Aller au contenu principal

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/12835/2021

ACJC/737/2022 du 27.05.2022 sur JTPI/1309/2022 ( SML ) , RENVOYE

Normes : Cst.29.al2; CPC.330
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12835/2021 ACJC/737/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 27 MAI 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 février 2022, comparant en personne,

et

CAISSE DE CHÔMAGE B______, sise ______[BE], intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/1309/2022 du 2 février 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a admis la demande de révision formée le 11 janvier 2022 par la CAISSE DE CHÔMAGE B______ (chiffre 1 du dispositif), annulé le jugement JTPI/13253/2021 du 18 octobre 2021 (ch. 2), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 300 fr., compensés avec l'avance effectuée par la CAISSE DE CHÔMAGE B______ et mis à la charge de A______, condamnée ainsi à verser ce montant à la CAISSE DE CHÔMAGE B______ (ch. 4 et 5) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6).

Ce jugement a été expédié aux parties pour notification par pli recommandé du 8 février 2022. Avisée par la Poste le lendemain, A______ n'a pas retiré le pli qui lui était destiné dans le délai de garde, échéant le 16 février 2022.

B. a. Par acte expédié le 28 février 2022 au Tribunal, transmis le 8 mars 2022 par celui-ci à la Cour de justice, A______ a sollicité l'annulation du jugement du 2 février 2022 et "une nouvelle instruction dans le cadre de ce dossier". Elle a invoqué une violation de son droit d'être entendue, dans la mesure où elle n'avait "jamais été invitée à [s]e déterminer (ni oralement, ni par écrit)" sur la demande de révision.

Elle a déposé des pièces nouvelles.

b. Par acte du 17 mars 2022, A______ a formé des allégués nouveaux et déposé des pièces nouvelles.

c. Par acte du 1er avril 2022, la CAISSE DE CHÔMAGE B______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Les parties ont été informées le 3 mai 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier de première instance.

a. Par décision du 30 octobre 2018, la CAISSE DE CHÔMAGE B______ (ci-après aussi la caisse) a demandé à A______ la restitution de 3'340 fr. représentant des indemnités journalières de chômage perçues à tort pour la période du 1er au 31 octobre 2018.

b. Par décision du 7 novembre 2019, l'Office cantonal de l'emploi a rejeté la demande, formée par A______, de remise du solde de 444 fr. 80 restant dû sur la somme précitée après versement de 2'895 fr. 20. Cette décision pouvait être attaquée par opposition écrite dans le délai de trente jours à compter de sa notification.

c. Sur réquisition de la caisse, l'Office des poursuites a notifié le 25 mai 2021 à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme 444 fr. 80 et fondé sur la décision du 30 octobre 2018.

A______ y a formé opposition.

d. Par acte expédié le 22 juin 2021 au Tribunal, la caisse a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 8 octobre 2021, à laquelle la caisse n'était ni présente ni représentée, A______ a déclaré que le 6 décembre 2019 elle avait formé opposition contre la décision du 7 novembre 2019.

Elle a déposé une opposition datée du 6 décembre 2019 adressée par pli recommandée à l'Office cantonal de l'emploi, ainsi que la copie d'un document de la Poste comprenant un "code à barres et numéro d'envoi" prétendument relatif à cet envoi.

f. Par jugement JTPI/13253/2021 du 18 octobre 2021, le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée de la CAISSE DE CHÔMAGE B______ du 22 juin 2021.

Il a considéré que, vu "l'absence de réponse" sur l'opposition de la poursuivie, la caisse ne pouvait pas se prévaloir d'un titre de mainlevée définitive.

g. Par acte expédié le 11 janvier 2022, la CAISSE DE CHÔMAGE B______ a demandé au Tribunal la révision du jugement du 18 octobre 2021. Elle a conclu à l'annulation de celui-ci et au prononcé de la mainlevée définitive, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit une décision du 12 octobre 2021 par laquelle l'Office cantonal de l'emploi déclarait irrecevable pour cause de tardiveté l'opposition que A______ avait formée le 29 juin 2021 contre la décision du 7 novembre 2019.

L'Office cantonal de l'emploi relevait que A______ soutenait dans l'acte du 29 juin 2021, posté le 1er juillet 2021, qu'elle avait fait opposition à la décision du 7 novembre 2019 en date du 6 décembre 2019. L'Office n'avait pas reçu cette opposition et l'assurée n'avait pas apporté la preuve de l'envoi de celle-ci.

h. Il n'est pas contesté que la demande en révision n'a pas été notifiée à A______, qui n'a ainsi pas été en mesure de se déterminer.

 

EN DROIT

1. 1.1 Conformément à l'art. 332 CPC, la décision sur la demande en révision peut faire l'objet d’un recours. Si le tribunal accepte la demande en révision, il annule la décision antérieure et statue à nouveau (art. 333 al. 1 CPC).

La procédure de révision se déroule en principe en deux étapes. Dans la première étape, il est statué sur la demande en révision (décision sur le principe de la révision). Contre cette décision, le recours stricto sensu de l'art. 319 CPC est ouvert. Si la demande en révision est admise et que le tribunal statue à nouveau après annulation du jugement faisant l'objet de cette demande, la procédure est poursuivie jusqu'à un nouveau jugement sur la base d'un nouvel état de faits ou appréciation des preuves nouvelles. Contre ce nouveau jugement est ouverte la même voie de droit que celle ouverte contre la décision initiale. Il n'est pas contraire au droit fédéral de statuer dans la même décision sur le rescindant et sur le rescisoire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_366/2016 du 21 novembre 2016 consid. 4 et les références citées, publié in RSPC 2017 p. 159; ACJC/1156/2020 du 25 août 2020 consid. 2.1.2; ACJC/1506/2019 du 9 octobre 2019 consid. 2.2; COLOMBINI, Code de procédure civile, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 1.1 et 1.3 ad art. 332 CPC).

Le délai de recours est celui auquel était soumis le jugement initial, que la décision sur la demande en révision soit rendue séparément ou qu'un nouveau jugement soit rendu uno actu dans la même décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_366/2016 précité consid. 6).

1.2 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

L'acte du 28 février 2022 est suffisamment motivé et a été formé dans le délai prévu par la loi (cf. également art. 138 al. 3 let. a et 142 al. 3 CPC), de sorte qu'il est recevable en tant que recours.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne, 2010, n. 2307, p. 422).

2. Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Ainsi, les allégations et pièces nouvelles des parties ne sont pas recevables et la Cour est tenue d'examiner la cause sur la base du dossier dont disposait le premier juge.

3. La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue au motif qu'elle n'a pas pu se déterminer avant que le prononcé sur la révision ne soit rendu.

3.1 Le droit d'être entendu, ancré à l'art. 29 al. 2 Cst. en tant que garantie constitutionnelle minimale, se trouve réglé au niveau légal par l'art. 53 CPC, pour le domaine d'application du CPC. La jurisprudence développée par le Tribunal fédéral en relation avec l'art. 29 al. 2 Cst. doit aussi être prise en compte pour l'interprétation de cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 5A_805/2012 du 11 février 2013 consid. 3.2.3; 5A_109/2012 du 3 mai 2012 consid. 2.1; 5A_31/2012 du 5 mars 2012 consid. 4.3 et les références).

L'art. 330 CPC dispose que le tribunal notifie la demande en révision à la partie adverse pour qu'elle se détermine, sauf si la demande est manifestement irrecevable ou infondée. Cette règle, classique, est destinée à assurer le respect du droit d'être entendu du défendeur à la procédure de révision et lui permettre de se déterminer sur sa recevabilité et son fondement matériel et procédural (SCHWEIZER, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 1 ad art. 330 CPC).

Le droit d'être entendu est un grief de nature formelle dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa), qu'il convient d'examiner avant tout autre (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1; 124 I 49 consid. 1).

En vertu de ce droit, le justiciable doit pouvoir notamment s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment. En effet, le droit d'être entendu est à la fois une institution servant à l'instruction de la cause et une faculté de la partie, en rapport avec sa personne, de participer au prononcé de décisions qui lèsent sa situation juridique (ATF 122 I 53 consid. 4a; 122 I 109 consid. 2a; 114 Ia 97 consid. 2a et les références). Le droit de s'expliquer sur tous les points importants avant qu'une décision soit prise vaut sans restriction pour les questions de fait. (ATF 124 I 49 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 5.1; 5A_475/2011 du 12 décembre 2011 consid. 7.1.1).

3.2 En l'espèce, le Tribunal, dans le jugement du 2 février 2022, a admis le motif de révision allégué par l'intimée et annulé le jugement du 18 octobre 2021 (rescindant) et statué à nouveau (rescisoire), sans donner à la recourante la possibilité de se déterminer sur ces deux aspects.

Le jugement attaqué consacre ainsi une violation du droit d'être entendue de la recourante, de sorte qu'il sera annulé.

4. 4.1 L'admission du recours a un effet principalement cassatoire: l'autorité de recours annule la décision ou ordonnance attaquée et renvoie la cause à l'instance précédente (art. 327 al. 3 let. a CPC). Toutefois, si la cause est en état d'être jugée, l'autorité de recours peut rendre une décision sur le fond (art. 327 al. 3 let b CPC) (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, op. cit., n. 2524-2525, p. 455).

Lorsque le législateur a prévu que les litiges doivent être soumis à une autorité déterminée, dont les décisions peuvent être portées par voie de recours devant une autorité supérieure, les justiciables ont le droit d'exiger que cette dernière ne se saisisse pas du litige lorsque celui-ci n'a pas été tranché par l'autorité inférieure. Ils ont droit à ce que le cours normal des instances, tel qu'il a été prévu par la loi, soit suivi (ATF 99 Ia 317 consid. 4a; cf. également ATF 106 II 106 consid. 1a).

4.2 En l'espèce, la violation du droit d'être entendue de la recourante ne peut pas être guérie par la Cour, qui ne dispose pas d'un plein pouvoir de cognition en fait. Pour ce motif et afin de respecter le principe du double degré de juridiction, la cause sera renvoyée au Tribunal pour qu'il permette à la recourante de se déterminer sur la demande de révision, puis statue à nouveau sur le rescindant et sur le rescisoire.

5. 5.1 Le Tribunal statuera à nouveau sur les frais judiciaires et dépens de première instance.

5.2 Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 150 fr. (art. 48 et 61 OELP). La présente procédure de recours ayant été rendue nécessaire par la violation du droit d'être entendue de la recourante, ces frais seront laissés à la charge de l'Etat en application de l'art. 107 al. 2 CPC (TAPPY, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 37 ad art. 107 CPC).

A juste titre (cf. art. 95 al. 3 let. c CPC), la recourante, qui plaide en personne, ne sollicite pas de dépens de recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2022 par A______ contre le jugement JTPI/1309/2022 rendu le 2 février 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12835/2021-5 SML.

Au fond :

Annule le jugement attaqué.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 150 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.