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C/23402/2014

ACJC/524/2015 du 08.05.2015 sur JTPI/2152/2015 ( SFC ) , CONFIRME

Descripteurs : SURENDETTEMENT; CONSEIL D'ADMINISTRATION; BILAN INTERMÉDIAIRE
Normes : CO.716a.7; CO.725; CO.725a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23402/2014 ACJC/524/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 8 mai 2015

 

A______, c/o ______ (GE), recourante contre un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 février 2015, comparant par
Me Olivier Brunisholz, avocat, cours des Bastions 5, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2152/2015 rendu le 26 février 2015, reçu le 27 février 2015 par A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), a rejeté l'avis de surendettement formé par A______ le 17 novembre 2014 (ch. 1 du dispositif), a mis les frais arrêtés à 180 fr. à sa charge (ch. 2 et 3), a condamné A______ à payer lesdits frais à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du pouvoir judiciaire (ch. 4) et a débouté A______ de toutes autres conclusions.

Le Tribunal a considéré que l'assemblée générale extraordinaire ayant voté l'avis de surendettement de la société n'avait pas satisfait aux conditions prévues pour la tenue d'une telle assemblée au sens de l'art. 701 CO et que le bilan intermédiaire justifiant le surendettement n'avait pas été soumis à la vérification d'un réviseur agréé, de sorte que les conditions de l'art. 725 al. 2 CO n'étaient pas réalisées.

B. a. Par acte déposé le 9 mars 2015 au greffe de la Cour de justice (ci-après :
la Cour), A______ a recouru contre ce jugement, concluant principalement à l'annulation de celui-ci, cela fait, à la déclaration de sa faillite et à la condamnation de l'Etat de Genève en tous frais judiciaires et dépens et, subsidiairement, au renvoi du dossier au Tribunal pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.

b. A______ a été informée par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courrier du 23 mars 2015.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève le 22 décembre 2011. Elle dispose d'un capital-actions entièrement libéré de 720'000 fr. composé de 7'200'000 actions au porteur de 0 fr. 10 et d'un capital-participation entièrement libéré de 80'000 fr. composé de 800'000 bons au porteur de 0 fr. 10.

B______ et C______ en sont respectivement administrateur-président et administrateur-vice-président avec signature collective à deux, D______ étant administrateur avec signature individuelle. L'organe de révision est E______, succursale de Genève.

b. Le 2 octobre 2014 s'est tenue une réunion, intitulée selon son procès-verbal rédigé en anglais "Procès-verbal du conseil d'administration extraordinaire de A______ LTD" ("Minutes Extraordinary Board Meeting A______ LTD"), à laquelle ont participé C______ en qualité de président du conseil d'administration et D______ en qualité de directeur. Ce dernier, nommé secrétaire et bénéficiant de pouvoirs découlant de son contrat de mandat et de services conclu avec B______, a pris note que toutes les actions étaient présentes ou représentées en application de l'art. 701 CO ("he notes that all the shares are present or represented in accordance with article 701 CO") et que l'assemblée générale ("General Meeting") pouvait valablement délibérer sur tous les sujets relevant de sa compétence.

Le procès-verbal comporte une seule signature non identifiée.

Au terme de cette réunion, les participants ont décidé à l'unanimité de déposer un avis de surendettement ("file for bankruptcy"), compte tenu de la situation économique de la société et du fait que B______ refusait de remplir ses obligations de financement.

c. Le bilan non audité de la société au 2 octobre 2014 laisse apparaître une perte reportée de 1'198'991 fr. dont 650'657 fr. relatifs à la période du 1er janvier au 2 octobre 2014, des actifs de 11'831 fr., des fonds propres de 800'000 fr., des fonds étrangers de 410'822 fr. et une différence entre ces derniers et les actifs de 398'991 fr.

d. Le 17 novembre 2014, A______ a adressé au Tribunal un avis de surendettement, indiquant qu'il ressortait de ses états financiers intermédiaires au 2 octobre 2014 un surendettement de 398'991 fr. et qu'elle ne disposait plus des liquidités nécessaires pour fournir des comptes audités.

Elle a produit notamment le bilan et le procès-verbal relatif à la réunion précités.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 4 décembre 2014, A______ a déclaré que D______ représentait l'actionnaire B______ en vertu d'une procuration à l'assemblée générale du 2 octobre 2014.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

f. Par ordonnance du 8 décembre 2014, le Tribunal a imparti à
A______ un délai au 30 janvier 2015 pour produire un bilan au 2 octobre 2014 établi à la valeur d'exploitation et à la valeur de liquidation, vérifié par un réviseur agréé, ainsi que la procuration délivrée par B______ à D______.

g. Par courrier du 23 janvier 2015, A______ a exposé qu'elle ne disposait à ce jour pas des liquidités suffisantes pour rémunérer un comptable et un réviseur afin de produire un bilan à la valeur d'exploitation et à la valeur de liquidation, et que B______, administrateur et actionnaire majoritaire de la société, avait assisté à l'assemblée générale extraordinaire du 2 octobre 2014 par vidéo-conférence Skype.

Elle a produit un relevé bancaire relatif à la période du 1er octobre au 31 décembre 2014 faisant état d'un solde de 370 fr. 14 à cette dernière date.

h. Par courrier du 24 février 2015, A______ a indiqué que l'art. 192 LP impliquait précisément que le juge doive déclarer la faillite sur la base d'un avis de surendettement muni d'un bilan non audité, lorsque la situation de la société ne lui permettait pas de recourir à un réviseur agréé. A défaut, le Tribunal pouvait engager la responsabilité de l'Etat. Pour le surplus,
A______ a persisté dans sa requête de faillite.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), c'est la voie du recours qui est dès lors ouverte contre une telle décision (art. 319 let. a CPC, art. 174
al. 1 LP et 194 al. 1 LP).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 174 al. 1 LP et art. 321 al. 1 CPC).

1.2 La Cour est l'autorité compétente pour statuer sur les recours contre la décision du juge de la faillite (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

1.3 Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.4 Formé dans le délai prescrit et la forme requise par la loi auprès de l'autorité compétente, le recours est recevable.

2. La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir prononcé sa faillite, en violation des art. 725a et 716a ch. 7 CO.

2.1 Selon l'art. 725 al. 2 CO, s'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification d'un réviseur agréé. S'il résulte de ce bilan que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d'exploitation, ni lorsqu'ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d'administration en avise le juge, à moins que des créanciers de la société n'acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société dans la mesure de cette insuffisance de l'actif.

Le juge déclare la faillite d'une société anonyme si son conseil d'administration (art. 716a al. 1 ch. 7 CO) lui adresse un bilan intermédiaire dressé aux valeurs de continuation et de liquidation, soumis au contrôle de l'organe de révision, dont il résulte un surendettement manifeste (art. 725 al. 2 et 725a al. 1 CO).

Les conditions formelles et matérielles de l'avis de surendettement doivent être vérifiées par le juge, préalablement au prononcé de la faillite.

La condition formelle est l'avis de surendettement au juge, muni des signatures autorisées, sur la base d'une décision du conseil d'administration - ou des liquidateurs ou de l'organe de révision - avec le dépôt simultané du bilan intermédiaire aux valeurs d'exploitation et de liquidation ainsi que le rapport de l'organe de révision (Vouilloz, Perte de capital, surendettement, ouverture et ajournement de la faillite in L'expert-comptable suisse 4/04 p. 312, p. 317; Giroud, Die Konkurseröffnung und ihr Aufschub bei der Aktiengesellschaft, Zurich 1986, p. 62, 71; Forstermoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizeriches Aktienrecht, 1996, § 50 n. 223).

La condition matérielle est l'existence d'un surendettement effectif de la société, tant à des valeurs d'exploitation que de liquidation, en l'absence d'une requête d'ajournement de la faillite et de la réalisation de ses conditions. Cette condition est examinée d'office par le juge sur la base du rapport de révision (Vouilloz, op. cit. p. 312, p. 317; Giroud, op. cit., p. 62, 71; Forstermoser/Meier-Hayoz/Nobel, op. cit., § 50 n. 223).

2.1.1 Le bilan intermédiaire, établi dans l'intérêt des créanciers et de la collectivité, s'avère indispensable lorsqu'il s'agit de se prononcer sur un éventuel ajournement de la faillite (ATF 128 III 180 consid. 2; 121 III 420 consid. 3a; 120 II 425 consid. 2; ZR 1995 n. 49). Il est normalement aussi requis pour le prononcé de la faillite à la demande du conseil d'administration (ACJC/227/2004 du 26 février 2004 consid. 3a; ZR 1995 n. 49 cité par Tercier/Stoffel, Résumés de jurisprudence en droit des sociétés, in RSDA 199, p.302, 307). En effet, même si, pour évaluer la situation financière de la société, le juge doit prendre en considération des éléments qui ne peuvent résulter du bilan, comme par exemple l'état de la comptabilité, le rapport de révision a une signification décisive. Vu la portée d'une telle décision, le juge ne peut pas faire abstraction de la présentation des documents prévus par la loi et vérifiés de manière idoine (ATF 120 II 425 consid. 2; Peter/Cavadini, Code des obligations II, Commentaire romand, 2008, n° 41 ad. art. 725 CO). Afin de protéger les droits des créanciers sociaux, des éventuels créanciers futurs et ceux du public, en évitant qu'une société surendettée ne poursuive ses activités, en contractant de nouvelles dettes, jusqu'à l'épuisement complet de ses actifs (ATF 130 V 196 consid. 5.5; 128 III 180 consid. 2), les autorités judiciaires acceptent néanmoins d'entrer en matière en présence d'un avis de surendettement, même non accompagné d'un bilan intermédiaire révisé, pour autant qu'il résulte, de manière indiscutable, d'autres pièces ou d'autres moyens de preuve que la société est surendettée (ACJC/227/2004; ZR 1995 n. 49 cité par Tercier/Stoffel, Résumés de jurisprudence en droit des sociétés, in RSDA 199, p. 302, 307; Peter/Cavadini, op. cit., n° 45 ad. art. 725 CO).

L'exigence de la production d'un bilan révisé tend en particulier à éviter que, sous le couvert d'un surendettement en réalité inexistant, le conseil d'administration puisse obtenir la faillite de la société (c'est-à-dire sa dissolution) en contrevenant au principe fondamental du droit de la société anonyme selon lequel la compétence décisionnelle quant à la dissolution appartient à l'assemblée générale des actionnaires (Wüstiner, Commentaire bâlois, 2012 n° 39 ad art. 725 CO; Peter/Cavadini, op. cit., n° 45 ad. art. 725 CO).

2.1.2 En vertu de l'art. 716a ch. 7 CO, l'avis de surendettement doit émaner du conseil d'administration en tant qu'attribution intransmissible et inaliénable. C'est pourquoi un avis de surendettement émanant d'une autre source, comme l'assemblée générale, un actionnaire unique, un créancier ou une autorité s'avère inopérant. Une décision préalable du conseil d'administration est nécessaire avant l'avis au juge (Peter/Cavadini, op. cit., n° 46 ad. art. 725 CO).

Le caractère intransmissible des attributions du conseil d'administration doit être compris en ce sens que les décisions y relatives doivent formellement et matériellement être prises par le conseil d'administration agissant collégialement (Peter/Cavadini, op. cit., n° 5-6 et 51 ad. art. 716a CO; Montavon, Droit suisse de la SA, 2004, § 37, p. 623).

2.2 En l'espèce, la recourante a produit un bilan intermédiaire au 2 octobre 2014 qui fait état d'un surendettement de 398'991 fr. Ce bilan n'est toutefois pas audité et il ne précise pas si les postes comptabilisés correspondent à une valeur d'exploitation ou de liquidation. La recourante a produit également un relevé bancaire pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2014, révélant un solde disponible de 370 fr. 40 à cette dernière date. Ce relevé bancaire ne couvre ainsi qu'une période limitée de trois mois et ne permet pas, à lui seul, et même lu en lien avec le bilan du 2 octobre 2014, d'établir, de manière indiscutable, que la recourante serait surendettée. Par ailleurs, il n'existe pas d'autres éléments permettant de faire abstraction de la condition du bilan révisé (contrairement au cas apparemment visé dans de la décision ZR 1995 n. 49 résumée par Tercier/Stoffel, Résumés de jurisprudence en droit des sociétés, in RSDA 199, p. 302, 307). Les autres références extraites du même résumé de jurisprudence citées par la recourante sont à cet égard dépourvues de pertinence au regard du cas d'espèce.

C'est donc à juste titre que le premier juge a requis la production d'un bilan révisé et que, n'ayant pas obtenu ledit document, il a retenu que les conditions de l'art. 725 al. 2 CO n'étaient pas remplies à cet égard. Il en va de même de la Cour de céans puisque le recourant n'a déposé aucune pièce nouvelle à l'appui de son recours.

Il n'a pas été non plus rendu vraisemblable que l'actionnaire majoritaire, troisième membre du conseil d'administration, aurait véritablement participé, ou aurait été valablement représenté, à la réunion du 2 octobre 2014, considérée comme une assemblée générale par la recourante, à l'issue ou à la suite de laquelle celle-ci aurait pris la décision de déposer son bilan. En effet, le procès-verbal de cette réunion ne mentionne ni sa participation, ni sa représentation. De plus, les explications de la recourante à cet égard n'emportent pas conviction puisque qu'à l'audience du 4 décembre 2014, elle a affirmé que cet administrateur-actionnaire majoritaire y était représenté en vertu d'une procuration alors que selon son courrier du 23 janvier 2015, il aurait en réalité participé à celle-ci par vidéo-conférence.

Enfin, il est vrai que le premier juge a considéré que la réunion du 2 octobre 2014 était une assemblée générale alors que le procès-verbal y relatif, rédigé en anglais et intitulé "Procès-verbal du conseil d'administration extraordinaire de A______ LTD" ("Minutes Extraordinary Board Meeting A______ LTD"), laisse à penser qu'il s'agissait d'une séance du conseil d'administration.

Toutefois, ni la question de la composition du conseil d'administration ni l'imprécision du premier juge ne portent à conséquence, au vu de l'issue du recours.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

3. La recourante qui succombe, supportera les frais de son recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 220 fr. (art. 48, 61 OELP). Ces derniers sont compensés avec l'avance fournie par la recourante, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

4. La présente décision s'inscrit dans une procédure de faillite sujette au recours en matière civile au Tribunal fédéral (art. 72 al. 1 et 2 let. a LTF), indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2015 par A______ contre le jugement JTPI/2152/2015 rendu le 26 février 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23402/2014-9 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 220 fr., les met à la charge de A______, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie par celle-ci, laquelle reste acquise à l'Etat.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA











Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.