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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/216/2017

ATA/176/2017 du 10.02.2017 ( EXPLOI ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/216/2017-EXPLOI ATA/176/2017

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 10 février 2017

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______

Monsieur B______

Madame C______

représentés par Me Nadia Isabel Clerigo, avocate

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



Attendu, en fait, que :

1. Monsieur B______, né en 1972, gère le cabaret-dancing « D______ » sis à la rue du E______ à Genève, notamment par le biais de la société A______, dont il est administrateur avec signature individuelle.

2. Le 29 juin 2016, suite à l'entrée en vigueur de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement, du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), entrée en vigueur le 1er janvier 2016, qui prévoit dans ses dispositions transitoires que les titulaires d'autorisations délivrées sur la base de l'ancienne loi doivent en obtenir une nouvelle dans les douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la LRDBHD, Madame C______ et A______ ont déposé une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter auprès du service du commerce, devenu depuis le 1er janvier 2017 le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

Parmi les pièces produites et dont l'apport était obligatoire, l'extrait de casier judiciaire de M. B______ contenait cinq condamnations, dont deux ordonnances pénales prononcées par le Ministère public genevois en 2013 et 2015 à des peines de respectivement soixante et nonante jours-amende à CHF 100.- le jour pour emploi d'étrangers sans autorisation.

3. Par décision du 9 janvier 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, le PCTN a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter le cabaret-dancing « D______ ».

Les deux condamnations pour emploi d'étrangers sans autorisation avaient eu lieu dans le cadre de la gestion d'établissements publics voués à la restauration et au débit de boissons. Il ressortait d'un dossier parallèle qu'une nouvelle ordonnance pénale pour le même genre de faits avait été rendue en août 2016.

Il s'agissait d'infractions graves et répétées, et présentant un lien direct avec l'exploitation d'établissements publics.

Dans ces circonstances, M. B______ ne remplissait pas la condition de garantie d'une exploitation conforme aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail.

4. Par acte déposé le 20 janvier 2017, Mme C______, M. B______ et A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à l'octroi de l'autorisation provisoire d'exploiter ou à la restitution de l'effet suspensif, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, à l'octroi de l'autorisation d'exploiter et à une indemnité de procédure.

Si l'effet suspensif au recours n'était pas restitué, ou que des mesures provisionnelles n'étaient pas ordonnées, ils n'auraient plus le droit d'exploiter leur établissement. Leurs intérêts économiques étaient donc gravement menacés, le loyer devant continuer à être payé et les salaires des employés à être versés. Il convenait dès lors, conformément à la jurisprudence récente de la chambre administrative, de leur permettre de poursuivre l'exploitation de leur établissement.

5. Le 20 janvier 2017, le PCTN a déclaré ne pas s'opposer à une restitution de l'effet suspensif au recours, tout en réservant expressément sa détermination sur le fond du litige.

6. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif et des mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1. a. Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

À teneur de l’art. 21 LPA, l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; ces mesures sont ordonnées par le président s’il s’agit d’une autorité collégiale ou d’une juridiction administrative (al. 2).

b. Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis, et ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/884/2016 du 10 octobre 2016 consid. 1 ; ATA/658/2016 du 28 juillet 2016 consid. 1). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

c. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1 ; ATA/613/2014 du 31 juillet 2014 consid. 5).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/613/2014 précité consid. 5).

d. Selon la jurisprudence et la doctrine, la question de la restitution de l’effet suspensif ne se pose pas lorsque le recours est dirigé contre une décision purement négative, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, 1’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il ne bénéficiait pas (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344 ; ATA/257/2014 du 14 avril 2014 ; ATA/28/2014 du 15 janvier 2014 ; ATA/15/2013 du 8 janvier 2013 ; ATA/84/2009 du 9 avril 2009 ; Philippe WEISSENBERG/ Astrid HIRZEL, Der suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahme, in Irène HAENER/Bernhard WALDMANN, Brennpunkte im Verwaltungsprozess, Fribourg 2013, p. 166 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2016 n. 1166 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 814 n. 5.8.3.3).

Dans cette dernière hypothèse, seul l’octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l’art. 21 LPA, est envisageable (ATA/198/2016 du 3 mars 2016 consid. 4 ; ATA/613/2014 précité consid. 5 ; ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b)

2. En l’espèce, la décision attaquée rejette une demande qui ne vise pas à créer des droits et obligations modifiant la situation factuelle et juridique antérieure (ATA/296/2016 du 8 avril 2016) mais qui tend essentiellement au maintien et au renouvellement, sous la nouvelle LRDBHD, de l’autorisation déjà existante sous l’ancienne LRDBH (ATA/960/2016 du 14 novembre 2016 consid. 3).

L’autorisation d’exploitation délivrée sous l’ancien droit n’a pas cessé de déployer ses effets à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, comme cela ressort a contrario de l’art. 65 al. 4 du règlement d’exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01). Toutefois, en vertu de l’art. 70 al. 3 LRDBHD, les personnes au bénéfice d’une autorisation d’exploiter délivrée sur la base de l’ancienne législation peuvent poursuivre l’exploitation de leur établissement et offrir les mêmes prestations, à condition qu’elles obtiennent dans les douze mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi – à savoir jusqu’au 31 décembre 2016 – les éventuelles autorisations complémentaires ou de remplacement nécessaires, leur permettant d’offrir lesdites prestations. On peut déduire de cette dernière disposition légale que si l’effet suspensif n’était pas restitué ou que des mesures provisionnelles n’étaient pas ordonnées, le recourant n’aurait, à compter du 1er janvier 2017, plus le droit d’exploiter son établissement faute de nouvelle autorisation octroyée sous l’empire de la nouvelle loi.

Il est en l’état difficile de se prononcer sur les chances du recours qui ne peut pas être considéré d’emblée comme manifestement mal fondé, la question centrale du litige consistant à déterminer si les condamnations subies par le recourant justifient un refus d’une nouvelle autorisation et nécessitant un examen approfondi en fait et en droit.

D’autre part, on ne voit pas quel motif imposerait la cessation immédiate de l’activité des recourants concernant l’établissement, ni en quoi l’ordre public (art. 1 al. 2 LRDBHD) ou la protection des consommateurs et des travailleurs (art. 1 al. 3 LRDBHD) seraient menacés de manière imminente si Mme C______ continuait l’exploitation de l’établissement litigieux.

Au regard de ce qui précède, l’intérêt privé des recourants à la continuation de l'exploitation de l'établissement prime l’intérêt public à l’exécution immédiate de la décision querellée. L’exécution immédiate de la décision querellée serait susceptible d’avoir des effets négatifs importants sur la situation professionnelle et financière des recourants, qui pourrait, le cas échéant, ne pas être entièrement réparée s’ils obtenaient finalement gain de cause au fond. Au surplus, il sera rappelé que dans sa détermination, le service intimé ne s'oppose pas à la restitution de l'effet suspensif.

3. En définitive, la recourante sera, à titre provisoire, autorisée à continuer l’exploitation du cabaret-dancing à l’enseigne « D______ » jusqu’à droit jugé au fond.

4. Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

 

 

Vu le recours interjeté le 20 janvier 2017 par Madame C______, Monsieur B______ et A______ contre une décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 9 janvier 2017 ;

vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

autorise, à titre provisoire, Madame C______ à continuer l’exploitation du cabaret-dancing à l’enseigne « D______ » jusqu’à droit jugé au fond ;

impartit à l’intimé un délai au 17 mars 2017 pour répondre sur le fond ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Nadia Clerigo Correia, avocate des recourants, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :