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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/533/2017

ATA/1304/2018 du 04.12.2018 sur JTAPI/209/2018 ( LCI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 28.01.2019, rendu le 12.07.2019, IRRECEVABLE, 1C_61/2019
Parties : COMMUNE DE VANDOEUVRES ET AUTRES, GUIGNARD Claude, NUCCI Andrea, SICHEL Maria, MOREL Philippe / KEEL Adriana, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, AGG ARCHITECTURE SA, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/533/2017-LCI ATA/1304/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 décembre 2018

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Claude GUIGNARD
Monsieur Philippe MOREL
Monsieur Andrea NUCCI
Madame Maria SICHEL
COMMUNE DE VANDOEUVRES
représentés par Me Lucien Lazzarotto, avocat

contre

Madame Adriana KEEL

et

AGG ARCHITECTURES SA
représentée par Me Olivier Cramer, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mars 2018 (JTAPI/209/2018)


EN FAIT

1. Mesdames Benita Anna, Francine, Jacqueline KRESS et Monsieur Laurent KRESS, ainsi que Mesdames Dharma, Dima et Ishan SEIDENBERG (ci-après : les propriétaires) sont propriétaires de la parcelle n° 2'200, feuille 42 de la commune de Vandoeuvres (ci-après : la commune), sise 11, chemin du Pré-Moineau, sur laquelle est érigée une villa de 187 m2 au sol. Ladite parcelle, d'une superficie totale de 1'337 m², est située en cinquième zone à bâtir (ci-après : zone villa ou cinquième zone).

2. Le 10 mai 2016, l'entreprise AGG Architecture SA (ci-après : AGG) a déposé, pour le compte des propriétaires, auprès du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu depuis le département du territoire (ci-après : le DT ou le département), une demande d'autorisation de démolir cette villa et une demande d'autorisation de construire définitive devant lui permettre d'édifier, en lieu et place, quatre villas mitoyennes répondant à un standard de haute performance énergétique (ci-après : HPE), avec deux piscines, garage, portail, places de stationnement extérieures et sondes géothermiques, impliquant l'abattage d'arbres.

Ce projet supposait une division du bien-fonds en quatre parcelles, dont deux atteindraient 271 m2 (désignées 2'200B et C, selon le plan produit), l'une 399 m2 (2'200A) et la dernière 397 m2 (2'200A).

La première demande a été enregistrée sous la référence M 7'640-1, la seconde sous DD 109'039-1.

3. Le 14 juin 2016, la commission d’architecture (ci-après : la CA) a demandé que ledit projet soit modifié :

« La commission relève la belle qualité paysagère de cette parcelle qui est malheureusement mal exploitée, puisque le projet prévoit une surface végétale au sol très fortement réduite.

Par conséquent et en l’état, la commission émet un préavis défavorable et demande de prévoir les modifications suivantes :

- réduire la voie carrossable afin d’augmenter la surface végétale au sol ;

- augmenter la surface des jardins jugés sous-dimensionnés par une implantation plus judicieuse ;

- supprimer les places de parking (au minimum quatre) non exigées par les normes.

La demande de dérogation selon l’article 59 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05 ; 44 % HPE) est en suspens ».

4. Le 22 juin 2016, le Conseil administratif de la commune de Vandoeuvres a préavisé défavorablement la demande. Le projet était trop dense alors qu’il se situait dans un secteur où la zone villa était encore formée de parcelles ne comportant qu’une seule habitation. L’architecture proposée ne s’intégrait pas avec les maisons voisines et n’était pas adéquate dans cet environnement.

5. Une deuxième version du projet a été déposée auprès du DT le 4 août 2016.

L’ensemble de la construction projetée était déplacé et les piscines supprimées « afin d'augmenter la surface des espaces verts ». La voie carrossable serait réalisée en « grille gazon avec une largeur de 5 m sur toute sa longueur ». Le nombre de places de parking extérieures était réduit à quatre, soit une par villa, ce qui permettrait « plus de nouvelles plantations au-devant des villas ».

6. Une troisième version du projet, prévoyant notamment la réduction des surfaces des garages, a été déposée le 28 octobre 2016.

7. Il ressort notamment du dossier les préavis suivants :

a. le 24 août 2016, la direction des autorisations de construire (DAC) a émis un préavis favorable, observant que les critères de dérogation prévus par l'art. 59 LCI, (avec un rapport de surface HPE de 43,9 % et de 21,6 % pour les sous-sols) étaient réunis ;

b. le 29 août 2016, la direction générale de l'agriculture et de la nature (DGAN) a préavisé favorablement celui-ci sous conditions ;

c. le 6 septembre 2016, la CA a préavisé favorablement le projet, sans observation, se disant « favorable à la dérogation selon article 59 LCI (43,9 % HPE) » ;

d. le 21 septembre 2016, la commune de Vandoeuvres (ci-après : la commune) a délivré un préavis défavorable :

« L’Exécutif confirme son préavis défavorable du 22 juin 2016, concernant la première version du projet : celui-ci n’a pas été pris en compte dans la nouvelle variante, tant en ce qui concerne le respect de l’environnement bâti que l’utilisation excessive du sous-sol.

L’Exécutif s’oppose à la forte densification de la parcelle, disproportionnée, dans un secteur où la zone villa est encore formée de parcelles ne comportant qu’une seule habitation.

Cet ensemble de 4 villas contiguës et garages constituerait une masse incongrue au milieu d’un ensemble harmonieux et bien arborisé.

Les patios n’ont pas leur raison d’être et ne se justifient pas dans le contexte architectural. Ils pourraient servir à transformer les salles de jeux et fitness en pièces à vivre.

La densification, telle que prévue, dépasse les limites acceptables à cet emplacement. Les conditions de l’article 59, alinéa 4 lettre a) de la LCI ne sont pas remplies, dans la mesure où, à la densification extrême de la parcelle, vient s’ajouter un traitement architectural fortement accusé notamment par une mise en valeur exagérée des murs de refend de la structure, qui n’est pas du tout en harmonie avec l’environnement bâti existant ».

e. Sept autres préavis favorables, presque tous sous conditions, ont été émis.

8. Par décision du 16 janvier 2017, le DT a délivré « l’autorisation globale sollicitée » sur la base du projet n° 3. Les conditions des préavis devaient être respectées.

L’autorisation de démolir était accordée.

9. a. La commune a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions, dont elle a requis l'annulation.

b. Plusieurs voisins ont aussi recouru :

- Monsieur Claude GUIGNARD, propriétaire de la parcelle n° 2'185, directement voisine de la parcelle litigieuse, a recouru contre l'autorisation de construire DD 109'039-1, dont il a requis l'annulation, ce qui, selon lui, aurait pour conséquence que l’autorisation de démolir M 7'640 deviendrait « sans objet dans la mesure où celle-ci n’a lieu que pour permettre la nouvelle construction » ;

- Madame Adriana KEEL, domiciliée à Collonge-Bellerive, se disant « propriétaire concernée de la villa sur la parcelle voisine, au 24, chemin de la Troupe » ;

- Madame Maria SICHEL et Monsieur Andrea NUCCI, propriétaires de la parcelle n° 2'341, à l'adresse 26, chemin de la Troupe, directement voisine de la parcelle litigieuse ;

- Monsieur Philippe MOREL, copropriétaire de la parcelle n° 2'190, à l'adresse 22, chemin de la Troupe.

10. Toutes les parties ont pu répondre aux différents recours, le DT concluant à leur rejet, à l’instar d’AGG.

Certaines parties ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

11. Le TAPI a procédé à l'audition, en qualité de témoin, de Monsieur Marcel T'HART, membre de la CA et président de celle-ci en 2016.

Ses déclarations seront reprises en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

12. Le TAPI a effectué un transport sur place le 23 novembre 2017, en présence des parties.

Trente-sept photographies ont été prises du site et de son environnement.

13. Les parties ont produit des observations après le transport sur place.

14. Par jugement du 7 mars 2018, le TAPI a joint les cinq causes, déclaré irrecevable le recours formé par Madame Adriana KEEL et rejeté les recours pour le surplus.

15. Par acte du 23 avril 2018, la commune et quatre voisins (Mme SICHEL, MM. NUCCI, GUIGNARD et MOREL) ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Ils ont conclu à l’annulation du jugement, subsidiairement au renvoi de la cause devant le TAPI.

Ils émettaient quatre griefs, à savoir : leur droit d’être entendus avait été violé, s’agissant notamment des exigences de motivation du jugement contesté ; le TAPI avait, à tort, considéré que le DT n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en octroyant la dérogation prévue par l’art. 59 al. 4 LCI ; le TAPI avait abouti à une appréciation erronée de l’intégration du projet à son environnement en se fondant sur un raisonnement lui-même vicié ; enfin, le TAPI avait procédé à un calcul erroné des surfaces dévolues aux constructions de peu d’importance (ci-après : CDPI).

16. AGG a conclu au rejet du recours à l’instar du département.

17. Dans leur réplique, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

18. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur l’autorisation de construire délivrée par le département avec la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, dans le cadre d’une parcelle qui n’est pas identifiée par le schéma directeur cantonal du plan directeur cantonal 2030
(ci-après : PDCn 2030) pour une densification de la zone villa par modification de zone.

3. a. Dans un premier grief, la commune reproche au TAPI d’avoir violé son droit d’être entendue s’agissant de la motivation du jugement querellé. Deux des « points » qu’elle avait soulevés n’auraient pas été examinés dans le jugement, soit la distance géographique des exemples pris en compte pour valider le projet et l’approche biaisée de la CA qui aurait ouvertement fait sien l’objectif de densification de la zone villa.

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 129 I 232 consid. 3.2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 ; 137 II 266 consid. 3.2). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1).

c. En l’espèce, le jugement querellé, de quarante-deux pages, détaille tous les actes de procédure, y compris les nombreuses écritures des parties et leurs argumentations. Les deux points soulevés par les recourants ont été mentionnés dans la partie en fait.

La partie en droit du jugement mentionne qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les diverses critiques formulées par les parties quant au fonctionnement de la CA et à la façon dont celle-ci traitait ses dossiers et élaborait ses préavis. Cette conclusion fait suite à deux longs considérants où le TAPI détaille les motifs pour lesquels le préavis de la CA peut être considéré comme pertinent. Pour le surplus, le TAPI a minutieusement instruit la cause en auditionnant le président de la CA et en organisant un transport sur place, chacun de ces actes étant suivi d’une possibilité pour les parties de se déterminer.

Le TAPI a respecté son obligation de motiver le jugement.

Par ailleurs, la conclusion du TAPI ne diverge pas de ce qui est mentionné au procès-verbal de la commission urbanisme et mobilité de l’association des communes genevoises, produit par les recourants, dans le cadre de laquelle le président rappelle en introduction de la discussion que « le préavis communal n’a aujourd’hui quasiment aucune valeur, particulièrement face au préavis de la CA ».

d. Les recourants se prévalent de la jurisprudence UCHE contre SUISSE de la Cour européenne des droits de l’homme du 17 avril 2018 (n° 12211/09, par. 37) pour exiger une motivation sur les deux points susmentionnés.

Ledit arrêt concernait un requérant d’asile condamné pour trafic de drogue qui se plaignait de violation de son droit à un jugement motivé. La CourEDH a retenu que, faute de réponse explicite, il était impossible de savoir si le Tribunal fédéral avait simplement négligé le moyen tiré du principe accusatoire ou bien s'il avait voulu le rejeter et, dans cette dernière hypothèse, pour quelles raisons. L’art. 6 § 1 CEDH avait en conséquence été violé.

Le cas précité diffère largement du présent litige, tant dans la matière abordée, la problématique traitée que dans l’ampleur du défaut de motivation et ses conséquences. Les recourants ne peuvent tirer argument, dans le cas d’espèce, de la jurisprudence précitée. De surcroît et comme précédemment mentionné, le TAPI n’était pas tenu de se déterminer sur tous les griefs invoqués dès lors qu’il était parvenu, dans un raisonnement détaillé, à la conclusion que le préavis de la CA était conforme aux exigences légales.

Le grief de violation du droit d’être entendu, s’agissant des exigences de motivation du jugement sur les deux points susmentionnés n’est pas fondé, les recourants, conformément à ce qu’exige la jurisprudence, ayant pu se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et recourir contre elle en connaissance de cause.

e. Enfin, les deux arguments litigieux ne sont pas pertinents. En effet, la distance géographique des exemples pris en compte pour valider le projet n’a pas à être calquée sur celle de la qualité pour recourir des voisins, comme le soutiennent les recourants, au seul motif que toutes deux découlent de la LCI. La première notion fait référence au quartier (art. 59 al. 4 LCI). La seconde impose d’être lésé dans ses intérêts de façon directe et spéciale (art. 62 LPA). La distance entre le bien du voisin et une construction querellée n’est qu’un des éléments d’analyse de la qualité pour recourir. La proximité ne garantit en effet pas de se voir octroyer cette qualité (arrêts du Tribunal fédéral 1C_839/2013 du 20 mars 2014 consid. 5.1 où la qualité pour recourir est refusée bien que la construction litigieuse soit distante de 30 m, au motif qu’elle n’était pas visible depuis la parcelle du voisin recourant, paru in SJ 2014 I p. 381, ou 1C_565/2012 du 23 janvier 2013 où l’impact visuel pour le voisin a été nié) alors que la qualité pour recourir peut être octroyée à un voisin situé à 180 m du projet contesté (arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.2).

Le second point, à savoir que la CA aurait « fait sien l’objectif de densification » ne résiste pas à l’examen, conformément à ce qui suit.

4. Dans un second grief, les recourants reprochent au département d’avoir mésusé de son pouvoir d’appréciation en octroyant la dérogation de l’art. 59
al. 4 LCI. Selon eux, la construction ne serait pas compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier. L’autorité devait analyser l’intégration du projet dans son environnement à trois niveaux distincts : 1) de la parcelle (ratio bâti – espace vert ; habitabilité, occupation du sol) ; 2) au niveau du groupe de parcelles (parcelles adjacentes ou très proches) ; 3) au niveau du territoire communal dans son ensemble (spécificités propres à chaque commune). Cette manière de procéder découlait, à l’origine, selon eux, d’un protocole établi par la CA. Il ressortait de la modification du projet, requise en son temps par la CA, qu’elle n’avait pas analysé les niveaux 2 et 3.

5. a. Selon l’art. 22 al. 2 let. a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), une autorisation de construire est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone.

La 5ème zone est une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19
al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

Selon l’art. 58 LCI, les constructions en 5ème zone sont édifiées en ordre contigu ou non contigu (al. 1). Est réputée en ordre contigu, l’édification de deux maisons au moins, réunies par un mur mitoyen ou par une construction de peu d’importance et disposant chacune de son propre accès de plain-pied (al. 2).

En cinquième zone, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 1 LCI).

Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, 48 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (ci-après : THPE), reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. a LCI, dans sa teneur en vigueur depuis le 26 janvier 2013).

b. La compatibilité du projet avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier exigée par l’art. 59 al. 4 LCI est une clause d’esthétique, analogue à celle contenue à l’art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/875/2018 du 28 août 2018 ; ATA/123/2018 du 6 février 2018 et la jurisprudence citée).

6. a. Avant d’autoriser un projet de construction en cinquième zone, dont la densité correspond à celle prévue par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, le département doit ainsi recueillir les appréciations de la CA, respectivement celles de la commune du lieu de situation exprimées sous forme de préavis rendu par l’exécutif municipal (art. 59 al. 4 let. a LCI ; art. 48 let. h et 30 al. 1 let. s a contrario de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05).

b. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 ; ATA/1382/2017 du 10 octobre 2017 et les références citées). Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/875/2018 précité ; ATA/636/2018 du 19 juin 2018). Dans le système prévu par l’art. 59 al. 4
let. a LCI, tant le préavis de la commune que celui de la CA ont cette caractéristique (ATA/875/2018 précité).

Il résulte de cette double consultation que le législateur n’a pas attribué de pouvoir de décision aux communes concernant l’octroi d’autorisation de construire un projet présentant l’un des indices d’utilisation du sol (ci-après : IUS) dérogatoires prévus par l’art. 59 al. 4 let. a LCI.

Conformément à l’art. 3 al. 3 LCI, que la délivrance de telles autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015).

c. À rigueur de loi, la CA motive « en principe » son préavis (art. 4 al. 2 de la loi sur les commissions d’urbanisme et d’architecture du 24 février 1961 - LCUA - L 1 55).

d. Lorsque la loi autorise l'autorité administrative à déroger à l'une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette autorité un pouvoir d'appréciation qui n’est limité que par l’excès ou l’abus, la chambre de céans n’ayant pas compétence pour apprécier l’opportunité des décisions prises (art. 61 al. 2 LPA).

Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci (ATA/875/2018 précité ; ATA/636/2018 du 19 juin 2018). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1158/2018 du 30 octobre 2018 ; ATA/1049/2018 du 9 octobre 2018). De même, s’agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d’examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/875/2018 précité).

7. a. En l’espèce, le premier préavis de la CA était motivé. Le second ne l’était pas. La CA ne peut toutefois se voir reprocher ce défaut de motivation, quand bien même une telle motivation devrait « en principe » être indiquée, ce qui apparaîtrait plus conforme à la loi et souhaitable du point de vue des justiciables.

b. Le président de la CA, entendu en qualité de témoin assermenté, a expliqué que pour formuler son préavis, la commission se référait aux plans figurant au dossier, aux photographies produites par le requérant et aux images satellites disponibles sur Internet. La CA examinait les projets portant sur la zone villa à la lumière d'un protocole élaboré en 2014 par un groupe interne de quatre architectes, de façon à avoir une certaine cohérence dans ses préavis. Dans les grandes lignes, ce protocole, qui avait été remplacé en juin 2017 par le « guide pour une densification de qualité de la zone 5 sans modification de zone »
(ci-après : le guide), contenait les mêmes éléments que les schémas figurant en pages 23 et 25 de ce dernier. S'agissant des dossiers dans lesquels la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 LCI était sollicitée, la CA faisait porter son examen sur les surfaces végétales prévues par le projet, sur les espaces de parking envisagés, sur l'implantation de la construction au sein de la parcelle et sur le périmètre élargi. La CA n'avait pas élaboré une « guideline » s'agissant des conditions posées par l'art. 59 al. 4 LCI pour l'octroi d'une dérogation. Son analyse était purement architecturale. Le périmètre pris en compte dépendait des circonstances du cas d'espèce. Il n'y avait pas une définition générale de cette notion, appréciée au cas par cas. De manière générale, la densité de la végétation préconisée par la commission était plus ou moins de l'ordre de 40 % dans la zone villa. Dans le cas d’espèce, comme cela ressortait du premier préavis du 14 juin 2016, le projet posait des problèmes au niveau des deux premiers éléments précités. Lors de l'analyse, aucun avis négatif n'avait été émis au sein de la commission s'agissant de l'implantation des villas projetées, de leurs caractéristiques architecturales et de leur insertion dans l'environnement. Comme c'était presque toujours le cas, des photos satellites de l'environnement avaient été visionnées en plénière. Les membres de la commission ne s'étaient pas rendus sur le site. Ils avaient apprécié l'aménagement et l'harmonie du projet au moyen des outils web à leur disposition (GoogleMap et GoogleStreet) et de leurs connaissances personnelles. Au nombre de dix et exerçant la profession d'architecte, ils connaissaient bien le canton. Il était apparu à la commission que des habitations du même type étaient présentes dans les environs. La CA avait pris en compte deux réalisations de villas jumelées dans le périmètre en cause, à l'est, en se référant à cet égard au plan cadastral 1:2500. En l'occurrence, la CA avait estimé que le projet ne dénaturait pas le site. C’était le périmètre bâti aux alentours, délimité par les axes routiers, qui avait été pris en compte. Le second projet qui avait été présenté correspondait aux recommandations émanant du guide et à la densité de la végétation préconisée par la commission. Les alentours de la parcelle en cause étaient fortement végétalisés.

Il ressort desdites explications du président de la CA que, certes, « le projet répondait à l'objectif de densification de la zone. » Il ne peut toutefois être déduit de cette seule affirmation que la CA aurait une approche biaisée, qu’elle a fait siens les objectifs de densification du département ou qu’elle outrepasse ses compétences.

Le témoin s’est dûment référé aux quatre thèmes d’analyse proposés dans le guide, soit le bâti, l’espace public/partagé, l’espace vert et le stationnement/mobilité. Il a indiqué que seuls les deux derniers étaient problématiques. De l’avis de la CA, le premier point, principal objet du litige, soit les dimensions du bâti dans l’environnement, avait été unanimement admis.

Le témoin a, de même, expliqué que l’analyse de la CA s’était faite aux trois niveaux préconisés par le guide, à savoir le territoire communal, le groupe de parcelles et la parcelle. Le seul fait que la modification du projet requise par la CA n’évoque pas les niveaux 2 et 3 d’analyse ne prouve pas que celle-ci n’ait pas été effectuée préalablement.

Par son audition, le président de la CA a fait la démonstration que, contrairement à ce que soutiennent les recourants, le préavis était fondé sur une analyse concrète du cas d’espèce qui a respecté les divers critères posés dans le guide.

Le témoignage détaillé fait par le président de la CA emporte conviction sur le soin mis par la commission au traitement du dossier, quand bien même le résultat diffère de l’approche, elle aussi approfondie, de la commune.

Les détails relatifs au fonctionnement de la CA ne sont pas pertinents, les recourants n’en déduisant d’ailleurs pas de griefs particuliers.

c. Les recourants contestent le périmètre choisi pour l’analyse du « groupe de parcelles ».

Le témoin a précisé que le périmètre concerné ne faisait l’objet d’aucune définition et devait être évalué de cas en cas. En l’espèce, le périmètre bâti aux alentours, délimité par les axes routiers, avait été retenu. Les recourants n’opposent à cet argument que leur propre évaluation d’un autre périmètre, ce qui n’est pas admissible. Pour le surplus, ils se réfèrent à la notion de « voisinage » au « sens de la LCI », argument analysé dans le considérant 3e précédent et qui ne résiste pas à l’examen.

d. Il ressort pour le surplus du dossier que le projet aura une hauteur de 7 m. Il sera moins élevé que le bâtiment actuel de 7,7 m de hauteur. Il sera conforme à la hauteur des villas avoisinantes, notamment celles des recourants lesquels ont des habitations de, respectivement 8,4 m avec trois niveaux hors sol (parcelle n° 2'185), 7,42 m et deux niveaux hors sol (parcelle n° 2'342), 7,31 m et trois niveaux hors sol (parcelle n° 2'341). Le projet sera légèrement plus élevé que sa voisine au sud (parcelle n° 2'185) dont le bâtiment s’élève à 6,63 m pour deux niveaux au sol.

De surcroît, le bâtiment prévu sera plus étroit que l’actuel sur le côté qui donnera sur le chemin Pré-Moineau, la façade est se limitant à 15,4 m.

Toutefois, le sentiment de « barre » en lien avec la longueur de 34 m du bâtiment pourrait effectivement être ressenti par les voisins. Il existe cependant dans le périmètre du quartier retenu pour l’analyse d’autres groupes de villas d’une longueur de, respectivement, 39,57 m, et 60 et 88 m pour les deux groupes de cinq villas jumelles.

Enfin, le style de villas, plus contemporain, avec un toit plat et des murs de refend de la structure, diffère des habitations proches. Toutefois, il ressort du registre foncier que, à moins de 100 m à l’est se trouvent trois villas contiguës (61 à 61B chemin de la Seymaz), à moins de 120 m trois villas jumelées (10 à 10B ch. du Pré-Moineau), ainsi que deux fois deux villas mitoyennes (nos 1 – 3 et
2 – 4) du même chemin. Deux fois cinq villas jumelées sont situées à environ
150 m. Il sera relevé à ce titre que la pièce produite par les recourants, sensée démontrer des rayons dans lesquels aucune villa jumelée se trouverait sise, est erronée. Aucun des trois cercles tracé ne respecte les proportions, un rayon, de respectivement 6,8, 7 et 8 cm impliquant des diamètres de cercle de respectivement de 13,6, 14 ou 16 cm ce que la pièce produite ne respecte pas.

e. Dans son préavis du 2 août 2016, la CA a déclaré être favorable au projet et à la dérogation fondée sur l’art. 59 LCI. Elle n’a pas motivé sa position, mais a indiqué n’avoir pas d’observations à formuler. Confronté à deux préavis obligatoires contradictoires, le département a choisi de suivre celui de la CA.

Comme l’a déjà tranché la chambre administrative, le département aurait-il choisi d’ignorer systématiquement les préavis communaux défavorables, recueillis en application de l’art. 59 al. 4 let. a LCI, qu’une telle pratique ne serait pas inconstitutionnelle, mais pourrait tout au plus aboutir à des décisions illégales, que la chambre de céans ne manquerait alors pas de sanctionner à chaque fois qu’elle en serait saisie (ATA/699/2015 du 30 juin 2015).

Il n’apparaît pas qu’en statuant dans ce sens, cette autorité ait excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation. Le projet querellé ne présente certes pas les mêmes caractéristiques architecturales que les villas individuelles situées aux alentours immédiats. Il consiste dans un autre type d’habitat, dit en ordre contigu, dont l’implantation modifiera, à terme, la configuration de la zone villa telle qu’elle s’est développée jusqu’ici. Le législateur a eu conscience de cette évolution et a souhaité encourager la réalisation de ces nouvelles formes d’habitat (groupé ou en ordre contigu), lorsqu’il a augmenté les IUS dérogatoires susceptibles d’être appliqués dans cette zone (cf. l’intervention de Monsieur Christophe AUMEUNIER, rapporteur de majorité, lors du premier débat consacré au PL 10'891, MGC [en ligne], Séance 9 du 30 novembre 2012 à 20h30, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/570402/9/5/). Il a considéré cette évolution comme une réponse utile et nécessaire par rapport aux problèmes de l’exiguïté du territoire et de la pénurie de logements et manifesté sa volonté d’appliquer l’art. 59 al. 4 let. a LCI partout où les dérogations prescrites pouvaient avoir lieu.

Les raisons qui motivent l’opposition de la commune, à savoir principalement le fait que le projet est trop dense eu égard au site de valeur dans lequel il prend place et qu’il est ainsi incompatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, entre dans le cadre de cette appréciation, à laquelle ni celle de la commune, ni celle du juge, ne peut se substituer. Seules des caractéristiques heurtant manifestement le caractère du quartier, son harmonie et cet aménagement (dimensionnement, esthétique, etc), pourraient justifier l’annulation d’une autorisation pour non-respect de ces conditions. De telles caractéristiques, repérables dans le cadre d’une analyse détaillée des plans, ne sont pas présentes en l’espèce.

Pour le surplus, tous les préavis étaient favorables, éventuellement sous conditions, notamment ceux de la direction de la planification directrice cantonale et régionale, de la direction des autorisations de construire et de la direction générale de l’environnement, ces deux dernières ayant exigé préalablement des modifications au projet en vue notamment de mieux préserver la végétation. À ce titre, rien n’imposait à la CA de s’éloigner du critère habituellement appliqué de 40 % de surface végétale en pleine terre, respecté en l’espèce. Les recourants ne soutiennent d’ailleurs pas le contraire.

Il découle de ce qui précède que le département n’a pas excédé ou abusé du pouvoir d’appréciation à lui conféré par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, en délivrant la dérogation querellée.

f. Par surabondance de moyens, il sera relevé que le PDCn 2030 exige que les communes établissent dans leur PDCom une stratégie concernant l’évolution de leur zone villa. Dans ce cadre, la commune a fait procéder à une étude par la société Urbaplan. Le rapport final, du 23 avril 2018 est consultable sur https://www.ge.ch/document/strategie-evolution-zone-5-vandoeuvres. Il en ressort que la parcelle concernée s’inscrit précisément dans un des quatre secteurs de la commune destiné à être densifié. Selon cette étude, le secteur de la Seymaz, pertinent en l’espèce, regroupe 65% des bâtiments d’habitation de la zone 5, ce qui démontre que la densité des constructions est bien plus importante dans ce secteur que dans tout le reste de la zone villa de la commune.

Ce grief sera donc rejeté.

8. a. Dans un troisième grief, les recourants reprochent au TAPI une mauvaise « appréciation » des faits, entraînant une mauvais application de l’art. 59
al. 4 LCI. Le TAPI aurait apprécié de façon erronée la condition de l’intégration.

b. Aucune disposition légale ou réglementaire n’indique comment évaluer les questions d’intégration d’un bâtiment dans le quartier notamment.

L’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 20
al. 1 LPA). Elle recourt s’il y a lieu notamment à l’examen par l’autorité (art. 20 al. 2 let. d LPA).

Afin de constater un fait par elle-même, l’autorité peut notamment ordonner le transport sur place (art. 37 let. c LPA).

c. Dans ses considérants, le TAPI a évoqué les constats faits par la juridiction administrative lors du transport sur place. Il a retenu que plusieurs bâtiments entrant dans les deux catégories de constructions envisagées par l’art. 59 al. 4 let. a LCI avaient déjà trouvé leur place dans le quartier. Il a relativisé l’impact « vu du ciel » au vu de la représentation des lieux, « en particulier de la présence massive de haies d’une hauteur nettement supérieure à la moyenne » lesquelles masquent bien souvent les villas et leurs jardins respectifs » et donne un sentiment de cloisonnement. Le TAPI a retenu que la zone comportait des parcelles abritant en l’état une seule villa et une végétation importante.

d. Les constats faits par le TAPI peuvent être pris en compte pour l’examen du bien-fondé de l’application faite par le DT de la dérogation de l’art. 59 al. 4
let. a LCI en application des art. 20 al. 2 let. d et 37 let. c LPA. Le TAPI n’a pas écarté sans raison l’approche aérienne. Il l’a complétée d’autres constats pour procéder à une appréciation complète de la situation. Ainsi, aux informations versées à la procédure, que ce soit des plans ou des photos notamment, peuvent encore être ajoutés les renseignements obtenus par des outils, accessibles tout public, tel le système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG) ou « GoogleMap ».

Le grief est infondé.

9. Dans un dernier grief, les recourants contestent le calcul des CDPI. Selon eux, le TAPI aurait omis de tenir compte des terrasses et des balcons, se limitant à considérer que les surfaces dévolues aux garages respectaient la LCI.

a. Sont réputées CDPI, à la condition qu’elles ne servent ni à l’habitation, ni à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n’excède pas 50 m2 et qui s’inscrivent dans un gabarit limité par une ligne verticale dont la hauteur n’excède pas 2,5 m, une ligne oblique faisant avec l’horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30°, une ligne horizontale de faîtage située à 4,5 m du sol au maximum. Dans le cadre d’un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé, et afin d’améliorer l’insertion dans le site et pour autant qu’il n’en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la CA, des constructions de peu d’importance groupées d’une surface de plus de 50 m2 au total. Dans tous les cas, la surface totale des constructions de peu d’importance ne doit pas excéder 8 % de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2 (art. 3 al. 3 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

b. Les CDPI ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces (art. 59 al. 7 LCI).

c. Il ressort des travaux préparatoires que l’habitabilité constitue l’élément décisif pour juger qu’une construction est de peu d’importance au sens de l’art. 3 al. 3 RCI (MGC 1983 p. 437 ss).

d. Dans le cadre de l’application de l’art. 3 al. 3 RCI, la chambre de céans a déjà été amenée à préciser que les surfaces déterminantes étaient celles de l’emprise au sol d’une construction (ATA/1000/2018 du 25 septembre 2018 ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 ; ATA/1345/2015 du 15 décembre 2015 confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_55/2016 du 3 mars 2016).

e. La LCI distingue, concernant le rapport des surfaces en zone villa, les CDPI – lesquelles ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces (art. 59 al. 7 LCI) – des serres, jardins d’hiver ou constructions analogues en matériaux légers et de dimensions modestes que le département peut renoncer à prendre en compte dans le calcul du rapport des surfaces, lorsque les circonstances le justifie et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier (art. 59 al. 3 let. d LCI).

f. Les CDPI ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces dont la limite est fixée, en fonction des caractéristiques du projet, par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, comme vu ci-dessus. Ce que précise encore le RCI : la surface des constructions, selon l’art. 59 LCI, comprend les constructions annexes faisant corps avec le bâtiment principal, à l’exclusion de celles qui seraient admises comme CDPI (art. 29 RCI).

g. En l’espèce, les surfaces des balcons/terrasses du premier étage qui sont superposés à ceux du rez-de-chaussée, n’ont pas à être prises en compte dans la surface totale des CDPI puisque leur emprise au sol recouvre celle des terrasses du rez-de-chaussée (ATA/1064/2018 du 9 octobre 2018 et les références citées).

S’agissant des surfaces de terrasses au rez-de-chaussée, elles n’ont, en l’état, pas été considérées comme CDPI. Conformément à la directive LCI relative aux CDPI élaborée par le département (directive CDPI n° 024-v5 du 3 février 2014, ci-après : la directive), la situation peut être assimilée à celle de la page 4, dernier dessin en bas à droite, à savoir que la surface sous le surplomb de l’étage, en l’occurrence avec des murs latéraux au rez-de-chaussée, doit être intégralement comptée comme CDPI. À teneur de la directive, ce cas de figure n’implique pas la déduction du 1,5 m de l’analogie avec l’art. 25 RCI pour les avant-toits (directive p. 3). En conséquence, les terrasses du rez-de-chaussée, de respectivement deux fois 16,93 m2 et deux fois 18,49 m2 pour un total de 70,84 m2, n’ont pas été comptabilisées comme CDPI. Ajoutées aux garages, selon le calcul de surface du 2 août 2016, le total s’élève à 169,12 m2 pour les CDPI en lieu et place des 106,96 m2 maximum autorisés, représentant le 8% de la surface de la parcelle.

La directive précise que la limite des 100 m2 de CDPI n’est pas prise en compte lorsque la parcelle sera à terme divisée, ce qui est le cas en l’espèce. La directive indique cependant que le respect du 8% sur l’ensemble de la parcelle reste impératif. Or, au vu de ce qui précède, les 169,12 m2 représentent 12,64%.

En conséquence, l’autorisation de construire délivrée n’est pas conforme au droit et sera annulée.

10. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera accordée aux recourants, pris conjointement et solidairement, ceux-ci obtenant gain de cause.

L’indemnité sera mise à la charge, pour moitié, de l’État de Genève et pour l’autre moitié d’AGG architecture SA (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 avril 2018 par Monsieur Laurent GUIGNARD, Monsieur Philippe MOREL, Monsieur Andrea NUCCI, Madame Maria SICHEL et la commune de Vandoeuvres contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mars 2018 ;

au fond :

l’admet ;

annule l’autorisation de construire DD 109'039-1.

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame Maria SICHEL, Monsieur Laurent GUIGNARD, Monsieur Philippe MOREL, Monsieur Andrea NUCCI et la commune de Vandoeuvres pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève pour CHF 500.- et d’AGG Architecture SA pour CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lucien Lazzarotto, avocat des recourants, à Madame Adriana KEEL, à Me Olivier Cramer, avocat d’AGG Architectures SA, au département du territoire-oac ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :