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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17386/2018

ACPR/853/2019 du 07.11.2019 sur OMP/4414/2019 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.12.2019, rendu le 20.03.2020, REJETE, 1B_582/2019
Descripteurs : AVOCAT;CONFLIT D'INTÉRÊTS;DOUBLE REPRÉSENTATION
Normes : LLCA.12; CPP.127

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17386/2018ACPR/853/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 novembre 2019

 

Entre

 

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat, ______ [GE],

B______, avocat, p.a. ______ [GE],

recourants,

 

contre l'ordonnance rendue le 27 mars 2019 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 8 avril 2019 au greffe de la Chambre de céans, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance rendue le 27 mars précédent, notifiée le lendemain, aux termes de laquelle le Ministère public a prononcé contre le second, avocat du premier, l'interdiction de postuler dans la P/17386/2018.

Les recourants concluent, sous suite de frais et équitable indemnité de procédure, sur mesures provisionnelles, à ce qu'il soit notamment enjoint au Procureur de s'abstenir de tout acte d'instruction jusqu'à droit jugé sur le recours et, au fond, à l'annulation de la décision attaquée.

b. Par ordonnance du 10 avril 2019, la Direction de la procédure a donné suite à la demande de mesure provisionnelle précitée, limitant cependant son étendue aux actes d'instruction impliquant la participation de l'un ou des deux recourant(s).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, C______ et D______, tous trois résidents genevois, sont actionnaires de la société E______ SA, essentiellement active dans la gestion de trusts. Le premier et le troisième nommés en sont les administrateurs.

B______ est l'avocat de cette société depuis une date indéterminée, mais à tout le moins antérieure au mois de juin 2018.

b.a. En été 2018, le Ministère public a ouvert une procédure d'entraide CP/1______/2018, à la demande des autorités allemandes, celles-ci instruisant une affaire contre divers protagonistes prévenus de faux dans les titres, dont C______, F______ et G______.

En substance, les deux derniers nommés, dirigeants de sociétés appartenant au groupe H______, étaient soupçonnés d'avoir, entre 2009 et 2013, établi de faux contrats pour permettre à ces entités de présenter, sur le plan comptable, une situation financière meilleure qu'elle ne l'était en réalité. À cet effet, le concours de plusieurs sociétés avait été nécessaire, dont C______ était, soit l'administrateur (I______ LTD et ses filiales), soit le président (J______ SA, société valaisanne dont G______ a été administrateur jusqu'en 2018, fonction qu'exerce désormais A______); C______ avait, pour "échanger des informations" dans ce cadre, utilisé son adresse e-mail auprès de E______ SA (décision d'entraide, page 2).

b.b. Le Procureur a procédé, en exécution de la demande d'entraide, à diverses perquisitions, aussi bien à Genève auprès, notamment, de E______ SA qu'à Zürich auprès de la société K______ SA - société qui est l'une des actionnaires du groupe H______ (pièce 10'333) et dont C______ a été le directeur jusqu'en 2007, poste qu'occupe actuellement G______ -. Le domicile de C______ a également été fouillé.

Ont, entre autres, été saisies, dans les locaux de E______ SA, les données électroniques (boîte e-mails) qui se trouvaient sur le poste de travail de C______ et, dans le logement de ce dernier, les données figurant sur l'ensemble de ses supports informatiques.

b.c. Il a été décidé que l'assiette des documents/données saisis à remettre aux autorités allemandes serait limitée par l'application de quarante-sept mots-clés, choisis par ces autorités. Figuraient, parmi ceux-ci, les noms de toutes les personnes physiques et morales citées à la lettre B.b.a. supra ainsi que K______ SA.

b.d. En novembre 2018, B______ s'est constitué à la défense des intérêts, notamment, de E______ SA et C______.

En accord avec le Ministère public, cet avocat a eu accès à l'entier des documents et données saisis - à tout le moins ceux se rapportant à ses mandants - afin de faciliter le tri par mots-clés sus-évoqué.

b.e. C______ a renoncé, au regard du caractère circonscrit des éléments à transmettre aux autorités allemandes, à la mise sous scellés qu'il avait initialement requise au sujet des données le concernant.

c.a. Parallèlement, le 11 septembre 2018, L______, bénéficiaire d'un trust dénommé M______, et les trustees de ce dernier ont déposé plainte pénale contre A______, C______, D______ et F______, des chefs de gestion déloyale et abus de confiance commis au préjudice du patrimoine de M______ (P/17386/2018).

En substance, ils reprochaient aux trois premiers mis en cause d'avoir notamment, de concert, le 3 avril 2018, en violation des devoirs de loyauté et de fidélité qui incombaient à N______ LTD, précédent trustee de M______ dont ils étaient les animateurs depuis leur société genevoise E______ SA, indûment cédé la moitié des actions d'une entité appartenant à M______, soit O______ SA, à K______ SA. Cette opération, dont le bénéficiaire était, in fine, F______, avait occasionné un dommage de GBP 30 millions environ.

c.b. La défense des intérêts des trois premiers mis en cause est assurée, pour A______ par B______ (depuis le 19 décembre 2018), s'agissant de C______ par Mes P______ et Q______ et pour D______ par un autre mandataire.

c.c. Le Procureur - qui n'est pas celui chargé de la procédure d'entraide - a auditionné à une reprise chacune des parties, sous réserve de F______, qu'il n'a pas encore entendu.

Il a prévenu C______, A______ et D______ d'infraction aux art. 138 et 158 CP. Ces derniers ont contesté les faits qui leur étaient reprochés, déclarant, de façon globalement convergente, que K______ SA avait reçu les actions litigieuses en contrepartie du versement d'une importante somme d'argent qu'elle avait remise à O______ SA en 2011. N______ LTD s'était donc limitée à formaliser la position économique que la première de ces sociétés détenait, de facto, déjà dans la seconde. La décision y relative avait été prise par A______ et D______, C______ n'en ayant été informé que par la suite.

c.d. Le 19 décembre 2018, le Ministère public a perquisitionné les locaux de E______ SA, en présence, notamment, de A______. À cette occasion, il a notamment saisi les données informatiques issues des postes de travail du précité et de D______, à l'exception des courriels "envoyés, re[ç]us, CC, ______ portant les noms/mails [de divers] avocats". En revanche, il a renoncé à copier les données se trouvant sur le poste de C______, aux motifs qu'elles avaient déjà été saisies dans la CP/1______/2018 et qu'il "en serait fait ultérieurement apport" au dossier.

Le même jour, certains des documents papiers saisis dans la CP/1______/2018 au domicile de C______ puis restitués à ce dernier, ont été consultés dans les locaux de l'étude de B______. Aucun de ces documents n'a été jugé pertinent pour la P/17386/2018.

c.e. Le 5 mars 2019, le Ministère public a ordonné l'apport (art. 194 CPP) de plusieurs éléments de preuve recueillis dans la procédure d'entraide, en particulier des pièces afférentes à K______ SA, de l'inventaire de police relatif à la perquisition du logement de C______ et de l'intégralité des données issues des supports informatiques de ce dernier, tant auprès de E______ SA qu'à son domicile.

À cette suite, le prénommé a requis, sous la plume de ses deux conseils, la mise sous scellés desdites données, arguant que leur apport au dossier serait susceptible de "viole[r] les secrets commerciaux (...), sa sphère privée et le secret professionnel de ses avocats". Le Procureur ayant refusé d'accéder à sa demande, C______ a recouru auprès de la Chambre de céans. Son recours sera admis le 12 juin 2019 (ACPR/434/2019).

c.f. Le 5 mars 2019, le Procureur a invité les parties à se déterminer sur le conflit d'intérêts qui semblait résulter de la représentation, par B______, tant de C______ dans la CP/1______/2018 que de A______ dans la P/17386/2018.

c.g. Dans leurs observations du 22 suivant, A______ et B______ ont signalé au Procureur qu'il s'apprêtait à se comporter de façon, non seulement contradictoire - puisqu'il avait initialement accepté, en toute connaissance de cause, et sans réagir, la constitution du second en faveur du premier - mais également préjudiciable aux intérêts du prévenu - eu égard à l'activité d'ores et déjà déployée par l'avocat dans la procédure nationale -.

Quoi qu'il en soit, il n'existait aucun conflit d'intérêts, encore moins concret, pour les motifs suivants.

Tout d'abord, les deux procédures concernées n'étaient nullement connexes, les affaires H______ et O______ SA n'ayant aucun lien entre elles; pour cette raison d'ailleurs, la liste des mots-clés établie par les autorités allemandes ne faisait mention ni de L______, ni de la dernière société précitée, ni encore de M______. De plus, C______ ne pouvait en aucun cas être considéré, dans la procédure nationale, comme étant une partie adverse de A______, les intérêts de ces protagonistes étant "parfaitement alignés", comme en attestaient leurs auditions.

Ensuite, s'agissant des "emails de M. C______ [saisis dans la CP/1______/2018], il exist[ait] des [courriels] en lien avec la [P/17386/2018] mais [ceux-ci] auraient très bien pu être saisis lors de la perquisition du 19 décembre 2018, comme cela avait été le cas" pour les courriels de A______ et D______ [cf. lettre B.c.d.]. En tout état, l'intégralité de ces mails seraient bientôt apportée à la procédure nationale, vu la décision rendue en ce sens par le Ministère public (cf. lettre B.c.e. in initio).

c.h. Pour leur part, C______ et D______ ont nié l'existence d'un conflit d'intérêts, tandis que les auteurs de la plainte ont exprimé un avis contraire.

C. Dans sa décision déférée, le Procureur a rappelé le principe selon lequel il appartenait à l'autorité, si l'avocat ne mettait pas fin de lui-même à la représentation illicite, de dénier d'office et en tout temps la capacité de postuler. Il a considéré que B______ se trouvait dans une position de conflit d'intérêts concret, prohibé par l'art. 12 let. c de la Loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA; RS 935.61). En particulier, les deux procédures concernées présentaient des similitudes, puisque des protagonistes identiques (dont une grande partie figurait sur la liste des autorités allemandes) y étaient impliqués ou cités. De plus, l'on ne pouvait exclure que l'avocat prénommé exploite, dans la P/17386/2018, au préjudice de C______, les éléments qu'il avait aidé à trier dans la CP/1______/2018, tels que les courriels de ce dernier.

D. a. à l'appui de leurs recours et réplique, A______ et B______ proposent l'administration de diverses preuves pour établir la réalité de leurs allégués, parmi lesquelles figure l'audition des Procureurs en charge des procédures d'entraide et nationale.

Sur le plan formel, ils font grief au Ministère public d'avoir omis de constater les cinq éléments de faits suivants dans sa décision : (1) le Procureur connaissait, depuis le 19 décembre 2018, l'existence des deux mandats litigieux; (2) il avait consulté, à cette même date, certaines pièces issues de la CP/1______/2018 dans les locaux de l'étude de B______; (3) il lui aurait été loisible, sur simple demande à son collègue, d'obtenir l'ensemble des documents saisis dans la procédure d'entraide; (4) aucun élément nouveau n'était survenu entre le 19 décembre 2018 et la date du prononcé de la décision attaquée, susceptible de faire apparaître un conflit d'intérêts; (5) le Ministère public avait ordonné l'apport à la P/17386/2018 de certains documents/données saisis dans la CP/1______/2018.

Ils se plaignent également d'une violation de leur droit d'être entendus, au motif que le Procureur n'avait pas (suffisamment) répondu à deux de leurs arguments, à savoir que ce magistrat avait adopté une attitude contradictoire et/ou préjudiciable à leurs intérêts, respectivement que la liste établie par les autorités allemandes ne comprenait aucun mot-clé qui soit en rapport avec O______ SA et/ou M______.

Au fond, ils persistent dans leur détermination résumée à la lettre B.c.g. ci-dessus.

À l'appui de leurs actes, ils produisent, entre autres pièces nouvelles : un document établi par C______ le 5 avril 2019, dans lequel ce dernier déclare "lever Me B______ du secret professionnel envers toute autorité pénale genevoise sur les éléments connus [l]e concernant dans" la CP/1______/2018; un avis de droit rédigé le 8 avril 2019 par R______, dont il ressort que la décision attaquée violerait l'art. 12 let. c LLCA.

b. Invité à se prononcer, le Ministère public propose le rejet du recours comme étant mal fondé, non sans avoir souligné que l'offre de preuve consistant en l'audition de Procureurs "interpel[lait]".

c. Le 17 mai 2019, les auteurs de la plainte visée à la lettre B.c.a. ci-dessus ont demandé à pouvoir se déterminer sur le recours.

E. La CP/1______/2018 s'est achevée au mois d'octobre 2019.

EN DROIT :

1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance prononçant une interdiction de postuler (art. 61 cum 62 al. 1 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_226/2016 du 15 septembre 2016 consid. 2 et les références citées), décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP), et émaner tant du prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP) que du conseil visé par l'interdiction, qui ont tous deux qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de cette ordonnance (art. 382 al. 1 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_510/2018 du 14 mars 2019 consid. 1, non publié in ATF 145 IV 218).

1.2. Les pièces nouvelles produites par les recourants sont également recevables (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2 ainsi que 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

2. Les auteurs de la plainte n'avaient pas à être consultés avant le présent prononcé, dès lors que les risques découlant d'un éventuel conflit d'intérêts rattaché à B______, ne viennent ni péjorer leur position, ni entraver leurs droits (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1B_20/2017 du 23 février 2017 consid. 1 et 1B_149/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.4.2). Ils ne revêtent donc pas la qualité de parties dans la procédure de recours.

Pour ce motif, le présent arrêt ne leur sera pas communiqué.

3. Les recourants proposent l'administration de diverses preuves pour établir la réalité de leurs allégués.

Il n'y a pas lieu de donner suite à ces offres, les éléments pertinents pour statuer sur les différents griefs soulevés dans le recours étant d'ores et déjà suffisamment prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_433/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1 et les références citées).

4. Les recourants se prévalent d'une constatation incomplète de certains faits par le Ministère public (art. 393 al. 2 let. b CPP).

4.1. La Chambre de céans revoit avec un plein pouvoir de cognition, en fait notamment, les points de la décision attaqués devant elle (art. 393 al. 2 et 385 al. 1 let. a CPP).

4.2. Une constatation est incomplète lorsque des éléments pertinents ne figurent pas au dossier (ACPR/693/2018 du 26 novembre 2018, consid. 3.1.2 et les références citées).

4.3. En l'espèce, les allégués référencés sous (1) et (4) au deuxième paragraphe de la lettre D.a. ne sont nullement d'ordre factuel, mais constituent une appréciation. Ils n'avaient donc pas à figurer dans la décision attaquée.

La Chambre de céans a, conformément au plein pouvoir de cognition dont elle dispose, intégré dans l'état de fait de son arrêt les éléments numéros (2) et (5), ceux-ci étant pertinents, soit pour la compréhension de l'exposé, soit pour l'issue du litige.

Quant à l'assertion référencée sous (3), elle est impropre à influer sur le sort de la cause. On ne saurait dès lors faire grief au Ministère public de ne pas l'avoir retenue.

5. Les recourants se prévalent d'une violation de leur droit d'être entendus.

5.1. La garantie de ce droit, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst féd., impose à l'autorité de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé son raisonnement. La motivation peut également être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 6B_705/2019 du 5 septembre 2019 consid. 3.2.1 et les références citées).

5.2. En l'espèce, le Procureur a, en rappelant qu'il appartenait à l'autorité, si l'avocat ne mettait pas fin de lui-même à la représentation illicite, de dénier d'office et en tout temps la capacité de postuler, implicitement répondu au grief qui lui était fait d'avoir adopté une attitude contradictoire et/ou préjudiciable aux intérêts des recourants; en effet, l'on comprend de cette mention qu'il aurait appartenu au mandataire de cesser spontanément d'occuper et que la problématique du conflit d'intérêts n'est pas sujette à péremption.

Il s'est, de même, prononcé sur la liste de mots-clés établie par les autorités allemandes, estimant qu'il convenait, pour déterminer si les deux procédures présentaient ou non des similitudes, d'accorder plus de poids aux noms qui y figuraient qu'à ceux qui n'y étaient pas mentionnés (tels que M______, etc.).

Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

6. Les recourants soutiennent que le Procureur aurait contrevenu au principe de la bonne foi, en ayant adopté un comportement contradictoire.

6.1. Ce principe, ancré aux art. 9 Cst féd. et 3 al. 2 let. a CPP, postule une interdiction des comportements contradictoires et fonde le justiciable à se prévaloir de la protection de la confiance créée par des assurances données par l'autorité ou d'autres comportements engendrant des attentes de même ordre. Seule peut invoquer cette protection la personne qui a pris des dispositions en sa défaveur sur lesquelles elle ne peut plus revenir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1008/2015 du 18 juillet 2016 consid. 5.2 et les références citées).

6.2. L'avocat qui, en violation des obligations énoncées à l'art. 12 LLCA, accepte ou poursuit la défense d'intérêts contradictoires doit se voir dénier, par l'autorité, la capacité de postuler (ATF 135 II 145 consid. 9.1; 134 II 108 consid. 4.2.1). Le juge statue d'office et en tout temps sur ce point (ATF 141 IV 257 consid. 2.2).

6.3. En l'espèce, le Ministère public n'a donné aucune assurance aux recourants s'agissant de la capacité de postuler de B______.

On ne distingue, au surplus, aucune violation du principe de la bonne foi. En effet, de deux choses l'une : soit il existe effectivement un conflit d'intérêts et c'est à l'avocat qu'il incombait de refuser de représenter A______, le Procureur n'intervenant qu'en cas d'inaction de ce conseil, charge alors aux parties au contrat de mandat d'assumer les conséquences découlant d'un tel conflit; soit l'existence dudit conflit doit être niée et les recourants ne subissent aucun préjudice, l'avocat pouvant continuer de défendre A______.

Manifestement infondé, le grief doit être rejeté.

7. Les recourants considèrent que la décision déférée consacre une violation de l'art. 12 let. c LLCA.

7.1.1. Les parties à une procédure pénale peuvent librement choisir un conseil juridique; la législation sur les avocats est toutefois réservée (art. 127 al. 4 CPP).

L'art. 12 let. c LLCA prescrit au mandataire d'éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé. Un risque de conflit d'intérêts purement abstrait ou théorique ne suffit pas; il doit être concret. Point n'est toutefois besoin que le danger se soit réalisé et que l'avocat ait déjà exécuté son mandat de façon critiquable ou en défaveur de son client. Dès que le conflit d'intérêts survient, l'avocat doit mettre fin à la représentation (ATF 145 IV 218 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_209/2019 du 19 septembre 2019 consid. 4.1.1 et 4.1.2).

7.1.2. Il y a notamment violation de l'art. 12 let. c LLCA lorsqu'il existe un lien entre deux procédures et que l'avocat représente dans celles-ci des clients dont les intérêts ne sont pas identiques. Il importe peu, en principe, que la première des causes soit déjà terminée ou encore pendante, dès lors que le devoir de fidélité de l'avocat n'est pas limité dans le temps. Un conflit d'intérêts doit en outre être admis dès que survient la possibilité qu'un conseil utilise, consciemment ou non, dans un nouveau mandat les connaissances acquises antérieurement, sous couvert du secret professionnel, dans l'exercice d'un mandat antérieur (ibidem).

Le Tribunal fédéral a admis l'existence d'un tel conflit dans des occurrences où un avocat, initialement mandaté par une société pour des aspects civil/de droit des poursuites, avait ensuite accepté de défendre un organe de celle-ci dans une procédure pénale où la société revêtait le statut de plaignante. En effet, selon la Haute Cour, le mandataire aurait pu, lors de ses précédents contacts avec la société, par l'intermédiaire de diverses personnes, prendre connaissance d'informations que l'organe n'aurait pas été en mesure de lui communiquer. Ces circonstances étaient propres à fonder un risque de conflit d'intérêts concret, même si ce risque devait, finalement, ne pas se réaliser (arrêts du Tribunal fédéral 1B_209/2019 précité, consid. 4.2, et 1B_226/2016 du 15 septembre 2016 consid. 3.2).

7.2. En l'espèce, B______ a assuré la défense des intérêts de C______, dans la procédure d'entraide, de novembre 2018 à octobre 2019. Depuis décembre 2018, il représente A______ dans l'affaire nationale, cause où ce dernier revêt, à l'instar de C______, le statut de prévenu.

Il convient de déterminer si, au vu de cette configuration, l'avocat aurait la possibilité d'utiliser, consciemment ou non, dans le second mandat les connaissances qu'il a acquises lors du premier.

B______ a eu accès, dans le cadre de la CP/1______/2018, à l'intégralité des messages électroniques de C______, ce en vue de les trier. Or, de l'aveu même de ce conseil, certains desdits messages concernent la P/17386/2018. Dès lors que C______ a sollicité et obtenu, dans la P/17386/2018, via Mes P______ et Q______, la mise sous scellés de ses courriels (issus de la CP/1______/2018), seule une partie de ceux-ci devrait, in fine, être versée au dossier national. En conséquence, B______ pourrait avoir pris connaissance de davantage d'éléments que ceux qui figureront, en définitive, dans la P/17386/2018, éléments que A______ n'aurait très probablement pas été en mesure de lui communiquer, ceux-ci ayant trait à la sphère privée de C______. Il existe donc un risque de conflit d'intérêts au sens de l'art. 12 let. c LLCA; en effet, si B______ se prévaut des courriels sous scellés/finalement écartés, il prend le risque de violer son secret professionnel vis-à-vis de C______ - qui a clairement manifesté son intention, dans la P/17386/2018, que certaines de ses données restent confidentielles -, tandis que, s'il n'en fait pas état, alors qu'ils pourraient servir à la défense de A______, il est susceptible de violer son devoir de diligence à l'égard de ce dernier.

Ce risque est encore accru par le fait que B______ a été - potentiellement à l'époque des faits litigieux -, et semble être encore aujourd'hui, l'avocat de E______ SA, mandat qui a pu lui permettre d'acquérir, par l'intermédiaire de diverses personnes, des informations relatives à C______ - dont il n'aurait pas pu avoir connaissance autrement -, susceptibles d'être utilisées en faveur de A______.

Enfin et surtout, le risque de conflit d'intérêts s'est d'ores et déjà concrétisé, puisque C______ a fait valoir, via ses différents avocats, une position contradictoire. Ainsi, il a allégué, par l'intermédiaire de B______, qu'il autorisait ce dernier à se prévaloir, dans la P/17386/2018, des "éléments connus [l]e concernant" résultant de la CP/1______/2018 (cf. levée du secret professionnel), tout en requérant, parallèlement, via Mes P______ et Q______, la mise sous scellés d'une partie de ces mêmes éléments, lors de leur apport à la P/17386/2018.

Dans ces circonstances, les questions de savoir s'il existe un lien de connexité entre les deux procédures susmentionnées, respectivement si C______ et A______ doivent être qualifiés de parties opposées dans l'affaire nationale, peuvent demeurer indécises.

En conclusion, la décision déférée est exempte de critique.

Infondé, le recours doit donc être rejeté.

8. Les recourants succombent intégralement. Ils seront, ainsi, déboutés de leurs conclusions tendant au versement d'une indemnité au sens de l'art. 436 CPP.

Ils supporteront solidairement (art. 418 al. 2 CPP) les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1, 1ère et 2ème phrases, CPP), qui seront fixés à CHF 2'000.- en totalité, émolument de décision inclus (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ et B______ solidairement aux frais de la procédure de recours, qui seront fixés en totalité à CHF 2'000.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourants ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 


 

P/17386/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'895.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

2'000.00