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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11362/2017

ACPR/957/2019 du 04.12.2019 sur OMP/10483/2019 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL);ESCROQUERIE;CORRUPTION ACTIVE D'AGENTS PUBLICS ÉTRANGERS
Normes : CPP.197.al1.letb; CPP.197.al1.letc; CPP.267.al1; CP.146; CP.322septies

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11362/2017 ACPR/957/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 4 décembre 2019

 

Entre

A______, domicilié ______, Burkina Faso, et B______ LTD, ayant son siège ______, B.V.I., comparant tous deux par Mes C______ et D______, avocats,

recourants,

 

contre l'ordonnance de refus de levée de séquestres rendue le 24 juillet 2019 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 5 août 2019, A______, prévenu, et B______ LTD, tiers saisi, recourent contre l'ordonnance rendue le 24 juillet précédent, aux termes de laquelle le Ministère public a refusé de lever les séquestres prononcés sur cinq relations bancaires, dont trois appartiennent au premier (n° 1______ au sein de E______ GENEVE [ci-après : E______], n° 2______ auprès de F______ ainsi que n° 3______ en les livres de G______) et deux à la seconde (n° 4______ au sein de E______ ainsi que n°5______ auprès de F______).

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 10'005.- (TVA non incluse), à l'annulation de cette décision, les avoirs saisis devant être libérés.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______, homme d'affaires de nationalités burkinabé et ivoirienne, est l'un des principaux importateurs-exportateurs du Burkina Faso.

Divers médias lui prêtent d'être un proche de l'ancien Président de ce pays, Q______, déchu le 31 octobre 2014.

a.b. Jusqu'à fin 2016, A______ détenait, avec l'un de ses associés burkinais, H______, plusieurs sociétés actives dans le commerce de denrées alimentaires (blé, riz, sucre, etc.), de matières premières (pétrole) et de produits finis (ciment, matériaux d'infrastructure). Ces sociétés bénéficiaient de contrats de fourniture avec de nombreuses entreprises étatiques dans plusieurs pays africains, telles que I______ et J______.

Le 15 décembre 2016, les deux prénommés ont mis fin à leur collaboration, le premier conservant l'actionnariat de certaines entités, parmi lesquelles K______ (sise au Burkina Faso), et le second d'autres sociétés, dont L______ SA, incorporée aux îles Vierges britanniques (ci-après : BVI), active dans le négoce de carburant.

a.c. A______ est, en outre, l'actionnaire unique de deux personnes morales, M______ SA et B______ LTD, entités ayant leurs sièges, respectivement, à Genève et aux BVI.

b.a. Le prénommé est titulaire de trois relations bancaires à Genève, soit celles énumérées à la lettre A ci-dessus.

Les avoirs qui y étaient déposés totalisaient, au printemps 2017, CHF 32.8 millions environ (CHF 3.8 millions au sein de E______ le 27 avril 2017 + CHF 27.36 millions auprès de F______ le 22 mai 2017 + CHF 1.66 millions dans les livres de G______ le 19 mai 2017; pièces 10'000 et s).

b.b. B______ LTD détient, quant à elle, les deux comptes évoqués à la lettre A supra, dont les soldes s'élevaient, au printemps 2017, à CHF 305'860.- environ (CHF 283'500.- au sein de E______ le 27 avril 2017 + CHF 22'359.- auprès de F______ le 22 mai 2017).

A______ est l'ayant droit économique de ces comptes.

b.c. M______ SA et L______ SA sont également titulaires de relations bancaires à Genève.

A______ est l'ayant droit économique de la première. Il était également, jusqu'à fin 2016, celui de la seconde [ouverte au sein de E______], au côté de H______.

c.a. Le 30 mai 2017, le Bureau de communication en matière de blanchiment (MROS) a informé le Ministère public que A______ faisait, depuis peu, à la suite d'une dénonciation de H______, l'objet d'une procédure pénale au Burkina Faso pour avoir, dès 2014, via M______ SA notamment, vendu à K______ des marchandises à des prix surfaits et conservé à son profit les bénéfices illicites ainsi réalisés. Il ne pouvait être exclu que tout ou partie des fonds déposés ou ayant transité sur les comptes désignés à la lettre A ci-dessus proviennent de ces surfacturations.

c.b. Le Procureur a, successivement, ouvert une procédure contre A______ (le 1er juin 2017), ordonné les séquestres des cinq relations bancaires énumérées à la lettre A supra (à la même date), mis en prévention le prénommé des chefs d'escroquerie et blanchiment d'argent (le 7 juin 2018) et effectué divers actes d'enquêtes.

c.c. Au mois de juillet 2018, la procédure pénale burkinaise ouverte contre A______ a été clôturée par un non-lieu.

c.d. Au terme de son instruction relative à la prévention de surfacturations commises au préjudice de K______, le Procureur est parvenu à la conclusion qu'aucune charge ne pouvait être retenue contre A______ de ce chef (ordonnance attaquée, ch. 2).

d.a. Les 1er octobre 2018 et 30 août 2019, le Ministère public a étendu l'instruction à d'autres infractions, en lien avec L______ SA, respectivement à un autre prévenu, soit H______.

En substance, il reprochait à A______ et au prénommé d'avoir, principalement entre 2012 et 2016, conclu au nom de L______ SA des contrats avec I______ [société burkinaise qui achetait du carburant à L______ SA] et J______ [entité qui, d'une part, vendait du pétrole extrait au Niger à L______ SA et, d'autre part, lui achetait certains carburants spécifiques, notamment pour avions], en trompant astucieusement ces sociétés sur les quantités livrées et/ou les prix facturés/payés; ce procédé, commis au détriment des deux seules clientes acheteuses de L______ SA, avait généré un bénéfice illicite - lequel était versé sur l'unique compte bancaire de cette dernière société, ouvert auprès de E______ -, qu'ils s'étaient ensuite appropriés (art. 146 CP). Pour parvenir à leurs fins, ils avaient possiblement corrompu certains employés des entités étatiques précitées (art. 322septies CP).

Concernant, plus particulièrement, A______, l'analyse des mouvements intervenus sur le compte de L______ SA entre 2012 et 2016 révélait qu'un montant totalisant EUR 90.6 millions environ avait été débité en faveur de relations bancaires dont il était l'ayant droit économique (EUR 22.2 millions versés sur son compte personnel au sein de E______ + EUR 28.8 millions crédités sur la relation de B______ LTD auprès de E______ + EUR 39.6 millions transférés à N______, établissement burkinabé).

d.b. A______ a produit divers tableaux, établis par ses soins, pour tenter de démontrer que, sur les EUR 90.6 millions sus-évoqués, EUR 81.3 millions environ correspondaient à l'achat auprès de J______ de carburant, destiné à être revendu à I______.

D'après ces tableaux, les versements effectués en sa faveur et en celle de B______ LTD consistaient dans le remboursement de fonds qu'il avait mis à disposition en Afrique pour payer, en francs CFA, l'achat de pétrole à J______ et le transport de ce carburant depuis le Niger; lesdits versements étaient donc de simples opérations de compensation, équivalents aux sommes qu'il avait prélevées sur des comptes bancaires africains lui appartenant (in)directement.

Quant aux transferts effectués en faveur de N______, ils avaient permis l'achat de pétrole en Afrique en francs CFA, via une société burkinaise (O______, entité dont il était le détenteur), laquelle était titulaire d'un compte au sein de cette banque.

À l'appui desdits tableaux, il a produit de nombreux justificatifs, lesquels ne couvrent toutefois pas l'intégralité des flux qui y sont répertoriés.

d.c. Le Ministère public a procédé à l'audition de divers protagonistes en lien avec les nouvelles charges sus-évoquées.

A______ a contesté avoir contrevenu aux art. 146 et 322septies CP. Concernant ses qualifications professionnelles, il avait étudié dans une école coranique burkinabé, puis avait progressivement développé une activité commerciale dans le transport et le négoce de divers matières et produits; aujourd'hui, il était à la tête de nombreuses sociétés, lesquelles employaient 5'000 personnes et réalisaient un chiffre d'affaires annuel total de l'ordre de EUR 770 millions; il n'avait jamais appris à lire, mais s'entourait de collaborateurs qui le savaient et l'aidaient dans son travail. L______ SA avait été créée dans l'optique de participer aux appels d'offres émis par I______ et J______; l'incorporation de L______ SA en Europe devait permettre de régler des prix en devises étrangères, notamment pour l'achat de carburant auprès de fournisseurs internationaux. Il ne se souvenait pas si L______ SA avait conclu d'autres types de contrats avec I______ et J______ que ceux sur appel d'offres. Il connaissait peu le marché du pétrole; pour cette raison, c'était H______ qui s'occupait de la gestion quotidienne de L______ SA et qui avait, au terme de leur collaboration, conservé cette société. Les motifs qui expliquaient le débit des EUR 90.6 millions étaient ceux exposés à la lettre B.d.b ci-dessus; de son côté, H______ avait également pratiqué des opérations de compensation, en se remboursant les avances qu'il avait consenties à L______ SA. Ce modus operandi, pratiqué de part et d'autre, l'avait été en toute transparence et n'avait jamais occasionné de conflit entre eux.

Pour sa part, H______ a nié toute infraction aux art. 146 et 322septies CP. Il a, dans les grandes lignes, confirmé, tant s'être occupé de façon prépondérante de l'activité de L______ SA que l'existence du mécanisme de compensations sus-décrit. L'entité précitée avait, à l'instar d'autres sociétés internationales, conclu des contrats hors appel d'offres avec I______ et J______. La différence entre les flux entrants et sortants du compte de L______ SA n'était nullement représentative de la marge bénéficiaire de la société car il était arrivé, soit qu'une partie des activités avait été financée au moyen d'un autre compte "à un moment précis", soit que des fonds avaient été versés sur la relation lorsqu'il n'y avait pas de liquidités suffisantes pour certaines transactions. Toutes les opérations afférentes à L______ SA avaient été répertoriées dans une comptabilité, qu'il était disposé, sur demande, à verser au dossier.

Entendu en qualité de témoin, P______, gestionnaire du compte de L______ SA au sein de E______, a déclaré connaître, depuis de nombreuses années, les deux prévenus, avec lesquels il entretenait une relation d'amitié. C'était principalement H______ qui lui donnait [entre 2012 et 2016] les instructions en relation avec la société. Il ignorait tout de l'existence du mécanisme de compensations appliqué par les mis en cause pour financer certains achats en Afrique de L______ SA.

d.d. Le 5 juillet 2019, A______ et B______ LTD ont requis du Procureur qu'il lève le séquestre ordonné sur les cinq comptes litigieux.

C. Dans sa décision déférée, le Procureur a refusé de donner suite à cette demande, considérant que les indices suivants militaient en faveur de la commission d'infractions aux art. 146 et 322septies CP : "le mélange" effectué par les prévenus entre leurs avoirs personnels et ceux de L______ SA était insolite; seule une partie des sommes débitées du compte de cette société pouvait être mise en lien avec son activité commerciale, nombre d'opérations de compensations alléguées n'étant pas justifiées par pièce; la part restante (non documentée) des fonds sortants dépassait "très largement et de manière inexpliquée" les marges bénéficiaires usuelles de la branche; le mouvement des fonds intervenu sur le compte bancaire de L______ SA ne correspondait pas à celui auquel on pourrait s'attendre d'une société active dans le négoce de pétrole; les contrats conclus hors appel d'offres avec I______ et J______ l'avaient été dans des circonstances indéterminées; les qualifications professionnelles de A______, respectivement ses connaissances dans le domaine du pétrole, "n'expliqu[aient] pas vraiment comment (...) il a[vait pu] mont[er] l'empire économique qui lui [était] attribué"; le prénommé était un proche de Q______.

D. a. Dans leurs recours et déterminations successives,A______ et B______ LTD invitent la Chambre de céans - pour qu'elle dispose d'un dossier complet - à requérir du Ministère public la transmission des éléments/pièces recueillis postérieurement au dépôt du recours.

Sur le fond, ils soutiennent que le Procureur n'était pas parvenu, en dépit d'une longue investigation menée "urbi et orbi", à apporter le moindre élément de preuve concret étayant les soupçons d'escroquerie et de corruption d'agents publics étrangers qu'il nourrissait à l'égard du premier cité. En particulier, L______ SA n'avait, au vu des diverses opérations de compensations effectuées par A______, opérations dont H______ avait confirmé l'existence, dégagé aucun bénéfice insolite. Quant aux autres éléments retenus dans l'ordonnance attaquée, ils étaient impropres à fonder une quelconque responsabilité pénale; en tout état de cause, A______ contestait entretenir une relation privilégiée avec Q______. Enfin, le Ministère public ne précisait pas au moyen de quel acte d'instruction complémentaire il entendait poursuivre la procédure. En regard de ces considérations, les séquestres ordonnés sur les cinq comptes litigieux ne reposaient sur aucun motif; ils devaient donc être levés.

À l'appui de leurs allégués, ils ont produit diverses pièces nouvelles.

b. Invité à se prononcer, le Ministère public persiste dans les termes de sa décision et conclut au rejet du recours comme étant mal fondé.

EN DROIT :

1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de refus de levée de séquestres sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP), et émaner tant du prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP) que du tiers saisi (art. 105 al. 1 let. f CPP), lesquels ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de cette décision (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Il en va de même des pièces nouvelles produites (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2 ainsi que 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

2. Le Ministère public ayant mis à la disposition de la Chambre de céans l'intégralité de la P/11362/2017, y compris les éléments recueillis postérieurement au dépôt du recours, la requête correspondante formulée par les recourants est sans objet.

3. A______ (ci-après : le recourant) et B______ LTD (ci-après : la recourante) contestent que le Ministère public puisse maintenir les saisies prononcées sur leurs comptes bancaires respectifs.

3.1. Le séquestre conservatoire ne peut être ordonné, entre autres conditions cumulatives, que s'il existe des soupçons suffisants laissant présumer une infraction (art. 197 al. 1 let. b CPP).

3.2. Au début de l'enquête, un soupçon crédible ou un début de preuve de l'existence de l'infraction reprochée suffit à permettre le séquestre. L'on exige toutefois que ce soupçon se renforce au cours de l'instruction pour justifier le maintien de la mesure (ACPR/451/2019 du 18 juin 2019 consid. 2.1; A. KUHN/Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22, 25 et 26 ad art. 263).

3.3. Selon l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie la personne qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur un individu par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement conforté dans son erreur et l'aura, de la sorte, déterminé à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires.

L'art. 322septies CP (corruption d'agents publics étrangers) réprime, notamment, le comportement de celui qui aura offert, promis ou octroyé un avantage indu à une personne agissant pour un État étranger, par exemple un fonctionnaire, pour l'exécution ou l'omission d'un acte en relation avec son activité officielle et qui soit contraire à ses devoirs ou dépende de son pouvoir d'appréciation.

3.4. En l'espèce, il convient, pour statuer sur le bien-fondé du maintien des séquestres litigieux, de déterminer si ces derniers reposent sur une prévention suffisante d'infraction(s).

Tel n'est plus le cas en lien avec la suspicion initiale des surfacturations commises par le recourant au détriment de K______, le Ministère public l'ayant définitivement écartée (cf. lettre B.c.d supra).

Reste à déterminer si le soupçon, né ultérieurement, de la commission, via L______ SA, d'escroqueries au préjudice de I______ et J______, le cas échéant en corrompant des employés de ces sociétés, trouve une assise suffisante dans le dossier.

Avec le Ministère public, il faut admettre que la fréquente utilisation, par le recourant, de ses fonds en Afrique dans le cadre des activités commerciales de L______ SA - utilisation qui impliquait ensuite de procéder à des opérations de compensations en débitant le compte de la société, opérations dont plusieurs n'étaient pas documentées - a créé une situation opaque, rendant possiblement suspects certains mouvements intervenus sur la relation bancaire concernée.

Si ces indices - seuls pertinents, à l'exclusion des autres éléments cités dans l'ordonnance attaquée, lesquels reposent, non sur des données (suffisamment) objectivables, mais de simples conjectures - pouvaient justifier, au début de l'enquête, de retenir l'existence d'une prévention d'infraction, tel n'est toutefois plus le cas aujourd'hui, après de nombreux mois d'investigation.

En effet, aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'une partie de l'argent débité du compte de L______ SA au profit (in)direct du recourant pourrait provenir de tromperies astucieuses commises au détriment de I______ et/ou J______, rendues possibles grâce à de potentiels actes corruptifs.

Singulièrement, rien n'indique, en l'absence de dénonciation, que ces deux sociétés s'estimeraient lésées par la commission d'une quelconque infraction. Il n'apparaît pas non plus que de quelconques procédures auraient été ouvertes au Burkina Faso et au Niger en rapport avec les charges sus-évoquées.

Qui plus est, le Procureur n'a pas entrepris, à ce jour, ni allégué vouloir entreprendre, à l'avenir, des investigations complémentaires au sein des États précités - étant, en tout état de cause, relevé que l'entraide avec le Burkina Faso est qualifiée de très difficile par le Département fédéral de justice et police (cf. https://www.rhf.admin.ch/rhf/fr/home/rechtshilfefuehrer/laenderindex.html).

Dans ces circonstances, force est de conclure que la prévention d'infractions aux art. 146 et 322septies CP est insuffisante pour justifier le maintien des séquestres ordonnés sur les cinq relations bancaires litigieuses.

Fondé, le recours doit donc être admis. L'ordonnance querellée sera ainsi annulée et la levée des saisies sur les comptes concernés, ordonnée.

4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 4 CPP).

5. Les recourants, prévenu et tiers saisi, sollicitent le versement de dépens pour la procédure de recours, qu'ils chiffrent globalement à CHF 10'005.- HT.

5.1. À teneur de l'art. 436 al. 2 CPP, le prévenu qui obtient gain de cause à l'issue de la procédure de recours a droit à une juste indemnité pour ses dépenses.

La présente cause étant relativement volumineuse (30 classeurs fédéraux) et complexe, tant la quotité que le type des prestations facturées apparaissent raisonnables, à savoir 26 heures et 40 minutes (6 heures et 35 minutes au tarif de CHF 450.- l'heure + 20 heures et 5 minutes à celui de CHF 350.- l'heure) déployées pour l'activité suivante : examen de la décision attaquée et des observations du Ministère public, consultation du dossier, recherches juridiques, rédaction des recours et déterminations diverses (38 pages au total), informations et communications au client ainsi que préparation d'un chargé de pièces contenues dans un classeur fédéral.

Le prévenu étant titulaire de trois des cinq comptes séquestrés objets du recours, une indemnité de CHF 6'003.- TTC - vu son domicile à l'étranger - lui sera allouée (3/5 x CHF 10'005.- réclamés), laquelle sera mise à la charge de l'État.

5.2. L'art. 434 al. 1 CPP stipule que le tiers qui, par le fait de la procédure, subit un dommage - tels que des honoraires d'avocat pour assurer sa défense (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1210/2017 du 10 avril 2018 consid. 4.1) - a droit à une juste compensation si son préjudice n'est pas couvert d'une autre manière. Pareille prétention s'indemnise dans le cadre de la décision finale ou, si le cas est clair, par le Ministère public en cours de procédure préliminaire (art. 434 al. 2 CPP; ACPR/616/2019 et ACPR/620/2019 du 15 août 2019).

À l'aune de ces principes, il appartiendra à la recourante de requérir son défraiement, le moment venu, auprès du Procureur.

La Chambre de céans n'entrera donc pas en matière sur sa demande d'indemnisation.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et ordonne, en conséquence, la levée des séquestres ordonnés sur les cinq relations bancaires suivantes :

·         n° 1______ au nom de A______ auprès de E______ GENEVE;

·         n° 2______ au nom de A______ auprès de F______;

·         n° 3______ au nom de A______ auprès de G______;

·         n° 4______ au nom de B______ LTD auprès de E______ GENEVE;

·         n°5______ au nom de B______ LTD auprès de F______.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 6'003.- TTC.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______ et B______ LTD, soit pour eux leurs conseils, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 


 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).