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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23505/2020

ACPR/936/2020 du 22.12.2020 sur OTMC/4148/2020 ( TMC ) , REFUS

Recours TF déposé le 04.01.2021, rendu le 21.01.2021, REJETE, 1B_1/2021
Descripteurs : RUPTURE DE BAN;DÉTENTION PROVISOIRE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221; CPP.237; CP.291; Cst.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23505/2020 ACPR/936/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 22 décembre 2020

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocat, ______,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 6 décembre 2020 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 14 décembre 2020, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 décembre 2020, notifiée le 9 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prononcé sa mise en détention provisoire jusqu'au 4 janvier 2020.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate ; subsidiairement, assortie d'une assignation à résidence ; et, en tout état de cause, à l'indemnisation de son tort moral en raison de la détention illicite.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, originaire d'Algérie à teneur du dossier, a été interpellé le 4 décembre 2020, à D______, Genève. Il est prévenu de rupture de ban (art. 291 CP).

Il lui est reproché d'avoir séjourné en Suisse, plus particulièrement à Genève, entre le 11 mars 2020 - lendemain de sa sortie de prison -, jusqu'au 4 décembre 2020, date de son interpellation -, en violation des deux mesures d'expulsion du territoire suisse prononcées par le Tribunal de police, le 19 novembre 2018 pour une durée de 3 ans, et à nouveau le 27 novembre 2019 pour une nouvelle durée de 3 ans.

b. Entendu par la police puis le Ministère public, A______ a admis ne pas avoir quitté le territoire, nonobstant les décisions d'expulsion, la première fois car il ne savait pas où aller ; la seconde fois à cause de la pandémie, toutes les routes étant bloquées.

Il était venu en Suisse la première fois en 2008 "pour visiter", puis était parti dans plusieurs pays d'Europe. Son passeport se trouvait chez sa soeur, en Algérie. Il n'avait pas entrepris de démarches pour son retour, mais il souhaitait le faire.

Il a précisé quela date de naissance mentionnée dans la procédure, 1991, était erronée ; il était en réalité né en 1993.

Il souffrait d'angoisses. Lors de sa dernière condamnation, il avait fait des tentatives de suicide. S'il était libéré à l'issue de l'audience devant le Ministère public, il promettait de quitter immédiatement la Suisse. Informé par le Ministère public que sa mise en détention provisoire était demandée, A______ a pleuré et répondu : "si je retourne en prison, je vais me suicider. Je ne vais plus m'en sortir cette fois. J'ai arrêté la drogue, les vols".

c. S'agissant de sa situation personnelle, il explique que sa "copine", E______, de nationalité italienne, vivant à D______, était enceinte de trois mois. Il n'habitait pas chez elle, mais vivait dans la rue. Il a fourni l'adresse de la précitée comme adresse de notification. Ils avaient le projet de se marier, en Italie ou en France. Ils avaient prévu de partir avant Nouvel-An. S'il était libéré, il quitterait immédiatement la Suisse. S'agissant de ses revenus, sa soeur lui faisait parvenir environ EUR 150.- par mois.

À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à 15 reprises depuis 2012, principalement pour vol et séjour illégal, la dernière fois, en 2019, le 27 novembre 2019 (pour vol et rupture de ban).

d. Par avis de prochaine clôture, du 5 décembre 2020 - ayant fixé un délai au 18 décembre 2020 pour l'éventuelle demande d'actes d'enquête -, le Ministère public a informé A______ de son intention de le renvoyer en jugement.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes. L'instruction ne faisait que commencer et le prévenu devait être renvoyé en jugement. Le risque de fuite était concret, A______ étant de nationalité étrangère et sans aucune attache avec la Suisse. L'allégation selon laquelle il souhaitait fonder une famille avec sa compagne, enceinte de ses oeuvres, n'était aucunement documentée. Le risque de fuite était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue, ainsi que par la perspective d'une expulsion de Suisse (art. 66a ss CP). Le risque de réitération était tangible, au vu des antécédents du prévenu, déjà condamné à plusieurs reprises pour des faits similaires. Le principe de proportionnalité était respecté en dépit de l'épidémie de coronavirus qui sévissait en Suisse, les mesures de précaution prises à la prison paraissant adéquates et efficaces. "Ce jour", la prison avait en outre communiqué qu'il n'y avait plus aucun détenu en quarantaine ; en tout état elle disposait d'un service médical adapté. La prison avait en outre été avisée des tendances suicidaires alléguées du prévenu. Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention, au vu des risques retenus. Dans ces circonstances, la détention provisoire a été ordonnée pour un mois.

D.           a. Dans son recours, A______ invoque la violation de son droit d'être entendu, l'absence de charges suffisantes et des risques invoqués, ainsi que la violation du principe de la proportionnalité.

Le TMC avait notamment fondé son ordonnance sur une communication de la prison de B______ qui ne lui avait pas été soumise. Pour cette raison déjà, l'ordonnance querellée violait l'art. 5 § 4 CEDH et devait être annulée.

L'infraction reprochée n'était pas réalisée, car pour pouvoir lui reprocher une rupture de ban, encore eût-il fallu que l'exécution des décisions d'expulsion dont il faisait l'objet fût juridiquement et matériellement possible durant la période pénale. Or, dans une affaire similaire, le Tribunal fédéral avait reconnu qu'entre mai et août 2020, les expulsions vers l'Algérie étaient matériellement impossibles et ne pouvaient justifier une détention administrative (arrêt 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.3). La situation n'était pas différente en mars et avril 2020, étant relevé qu'à cette période le canton était confiné, la plupart des vols annulés et les frontières fermées. Il en allait de même de septembre à décembre 2020. L'Algérie, quant à elle, faisait face à une vague d'épidémie qui laissait croire que les expulsions vers cet État étaient demeurées impossibles même après le mois d'août 2020. Le TMC aurait donc dû constater l'absence de charges suffisantes.

S'agissant du risque de fuite, le TMC avait procédé à une appréciation arbitraire des éléments du dossier. E______ avait confirmé ses dires dans un courriel, qu'il avait produit après l'ordonnance querellée. Il avait donc établi l'existence d'une relation sérieuse impliquant un projet de vie commune et des tentatives d'avoir un enfant commun. Il était en outre paradoxal de retenir un risque de fuite en raison de la menace d'expulsion, alors même qu'il n'avait pas quitté le territoire malgré deux décisions d'expulsion.

Le risque de réitération ne pouvait davantage être retenu, puisque son expulsion vers l'Algérie était matériellement impossible. Au demeurant, sa présence était justifiée par son droit à participer à la procédure pénale et assister au procès (art. 6 § 1 CEDH), ainsi qu'à accompagner sa compagne enceinte et à fonder une famille (art. 12 CEDH).

Une assignation à résidence au domicile de sa compagne, au besoin assortie d'un bracelet électronique, était apte à pallier les éventuels risques sus-décrits, qui plus est pour une infraction en lien avec la migration, étant relevé qu'il avait commis une tentative de suicide par sectionnement des artères du bras lors d'une précédente détention.

À teneur d'un courriel daté du 9 décembre 2020, E______ a confirmé au défenseur de A______ qu'elle était, avec le précité, "en démarches depuis plusieurs mois d'essayer de faire un enfant et suite à ça [elle] n'a[vait] toujours pas été indisposée depuis plusieurs semaines". Elle avait un rendez-vous le 4 janvier 2021 chez sa gynécologue pour "savoir si le travail est en route ou non". Par ailleurs, A______ et elle-même étaient "en train de regarder pour éventuellement se marier".

b. Le Ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée. Le risque de réitération était bien présent et A______ pourrait avoir la volonté de ne pas se présenter devant les instances pénales pour éviter une nouvelle condamnation. Le principe de la proportionnalité était respecté, la récidive d'une rupture de ban pouvant entraîner une peine supérieure à un mois, soit le délai requis pour renvoyer le précitée en jugement. L'avis de prochaine clôture de l'instruction prévoyait un court délai pour les éventuelles réquisition de preuve, dans le but d'un rapide renvoi en jugement.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

d.a. Sur demande de la Direction de la procédure, le TMC a transmis à la Chambre de céans, le 17 décembre 2020, le courriel adressé par la prison de B______, le 4 décembre 2020, au Tribunal pénal et au Ministère public les informant que "dès ce jour, il n'y a plus d'unité en quarantaine à B______". Le courriel d'accompagnement, de la greffière du TMC à la Chambre de céans, est ainsi libellé : "comme requis, voici l'email reçu le 4 décembre 2020 de la prison de B______. La décision du TMC a été rendue le 6 décembre 2020".

Ces documents ont été transmis au défenseur de A______.

d.b. Dans sa réplique, A______ relève que la communication produite datait du 4 décembre 2020 tandis que l'ordonnance attaquée mentionnait une communication de "ce jour", soit du 6 décembre 2020. La Cour devait donc réitérer sa demande au TMC pour qu'il produise la communication du 6 décembre 2020. En tout état, compte tenu de l'évolution du taux de contamination, le TMC ne pouvait valablement se fonder sur un courriel envoyé deux jours plus tôt. Une telle analyse relèverait d'une appréciation manifestement arbitraire des faits, ayant conduit à un examen du principe de la proportionnalité sur la base d'informations potentiellement erronées. Quoi qu'il en soit, la procédure adoptée par le TMC était inéquitable et son droit d'être entendu violé de manière crasse.

E. À teneur d'un courriel du 8 décembre 2020 adressé au Ministère public, le Service protection, asile et retour du Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (DSES) a confirmé que les vols pour l'Algérie n'avaient plus été possibles depuis début mars 2020 et ne l'étaient toujours pas. S'agissant de A______, le Service d'État aux migrations (ci-après : SEM) avait informé l'Office cantonal de la population (ci-après : OCPM), le 6 février 2020, que le précité n'avait pu être identifié par le Consulat général, à Genève, de la République Algérienne Démocratique et Populaire. Cela n'excluait pas l'origine algérienne de l'intéressé mais signifiait que de nouveaux éléments étaient nécessaires. Le SEM dépendait donc de la coopération de A______, laquelle n'était en l'état pas donnée.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu et d'une procédure inéquitable.

2.1. Selon l'art. 6 § 1 1ère phrase CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

2.2. Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier et de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56).

Le droit d'être entendu est certes une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée ; cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 p. 226 s. et les références).

2.3. En l'espèce, on comprend du courriel adressé par le greffe du TMC à la Chambre de céans que la communication de "ce jour" mentionnée par l'ordonnance querellée est celle du 4 décembre 2020, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner d'autres actes d'instruction.

En ne transmettant pas au prévenu, avant de rendre son ordonnance, la communication de B______, le TMC a violé son droit d'être entendu, violation qui a toutefois été réparée devant l'autorité de recours, laquelle jouit d'un plein pouvoir d'examen en droit, en fait et en opportunité (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1). Il n'y a donc pas lieu d'annuler l'ordonnance querellée pour ce motif.

Par ailleurs, en mentionnant, par erreur, que la communication de B______ avait été reçue par le TMC "ce jour" alors qu'elle l'avait été deux jours plus tôt, le juge n'a ni apprécié arbitrairement les faits ni violé l'art. 6 § 1 CEDH. Si le prévenu l'avait reçue, il aurait d'emblée corrigé cette mention. En tout état de cause, comme déjà jugé à maintes reprises par la Chambre de céans, la situation sanitaire actuelle n'est pas, à elle seule, suffisante pour justifier la libération d'un prévenu, la prison de B______ étant équipé d'un service médical et la crainte d'une infection n'impliquant pas que le détenu serait privé de soins, si nécessaire (ACPR/708/2020 du 6 octobre 2020 consid. 7 ; ACPR/304/2020 du 13 mai 2020 consid. 5; ACPR/282/2020 du 5 mai 2020 consid. 8; ACPR/207/2020 du 18 mars 2020 consid. 5). Les mesures de quarantaine adoptées par la prison se sont révélées efficaces. Le recourant ne court donc pas plus de danger à l'intérieur qu'à l'extérieur de la prison de B______ (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_169/2020 du 8 avril 2020 consid. 2.3.), preuve en est qu'il n'allègue ni n'établit être porteur de l'infection, voire malade. La procédure adoptée par le premier juge n'est donc en rien inéquitable.

3.             Le recourant invoque l'insuffisance des charges.

3.1.       À teneur de l'art. 221 al. 1 première phrase CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit. En d'autres termes, pour qu'une personne soit placée en détention préventive, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, c'est-à-dire des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction. Le juge de la détention doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale ; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_215/2014 du 4 juillet 2014 consid. 3.2), la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 ; 116 Ia 143 consid. 3c p. 146), l'autorité devant indiquer les éventuels éléments - à charge ou à décharge - que l'instruction aurait fait apparaître depuis sa précédente décision relative à la détention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_295/2014 du 29 septembre 2014 consid. 2.3).

3.2.       Selon l'art. 291 al. 1 CP, celui qui contrevient à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton prononcée par une autorité compétente est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'infraction prévue à l'art. 291 CP est consommée dans deux hypothèses : d'une part, lorsque l'auteur reste en Suisse après l'entrée en force de la décision, alors qu'il a l'obligation de partir, et d'autre part lorsqu'il entre pendant la durée de la validité de l'expulsion (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 11 ad art. 291 CP et les références citées). La rupture de ban est un délit continu ; lorsque l'auteur se trouve en Suisse, le délit est par conséquent réalisé aussi longtemps que dure le séjour illicite dans ce pays, et non uniquement lors du passage de la frontière (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op.cit., n. 12 ad art. 291 CP et les références citées).

3.3.       En l'espèce, il est constant que le prévenu fait l'objet de deux décisions d'expulsion en force, de sorte qu'il existe des soupçons suffisants que le jour de son interpellation, le 4 décembre 2020, il se trouvait en rupture de ban.

Le recourant estime que l'infraction n'est pas réalisée car les renvois en Algérie étaient suspendus depuis mars 2020, en raison de la pandémie. Il oublie cependant que la décision d'expulsion se définit comme l'ordre donné, par une autorité compétente, à un étranger de quitter le territoire suisse, lié à l'interdiction d'y entrer à nouveau pendant la durée de l'expulsion (arrêt du Tribunal fédéral 6B_559/2008 du 12 septembre 2008 consid. 2.2). En l'occurrence, il existe des éléments suffisants permettant de penser que le recourant était en mesure de quitter la Suisse, entre mars et décembre 2020, pour se rendre dans un autre pays, par exemple l'Italie ou la France, puisqu'il déclare lui-même avoir l'intention de s'y rendre pour se marier, ou un autre des États européens dans lesquels il dit avoir vécu après son arrivée en Suisse en 2008. Ses objections pourront donc être soulevées devant le juge du fond, les charges étant à ce stade toujours suffisantes, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, nonobstant la suspension des renvois en Algérie durant la période pénale.

4.             Le recourant conteste l'existence d'un risque de fuite.

4.1.       Conformément à la jurisprudence, ce risque doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, mais permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 ; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70, 108 Ia 64 consid. 3). La proximité de l'audience de jugement rend généralement le risque de fuite plus aigu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_447/2011 du 21 septembre 2011).

4.2.       En l'occurrence, si le recourant n'a certes pas quitté le territoire suisse nonobstant deux décisions d'expulsion, la situation se présente désormais sous un jour différent, puisqu'il a nouvellement été arrêté, en décembre 2020, pour rupture de ban et sera renvoyé en jugement pour cette infraction. Au vu de sa réaction lors de l'annonce de sa mise en détention provisoire, il existe un risque concret que, remis en liberté, il ne choisisse de quitter le territoire pour se soustraire à une nouvelle condamnation, étant relevé qu'il s'est d'ailleurs engagé, devant le Ministère public, à partir en cas de libération.

Le recourant oppose l'existence d'attaches à Genève. Si sa "copine" a certes confirmé leur désir d'enfant et l'hypothèse d'une grossesse, celle-ci n'est nullement confirmée et le recourant déclare vivre dans la rue malgré ses liens amoureux avec la précitée.Il s'ensuit un danger de disparition dans la clandestinité en Suisse, qui est un aspect du risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 1B_334/2018 du 30 juillet 2018 consid. 5.1.). Peu importe, par conséquent, que son départ, spontané ou contraint, vers l'Algérie soit compromis par la situation sanitaire actuelle.

5.             Le risque de fuite étant suffisant à faire échec au recours, point n'est besoin d'examiner si le risque de réitération a été retenu à bon escient (arrêt du Tribunal fédéral 1B_322/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.3 et la jurisprudence citée).

6.             Le recourant estime qu'une assignation à résidence, le cas échéant assortie du port d'un bracelet électronique, est de nature à pallier l'éventuel risque de fuite.

6.1.       L'art. 237 al. 1 CPP prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple la saisie des documents d'identité et autres documents officiels (al. 2 let. b), l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (let. d), d'avoir un travail régulier (let. e), de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (let. f). La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive et rien ne s'oppose à un placement - combiné le cas échéant à d'autres mesures - si cela permet d'atteindre le même but que la détention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_654/2011 du 7 décembre 2011 consid. 4.2).

6.2.       En l'espèce, l'assignation à résidence implique que le prévenu dispose d'un domicile, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il déclare vivre dans la rue. E______, qui a confirmé sa relation amoureuse avec le précité, n'a nullement confirmé qu'elle serait disposée à l'héberger. Les conditions d'une assignation à résidence, avec ou sans bracelet, ne sont donc pas remplies.

7.             Sous l'angle du principe de la proportionnalité, le premier juge a correctement apprécié la situation. En état de récidive, le recourant ne paraît pas concrètement être exposé à une peine inférieure à la durée de la détention provisoire ordonnée, s'il devait être reconnu coupable des faits dont il est soupçonné.

8.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté, rendant sans fondement la demande d'indemnisation du tort moral allégué.

9.             Les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État, l'ordonnance querellée faisant état d'une pièce non communiquée préalablement au prévenu.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.