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C/21585/2021

ACJC/658/2022 du 13.05.2022 sur JTPI/15419/2021 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21585/2021 ACJC/658/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 13 MAI 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], recourant contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 décembre 2021, comparant en personne,

et

B______ [Caisse de compensation], sise avenue ______ Genève, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15419/2021 du 6 décembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la faillite sans poursuite préalable de A______ le même jour à 15 heures (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l'avance effectuée et mis à la charge de A______, lequel a été condamné à verser à B______ la somme de 500 fr. au titre de remboursement de l'avance de frais (ch. 2 et 3), et a débouté les parties de toute autre conclusion.

Le Tribunal a considéré qu'il était vraisemblable que B______ (ci-après: B______) était créancière de A______ et que celui-ci avait suspendu ses paiements, en particulier les impôts cantonaux et fédéraux et les charges sociales ainsi que les primes d'assurance.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 20 décembre 2021, A______ forme recours contre ce jugement qu'il a reçu le 13 décembre 2021, sollicitant son annulation et concluant au rejet de la requête de faillite. Il fait valoir qu'il est solvable et que la créancière a retiré sa réquisition de faillite.

Il a déposé une pièce nouvelle, soit un courrier du 16 décembre 2021 de B______ au Tribunal, informant ce dernier qu'un arrangement de paiement avait été signé avec A______ et que la requête de faillite serait retirée si celui-ci était respecté

b. Par décision du 23 décembre 2021, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris ainsi que la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 31 janvier 2022 de ce que la cause était gardée à juger

d. Par courrier du 28 février 2022 à la Cour, B______ a exposé qu'un arrangement de paiement avait été mis en place afin que A______ puisse régulariser sa situation. Cependant ce dernier n'avait pas respecté ledit arrangement, aucun versement n'ayant été effectué. B______ concluait à ce que la Cour donne la suite qui convenait au dossier.

C. Les faits suivants ressortent du dossier soumis au Tribunal :

a. Le 8 novembre 2021, B______ a requis la faillite sans poursuite préalable de A______. Elle détenait à l'encontre de celui-ci une créance d'un montant de 28'895 fr. 55 au 11 novembre 2021, intérêts moratoires et frais de poursuite exclus, fondée sur des décisions entrées en force de taxation pour des cotisations d'assurance sociale. Le débiteur avait suspendu ses paiements, laissant s'accumuler contre lui les poursuites de divers autres créanciers, pour un montant total de 222'666 fr. 95.

b. Les parties n'étaient ni présentes ni représentées lors de l'audience devant le Tribunal du 6 décembre 2021, à l'issue de laquelle la cause a été gardée à juger.

c. Il ressort notamment de l'extrait du registre des poursuites de A______ au 6 janvier 2022 que celui-ci fait l'objet depuis 2021 de 32 avis de saisie, émanant de l'administration fiscale et de l'intimée, ainsi que d'autres poursuites de ces mêmes créancières, au stade de l'ouverture de la poursuite ou de l'opposition, pour des dizaines de milliers de francs.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 al. 1 par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP).

Le recours a été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 10 jours (art. 174 al. 1 LP).

1.2 A teneur de l'art. 321 al. 1 CPC, il incombe à la partie recourante de motiver son recours, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 concernant l'appel, dont les principes sont applicables au recours; cf. Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale in SJ 2009 II p. 257 ss, p. 265). Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit ainsi pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée; sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 précité).

1.3 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Les dispositions spéciales de la loi sont réservées (al. 2).

Dans le cadre du recours de l'art. 174 LP - applicable à la faillite sans poursuite préalable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP -, les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux, lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance (art. 174 al. 1, 2ème phrase, LP). Cette disposition spéciale de la loi, au sens de l'art. 326 al. 2 CPC, vise les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir ceux qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit; ces faits peuvent être invoqués sans restriction et prouvés par pièces, pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2017 du 7 février 2018 consid. 4.2.1). Aux termes de l'art. 174 al. 2 LP, le failli peut aussi invoquer de vrais nova, à savoir les faits, intervenus après l'ouverture de la faillite en première instance, qui sont énumérés aux chiffres 1 à 3; selon la jurisprudence, ces vrais nova doivent également être produits avant l'expiration du délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4.4; 136 III 294 consid. 3; arrêt 5 du Tribunal fédéral A_874/2017 précité consid. 4.2.1). En vertu de la lettre claire de l'art. 174 al. 2 LP, aucun autre novum n'est admissible (arrêts du Tribunal fédéral 5A_874/2017 précité consid. 4.2.1 [faillite ordinaire]; 5A_625/2015 du 18 janvier 2016 consid. 3.6.1 et les références, publié in BlSchK 2016 p. 226 [faillite sans poursuite préalable d'une Sàrl]).

Partant, dans le cadre d'un recours contre un prononcé de faillite sans poursuite préalable, seuls les pseudo-nova sont en principe recevables, les hypothèses énumérées exhaustivement à l'art. 174 al. 2 ch. 1-3 LP étant étrangères à ce type de procédure (cf. Obergericht du canton de Zurich, arrêt du 30 octobre 2012 [PS120190-O/U] consid. II.1, cité in arrêt du Tribunal fédéral 5A_625/2015 précité consid. 3.6.1; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 5A_711/2012 du 17 décembre 2012 consid. 5.2 in fine et la référence).

1.4 Selon l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP, le créancier peut requérir la faillite sans poursuite préalable si le débiteur, sujet à la poursuite par voie de faillite, a suspendu ses paiements.

Aux termes de la jurisprudence rendue tant avant qu'après l'entrée en vigueur du CPC, celui qui requiert la faillite sans poursuite préalable selon l'art. 190 al. 1 LP doit rendre vraisemblable sa qualité de créancier. La loi exige la simple vraisemblance, et non une vraisemblance qualifiée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_442/2015 du 11 septembre 2015 consid. 4.1; 5A_117/2012 du 12 juillet 2012 consid. 3.2.2 et les références).

Le motif de la faillite posé à l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP est une notion juridique indéterminée qui accorde au juge un large pouvoir d'appréciation. La suspension de paiements a été préférée par le législateur à l'insolvabilité parce qu'elle est perceptible extérieurement et, dès lors, plus aisée à constater que l'insolvabilité proprement dite; il s'agissait ainsi de faciliter au requérant la preuve de l'insolvabilité. Pour qu'il y ait suspension de paiements, il faut que le débiteur ne paie pas des dettes incontestées et exigibles, laisse les poursuites se multiplier contre lui, tout en faisant systématiquement opposition, ou omette de s'acquitter même des dettes minimes; il n'est cependant pas nécessaire que le débiteur interrompe tous ses paiements; il suffit que le refus de payer porte sur une partie essentielle de ses activités commerciales (ATF 137 III 460 consid. 3.4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_354/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6.2.1; 5A_439/2010 du 11 novembre 2010 consid. 4).

Le non-paiement de créances de droit public peut constituer un indice de suspension des paiements. Il n'est en tout cas pas arbitraire de conclure à la suspension des paiements lorsqu'il est établi que le débiteur a, sur une certaine durée, effectué ses paiements quasi exclusivement en faveur de ses créanciers privés et qu'il a ainsi suspendu ses paiements vis-à-vis d'une certaine catégorie de créanciers, à savoir ceux qui ne peuvent requérir la faillite par la voie ordinaire (art. 43 ch. 1 LP). Le but de la loi n'est en effet pas de permettre à un débiteur d'échapper indéfiniment à la faillite uniquement grâce à la favorisation permanente des créanciers privés au détriment de ceux de droit public (arrêt du Tribunal fédéral 5A_720/2008 du 3 décembre 2008 consid. 4).

La suspension des paiements ne doit pas être de nature simplement temporaire, mais doit avoir un horizon indéterminé (ATF 137 III 460 consid. 3.4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1014/2019 du 25 mars 2020 consid. 2.1; 5A_828/2016 du 11 mai 2017 consid. 2.1; 5A_354/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6.2.1).

Vu les lourdes conséquences de la déclaration de faillite sans poursuite préalable et le fait qu'elle constitue une exception dans le système de l'exécution forcée, de sorte qu'elle doit être appliquée restrictivement, la preuve stricte est exigée pour les causes matérielles de faillite, quand bien même les moyens de preuve consentis en procédure sommaire sont limités (Cometta, Commentaire romand, LP, 2005, n. 2, ad art. 190 LP).

1.5 Si la procédure prend fin pour d'autres raisons [que celles énumérées à l'art. 241 CPC] sans avoir fait l'objet d'une décision, la cause est rayée du rôle.

1.6 En l'espèce, l'allégation selon laquelle l'intimée aurait retiré sa requête de faillite est un novum recevable.

On comprend dès lors, en faisant preuve d'indulgence à l'égard d'un justiciable qui comparait en personne, que le recourant fait valoir que la procédure est devenue sans objet. Partant, le recours suffisamment motivé, sera déclaré recevable.

Contrairement à ce qu'a allégué le recourant, l'intimée n'a pas retiré sa réquisition de faillite. En effet, le recourant n'a pas respecté l'arrangement de paiement contenu dans le courrier du 21 décembre 2021, de sorte que la procédure n'est pas dénuée d'objet.

Pour le surplus, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, la qualité de créancière de l'intimée est établie, et il ressort de l'extrait du registre des poursuites que le recourant a suspendu ses paiements.

Le recours est dès lors infondé.

1.7 L'effet suspensif ayant été accordé au jugement entrepris, la faillite sera prononcée ce jour à 12h00.

2. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais du recours, arrêtés à 750 fr., compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève (art.111 al. 1 CPC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 20 décembre 2021 par A______ contre le jugement JTPI/15419/2021 rendu le 6 décembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21585/2021–8 SFC.

Au fond:

Le rejette.

Confirme le jugement entrepris, la faillite de A______ prenant effet le 13 mai 2022 à 12h00.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 750 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.