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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1175/1997

ACOM/98/1998 du 31.08.1998 ( CRIP ) , REJETE

Descripteurs : FONCTIONNAIRE ET EMPLOYE; DEPLACEMENT(FONCTION); PLAINTE PENALE; PROPORTIONNALITE; JUSTE MOTIF; REVOCATION(EN GENERAL); SANCTION ADMINISTRATIVE; TRANSFERT(EN GENERAL); FAUTE GRAVE; CRIP
Normes : LIP.130
Résumé : Confirmation de la révocation d'un enseignant coupable d'attouchement d'ordre sexuel sur des mineurs. Le principe de proportionnalité a été respecté, car cette sanction était la seule à-même d'atteindre les buts poursuivis. En particulier, un transfert dans un poste d'enseignant pour des classes d'adultes n'est pas envisageable, étant réservé aux cas relevant de mesures pédagogiques ou disciplinaires de moindre gravité.
En fait
En droit

COMMISSION DE RECOURS

DES ENSEIGNANTS

p.a. Tribunal administratif

Rue des Chaudronniers 3

1204 GENEVE

 

 

 

 

DECISION

 

 

du 31 août 1998

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur O. G.

représenté par Me Vincent Spira, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ETAT DE LA REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE




EN FAIT

 

 

1. Monsieur O. G., né en 1961, domicilié à Genève, est entré dans l'enseignement secondaire en 1981. Il a fonctionné en qualité de suppléant en mathématiques au collège du cycle d'orientation de … jusqu'en 1984.

 

2. Dès 1984, il a enseigné au collège du cycle d'orientation de .... (ci-après : ....).

 

3. Le 30 mars 1988, avec effet au 1er septembre 1988, M. G. a été nommé aux fonctions de maître de l'enseignement secondaire, après avoir obtenu le certificat d'aptitude de l'enseignement secondaire en mathématiques.

 

Durant sa carrière à ...., M. G. a essentiellement enseigné les mathématiques, la physique-chimie, l'informatique et a assumé des maîtrises de classe dans les trois degrés du cycle d'orientation.

 

4. Le 28 mai 1997, M. G. a été nommé, avec effet au 1er septembre 1997, à la fonction de doyen dans l'enseignement secondaire, pour un an à titre d'épreuve.

 

5. Parallèlement à son activité professionnelle, M. G. a exercé une activité d'entraîneur de rink-hockey, comme moniteur de Jeunesse et Sports, entraîneur juniors à Genève, en ligue nationale A, en équipe nationale jeunesse; activités auprès de jeunes qui ont été encouragées par l'institution tout au long de sa carrière d'enseignant.

 

6. Le 25 août 1997, M. G. a été entendu par la police de sûreté consécutivement au dépôt de trois plaintes à son encontre, les 21 mai et 24 août 1997, pour des attouchements sexuels répétés et à différentes périodes sur des enfants de 12 à 13 ans, au sens de l'article 187 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O)

 

Ces plaintes émanaient, pour l'une d'A. F., né en 1979, et concernait des faits remontant à l'année 1992, intervenus dans le cadre des activités de M. G. au sein du rink-hockey Club Genève. Quant aux deux autres, elles avaient été déposées par R.-A. M. et J. V., nés respectivement en 1984 et 1985. Pour ces derniers, les attouchements incriminés s'étaient produits entre avril et juillet 1997, à la fin des entraînements, lors de tournois de rink-hockey, soit encore au domicile de M. G..

Lors de son audition, M. G. a contesté l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés.

 

7. Le 26 août 1997, M. P. V. et Mme Y. M., parents respectivement de J. et R. ont été entendus par la police de sûreté. Ils ont indiqué que M. G. exerçait sur eux une pression insupportable, menaçant notamment de se suicider.

 

Ils expliquaient que dans la soirée du 25 août 1997, de même que le lendemain, M. G. avait tenté de les contacter, sollicitant notamment des rencontres avec toutes les personnes concernées, sans que de tels rendez-vous ne lui soient accordés.

 

8. Le 29 août 1997, M. G. a été interpellé suite à un mandat d'amener décerné par le juge d'instruction.

 

Durant son incarcération, M. G. fut entendu tant par la police de sûreté que par le juge d'instruction. Il a alors reconnu l'intégralité des actes qui lui étaient reprochés. Il a expliqué qu'il les avait contestés dans un premier temps, parce qu'il souhaitait s'entretenir avec les enfants concernés et leurs parents avant d'admettre les faits, ce afin de clarifier la situation avec tous les intervenants et d'éviter dans la mesure du possible, un scandale qui aurait affecté l'Instruction publique.

 

9. Le 2 septembre 1997, M. G. a été entendu par Monsieur P. D. J., psychologue-psychotérapeute FSP spécialisé dans le domaine des abus sexuels.

 

10. Le 3 septembre 1997, le Conseil d'Etat a suspendu M. G. de ses fonctions d'enseignant dans l'enseignement secondaire et de doyen à ...., avec effet immédiat.

 

11. Le 4 septembre, après six jours de détention préventive, le juge d'instruction a prononcé la mise en liberté provisoire de M. G., considérant qu'il n'existait aucun risque de récidive.

 

12. Le 29 septembre 1997, le Conseil d'Etat a informé M. G. qu'il avait l'intention de procéder à sa révocation, conformément à l'article 130 alinéa 1 lettre c de la loi sur l'instruction publique (C 1 10). A cette même date il a décidé de supprimer le traitement de M. G. avec effet au 1er octobre 1997. Un délai de 10 jours était imparti à M. G. s'il désirait être entendu par une délégation de trois conseillers à moins qu'il ne préfère s'exprimer par écrit d'ici au 15 octobre 1997.

 

13. Par lettre du 2 octobre 1997 au Conseil d'Etat, M. G. a demandé à être entendu et a requis une expertise psychiatrique, ce afin d'établir notamment son degré de dangerosité et le risque de se voir récidiver dans l'hypothèse où il serait à nouveau dans l'avenir confronté à des enfants.

 

14. M. G. a continué de consulter M. J. chaque semaine depuis sa sortie de Champ-Dollon. Ce dernier, dans un rapport daté du 21 octobre 1997, a déclaré que M. G. ne représentait pas à l'heure actuelle, du point de vue de la prévention de la récidive, un risque pour autrui. Sa réintégration dans le domaine de l'enseignement, auquel il reste très attaché, ne devrait pas constituer un problème pour autant qu'il soit intégré dans une structure pour des élèves plus âgés.

 

15. Entendu le 22 octobre 1997 par une délégation du Conseil d'Etat, M. G. a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et a expliqué qu'il avait pris contact avec la famille des enfants parce qu'il était conscient de la gravité de ses actes et ressentait le besoin d'en parler à ses victimes et à leur famille tant pour reconnaître ses agissements que pour y remédier. Il n'avait à aucun moment exercé de pressions sur ces personnes. Il soulignait qu'il avait immédiatement et même avant son incarcération contacté de son propre chef un thérapeute afin de recevoir une aide médicale d'urgence. Enfin, il a confirmé sa certitude qu'il ne demeurait aucun risque de récidive de sa part et a requis du Conseil d'Etat de l'autoriser à poursuivre une carrière d'enseignement, mais avec des élèves plus âgés ou des adultes, dans le cadre par exemple du collège du soir. Pour le surplus M. G. persistait dans sa demande d'expertise psychiatrique.

 

A l'appui de sa demande, M. G. a produit par devant le Conseil d'Etat un bordereau de pièces comportant des lettres de soutien écrites par des élèves, par des membres ou des proches du rink-hockey, ainsi que par de nombreux collègues enseignants. Tous dûment informés des faits reprochés à M. G., ont loué ses qualifications professionnelles, notamment sa compétence et sa pédagogie et ont formé le voeu qu'il lui soit permis de poursuivre une carrière d'enseignant.

 

16. Le 4 novembre 1997, M. G. a à nouveau été entendu par le juge d'instruction, en présence des parties civiles. Il a persisté à reconnaître l'intégralité des faits faisant l'objet des trois plaintes pénales.

 

17. Par arrêté du 5 novembre 1997, le Conseil d'Etat a prononcé la révocation de M. G. de sa fonction d'enseignant secondaire avec effet immédiat, déclarant au surplus cette décision exécutoire nonobstant recours.

 

A l'appui de sa décision, le Conseil d'Etat relevait que les faits reprochés à M. G. étaient absolument incompatibles avec ses fonctions officielles, qu'ils avaient anéanti la confiance que tant les parents que l'autorité scolaire avaient placée en lui. De plus, les faits reprochés détruisaient l'autorité indispensable à l'exercice de sa charge, quand bien même ils avaient été commis dans l'exercice d'une activité accessoire d'entraîneur sportif et non pas dans le cadre de l'exercice strict de ses fonctions d'enseignant ou de doyen. Par conséquent, même si M. G. avait très sincèrement pris conscience de ses actes et entamé un traitement psychologique, il n'en restait pas moins qu'il avait très gravement manqué à ses devoirs de fonction en commettant des attouchement répétés à caractère sexuel sur des jeunes qui lui avaient été confiés et en exerçant des pressions inadmissibles sur les parents des plaignants.

 

En conséquence, le Conseil d'Etat a refusé d'ordonner une expertise psychiatrique aux fins de poser un diagnostic sur M. G. et d'évaluer le risque de récidive.

 

18. Le 8 décembre 1997, M. G. a recouru auprès de la commission de recours des enseignants (ci-après : la commission) contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 5 décembre 1997 et a conclu à son annulation. Il a considéré qu'en refusant d'ordonner une expertise psychiatrique, le Conseil d'Etat violait le principe fondamental du droit d'être entendu. Il alléguait également une violation des principes de subsidiarité et de proportionnalité du fait que le Conseil d'Etat l'avait révoqué sans même envisager qu'il poursuive une carrière d'enseignant avec des élèves plus âgés, voire des adultes. Dès lors, il demandait à titre de mesure disciplinaire, un transfert de sa charge et de ses fonctions en un poste de l'enseignement du département de l'instruction publique apte à satisfaire la sauvegarde de tous les intérêts publics retenus par le Conseil d'Etat. Préalablement M. G. sollicitait l'ordonnance d'une expertise psychiatrique afin de poser un diagnostic à son sujet et d'évaluer les risques de récidive. Pour le surplus, M. G. a formellement contesté avoir exercé quelque pression sur les parents des plaignants, pressions qui au demeurant n'avaient pas été confirmées devant le juge d'instruction. Il admettait toutefois avoir à un certain moment, envisagé de se suicider.

 

19. Le 23 décembre 1997, une expertise psychiatrique a été établie par le Dr. P. S.. Il en est notamment ressorti le éléments suivants :

 

- M. G. présentait une déviance sexuelle impliquant une activité sexuelle avec un enfant prépubère de sexe mâle;

- M. G. reconnaissait entièrement les faits reprochés et leur caractère délictueux; il était conscient de son problème;

 

- de l'avis de l'expert, M. G. ne représentait aucun danger pour une population d'élèves plus âgés. Selon lui, il était souhaitable de préserver les espaces fonctionnels de M. G., à savoir lui permettre de continuer à s'investir dans son domaine professionnel quitte à ce qu'il soit régulièrement contrôlé;

 

- la fréquence et la récidive à plusieurs années de distance des actes commis par M. G., impliquait de poser un diagnostic de pédophilie.

 

18. Dans ses observations déposées le 9 janvier 1998, le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours. La demande de transfert de M. G. ne pouvait être retenue dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une sanction disciplinaire mais d'une simple réaffectation. Préalablement, le Conseil d'Etat sollicitait l'apport du dossier pénal de M. G.. Enfin il demandait que les frais et émoluments de procédure soient mis à la charge de M. G..

 

19. Le 13 mars 1998, M. G. a dupliqué aux observations du Conseil d'Etat. Reprenant pour l'essentiel les conclusions exposées dans son recours du 8 décembre 1997, M. G. a réaffirmé n'avoir exercé aucune pression sur les plaignants. Quant à sa dénégation dans un premier temps des faits incriminés, M. G. a expliqué qu'il voulait d'abord clarifier la situation et éviter un scandale pouvant affecter l'instruction publique. Enfin, il réitérait sa demande de transfert à titre de sanction disciplinaire. Préalablement, M. G. a demandé l'apport de la procédure pénale engagée contre lui et de l'expertise psychiatrique établie le 23 décembre 1997 par le docteur S.. A défaut, il sollicitait l'exécution d'une nouvelle expertise par un expert désigné par la Commission.

 

20. Dans ses observations du 17 avril 1998, le Conseil d'Etat s'est contenté de préciser que le retrait du décénat et d'une hypothétique maîtrise de classe ne constituait pas des sanctions disciplinaires, car il s'agissait de fonctions accessoires liées à l'année scolaire. Pour le reste, le Conseil d'Etat a persisté dans les conclusions prises dans sa précédente écriture du 9 janvier 1998.

 

21. Le 8 mai 1998, le conseil de M. G. a fait part à la Commission que M. B. S. avait été désigné pour siéger conformément à l'article 131 de la loi sur l'instruction publique.

 

Le 25 juin 1998, le Conseil d'Etat a informé la Commission qu'elle avait désigné M. F. W. à cet effet.

 

EN DROIT

 

1. a. Au terme de l'article 62 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant du 25 juillet 1979 (B 5 10 04; ci-après : le règlement), dans les cas prévus par les articles 128, 129 et 130 de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 (C 1 10) et les articles 52, 53, 54 et 60 du présent règlement, le fonctionnaire intéressé a le droit de recourir dan les 30 jours contre la décision prise à son égard auprès d'une commission de 5 membres composée de 3 juges du tribunal administratif désignés par son président, d'un membre désigné par le Conseil d'Etat, et choisi en dehors de ce corps, et d'un membre du corps enseignant de l'ordre de l'enseignement concerné.

 

b. L'article 62 alinéa 4 du règlement précise que la procédure de recours est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

En l'espèce, la commission est régulièrement composée. Interjeté en temps utile, le recours est recevable.

 

2. a. Conformément à l'article 130 LIP, le Conseil d'Etat peut prendre à l'égard des fonctionnaires de l'enseignement les mesures suivantes : transfert, congé, suspension, révocation. Cette dernière mesure, également prévue aux mêmes conditions à l'article 51 du règlement, est infligée au fonctionnaire lorsqu'il manque gravement à ses devoirs ou lorsque sa conduite est incompatible avec ses fonctions.

 

c. Toutes ces mesures sont précédées d'une enquête du département dont les résultats sont communiqués à l'intéressé; celui-ci a le droit d'être entendu avant toute décision. Enfin, le licenciement et la révocation entraînent la suppression du traitement et de toute prestation à la charge de l'Etat (art. 130 al. 2 LIP; art. 52 alinéa 3 du règlement).

 

3. Les devoirs du personnel sont énumérés aux articles 18 et suivants du règlement. Les membres du corps enseignant doivent notamment observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux responsabilités leur incombant (art. 18) et remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 19 al.1). L'article 1er du règlement de l'enseignement secondaire (C 1 10 24) précise encore que " l'enseignant contribue au développement intellectuel .... des élèves .... ainsi qu'à leur formation morale".

 

Il est reproché au recourant d'avoir commis des attouchements d'ordre sexuel sur des mineurs. S'agissant d'un enseignant et membre de la direction d'un établissement scolaire chargé de la formation d'adolescents, ces actes apparaissent comme très graves et contraires aux règles déontologiques de la profession. En effet, de tels actes compromettent fortement le rôle éducatif et moral de l'enseignant à l'égard des jeunes qui lui sont confiés et sont dès lors incompatibles avec ses fonctions officielles. C'est donc à juste titre que l'intimé a pris des mesures disciplinaires à l'encontre du recourant.

 

Ce dernier ne dénie d'ailleurs pas la gravité et le caractère inadmissible de ses agissements et admet pleinement le prononcé d'une sanction à son égard. Il soutient cependant que la révocation constitue en l'espèce, une sanction disproportionnée.

 

4. a. Le principe de la proportionnalité suppose que la mesure litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts privés et publics compromis (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43; 348 consid. 2a p. 353).

 

b. Pour déterminer la sanction appropriée, l'autorité disciplinaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Si elle doit certes tenir compte de l'intérêt du recourant à poursuivre l'exercice de son métier, elle doit aussi veiller à l'intérêt public, soit en l'espèce à la protection des élèves et au respect des valeurs pédagogiques de l'enseignement à Genève (ATA B. du 4 septembre 1997).

 

c. Selon la doctrine, les délits en matière de moeurs sont incompatibles avec la fonction enseignante même s'ils sont commis en dehors de l'exercice strict de la fonction; car ces derniers privent le maître de la crédibilité nécessaire dans sa mission éducative (H. PLOTKE in Schweizerisches Schulrecht, Berne, 1979, p. 452).

 

En l'espèce le Conseil d'Etat a procédé à la révocation du recourant pour veiller aux intérêts publics suivants : sauvegarde du développement des mineurs, de la réputation de la fonction publique et de la confiance parentale portée à l'enseignant. Venait en outre à l'appui de sa décision le sentiment que les faits reprochés au recourant étaient incompatibles avec ses fonctions officielles et avaient anéanti la confiance que portait l'autorité scolaire jusqu'alors au recourant. L'on doit cependant se demander si, comme le soutient le recourant, un transfert n'aurait pas été à même de sauvegarder les intérêts publics susmentionnés.

 

5. Il ressort des articles 130 LIP et 53 du règlement qu'un transfert dans un autre emploi peut être justifié pour des raisons pédagogiques ou disciplinaires qui n'impliquent pas de mesures plus graves.

 

S'agissant de la sauvegarde du développement des mineurs, force est de constater que la dangerosité du recourant et le risque hypothétique de le voir récidiver ont été déniés par les deux psychologues l'ayant examiné. Le recourant sollicite un transfert lui permettant d'exercer son métier vis-à-vis d'élèves plus âgés, voire d'adultes, il appert donc qu'un tel transfert est à même de protéger l'intérêt public visé ci-dessus. De même, s'agissant de l'anéantissement de la confiance parentale, ce problème ne se pose plus si l'enseignement est non plus dispensé à des mineurs mais à des adultes. Toutefois, comme vu ci-dessus, l'enseignant contribue à la formation morale de ses élèves, notamment par l'exemple. Même si ce rôle est moindre vis-à-vis de jeunes adultes, l'on peut craindre qu'en acceptant de transférer le recourant, le Conseil d'Etat "normalise" en quelque sorte le comportement de ce dernier aux yeux de ses futures élèves.

 

Pour ce qui est de la perte de la confiance que l'autorité plaçait dans le recourant, il est certain qu'indépendamment d'un transfert, les soupçons portés par l'autorité persisteront à l'égard du recourant, laquelle vis-à-vis de l'opinion publique se devait de le sanctionner. Même si le recourant se dit prêt à suivre un traitement à long terme et à en rendre compte régulièrement, afin de regagner cette confiance, il ressort de la procédure pénale qu'en 1992, dénoncé pour les mêmes actes, le recourant avait déjà promis aux parents des victimes de se faire soigner afin de ne plus récidiver, promesse qui n'a jamais été tenue. L'on peut par conséquent douter de la sincérité du recourant, ce que viennent confirmer tant les témoignages des différentes personnes entendues par la police de sûreté et que le comportement du recourant - rapports privilégiés avec des enfants en manque affectif, pressions sur les parents des victimes, dénégation dans un premier temps des faits reprochés -.

 

Enfin, le Conseil d'Etat relève qu'en raison du préjudice causé à la réputation de la fonction publique, seule une révocation était concevable. Il est vrai que le recourant, qui enseignait depuis 16 ans, a toujours donné entière satisfaction à l'autorité scolaire et ses qualités professionnelles sont unanimement reconnues. Cependant, c'est notamment en utilisant son statut d'enseignant (cours d'appui de maths, branche qu'il enseigne) que le recourant a abusé de ses victimes. Il s'est ainsi servi de sa réputation et de ses aptitudes pédagogiques pour amadouer parents et enfants. Les nombreuses lettres d'encouragement de collègues enseignants, souhaitant tous le maintien du recourant dans la fonction publique, et témoignant des compétences professionnelles et pédagogiques du recourant ne changent rien à cet égard.

 

Au vu de ce qui précède, seule une révocation était à même d'atteindre les buts poursuivis. Au surplus, il faut savoir qu'un transfert dans l'enseignement pour adultes est en pratique difficile à réaliser, les places étant rares et très sollicitées par les enseignants déjà en fonction. Enfin, il ressort du texte clair des articles 130 LIP et 53 du règlement que le choix de cette sanction est subsidiaire, un transfert n'étant justifié que si les raisons qui le motivent n'impliquent pas de sanctions plus graves, or tel n'est pas le cas ici. En effet, lorsque les conditions légales sont remplies, le Conseil d'Etat doit prononcer la révocation, tandis que s'agissant du transfert, il dispose d'un pouvoir d'appréciation plus étendu. Le recourant ayant eu une conduite incompatible avec ses fonctions au sens des articles 130 LIP et 51 du règlement, l'application de ces dispositions s'imposait donc. En conclusion, la décision du Conseil d'Etat sera confirmée et le recours rejeté.

6. Le recourant invoque enfin une violation de son droit d'être entendu. Toutefois, les motifs qu'il retient se recoupant largement avec ceux invoqués à l'appui de la violation du principe de la proportionnalité, il n'y a pas lieu de les examiner plus avant.

 

7. Vu l'issue du litige, un émolument réduit à CHF 250.- sera mis à la charge de la partie qui succombe.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 1997 par Monsieur O. G. contre la décision du Conseil d'Etat de la république et canton de Genève du 5 novembre 1997;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

confirme la décision du 5 novembre 1997;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 250.-;

communique le présent arrêt à Me Vincent Spira, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'Etat de la république et Canton de Genève

 


Siégeants : M. Schucani, président, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy juges, MM. Steinmann et Wittwer.

 

 


Au nom de la Commission de recours :

Le président :

 

D. Schucani

 


Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le p.o. la greffière :

 

Mme J. Rossier-Ischi