faire. En effet, si elles n’effectuaient pas l’année propédeutique, elles ne pouvaient suivre la formation HES.

L’article 32 de l’Ordonnance fédérale sur la limitation des étrangers (OLE - 823.21) permettait, à certaines conditions, à des étrangers de venir en Suisse pour suivre une formation dans une université ou un autre institut d’enseignement supérieur.

Le cursus d’enseignement que souhaitait suivre l'intéressé était dispensé par une HES qui devait donc être considérée comme un institut d’enseignement supérieur au sens de l’article 32 OLE. Les autorisations délivrées en application de cette disposition étaient des autorisations de séjour (permis B) et non des permis d’établissement.

L’article 15 alinéa 1 lettre d RES était donc contraire au droit fédéral (art. 32 OLE) parce qu’il prévoyait qu’un permis d’établissement était nécessaire pour suivre ces cours d’enseignement post-obligatoire.

En vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral, dès lors que l'intéressé avait passé le concours avec succès, il convenait de renoncer à exiger qu’il remplisse les conditions de l’article 15 alinéa 1 lettre d RES et d’ordonner à l’EAA de l’accepter en année propédeutique pour la rentrée scolaire 2006-2007. L’école devait lui délivrer immédiatement une attestation d’inscription définitive afin qu’il soit en mesure de communiquer ce document à l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) pour pouvoir renouveler son permis de séjour étudiant.

9. Dans une décision du 24 août 2006, le directeur général de l’enseignement secondaire post-obligatoire a rejeté le recours au motif qu’il ne remplissait pas les conditions strictes de l’article 15 alinéa 1 let. d RES.

10. Par pli du 31 août 2006, l’intéressé a recouru contre cette décision auprès du département de l’instruction publique (ci-après : le département) en reprenant l’argumentation déjà soutenue devant la DGPO.

11. Par décision du 9 octobre 2006, le département a rejeté le recours.

L’EAA ne constituait ni un établissement universitaire, ni un institut d’enseignement supérieur au sens de l’article 32 OLE, mais était une école de l’enseignement secondaire post-obligatoire. L’article 15 alinéa 1 let. d RES applicable à l’EAA prévoyait qu’étaient admis dans l’enseignement secondaire post-obligatoire les élèves majeurs domiciliés dans le canton sans leurs parents ou leurs répondants, lorsqu’ils étaient économiquement indépendants au sens de la loi sur l'encouragement aux études (art. 19) du 4 octobre 1989 (LEE - C 1 20) et qu’ils avaient déposé leur acte d’origine ou qu’ils étaient au bénéfice d’un permis d’établissement. Le recourant ne remplissait ni les conditions énoncées à l’article 15 alinéa 1 lettre d RES, ni celles de l’article 19 LEE. En conséquence, la décision de la DGPO était confirmée et le recours rejeté.

12. Par pli du 24 octobre 2006, l’intéressé a interjeté recours au Tribunal administratif à l’encontre de la décision précitée.

Le recourant a repris l’argumentation déjà soutenue précédemment. A titre préalable, il a conclu à ce qu’il soit autorisé à suivre les cours de l’année propédeutique 2006-2007 jusqu’à droit connu sur la procédure en cours. A titre principal il a conclu à ce qu’il soit autorisé à suivre les cours en année propédeutique de l’EAA en vue de son admission au cycle HES dispensé par la même école, à ce qu’une attestation d’admission à l’école lui soit délivrée, ainsi qu’à ce que l’article 15 alinéa 1 lettre d RES soit annulé en tant qu’il était contraire au droit fédéral.

13. Par pli du 26 octobre 2006, le juge délégué a prié le recourant de lui transmettre copie du permis de séjour au bénéfice duquel il résidait à Genève. Il a également demandé au CSP, mandataire du recourant, de bien vouloir justifier de sa qualité de mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s’agissait.

Dans une lettre du 3 novembre 2006, le mandataire du recourant a transmis au tribunal une procuration l’autorisant à le représenter dans la procédure pendante.

Pour le surplus, le signataire du courrier précisait qu’en agissant comme juriste employé par une œuvre sociale depuis de nombreuses années, il avait une grande expérience des écritures, notamment en matière administrative et devait donc être considéré comme un mandataire qualifié au sens de l’article 9 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) .

Le recourant avait présenté une demande de permis d’étudiant à l’OCP. Celle-ci était actuellement à l’examen et l’obtention du permis de séjour dépendait notamment de son admissibilité dans l’école dans laquelle il était inscrit.

14. Par pli du 6 novembre 2006, le département a admis le recourant en année propédeutique à titre provisoire, dans l’attente de l’issue de la présente procédure.

15. Dans son écriture du 24 novembre 2006, le département a conclu au rejet du recours.

Le litige portait sur l'accès du recourant en classe propédeutique de l’EAA. Cette année était rattachée à l’enseignement secondaire post-obligatoire aux termes de l'article 1 lettre b du règlement cantonal de l'école des arts décoratifs (C 1 10.62) et non à une filière d'enseignement supérieur au sens de l’article 32 OLE. Les règles relatives à l’enseignement secondaire post-obligatoire s’appliquaient au cas d’espèce, à l’exclusion des règles de l’enseignement supérieur ou tertiaire.

A teneur de l'article 5 lettre b de la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées du 6 octobre 1995 (LHES - RS 414.71), l'admission sans examens au cycle bachelor dans une haute école spécialisée dans le design notamment, requerrait une maturité fédérale ou une maturité reconnue par la Confédération ainsi qu'une expérience du monde du travail d'une année au moins. L'article 8 du règlement cantonal sur les hautes écoles spécialisées du 2 novembre 2005 (C 1 26.01) renvoyait à l'article précité et l'article 12 du règlement d'admission HES-SO du 26 février 1999 (C 1 26.04) précisait que la pratique professionnelle pouvait être acquise en entreprise ou dans une école professionnelle à plein temps (école des métiers). L'école des métiers choisie par le recourant pour cette année préparatoire (dite année propédeutique) était l'EAA qui faisait partie de l'enseignement secondaire post-obligatoire. Il s'ensuivait que l'article 15 alinéa 1 lettre d RES lui était applicable et qu'il ne remplissait pas les deux conditions requises, à savoir le fait d'être économiquement indépendant au sens de l'article 19 de la loi d'encouragement aux études et de bénéficier d'un permis d'établissement.

Le fait que le recourant ne puisse acquérir en Suisse une expérience du monde du travail lui donnant accès à une HES n'était pas contraire au droit fédéral dès lors qu'il pouvait l'acquérir dans un autre pays. Le rôle de la classe propédeutique n'était pas de préparer des candidats étrangers non résidants à leur accès en HES mais bien d'offrir un "complément de formation" à des élèves qui remplissaient les conditions de l'article 15 RES.

16. Par pli du 1er décembre 2006, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était gardée à juger.

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 30 RES ; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a LPA). Le Tribunal administratif a déjà reconnu à plusieurs reprises la qualité de mandataire professionnellement qualifié au CSP (ATA/224/2004 du 16 mars 2004 ; ATA/737/2003 du 7 janvier 2003). Il convient cependant de vérifier régulièrement cette qualité auprès des juristes qu'il emploie. En l'état, les éléments fournis permettent de maintenir les jurisprudences antérieures. Partant, le recours sera déclaré recevable.

2. Il s'agit tout d'abord de savoir si l'article 15 let. d RES est applicable au recourant.

Aux termes de l'article 1 du règlement de l'école des arts décoratifs, celle-ci est constituée de la haute école d'arts appliqués faisant partie de la haute école spécialisée de Suisse occidentale (let a) et de l'école d'arts appliqués faisant partie de l'enseignement secondaire postobligatoire, subordonnée à la direction générale de l'enseignement postobligatoire (let b). Cette dernière comprend notamment une école professionnelle supérieure au sens de l'article 29 de la loi fédérale, qui dispense la culture générale approfondie complémentaire au certificat fédéral de capacité, qui confère l'aptitude générale d'entrer dans une haute école spécialisée du domaine des arts appliqués au sens de la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées du 6 octobre 1995 (article 1 let. b chiffre 4 du règlement précité).

En janvier 2006, le recourant a été admis en année propédeutique (enseignement préparatoire en vue d'études plus approfondies. Petit Robert, dictionnaire de la langue française, p. 2019) qui est une année destinée à préparer son entrée à la haute école d'arts appliqués. Il s'ensuit qu'il intégrait l'école d'arts appliqués (EAA) visée par l'article 1 lettre b du règlement précité. Aux termes de ce dernier, cette année scolaire relève de l'enseignement secondaire postobligatoire. En conséquence, l'article 15 lettre d RES est applicable au recourant.

3. Aux termes de l'article 15 alinéa 1 lettre d RES sont admis dans l'enseignement secondaire postobligatoire les élèves majeurs domiciliés dans le canton sans leurs parents ou leur répondant, lorsqu'ils sont économiquement indépendants au sens de la loi sur l'encouragement aux études (art. 19) et qu'ils ont déposé leur acte d'origine ou qu'ils sont au bénéfice d'un permis d'établissement.

Le recourant a fait valoir que l'exigence d'un permis d'établissement était contraire à l'article 32 OLE relatif aux étudiants, qui ne prescrit que l'obtention d'un permis de séjour.

4. L'OLE fait la distinction entre l'élève et l'étudiant, non pas en fonction de l'âge, mais selon la nature de l'établissement fréquenté. L'élève est une personne qui suit une formation dans une école tandis que l'étudiant fréquente une université ou un institut de formation supérieure (M. S. NGUYEN, Droit public des étrangers, Berne 2003, p. 236).

L'article 32 OLE prévoit que des autorisations de séjour peuvent être accordées à des étudiants qui désirent faire des études en Suisse, lorsque : (a) le requérant vient seul en Suisse ; (b) il veut fréquenter une université ou un autre institut d'enseignement supérieur ; (…)

Or le recourant veut fréquenter, pour l'année 2006-2007, une année scolaire ressortant de l'enseignement secondaire postobligatoire. Il s'ensuit que l'article 32 OLE ne lui est pas applicable puisqu'il vise les étudiants qui veulent fréquenter l'enseignement supérieur ou tertiaire.

5. En revanche, l'article 31 OLE prévoit que des autorisations de séjour peuvent être accordées à des élèves qui veulent fréquenter une école en Suisse, lorsque:

a. le requérant vient seul en Suisse;

b. il s’agit d’une école publique ou privée, dûment reconnue par l’autorité compétente, qui dispense à plein temps un enseignement général ou professionnel;

c. le programme scolaire, l’horaire minimum et la durée de la scolarité sont fixés;

d. la direction de l’établissement atteste par écrit que le requérant est apte à fréquenter l’école et qu’il dispose de connaissances linguistiques suffisantes pour suivre l’enseignement;

e. le requérant prouve qu’il dispose des moyens financiers nécessaires;

f.  la garde de l’élève est assurée et

g. la sortie de Suisse à la fin de la scolarité paraît garantie.

L'article 31 OLE est donc applicable au recourant.

6. Au vu de ce qui précède, l'OLE prévoit, tant pour l'élève que pour l'étudiant, l'octroi d'un permis de séjour si les conditions posées par les articles 31 ou 32 OLE sont remplies. Elle n'opère pas, à cet égard, de distinction de régime entre l'élève et l'étudiant.

L'article 49 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) consacre le principe de la force dérogatoire du droit fédéral. Ce principe signifie que le droit fédéral l'emporte sur toute règle de droit cantonal contraire (P. MOOR, Droit administratif vol. I, 2e édition, Berne 1994, p. 113). Il "fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou les moyens qu'elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur a réglementées de façon exhaustive" (ATF 122 I 81 consid. 2a p.84 et références citées). Dans les domaines que le législateur fédéral n'a pas entendu réglementer de façon exhaustive, "les cantons restent compétents pour édicter (…) des dispositions de droit public dont les buts et les moyens convergent avec ceux du droit fédéral" (ATF 113 Ia 126 consid. 9b p. 142). Ces principes sont applicables lorsque le droit cantonal et le droit fédéral régissent le même domaine ou lorsque, dans des domaines différents, le droit cantonal est susceptible d'intervenir indirectement dans l'application du droit fédéral (ATA/732/2004 du 21 septembre 2004 ; voir aussi J-F. AUBERT, P. MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Neuchâtel 2003, p.420 ss). Si la règle de droit cantonal est contraire au droit fédéral, elle est nulle (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4e édition, Bâle 1991 p. 60).

Le système instauré par le droit fédéral prévoit que si les conditions posées par l'article 31 OLE sont satisfaites, l'élève étranger peut obtenir une autorisation de séjour pour fréquenter une école en Suisse. En revanche, l'article 15 alinéa 1 let. d RES, en exigeant comme préalable à l'inscription scolaire un permis d'établissement pour tout étudiant étranger, ferme l'enseignement secondaire postobligatoire genevois aux étrangers qui ne sont pas titulaires d'un tel permis. Ce faisant, il exclut une catégorie de personnes qui, aux termes du droit fédéral, aurait la possibilité de suivre ce type d'enseignement.

Certes, l'article 37 OLE laisse la possibilité aux cantons, dans des cas particuliers, d'imposer des conditions plus sévères pour l'admission d'étrangers sans activité lucrative. Cependant cette disposition ne peut signifier que les cantons peuvent prendre des dispositions plus restrictives, à l'instar de l'article 15 alinéa 1 lettre d RES, pour toute une catégorie de personnes déjà visée par l'OLE, sauf à vider le droit fédéral, en l'espèce l'article 31 OLE, de toute sa substance.

Au vu de ce qui précède, l'exigence d'un permis d'établissement, résultant de l'article 15 alinéa 1 lettre d RES, pour tout élève du secondaire, est contraire au droit fédéral.

7. Reste à examiner l'exigence de l'indépendance économique au sens de l'article 19 LEE, posée par l'article 15 alinéa 1 lettre d RES.

8. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Toutefois, si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il faut alors rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose. Le sens qu'elle prend dans son contexte est également important. En outre, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 109 Ia 442, 444 et les arrêts cités.).

Lorsque l'interprétation littérale d'une disposition aboutit à un résultat déraisonnable et contraire au sens de la norme, lorsqu'il y a des motifs de penser que le texte ne représente pas le sens véritable de la règle ou encore lorsque cette interprétation aboutit à un résultat que le législateur ne peut avoir voulu, à un résultat arbitraire, à une violation du droit fédéral ou de la Constitution fédérale, le juge est autorisé à s'écarter du texte de la loi, et à appliquer les autres règles d'interprétation développées par la jurisprudence (ATF 117 V 1; B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle, 1991, n° 419 et la jurisprudence citée; ATA/647/1998 du 13 octobre 1998 et les références citées).

9. A teneur de l'article 19 alinéa 1 LEE, est considéré comme économiquement indépendant l'étudiant célibataire qui, cumulativement : parvient à subvenir seul à son entretien pendant deux ans avant qu'il entreprenne la formation pour laquelle il demande l'aide (litt. a); a, immédiatement avant qu'il n'entreprenne la formation pour laquelle il demande une aide, déposé auprès de l'administration fiscale deux déclarations fiscales consécutives faisant état d'un revenu annuel brut minimum de CHF 17'200.- chacune, lorsqu'il entreprend sa formation avant l'âge de 25 ans révolus (litt. b), ch. 1); occupe un logement indépendant de celui de son répondant ou, à défaut, lui verse une contribution régulière pour le paiement du loyer (litt. c) ; exerce en principe une activité rémunérée pendant la formation (litt. d); n'est pas reconnu comme charge dans la déclaration fiscale d'un tiers (litt. e).

a. L'article 1 alinéa 3 LEE stipule qu'afin d'encourager les jeunes et les adultes à acquérir une formation aussi étendue que possible, ceux-ci peuvent recevoir des allocations et des prêts qui complètent l'effort financier qui leur incombe, selon les conditions définies dans la troisième partie de la loi. L'article 19 LEE figure précisément dans cette dernière partie de la loi.

Les critères définis par ledit article servent à déterminer les bénéficiaires d'une allocation ou d'un prêt. Ce qui ressort clairement du texte même de l'article puisque les critères qu'il détermine s'appliquent exclusivement à celui qui demande une aide étatique pour entreprendre une formation.

En adoptant l’article 19 LEE, le Grand Conseil genevois avait d'ailleurs clairement indiqué que la condition de l'activité rétribuée exercée sans interruption était destinée à lutter contre les abus de demande d'aide financière en posant un « critère stable d’indépendance » (Mémorial du Grand Conseil, 1989 IV 5599, ad art. 19).

b. Au vu de la systématique de l'article 15 RES (en particulier l'alinéa 1 let. c qui vise les élèves majeurs domiciliés dans le canton dont les parents ou le répondant, domiciliés dans le canton, pourvoient à leur entretien), le Conseil d'Etat a voulu introduire à l'alinéa 1 lettre d de l'article précité, qui traite des élèves majeurs domiciliés dans le canton sans leurs parents ou leur répondant légal, la condition que ceux-ci aient les disponibilités financières nécessaires pour subvenir à leurs besoins pendant la durée de leur formation dans le secondaire.

Or, à cette fin le Conseil d'Etat a introduit les critères leur permettant ainsi de solliciter une aide étatique. Seuls sont admissibles dans le secondaire les élèves majeurs domiciliés dans le canton sans leurs parents ou leur répondant, qui remplissent les conditions de l'article 19 LEE et peuvent donc obtenir des subsides étatiques. En revanche, les élèves de la catégorie visée à l'article 15 alinéa 1 lettre d RES qui ne remplissent pas les conditions de l'article 19 LEE ne peuvent pas fréquenter le secondaire quand bien même ils auraient les moyens financiers de le faire (financement par les parents domiciliés à l'étranger, par exemple).

Ainsi qu'il est libellé, l'article 15 alinéa 1 lettre d RES conduit à un résultat choquant et arbitraire en fermant l'accès du secondaire genevois à toute une catégorie de personnes sans motif valable. De surcroît, il est également contraire au droit fédéral.

10. L'une des conditions posées par l'article 31 OLE pour l'obtention d'une autorisation de séjour concerne l'aspect financier. En effet, cette disposition prévoit, en lettre e que le requérant "prouve qu'il dispose des moyens financiers nécessaires". Selon les directives de l'office fédéral des étrangers (ci-après : OFE) il est admis que cette condition est remplie lorsque l'élève peut justifier qu'il dispose d'environ CHF 30.- par jour (M. S. NGUYEN, op. cit. p. 239).

L'article 15 alinéa 1 lettre d RES est ainsi contraire à l'article 31 lettre e OLE parce qu'il restreint de façon drastique les conditions pécuniaires auxquelles sont soumis les élèves étrangers voulant suivre une formation dans une école en Suisse. Le texte de l'article 15 alinéa 1 lettre d RES ne laisse pas de place à une interprétation conforme au droit fédéral. Partant, en vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral rappelé ci-dessus, l'article précité est nul.

11. Le recours est admis. La décision du 9 octobre 2006 du département de l'instruction publique est annulée. L'inscription du recourant pour l'année scolaire en cours (2006-2007) en année propédeutique de l'école d'arts appliqués en vue de son admission au cycle HES dispensé par cette école est confirmée. Il appartiendra à l'école précitée d'établir une attestation conforme à l'article 31 lettre d OLE certifiant l'admission du recourant.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du département. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à charge de l'Etat de Genève sera allouée au recourant (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 octobre 2006 par Monsieur V______ contre la décision du département de l'instruction publique du 9 octobre 2006 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du département de l'instruction publique du 9 octobre 2006 ;

confirme l'inscription du recourant pour l'année scolaire en cours (2006-2007) en année propédeutique de l'école d'arts appliqués en vue de son admission au cycle HES ;

met à la charge de l'intimé un émolument de CHF 500.- ;

alloue au recourant une indemnité de CHF 1'000.- à charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au centre social protestant, mandataire du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :