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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/379/2017

ATA/1275/2017 du 12.09.2017 sur DITAI/196/2017 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; PLAN D'AFFECTATION SPÉCIAL ; EFFET SUSPENSIF ; RESTITUTION DE L'EFFET SUSPENSIF
Normes : LCI.146; LCI.146.al2; LPA.57.lec; LPA.66.al1
Parties : PLAN Olivier / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, LÜTHI Roger-Charles
Résumé : Confirmation de la restitution de l'effet suspensif d'un recours dirigé contre une autorisation de construire un immeuble de logements délivrée sur la base d'un plan localisé de quartier en force. L'une des modifications apportées au PLQ par l'autorisation querellée ne constituant pas une modification mineure du PLQ, c'est à juste titre que le TAPI a admis la requête de restitution de l'effet suspensif au recours. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/379/2017-LCI ATA/1275/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 septembre 2017

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Olivier PLAN
représenté par Me Miguel Oural, avocat

contre

Monsieur Roger-Charles LÜTHI

représenté par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre la décision sur requête de restitution de l'effet suspensif du Tribunal administratif de première instance du 13 avril 2017 (DITAI/196/2017).


EN FAIT

1) Le 3 mars 2010, le Conseil d'État a adopté le plan localisé de quartier n° 29'662 (ci-après : le PLQ), prévoyant la construction de quatre immeubles de logements et d'activités commerciales et administratives sur plusieurs parcelles de la commune de Meyrin.

L'un des quatre immeubles, le bâtiment C, de quatre étages sur rez-de-chaussée, doit être édifié sur les parcelles contiguës n° 10'450 et 13'030, propriétés de Monsieur Olivier PLAN pour la première et de Monsieur Roger LÜTHI pour la seconde.

Le PLQ contient un tableau de répartition des droits à bâtir entre les différentes parcelles sur lesquelles il s'étend. La parcelle n° 10'450, d'une surface de 1'320 m2, se voit ainsi attribuer une surface brute de plancher (ci-après : SBP) de 1'720 m2, tandis que la parcelle n° 13'030, d'une surface de 1'944 m2, se voit attribuer une SBP de 2'533 m2. Le PLQ prévoit en outre un passage piétonnier au rez-de-chaussée de la partie du bâtiment C à édifier sur la parcelle n° 10'450, ce passage prolongeant vers l'intérieur du périmètre un cheminement destiné à traverser l'espace situé entre les quatre immeubles. Sur la partie du bâtiment C à édifier sur la parcelle n° 13'030, le PLQ prévoit l'entrée et la sortie d'un garage souterrain. L'ouest de la parcelle n° 10'450 est grevée d'une servitude de non-bâtir en faveur de la parcelle n° 13'030.

Les parcelles concernées par le PLQ sont en zone de développement 3 sur une cinquième zone initiale.

2) À la requête de M. PLAN, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE ou le département) lui a délivré le 20 décembre 2016 une autorisation DD 107'853-2 en vue de la construction sur la parcelle n° 10'450 d'un immeuble de logements avec parking souterrain. Selon la sixième condition de cette autorisation, l'ouverture du chantier était conditionnée à l'obtention d'un préavis favorable pour la construction du bâtiment H du PLQ n° 29'663 (adjacent au PLQ n° 29'662), dont le dépôt de la requête en autorisation de construire était annoncé pour le mois de décembre 2016.

À la même date, le DALE lui a également délivré une autorisation M 7'411-2 en vue de la démolition de la maison et du garage occupant actuellement cette parcelle.

3) Après avoir demandé des compléments ou modifications de la requête initiale, l'ensemble des entités et services concernés ont préavisé favorablement le projet d'autorisation de construire susmentionné, avec ou sans conditions.

4) Parmi ces préavis figurent notamment :

-                 le préavis favorable avec dérogations et sous conditions délivré le 2 juillet 2015 par la direction générale des transports (ci-après : DGT), rappelant notamment que la rampe de parking provisoire prévue devrait être démolie dès lors que celle prévue par le PLQ serait construite ;

-                 le préavis favorable de la commission d'architecture (ci-après : CA) du 8 décembre 2015 ;

-                 le préavis favorable sous conditions de la commune de Meyrin du 2 août 2016 ;

-                 le préavis favorable avec dérogations et conditions délivré le 8 août 2016 par la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : PDCR), qui relève la possibilité de créer 10 % de surface supplémentaire de plancher par rapport au PLQ, passant ainsi de 1'720 m2 à 1'891 m2 et utilisant ainsi la totalité des droits à bâtir de la parcelle n° 10'450 ;

-                 le préavis favorable avec dérogations et sous conditions délivré le 10 novembre 2016 par l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), qui admet des dérogations prévues selon les art. 4A al. 1 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et 12B al. 1 let. b du règlement d'application de la loi générale sur les zones de développement du 20 décembre 1978 (RGZD - L 1 35.01), moyennant compensation de 567 m2 de SBP de catégorie de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), non réalisés sur le projet, à réaliser dans le futur bâtiment H du PLQ 29'663. À cet égard, il est posé pour condition de l'ouverture du chantier qu'un préavis favorable soit délivré pour la construction du bâtiment H de ce dernier PLQ.

5) Par acte du 1er février 2017 complété le 9 mars 2017, M. LÜTHI a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre les décisions DD 107'853-2 et M 7411-2, concluant principalement à leur annulation sous suite de « frais et dépens », et préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours.

6) Les 13 et 24 février 2017, le DALE et le requérant se sont déterminés sur la requête de restitution d'effet suspensif, concluant tous deux à son rejet.

7) Par courrier du 16 mars 2017, le TAPI a invité les parties à clarifier certaines questions relatives à la répartition de la SBP entre les parcelles n° 13'030 et 10'450.

8) Les parties se sont déterminées le 31 mars 2017.

a. M. LÜTHI a notamment relevé que ce n'était que par l'élaboration d'un plan global pour le bâtiment C que pouvaient être intégrés les droits à bâtir de chaque propriétaire. Au lieu de cela, M. PLAN avait fait dessiner une partie d'immeuble n'intégrant que ses droits à bâtir et faisant fi du reste. Sur la seule parcelle n° 13'030, M. LÜTHI était dans l'impossibilité de réaliser l'entier de sa SBP. Un remaniement parcellaire devait être prévu à cette fin, étant précisé qu'une partie de la SBP lui revenant selon le PLQ serait dans tous les cas perdue. Par ailleurs, la surface pour le passage piéton qui aurait dû être perdue sur la partie du bâtiment C réalisée par M. PLAN était simplement reportée sur la partie du bâtiment C à réaliser avec les droits à bâtir de M. LÜTHI.

b. M. PLAN a précisé que bien que, selon le PLQ, la SBP afférant à la parcelle n° 13'030 fût plus importante que celle afférant à la parcelle n° 10'450, le bâtiment C était réparti dans une plus grande proportion sur cette dernière parcelle. Cette différence n'empêchait toutefois pas M. LÜTHI de réaliser l'entier de sa SBP. M. PLAN projetait en effet de procéder à une division parcellaire de sa parcelle, à la limite exacte de la fin de l'immeuble autorisé. Le projet de M. LÜTHI pourrait ainsi s'étendre sur cette nouvelle parcelle, ce qui permettrait à ce dernier de réaliser l'entier de sa SBP. Dans un rapport du 27 mars 2017, l'office de l'urbanisme se déclarait favorable à la mutation parcellaire envisagée. M. PLAN produisait plusieurs plans réalisés par un bureau d'architecte, dont il ressortait que ladite division parcellaire permettrait à M. LÜTHI de réaliser l'entier de sa SBP.

c. Pour le DALE, la réalisation de la SBP attribuée à la parcelle n° 13'030 était tout à fait possible dans le périmètre de l'immeuble C. En effet, une fois la rampe provisoire démolie, le propriétaire de la parcelle n° 13'030 bénéficierait d'une assiette d'environ 68 m2 sur la parcelle n° 10'450, tout en préservant la surface prévue pour le passage piéton. Selon ses calculs, les droits de M. LÜTHI n'étaient aucunement lésés par le projet en cause.

9) Par décision du 13 avril 2017, le TAPI a admis la requête de M. LÜTHI et restitué l'effet suspensif au recours.

Les modifications apportées par M. PLAN au PLQ impliquaient obligatoirement pour M. LÜTHI de s'écarter à son tour du PLQ s'il souhaitait conserver sa SBP. En effet, en déplaçant le passage piétonnier de 5,5 m vers le sud-ouest, ce passage ne se trouvait plus sur la partie de la parcelle n° 10'450 dont M. PLAN bénéficiait pour sa SBP, mais sur la partie de cette parcelle dont devait pouvoir bénéficier M. LÜTHI. Ainsi, afin de conserver sa SBP prévue par le PLQ, M. LÜTHI serait contraint d'en proposer des modifications, sans avoir aucune garantie qu'elles soient autorisées. La question n'était dès lors plus de savoir si le déplacement du passage piétonnier constituait une modification mineure du PLQ. En l'espèce, les droits garantis par le PLQ étaient remis en cause, ce qui n'était pas autorisé par l'art. 3 al. 5 LGZD, même en faveur de l'intérêt public.

10) Par acte du 3 mai 2017, M. PLAN (ci-après : le recourant) a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l'encontre de la décision précitée, concluant à son annulation, à ce qu'il soit dit que le recours de M. LÜTHI n'avait pas d'effet suspensif, à la condamnation de ce dernier aux frais de la procédure et à l'octroi d'une indemnité pour ses frais de représentation.

11) Le 19 mai 2017, le DALE a conclu à l'admission du recours de M. PLAN.

12) M. LÜTHI s'est déterminé sur le recours le 13 juin 2017, concluant principalement à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet.

13) Le 17 juillet 2017, M. PLAN a adressé sa réplique à la chambre administrative, persistant dans ses conclusions et apportant des précisions quant aux dommages subis en raison de la décision querellée.

14) Le 18 juillet 2017, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger.

15) Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) a. La chambre administrative est l'autorité de recours contre les jugements et décisions du TAPI (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. La décision du TAPI du 13 avril 2017 d'admettre la requête de restitution de l'effet suspensif au recours de M. LÜTHI dirigée contre l'autorisation de construire DD' 107'853-2 est une décision incidente.

Le délai de recours contre une telle décision est de dix jours
(art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), le délai étant suspendu pendant les féries judiciaires d'été (art. 63 al. 1 let. b LPA).

c. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue.

2) Le présent recours porte sur le bien-fondé de la décision du TAPI de restituer l'effet suspensif au recours pendant la procédure par-devant le TAPI, contrairement au principe énoncé à l'art. 146 al. 2 LCI.

3) Le recours contre une décision incidente n'est ouvert que si ladite décision, à supposer qu'elle soit exécutée, cause un préjudice irréparable à son destinataire. Il est également ouvert si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

En l'espèce, l'admission du recours ne mettrait pas fin au litige, lequel porte, à teneur des conclusions prises par M. LÜTHI, sur la validité de l'autorisation de construire DD 107'853-2. La seconde hypothèse visée par l'art. 57 let. c LPA n'est ainsi pas réalisée.

4) Reste à examiner si la décision litigieuse est susceptible de causer un préjudice irréparable à M. PLAN.

a. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure
(ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que
l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 3c ; ATA/660/2017 du 13 juin 2017 consid. 3 ; cette interprétation est critiquée par une partie de la doctrine estimant l'interprétation de la chambre de céans trop restrictive - Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 172-173).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_187/2016 du 1er janvier 2017 consid. 4.1 ; 8C_414/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.1 , ATA/385/2016 du 3 mai 2016 consid. 5 et 6).

b. En l'espèce, le recourant fait valoir que la restitution de l'effet suspensif au recours de M. LÜTHI engendrerait pour lui un dommage économique important qu'il détaille. Le démarrage du chantier, reporté à une date théorique de février 2019, soit après deux ans de procédure, entraînerait des dommages liés à l'acquisition du terrain, un dommage lié aux frais d'études avancés en lien avec la construction et des dommages liés à la commercialisation des appartements, constitués notamment du montant des acomptes risquant de devoir être restitués dans le cadre des conventions de réservation déjà signées. L'intéressé produit différentes pièces à l'appui de ses allégations.

La question de l'existence d'un dommage irréparable souffrira de rester ouverte compte tenu de ce qui suit.

5) a. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

L'art. 146 al. 2 LCI constitue justement une disposition légale contraire. Il prévoit que lorsqu'il est dirigé contre une autorisation définitive précédée d'une autorisation préalable ou d'un plan localisé de quartier en force, le recours n'a pas d'effet suspensif à moins qu'il ne soit restitué sur requête du recourant.

b. L'art. 146 al. 2 LCI constituant une exception au régime général expressément voulue par le législateur, il n'y a en principe pas lieu de s'écarter de cette volonté (ATA/130/2014 du 4 mars 2014 consid. 3 ; ATA/687/2011 du 8 novembre 2011 consid. 4 ; ATA/234/2001 du 3 avril 2001 consid. 2).

Dans cette mesure, la jurisprudence du TAPI et des anciennes commissions de recours (décision sur effet suspensif de la commission cantonale de recours en matière administrative du 7 août 2009 en la cause A/2008/2009 consid. 3), qui pose comme condition à la restitution de l'effet suspensif le fait de rendre vraisemblable l'existence de divergences importantes entre le PLQ et l'autorisation délivrée, constitue une mise en oeuvre à la fois du principe de la proportionnalité prévu à l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et des principes dégagés par la jurisprudence rendue au fond relativement aux art. 146 al. 1 LCI et 3 al. 4 LGZD ; ATA/291/2011 du 10 mai 2011 consid. 4 et 5 ; ATA/143/2011 du 8 mars 2011, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_188/2011 du 23 septembre 2011). Elle peut donc être approuvée.

6) a. Lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (art. 66 al. 2 LPA).

b. Dans l'hypothèse où le recourant sollicite la restitution de l'effet suspensif, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, elle n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les références citées). Les chances de succès du recours n'influencent la pesée des intérêts que si elles peuvent être déterminées prima facie sur la base du dossier et qu'elles ne font aucun doute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_356/2007 du 18 septembre 2007 consid. 3).

7) En l'espèce, il est établi que le PLQ n° 29'662, adopté le 3 mars 2010, est entré en force.

Dans son recours auprès du TAPI, M. LÜTHI a fait valoir qu'il ne pourrait pas réaliser les SBP prévues par le PLQ pour la deuxième partie du bâtiment C du fait de la scission de sa construction. Il soutient notamment que l'augmentation de 10% de la SBP afférente à la parcelle n° 10'450 et le déplacement du passage piétonnier sur la portion du bâtiment C réalisable au moyen de ses droits à bâtir impacteraient ses droits garantis par le PLQ.

a. Dans le jugement entrepris, le TAPI a considéré, à juste titre, qu'il était douteux que l'augmentation de la SBP au profit de M. PLAN ait lieu au détriment de M.LÜTHI.

En effet, l'augmentation des droits à bâtir dont a bénéficié le projet litigieux ne résulte pas de l'exploitation d'une partie des droits à bâtir de la parcelle n° 13'030, mais simplement d'un dépassement, préavisé favorablement, des droits à bâtir prévus par le PLQ pour la parcelle n° 10'450.

De surcroît, chaque parcelle comprise à l'intérieur du périmètre du PLQ bénéficie d'un droit à bâtir équivalent à l'indice fixé (ATA/759/2015 du 28 juillet 2015 consid. 6 ; ATA/505/2007 du 9 octobre 2007).

Enfin, M. LÜTHI ne fait que substituer ses propres chiffres et calculs à ceux effectués par les instances spécialisées sans que l'on ne comprenne clairement leur provenance. Ces chiffres n'emportent, en l'état de la procédure, pas conviction.

En conséquence et pour autant que cette question soit pertinente dès lors que l'objet du litige porte sur la délivrance de l'autorisation de construire au recourant alors même que M. LÜTHI n'a pas déposé de demande d'autorisation de construire sur sa parcelle, rien ne démontre que l'entier des droits à bâtir de la parcelle n° 13'030 ne pourra pas être concrétisé.

b. Par contre, le TAPI n'a pas tranché la question de savoir si le déplacement du passage piétonnier constituait ou non une modification mineure du PLQ. Il a admis la requête de restitution de l'effet suspensif au motif que les droits garantis par le PLQ à M. LÜTHI étaient remis en cause par le projet querellé, ce dernier étant contraint de s'écarter à son tour du PLQ s'il souhaitait conserver sa SBP. Or, conformément à la jurisprudence susmentionnée, le TAPI aurait dû déterminer s'il existait une divergence importante entre le projet querellé et le PLQ, seul motif justifiant la restitution de l'effet suspensif au recours de M. LÜTHI.

Dans ses écritures, M. PLAN explique avoir dû déplacer le passage piétonnier de 5,7 mètres par rapport à l'image du PLQ afin de pouvoir réaliser « l'entier de sa SBP », et dans une optique d'optimisation des surfaces : les dix-neuf appartements ne pouvaient être conçus si le passage était maintenu à son emplacement originel, car cela aurait eu pour conséquence une perte de surface quant aux locaux communs et au nombre de pièces des appartements. Par ailleurs, s'agissant de la construction des dix-neuf appartement en lieu et place des dix-sept initialement prévus, il indique que cela répondrait aux modifications préconisées par la commission d'architecture (ci-après : CA) à l'appui de son préavis du 12 mai 2015.

Or, le recourant a en réalité pu augmenter de 10 % la SBP qui lui était attribuée par le PLQ. Par ailleurs, la CA demande dans son préavis le réaménagement de l'entrée au rez-de-chaussée afin de permettre l'accès à l'immeuble aux personnes à mobilité réduite, et une révision de la typologie des appartements de quatre pièces. L'on peine donc à comprendre en quoi la création de deux appartements supplémentaires à ceux prévus par le PLQ répondrait aux modifications préconisées par la CA.

La réalisation partielle d'un bâtiment, dont l'implantation de la partie prévue est conforme à celle projetée dans le PLQ et pour lequel le PLQ n'exclut pas une réalisation partielle, est autorisable (ATA/705/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3). Toutefois, dans la mesure où les droits de M. LÜTHI pourraient prima facie être lésés par le projet querellé, que l'emplacement initial du chemin piétonnier querellé devait s'inscrire dans le prolongement, en droit ligne, d'un cheminement traversant l'entier du PLQ permettant de relier le chemin de Joinville au chemin du Jonc et que le déplacement du passage piétonnier sur la partie du bâtiment C réalisable au moyen des droits à bâtir de M. LÜTHI semble, de prime abord, principalement justifié par la volonté du recourant de maximiser la SBP afférente à sa parcelle et donc son profit, l'autorité de recours chargée de trancher la question de la restitution de l'effet suspensif se doit d'être stricte s'agissant de l'examen des divergences entre le PLQ et l'autorisation de construire querellée au sens de l'art. 3 al. 5 LGZD dans les cas où seule une partie du bâtiment fait l'objet d'une procédure en autorisation de construire.

Dans ces circonstances, le déplacement du passage piétonnier ne saurait être considéré comme une modification mineure du PLQ. C'est donc à juste titre que le TAPI a admis la requête de restitution de l'effet suspensif au recours.

La nouvelle pièce produite devant la chambre de céans le 2 juin 2017, à savoir copie d'un courriel d'un architecte du DALE, faisant état de l'examen d'une variante consistant à allonger l'assiette du bâtiment C à 1,76 mètre sur la parcelle n° 13'030 pour que le propriétaire de la parcelle puisse réaliser l'entier de la SBP prévue dans le PLQ n'est pas de nature à modifier ce qui précède s'agissant de statuer sur effet suspensif et en l'état du dossier et ce quand bien même le département affirme pouvoir considérer ladite modification comme « légère » par rapport au PLQ.

8) Le recours sera par conséquent rejeté en tant qu'il est recevable. Vu l'issue de la procédure, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. LÜTHI, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu'il est recevable le recours interjeté le 3 mai 2017 par Monsieur Olivier PLAN contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 13 avril 2017 ;

met à la charge de Monsieur Olivier PLAN un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur Roger-Charles LÜTHI, à la charge de Monsieur Olivier PLAN ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Miguel Oural, avocat du recourant, à Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat de l'intimé, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie - oac, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :