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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1238/2016

ATA/1372/2018 du 18.12.2018 sur JTAPI/473/2017 ( ICC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1238/2016-ICC ATA/1372/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 décembre 2018

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

VILLE DE A______
représenté par Me Antoine Berthoud, avocat

 

 

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mai 2017 (JTAPI/473/2017)


EN FAIT

1. Le 21 mai 2013, la Ville de A______ a adressé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC-GE) sa déclaration fiscale 2012. Sous les rubriques « bénéfice net imposable dans le canton » et « capital propre imposable dans le canton », elle a indiqué : « voir les observations ». Selon celles-ci, la Ville de A______ était exonérée, selon l’art. 9 al. 1 let. c de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15).

Un état locatif au 31 décembre 2012 comportant le calcul de l’impôt immobilier complémentaire (ci-après : IIC) en CHF 1'677'572.13 était joint.

2. Le 29 avril 2014, la Ville de A______ a adressé à l’AFC-GE sa déclaration fiscale 2013. Sous les rubriques « bénéfice net imposable dans le canton » et « capital propre imposable dans le canton », elle a indiqué : « voir les observations ». Selon celles-ci, la Ville de A______ était exonérée, aux termes de l’art. 9 al. 1 let. c LIPM.

Un état locatif au 31 décembre 2012 comportant le calcul de l’impôt immobilier complémentaire (ci-après : IIC) en CHF 2'191'591.93 était joint.

3. Le 16 avril 2015, la Ville de A______ a adressé à l’AFC-GE sa déclaration fiscale 2014. Sous les rubriques « bénéfice net imposable dans le canton » et « capital propre imposable dans le canton », elle a indiqué : « voir les observations ». Selon celles-ci, la Ville de A______ était exonérée, aux termes de l’art. 9 al. 1 let. c LIPM.

Un état locatif au 31 décembre 2012 comportant le calcul de l’impôt immobilier complémentaire (ci-après : IIC) en CHF 2'272'023.70 était joint.

4. Le 2 septembre 2015, l’AFC-GE a adressé à la Ville de A______ trois bordereaux de taxation définitive pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) pour les années fiscales 2012, 2013 et 2014.

- bordereau IIC 2012 : aucun impôt sur le bénéfice et le capital, et un montant de CHF 1'677'572.15 au titre de l’ICC ;

- bordereau IIC 2013 : aucun impôt sur le bénéfice et le capital, et un montant de CHF 2'191'591.95 au titre de l’ICC ;

- bordereau IIC 2014 : aucun impôt sur le bénéfice et le capital, et un montant de CHF 2'272'023.70 au titre de l’ICC ;

5. Le 1er octobre 2015, la Ville de A______ a formé une réclamation contre les trois bordereaux précités. Elle sollicitait l’exonération de l’IIC pour les logements sociaux dont elle était propriétaire. L’AFC-GE avait pour pratique d’admettre que des associations ou fondations œuvrant dans le domaine du logement social poursuivaient une tâche d’utilité publique et pouvaient bénéficier de l’exonération de l’IIC. Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement entre propriétaires privés et publics, il convenait d’interpréter de manière restrictive la législation applicable prévoyant que les collectivités publiques et fondations de droit public devaient l’IIC sur leurs immeubles locatifs ou loués, en ce sens qu’elle ne concernait que les immeubles de rendement, à l’exclusion des logements sociaux.

6. Le 21 mars 2016, l’AFC-GE a rendu trois décisions rejetant la réclamation pour chaque bordereau. Les taxations 2012, 2013 et 2014 étaient maintenues, avec une motivation identique. À rigueur de texte, l’IIC était dû par les communes et fondations de droit public sur les immeubles locatifs ou loués dont elles étaient propriétaires.

7. Par acte du 21 avril 2016, la Ville de A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les trois décisions rejetant sa réclamation, concluant à ce qu’il soit dit que la contribuable devait être exonérée de l’IIC pour ses immeubles locatifs affectés de manière prépondérante au logement social et à ce que le dossier soit renvoyé à l’AFC-GE pour nouvelles taxations.

Les dispositions fiscales applicables de l’IIC exonéraient les biens immobiliers directement affectés à un but de service public, d’utilité publique ou cultuel, dont étaient propriétaires les fondations de droit privé. Avant que ces dispositions soient modifiées au 1er janvier 2009, la commission cantonale de recours en matière fiscale avait constaté une lacune de l’ancien droit et admis que tous les immeubles affectés à des buts d’utilité publique devaient bénéficier de l’exonération de l’IIC, par opposition aux immeubles de rendement. Les travaux législatifs qui avaient conduit à la teneur actuelle de la législation applicable faisaient ressortir la volonté du législateur de ne pas modifier la situation antérieure. Il fallait donc interpréter le droit actuel à la lumière de la pratique antérieure de l’AFG-GE, pratique qu’elle avait appliquée à la Fondation B______ pour le logement social (ci-après : B______) qu’elle avait mis au bénéfice de l’exonération de l’IIC en raison du fait que l’ensemble des immeubles qu’elle détenait était affecté au logement social, dans le cadre de son but d’utilité publique. En regard de cette dernière situation, les décisions querellées consacraient une inégalité de traitement.

8. Le 14 octobre 2016, l’AFG-GE a conclu au rejet du recours. Elle a persisté dans ses décisions, conformes au droit applicable, à la lumière des travaux législatifs, y compris pour le traitement des biens immobiliers de la B______.

9. Après un second échange d’écritures dans lequel les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives, le TAPI a, par jugement du 4 mai 2017, admis le recours, annulé « la décision sur réclamation » (sic) et renvoyé le dossier à
l’AFG-GE pour nouvelles décisions de taxation en matière d’IIC 2012, 2013 et 2014.

Il résultait de l’interprétation historique et téléologique de la législation applicable que les immeubles de la Ville de A______ affectés au logement social devaient être exonérés de l’IIC, à l’instar des fondations de droit public.

10. Le 9 juin 2017, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement susmentionné, concluant à son annulation et à la confirmation de ses décisions du 21 mars 2016.

Les communes bénéficiaient d’une exonération pour l’impôt sur le bénéfice et sur le capital, mais par pour l’IIC, ce qui ressortait de l’analyse des modifications légales depuis 1994, ainsi que leurs travaux préparatoires. La différence de traitement avec les fondations de droit public était conforme à la volonté du législateur.

11. Le 6 juin 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans observations.

12. Le 12 juillet 2017, la Ville de A______ a conclu au rejet du recours, reprenant son argumentation antérieure.

13. Le 17 juillet 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du litige consiste à déterminer si la Ville de A______ doit être exonérée de l’IIC pour ses immeubles locatifs ou loués, affectés au logement social, pour les années fiscales 2012, 2013 et 2014.

3. a. La Confédération fixe les principes de l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes (art. 129 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Les cantons restent souverains en matière fiscale pour le surplus, conformément à l'art. 3 Cst.

b. L'art. 2 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) précise les impôts directs que les cantons doivent prélever. Pour le surplus, la LHID n'interdit pas aux cantons de prélever d'autres impôts que ceux mentionnés à l'art. 2 LHID, et ils ont ainsi la possibilité d'introduire ou de maintenir des impôts minimaux (sur les recettes brutes ou sur les immeubles) et de prévoir des impôts fonciers sur la propriété immobilière (Message du Conseil fédéral sur l'harmonisation fiscale, FF 1983 III 90).

c. C’est ainsi qu’à l’exception de Zurich, Schwyz, Glaris, Zoug, Soleure,
Bâle-campagne et Argovie, tous les cantons ont instauré un impôt foncier cantonal ou communal (Conférence suisse des impôts, le système fiscal suisse, éd. 2011, p. 71-72).

d. Les réglementations prévoyant l'exonération de cet impôt sont très diverses, et plusieurs cantons ne prévoient aucune exonération pour les personnes morales de droit privé ; plusieurs cantons prévoient une exonération pour les immeubles appartenant à des personnes morales à but d'utilité publique ou à but cultuel seulement dans la mesure où ils sont affectés directement et exclusivement à ce but, ce qui est le cas, en dehors de Genève, dans les Grisons, en Thurgovie ainsi que dans le Jura (L'impôt foncier, op. cit., p. 7 s.). La doctrine considère une telle limitation de l'exonération aux immeubles directement affectés au but poursuivi comme étant la règle (Ernst HÖHN/Robert WALDBURGER, Steuerrecht, vol. I, 2001, § 23 n. 5, sous note de bas de page n. 7). Ce critère était aussi utilisé par d'anciennes lois fédérales s'agissant de l'exonération de certaines entités des impôts cantonaux (voir l'arrêt du Tribunal fédéral 2P.12/2004 du 28 avril 2005 consid. 3.3 pour la situation des assureurs maladie avant 1995, ou, s'agissant de la Confédération et de ses organes, l'art. 10 al. 1 de l'ancienne loi fédérale sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération, plus en vigueur depuis 2003, selon lequel faisaient exception à l'exonération générale « les immeubles qui ne sont pas directement affectés à des fins publiques »).

4. a. À Genève, l'impôt foncier, appelé IIC, est cantonal et non communal. La chambre de céans a déjà eu l'occasion de préciser que l'IIC était un impôt direct (ATA/218/2011 du 5 avril 2011), quand bien même il ne fait pas partie du droit harmonisé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2008 du 29 janvier 2009 consid. 1.1 ; ATA/742/2014 du 23 septembre 2014 consid. 6).

b. Selon l’art. 76 al. 1 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), il est perçu un impôt annuel de 1 ‰ sur la valeur de tous les immeubles situés dans le canton à l’exception :

a) des immeubles propriété du canton, des communes et de leurs établissements ; toutefois, les communes et les fondations de droit public doivent l’impôt sur les immeubles locatifs ou loués qu’elles possèdent ;

b) des immeubles des personnes morales exonérées selon l’art. 9 al. 1, let. f et g de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), qui sont directement affectés à leur but de service public, d’utilité publique ou cultuel.

c. Les personnes morales visées aux art. 9 al. 1 let f et g LIPM sont celles qui poursuivent des buts de service public ou d’utilité publique, d’une part et, d’autre part, celles qui visent des buts cultuels dans le canton ou sur le plan suisse. La disposition précitée les exonère de l’impôt sur le capital et le bénéfice exclusivement affectés à ces buts. Par ailleurs, les communes genevoises bénéficient aussi d’une même exonération pour les biens et établissements qui en dépendent qui sont affectés à des buts d’utilité publique ou d’intérêt général (art. 9 al 1 let. c LIPM).

d. Il résulte ainsi des dispositions légales susmentionnées que les communes sont exonérées de l’impôt sur le bénéfice et le capital pour les biens affectés à un but d’utilité publique ou d’intérêt général, ce qui est le cas des immeubles affectés au logement social. Elles doivent en revanche acquitter l’IIC sur les immeubles locatifs ou loués dont elles sont propriétaires, quelle que soit leur affectation, l’art. 76 al. 1 let. a LCP ne faisant pas de distinction quant à la nature de celle-ci comme le font les art. 76 al. 1 let. b LCP et 9 al. 1 let. c, f et g LIPM.

5. L’interprétation historique et téléologique, sur laquelle s’appuient le jugement querellé et les parties pour en tirer des conclusions contradictoires, n’aboutit pas à une autre compréhension des dispositions légales en cause.

a. Entre l’entrée en vigueur de la LCP en décembre 1887 et celle de la LIPM le 1er janvier 1995, les dispositions concernant les impôts sur le bénéfice et le capital des personnes morales figuraient aux art. 60 à 75 aLCP.

Cette dernière disposition prévoyait que les communes étaient soumises à l’IIC pour les immeubles locatifs ou les parties d’immeubles pouvant être loués, à l’exception des immeubles destinés à être démolis et qui étaient inoccupés (art. 75 al. 1 let. c aLCP). L’art. 75 al. 1 let. d aLPC prévoyait qu’étaient exonérés des impôts sur le bénéfice et le capital les établissements hospitaliers, de bienfaisance et d’assistance publique dépendant de l’État ou des communes, ainsi que des sociétés, associations, fondations, caisses et institutions ayant la personnalité morale établies dans le canton, mais seulement pour la partie de leurs biens affectée directement à l’assistance, à l’instruction publique générale, aux cultes ou à la bienfaisance.

Enfin, l’art. 76 al. 1 aLCP traitant de l’IIC prévoyait que celui-ci était perçu sur la valeur de tous les immeubles situés dans le canton et qui n’étaient pas exonérés des impôts « par des dispositions de la présente loi », ce qui renvoyait tant à l’art. 78 LCP sur l’exonération des coopératives d’habitation, qu’à
l’art. 75 aLCP.

Il ressortait ainsi de ce dispositif que les communes devaient payer l’IIC sur leur parc immobilier locatif, qu’il soit ou non affecté au logement social. Les fondations de droit public, quant à elles, bénéficieraient de l’exonération de l’IIC pour les biens immobiliers entrant dans l’une des catégories énumérées à l’art 75 al. 1 let. d aLCP.

b. La LIPM a abrogé les art. 60 à 75 aLCP, la matière, soit les impôts sur le bénéfice et le capital des personnes morales étant désormais réglés par cette loi. Cependant, le texte de l’art. 76 al. 1 aLCP demeurait inchangé, si bien que l’exonération dont il y était question ne pouvait plus viser que l’art. 78 LCP. Pour les communes, cette situation n’avait aucune incidence, puisqu’elles ne bénéficiaient pas d’exonération de l’IIC.

c. Le 31 mai 2006, le Grand Conseil a été saisi d’un projet de loi PL 9863, modifiant plusieurs lois fiscales à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). Il visait à adapter le droit fiscal cantonal des fondations aux nouvelles exigences du droit fédéral ainsi qu’à moderniser les dispositions cantonales sur la fiscalité des donations et à renforcer la place du canton de Genève comme pôle d’excellence pour les fondations poursuivant un but d’utilité publique ou de service public (MGC 2005-2006/X A 8334). Le PL 9863 concernait le pan fiscal non abordé par le PL 9761 modifiant la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 (LaCC – E 1 05), qui transposait au niveau cantonal les modifications civiles du droit des fondations (MGC 2005-2006/X A 8334).

Dans ce contexte, les auteurs du PL 9863 ont relevé que, suite au transfert, intervenu le 1er janvier 1995, de l’aLCP à la LIPM des dispositions légales régissant l’imposition des personnes morales, il fallait interpréter l’art. 76
al. 1 aLCP comme exonérant désormais de l’IIC les personnes morales exonérées d’impôt, conformément à la LIPM. L’absence de toute référence à l’art. 76
al. 1 aLCP dans les travaux parlementaires concernant la LIPM signifiait que le législateur avait simplement oublié d’adapter cette dernière disposition.
L’AFC-GE ayant toutefois indiqué que l’exonération fiscale des personnes morales poursuivant un but d’utilité publique ne porterait pas sur l’IIC, il convenait de lever toute ambiguïté sur cette question et de prévoir une exonération de l’IIC pour les immeubles appartenant à des institutions exonérées en raison de leur but d’utilité publique ou de service public (MGC 2005-2006/X A 8347). La teneur proposée était : « Il est perçu un impôt annuel de 1 ‰ sur la valeur de tous les immeubles situés dans le canton et dont le propriétaire n’est pas exonéré des impôts généraux frappant la valeur et le rendement de ces immeubles » (MGC 2005-2006/ X A 8333).

La proposition initiale a été modifiée durant les travaux parlementaires à la suite de la question posée par l’AFC-GE de savoir si la réelle intention des rédacteurs était vraiment d’exonérer de l’IIC non seulement les institutions reconnues d’utilité publique, mais aussi, par exemple, les institutions de prévoyance, et peut-être aussi les caisses d’assurance-maladie complémentaires. À quoi les auteurs du PL 9863 avaient répondu qu’il ne s’agissait pas d’élargir le cercle des exonérés, mais de rétablir une situation comparable à celle précédant la séparation de la LIPM. Si l’AFC-GE avait des doutes sur la rédaction de l’art. 76 al. 1 LCP proposée, ils étaient d’accord pour accepter un amendement clarifiant les choses qui devait mieux préciser que l’IIC n’était pas perçu pour les institutions exonérées en raison de leurs buts de service public, d’utilité publique ou culturel et par ailleurs, dans le même esprit, qui prévalait avant l’adoption de la LIPM, « de préciser les choses pour les communes et pour certains établissement de droit public, à savoir les fondations de droit public » (MCG 2007-2008/I A 645). La commission parlementaire a fini par accepter une proposition de modification qui ne sera pas retouchée en séance plénière et sera adoptée sans discussion pour devenir la teneur actuelle de l’art. 76 al. 1 let. a et let.b LCP (MGC 2007-2008/I A 646).

d. Il résulte ainsi de l’évolution des dispositions légales relatives à l’imposition des communes que celles-ci n’ont jamais été exonérées de l’IIC sur leurs immeubles locatifs ou loués, que ce soit sous le régime des art. 75 et 76 aLCP ou sous celui de l’art. 9 LIPM et de l’art. 76 LCP. Ni le texte de la loi, ni les travaux préparatoires ne permettent de retenir qu’à un moment le législateur avait envisagé d’introduire pour les communes une distinction d’affectation de leur parc immobilier sur laquelle une exonération partielle de l’IIC pourrait se fonder. C’est dès lors à bon droit que l’AFC-GE a retenu que la Ville de A______ devait l’IIC pour les années fiscales 2012-2013 et 2014.

6. Il reste à examiner si la Ville de A______ peut se prévaloir d’une inégalité de traitement avec la B______, mise en 2016 au bénéfice d’une exonération de l’IIC pour les années fiscales 2012, 2013 et 2014, par interprétation des travaux du législateur dans le cadre du PL 9'863.

a. Il ressort des travaux préparatoires susmentionnés que le législateur a formulé l’art. 76 al. 1 let. a et let. b LCP après que l’AFC-GE l’avait interpellé sur sa réelle intention, l’amenant d’une part à préciser que l’IIC n’était pas perçu pour les institutions exonérées en raison d’un certain but (art. 76 al. 1 let. b) et, d’autre part, de préciser les choses non seulement pour les communes mais aussi, pour les fondations de droit public qui ont dès lors été distinguées des fondations de droit privé. Dans le contexte du dépôt et de l’adoption du PL 9'863, on ne peut que retenir que cet ajout est délibéré et que le législateur a ainsi voulu préciser que les fondations de droit public étaient assujetties à l’IIC. Il n’y a pas matière à interprétation de l’art. 76 al. 1 let. a LCP, qui, conformément au principe de la légalité – qui revêt une importance particulière en droit fiscal, où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l’art. 127 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) – définit dans une loi au sens formel le cercle des contribuables et les exceptions à l’assujettissement (ATA/1640/2017 du 19 décembre 2017 consid. 5a).

La question de la conformité au droit de l’exonération de la B______ pour l’IIC souffrira de demeurer indécise, dès lors qu’en tout état, la situation d’une commune, collectivité publique dotée de la personnalité juridique, dont l’autonomie est garantie dans les limites de la constitution et de la loi (art. 132 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE A 2 00), et qui accomplit des tâches dans des domaines en fonction de la répartition des tâches entre canton et communes (art. 133 al. 2 Cst-GE), est différente de celle d’une fondation de droit public. Cette dernière est une personne morale qui a pour objet l’affectation de biens en faveur d’un but spécial (art. 52 al. 1 et 80 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210), de sorte qu’à supposer que l’on puisse suivre l’AFC-GE, la Ville de A______, historiquement assujettie à l’IIC sur l’ensemble de son parc immobilier locatif, logements sociaux inclus, est dans une situation juridique incomparable à celle d’une fondation, de sorte qu’elle ne pourrait prétendre ainsi à un traitement identique à cette dernière.

Le grief de violation du principe de l’égalité de traitement n’est pas fondé.

Au vu de de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement du TAPI sera annulé et les décisions sur réclamation du 21 mars 2016 de l’AFC-GE seront confirmées.

7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la Ville de A______ (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2017 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mai 2017 ;

 

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mai 2017 ;

confirme les décisions du 21 mars 2016 de l’AFC-GE maintenant les bordereaux de taxation de la Ville de A______ pour les années fiscales 2012, 2013 et 2014 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la Ville de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Me Antoine Berthoud, avocat de la Ville de A______, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.



Genève, le 

 

 



la greffière :