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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3788/2006

ATA/135/2007 du 20.03.2007 ( HG ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.05.2007, rendu le 19.09.2007, IRRECEVABLE, 8C_207/2007
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3788/2006-HG ATA/135/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 20 mars 2007

dans la cause

 

 

 

 

Mme P______

 

 

contre

 

 

 

 

PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’HOSPICE GÉNÉRAL


 


EN FAIT

1. Mme P______, née en 1956, vit à Genève.

2. Le 20 février 2004, elle a sollicité de l'Hospice général (ci-après  : l’hospice) des prestations au titre de la loi sur l'assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP - J 4 05).

Elle a été reçue par un assistant social du Centre d’action sociale et de santé (ci-après  : CASS) des Eaux-Vives. Celui-ci lui a fait signer le formulaire usuel intitulé "Ce qu’il faut savoir en demandant l’intervention de l’assistance publique" et il lui a remis la liste des documents qu’elle était invitée à produire, dont son jugement de divorce. Mme P______ n’a pas déclaré posséder de biens immobiliers. Elle a envoyé à l’assistant social des demandes et des décisions de modification du jugement de divorce, prononcé le 30 mars 2000, mais non ledit jugement, pas plus que le dispositif de celui-ci.

3. Mme P______ a été mise au bénéfice de prestations d’assistance du 1er au 31 mars 2004 puis du 1er au 30 juin 2004. Le 28 avril 2004, elle a pris un emploi temporaire proposé par l’office cantonal de l’emploi (ci-après  : OCE) mais elle a été licenciée le 31 juillet 2004.

Elle a reçu à nouveau des prestations au titre de la LAP du 1er novembre 2004 au 31 mars 2006. Depuis cette dernière date, elle n’a pas retrouvé d’emploi.

4. En septembre 2005, l’assistante sociale suivant M. P______, l’ex-mari de Mme P______, est entrée en possession de l’intégralité du jugement de divorce des intéressés.

Selon le dispositif dudit jugement, qui réglait notamment la liquidation du régime matrimonial, il est apparu que  :

- la propriété d’un appartement en Espagne avait été transférée à Mme P______ au moment du divorce ;

- à cette date, les ex-époux restaient copropriétaires, chacun pour moitié, d’un appartement situé à la rue de Lyon et d’un autre à Morgins. Le mobilier garnissant ce dernier logement devait revenir à Mme P______.

5. A réception de ce jugement de divorce, le nouvel assistant social qui s’occupait de Mme P______ a demandé une enquête. A cette occasion, Mme P______ a déclaré le 9 novembre 2005 que l’appartement se trouvant en Espagne était en ruine. Elle n’a présenté aucun titre de propriété mais uniquement une convocation au Palais de justice de La Bisbal car elle était sommée de payer des frais d’entretien à hauteur de 2’275.- euros.

Le 30 mars 2006, elle a déclaré que l’appartement de la rue de Lyon avait été vendu mais qu’elle ignorait le montant exact de la transaction.

6. Par décision du 25 juin 2006, déclarée exécutoire nonobstant réclamation, le CASS des Eaux-Vives a mis un terme à ses prestations avec effet au 31 mars 2006. Il a cessé également la prise en charge des cotisations d’assurance maladie. Il a réclamé à l’intéressée le remboursement de CHF 60’728,35 au titre de prestations indûment encaissées en mars et juin 2004 ainsi que du 1er novembre 2004 au 31 mars 2006.

7. Par pli daté du 21 juillet 2006, Mme P______ a élevé réclamation.

L’appartement de Morgins avait été vendu en 2000 et le produit de cette vente lui avait permis de subvenir à ses besoins pendant quatre ans avant qu’elle ne s’adresse à l'hospice.

L’appartement de la rue de Lyon avait été aliéné en mars 2006, après avoir été mis en vente pendant une année et demie sans succès. Mme P______ avait immédiatement remboursé les dettes qu’elle avait dû contracter puisque l’hospice ne lui donnait pas assez d’argent pour lui permettre de vivre avec ses trois enfants. De plus, elle n’avait jamais caché l’existence de ces biens qui figuraient dans le jugement de divorce produit lorsqu’elle était venue solliciter des prestations.

Quant à l’appartement en Espagne, il était en ruine.

Elle n’avait plus d’argent, car elle ne travaillait pas et ne recevait pas de pension de son ex-mari.

8. Par décision du 25 septembre 2006, le Président du conseil d’administration de l'hospice a rejeté la réclamation et confirmé la demande de remboursement.

Mme P______ avait encore sollicité des prestations d’assistance le 28 août 2006, ayant épuisé le produit de la vente de l’appartement de la rue de Lyon. L’hospice écartait d’ores et déjà toute possibilité de remise, l’intéressée ne satisfaisant pas à la condition de la bonne foi.

Enfin, la recourante devrait produire tous documents utiles, postérieurs à l’enquête, si elle persistait dans sa nouvelle demande.

9. Par acte reçu le 19 octobre 2006, Mme P______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Elle alléguait avoir fourni tous les documents qui lui avaient été demandés. Elle avait produit le jugement de divorce dès qu’elle en avait été requise, soit en 2005. Elle concluait à l’annulation des deux décisions précitées, soit celle prise le 25 juin 2006 et celle du 25 septembre 2006 sur réclamation, emportant demande de rembourser CHF 60’728,35.

10. Le 27 novembre 2006, l'hospice a conclu au rejet du recours. Il résultait des pièces remises par la recourante en août 2006 que celle-ci avait reçu du notaire en avril 2006 CHF 52’332.- représentant la moitié du produit de la vente de l’appartement de la rue de Lyon.

Elle avait reçu 33’250.- euros versés en espèces en octobre 2006 pour la vente de l’appartement en Espagne. L’acte de vente rédigé en espagnol portait cependant sur la vente d’un appartement situé à P______ à une société américaine U______, représentée par Mme P______, selon un pouvoir daté de septembre 2006. Cet acte spécifiait que le montant précité était franc d’impôt et de charges de copropriété.

11. a. Entendue en audience de comparution personnelle le 13 décembre 2006, Mme P______ a réitéré ses explications qu’elle a complétées. Elle avait bien reçu CHF 52’332.- en avril 2006 provenant de la vente de l’appartement de la rue de Lyon dont elle n’avait jamais caché l’existence à son assistant social.

Le produit de la vente de l’appartement en Espagne avait servi à rembourser une amie domiciliée aux USA, qui lui avait prêté de l’argent avant cette date, comme l’attestait un fax daté du 29 novembre 2007 (sic) portant la signature de Mme A______, mais ne comportant aucun numéro de fax ou de téléphone ni aucune adresse ou provenance.

Mme P______ a contesté avoir encaissé personnellement cette somme.

Elle a ajouté que cela faisait quinze ans qu’avec son ex-mari elle ne possédait plus l’appartement de Morgins.

Ses trois enfants vivaient avec elle dans l’appartement de 7 pièces qu’elle occupait à la rue de la Terrassière pour un loyer mensuel de CHF 3’137.- avec les charges et le garage, car elle avait une voiture.

Son fils venait de commencer l’Université. Sa cadette redoublait la première année de l’Ecole de culture générale et son autre fille avait trouvé une place de stage en septembre 2006 pour un an qui lui permettait de réaliser un salaire mensuel de CHF 700.-. Depuis le 1er novembre 2006, Mme P______ avait pris deux sous-locataires qui lui versaient chacun CHF 600.- par mois.

Au sujet de Mme A______, Mme P______ a indiqué que celle-ci se trouvait aux USA au moment de la vente de l’appartement en Espagne. La recourante a déclaré vouloir produire un extrait du Registre du commerce concernant cette société inscrite en Floride.

b. Le représentant de l'hospice a précisé que le jugement de divorce complet avait été remis à l'hospice en septembre 2005 comme indiqué ci-dessus par l’assistante sociale en charge du dossier de M. P______. L'hospice n’avait pas pris en considération le produit de la vente de l’appartement de Morgins, cette opération étant antérieure à la demande de prestations de Mme P______.

12. Le 3 janvier 2007, Mme P______ a précisé que cette dernière vente lui avait rapporté CHF 9’357,50 au cours de l’année 2000.

Par ailleurs, elle ne pouvait produire les pièces promises concernant Mme A______ et la société de celle-ci. Mme A______ venait d’être hospitalisée en urgence au Brésil pour se faire opérer d’une tumeur du cerveau après avoir souffert d’une cécité brutale alors qu’elle était à Miami.

13. Le 9 janvier 2007, le juge délégué s’est enquis du montant de la transaction auprès du notaire de M______ ayant instrumenté la vente de Morgins. Celui-ci a confirmé le 15 janvier 2007 que ce bien avait été vendu le 26 mai 2000 pour le prix de CHF 200’000.-. Après déduction des frais et des hypothèques, CHF 9’357,50 étaient revenus à chacun des ex-époux et le compte bancaire de Mme P______ avait été crédité de cette somme le 22 juin 2000.

14. Le 15 janvier 2007, Mme P______ a envoyé au juge délégué :

- copie du courrier adressé par ses soins à l'hospice le 28 mars 2006 attestant que l’appartement avait été vendu, sans autre précision, et qu’elle paierait sa reconnaissance de dette par versements de CHF 250.-. Elle joignait également deux pièces relatives à l’enregistrement, dès le 1er septembre 2006 en Floride, de la société U______ dont l’adresse était chez Mme A______ et dont le but social était "toutes affaires juridiques" (Any and All Lawful Business).

15. Le 9 février 2007, le juge délégué a encore procédé, en présence des parties, à l’audition de l’assistant social qui avait reçu Mme P______ en février 2004. Celui-ci a confirmé qu’il avait demandé à la recourante de produire les documents visés sur le formulaire annexé, dont le jugement de divorce. Jusqu’à fin août 2005, date à laquelle il avait cessé de suivre Mme P______, il n’avait pas eu connaissance de l’intégralité dudit jugement.

Jamais Mme P______ ne lui avait indiqué posséder un appartement en Espagne. Sur un relevé bancaire de l’intéressée, il avait remarqué un crédit de CHF 600.- provenant de ce pays. Interrogée à ce sujet, Mme P______ lui avait répondu que c’était à sa mère. Il avait alors demandé une enquête.

16. Au terme de l’audience, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. A Genève, l'article 1er alinéas 2 et 3 LAP prévoit que l'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables. Cette assistance est subsidiaire aux autres prestations sociales et ce principe a été jugé conforme à l'article 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 5.1).

L'aide sociale n'est ainsi accordée que si elle représente le seul moyen d'éliminer la situation d'indigence dont le bénéficiaire n'est pas responsable (ATA/194/2006 du 4 avril 2006 ; ATA/491/2005 du 19 juillet 2005, confirmé par ATF 2P.209/2005 du 25 octobre 2005 ; F. WOLFFERS, Fondement du droit de l'aide sociale, Berne 1995, p. 141).

3. Sous peine de refus de prestations, les personnes qui sollicitent une aide sont tenues de fournir à l'hospice tous les renseignements utiles sur leur situation personnelle et financière, ainsi que de leur communiquer tout changement de nature à modifier les prestations dont elles bénéficient (art. 7 al. 1 LAP).

Cette obligation était expressément énoncée dans le formulaire intitulé "Ce qu'il faut savoir en demandant l'intervention de l'assistance publique" que Mme P______ a signé le 23 mars 2004.

4. Toute prestation perçue indûment peut faire l'objet d'une demande de remboursement de la part de l'hospice si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi et se trouve enrichi (art. 23 al. 1 et 3 LAP).

5. De jurisprudence constante, une prestation reçue en violation de l'obligation de renseigner précitée est une prestation perçue indûment (ATA/193/2006 du 4 avril 2006).

6. L'instruction de la cause a permis d'établir que l'hospice n'avait eu connaissance du dispositif du jugement de divorce des ex-époux P______ prononcé le 30 mars 2000 qu'en septembre 2005, la recourante ne l'ayant pas remis à l'assistant social qui l'avait reçue le 20 février 2004 malgré la demande de celui-ci.

Le dispositif dudit jugement comporte la liste des biens immobiliers que les ex-époux possédaient en mars 2000.

7. L'hospice n'a pas reproché à Mme P______ d'avoir caché la vente de l'appartement de Morgins, celle-ci ayant eu lieu en 2000, soit avant la demande de prestations.

8. En revanche, l'appartement en Espagne a été vendu en janvier 2006 et celui de la rue de Lyon en mars 2006 mais la recourante a tu l'existence même de ces deux biens.

a. La première de ces deux opérations s'est faite au prix de 33'250.- euros.

Toutes les explications de la recourante au sujet de cette opération sont confuses mais il n'est pas nécessaire d'investiguer davantage à ce sujet, car il résulte du contrat de vente, passé devant notaire en octobre 2006, que la venderesse avait reçu de l'acheteuse, avant l'établissement dudit acte, la somme de 33 250.- euros en espèces.

Qu'il s'agisse du remboursement d'un prêt, comme l'allègue Mme P______, ou du paiement du prix de vente, il n'en demeure pas moins que ce bien a été vendu pour ce montant et que la recourante avait caché ces faits à l'hospice.

b. Quant à l'appartement de la rue de Lyon, il a été vendu en mars 2006 et Mme P______ a reçu sa part, soit la moitié du bénéfice de cette opération, à savoir CHF 52'332,05 qu'elle a encaissée en avril 2006.

Elle n'avait de même pas tenu informé l'hospice de ces faits, survenus alors qu'elle recevait des prestations de l'intimé.

Mme P______ a bien contrevenu à son obligation de renseigner, résultant de l'article 7 LAP, et qu'elle s'était engagée à respecter en signant le formulaire précité.

9. En conséquence, l'intimé était fondé à exiger de Mme P______ le remboursement de CHF 60'728,35.

10. Bien que la recourante n'a pas présenté de demande de remise, l'intimé a d'ores et déjà rejeté une éventuelle requête en ce sens, Mme P______ n'ayant pas fait preuve de bonne foi.

Le déroulement des faits relatés ci-dessus démontre qu'en effet la recourante a délibérément caché l'existence même de ces propriétés pour continuer à percevoir des prestations d'assistance.

Selon l'article 24 LAP, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile. Ces deux conditions sont cumulatives. Or, en l’espèce, Mme P______ a fait preuve de mauvaise foi pour les raisons sus-évoquées, ce qui suffit à nier le droit à une éventuelle remise totale ou partielle de son obligation de rembourser.

11. Le recours sera donc rejeté. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 LPA ; et art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - E 5 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 octobre 2006 par Mme P______ contre la décision sur réclamation du Président du conseil d’administration de l'Hospice général du 25 septembre 2006 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme P______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :