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C/24573/2002

ACJC/227/2004 du 26.02.2004 sur JTPI/12886/2003 ( SF ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 05.04.2004, rendu le 19.05.2004, DROIT PUBLIC, 5P.143/2004
Descripteurs : LP.174. CO.725.2. CO.725.A. FAIPRE

COUR DE JUSTICE

Case postale 3108

1211 Genève 3

1ère Section

Réf. C/24573/2002

Entre

ACJC/227/04

 

A______ SA en liquidation, sise ______, Genève, appelante d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le ______2003, comparant par Me Jaroslaw Grabowski, avocat, rue Pierre-Fatio 8, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

 

d'une part,

 

et

 

 

B______, ______, ______ (VD) intimée, comparant en personne,

 

d'autre part,

 




- EN FAIT -

 

Par acte expédié au greffe de la Cour de céans le 17 novembre 2003, A______ SA, en liquidation (ci-après : A______) recourt contre le jugement rendu par le Tribunal de première instance le ______ 2003, notifié aux parties le ______ 2003, la déclarant en état de faillite, consécutivement au dépôt par C______ (ci-après : C______), organe de révision, d'un avis de surendettement manifeste, en date du 25 octobre 2002.

 

La recourante conclut à l'annulation de la décision susmentionnée, avec suite de dépens. Préalablement, elle avait demandé l'effet suspensif audit recours, qui lui a été refusé par décision de la Cour de céans du 18 novembre 2003, confirmée le 2 décembre 2003, vu l'absence de tout document comptable justifiant de la situation financière de la société, et compte tenu du rapport de révision de C______ du 13 octobre 2003 et des déclarations des parties à l'audience du 3 novembre 2003. Le conseil de A______, récemment mandaté par les anciens administrateurs de celle-ci, avait également requis un délai supplémentaire pour prendre connaissance des pièces produites dans la présente procédure et compléter son recours, le cas échéant. Cette demande a été écartée, motif pris que la LPC ne prévoit pas une telle possibilité.

 

B______ (ci-après : B______), désignée comme liquidateur de la précitée par la Commission fédérale des Banques (ci-après : CFB), le ______ 2003, mais démissionnaire dans l'intervalle, n'a pas pris de conclusions.

 

Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

 

A. a) A______ était une société anonyme inscrite le ______ 2000 au Registre du commerce du canton de Genève, dont les statuts prévoyaient comme but : mise en bourse et financement d'entreprises; expertise financière et boursière; courtage et conseils financiers; négoce de propriété intellectuelle; organisation de partenariats, de joint-ventures, de licences et de syndications; conception de montages juridiques et financiers; prise de participations dans des sociétés, à l'exclusion de participations soumises à la LFAIE; structure contractuelle, rédaction de contrats et assistance juridique.

 

Son capital-actions était de 400'000 fr. Son organe de révision était C______, succursale de Genève. D______ était inscrit au Registre du commerce comme président du conseil d'administration et disposait d'une signature collective à deux.

 

b) A______ était détenue à 100% par A______ Inc., succursale de Genève (ci-après : A______ Int'l), société incorporée le ______ 1998 au E______ [Etat], USA. D______ en était le principal actionnaire et le "chairman" avec signature individuelle. A______ Int'l n'avait pas d'organe de révision.

 

c) Le 25 octobre 2002, C______ a déposé au Tribunal un avis de surendettement manifeste, sur la base des comptes arrêtés au 31 décembre 2001 laissant apparaître une perte de l'exercice de 640'640 fr. et une perte au bilan de 722'640 fr. pour un capital-actions de 400'000 fr. soit des fonds propres négatifs de 322'640 fr.

 

Parallèlement à cette démarche, C______ a informé la CFB des activités du groupe A______, au regard des exigences de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier (LBA) et la loi fédérale sur les bourses et le commerce de valeur mobilière (LBVM).

 

d) Les parties ont été entendues à l'audience du 2 décembre 2002.

A______ a contesté être en situation de surendettement au 31 décembre 2001, précisant que la société mère avait réinjecté Euros 600'000.- dans sa filiale en date du 15 juillet 2002, selon justificatif déjà soumis à l'organe de révision, et qu'une augmentation du capital-actions était en cours pour un montant supplémentaire de 1'000'000 fr., somme dûment consignée au F______ [banque].

 

e) La cause a été agendée au 31 mars 2003 afin de permettre à l'organe de révision de contrôler le compte de pertes et profits ainsi que le nouveau bilan arrêté au 31 décembre 2002. Ce document n'a finalement été présenté par A______ qu'à l'audience du 16 juin 2003. C______ s'est engagée à auditer les comptes pour autant que la citée lui remette ses états financiers dûment approuvés par le conseil d'administration ainsi que les pièces comptables et justificatifs nécessaires à la révision, mentionnés dans un courrier du 2 avril 2003 adressé à A______.

 

Par lettre du 14 octobre 2003, C______ a informé le Tribunal que son rapport de révision pour l'exercice 2002 était encore sous forme de projet, l'assemblée générale de la société n'ayant pas été convoquée pour approuver les comptes de l'exercice 2001. La société n'apparaissait plus formellement en situation de surendettement manifeste au sens de l'art. 729b CO, elle demeurait toutefois dans une situation précaire nécessitant, le cas échéant, un avis de surendettement.

 

f) Par décision du ______ 2003, la CFB a rendu une décision immédiatement exécutoire, nonobstant recours, dont il ressortait, en substance, que :

 

1. A______ Int'l exerçait une activité de négociant en valeurs mobilières sans autorisation, par l'intermédiaire de sa succursale à Genève, sise dans les locaux de A______, Genève;

A______ Genève, exerçait une activité de négociant en valeurs mobilières (maison d'émission) sans autorisation;

 

A______ Int'l, succursale de Genève, utilisait sans droit la dénomination "banque";

A______ utilisait sans droit la dénomination "fonds de placement";

Les activités de A______ Int'l, succursale de Genève, et A______ étaient confondues et il n'y avait pas de séparation effective entre les deux entités.

 

2. A______, Genève, était dissoute et entrait en liquidation avec effet immédiat;

 

A______ International, succursale de Genève, était dissoute et entrait en liquidation avec effet immédiat.

 

3. Sous la menace des arrêts ou de l'amende des article 292 CP, 50 LB et 69 LFP, il était interdit aux organes de A______ et A______ Int'l, succursale de Genève, d'exercer tout acte juridique pour l'une ou l'autre de ces entités.

 

4. Tout pouvoir de représentation était retiré aux organes de ces deux sociétés. Tous les pouvoirs de signature et de procuration inscrits au Registre du commerce étaient radiés. Leur pouvoir de désigner de nouveaux organes était retiré. Les pouvoirs de C______, succursale à Genève, en qualité de réviseur de A______ étaient radiés.

 

5. B______, ______ (VD), était désignée en qualité de liquidateur des deux sociétés concernées.

 

6. Sous la menace des arrêts ou de l'amende des article 292 CP, 50 LB, 69 et 70 al. 1 lit. c LFP, il était ordonné, en particulier, aux organes de A______ de mettre à disposition du liquidateur l'ensemble des informations et éléments nécessaires à l'accomplissement de son mandat et de lui garantir l'accès à leurs locaux.

 

7. Le pouvoir de préciser le contenu du mandat de liquidation si nécessaire était délégué au Secrétariat de la CFB.

 

8. Le Registre du commerce du canton de Genève était invité à procéder sans délai à l'inscription suivante : "Par décision du ______ 2003, la CFB a prononcé la dissolution de A______ et son entrée en liquidation. B______, ______ (VD), a été désignée comme liquidateur. La société ne subsiste que pour sa liquidation sous la raison sociale "A______, en liquidation".

 

9. Le liquidateur était autorisé à exiger des deux sociétés concernées une avance de frais.

 

10. Les chiffres 1 à 9 du présent dispositif étaient immédiatement applicables.

 

g) Les parties ont été reconvoquées pour l'audience du 3 novembre 2003. C______ a présenté au Tribunal le bilan audité de A______ pour l'exercice 2002, établi aux valeurs de continuation, duquel il ressortait que la société était surendettée; la situation restait semblable, même en tenant compte de sa dissolution et mise en liquidation impliquant de corriger et retenir les comptes à leur valeur de liquidation. Selon le rapport de révision, daté du 13 octobre 2003, la société avait des difficultés de trésorerie et était dépendante du groupe auquel elle appartenait; il existait un risque de contestation des actionnaires ou souscripteurs sur l'utilisation faite de leurs fonds. Après la prise en compte, au 10 octobre 2003, d'un besoin de provision complémentaire de 754'518 fr. pour créances douteuses, la société présentait un surendettement de l'ordre de 268'000 fr.; un chèque de US$ 420'000.- avait été versé en compte à titre de contribution en capital, ramenant la perte au bilan à 116'215 fr.; les fonds propres s'élevaient à 283'785 fr. Le bilan intermédiaire arrêté à la date précitée n'avait pas été audité.

 

B______ a informé le Tribunal que tous les employés de A______ avaient reçu leur congé, moyennant le respect des préavis légaux. Les liquidateurs ont conclu au prononcé immédiat de la faillite de la précitée, qui était surendettée également sur la base des comptes réactualisés au 10 octobre 2003, corrigés aux valeurs de liquidation.

 

Les liquidateurs ont souligné, en particulier, que le chèque porté à l'actif du bilan pour 552'300 fr. (contre-valeur US$ 420'000.-) n'avait à ce jour pas été encaissé. Ils ignoraient si celui-ci était provisionné.

 

Le bilan intermédiaire du 10 octobre 2003 devait encore être modifié comme suit :

 

- Les créances de prestations de services portées au bilan pour 811'380 fr. n'avaient aucune valeur en cas de liquidation;

 

- Les créances douteuses pour 1'036'537 fr. devaient être totalement provisionnées;

 

- La société avait un arriéré de loyer de 75'000 fr.;

 

- Il y avait encore probablement une dette de la TVA non portée au bilan;

 

- Il convenait de constituer au passif une provision pour loyers futurs de 800'000 fr. suite à la dénonciation du bail par le liquidateur pour l'échéance contractuelle au 31 décembre 2007 et encore des frais de liquidation évalués au minimum entre 300'000 fr. et 400'000 fr.

 

Ces corrections comptables corroboraient le surendettement manifeste de la société.

h) Par courrier du 3 novembre 2003, B______ a communiqué à la CFB sa volonté d'être démise de sa fonction de liquidateur de A______. Dans l'attente d'une décision à ce sujet, la CFB considérait que B______ restait organe de la société précitée et était tenue d'agir en conséquence.

 

B. a) Pour fonder sa décision, le Tribunal de première instance a relevé qu'il avait été saisi d'un avis de surendettement, à hauteur de 322'000 fr., par l'organe de révision sur les comptes arrêtés au 31 décembre 2001; le liquidateur avait déposé un avis identique sur la base des comptes arrêtés au 31 décembre 2002. Le dernier rapport de révision faisait état d'une réserve, selon laquelle la comptabilité n'avait pas été tenue à jour durant l'exercice 2002; A______ faisait face à de graves difficultés de trésorerie et le capital-actions n'avait pas été augmenté malgré les délais accordés par le Tribunal. De surcroît, la CFB avait prononcé la dissolution de A______ et son entrée en liquidation. L'examen des comptes de la société corrigés à leur valeur de liquidation confirmait que celle-ci était surendettée et qu'il n'existait aucune chance d'assainissement. Il en résultait que la faillite de la citée devait être prononcée.

 

b) A l'appui du recours formé contre cette décision, A______ a expliqué qu'en octobre 2003, A______ Int'l USA avait contacté B______, afin d'entreprendre les démarches nécessaires à une saine liquidation de sa succursale genevoise, en vue d'éviter sa mise en faillite. Dans un courrier du 30 octobre 2003, B______ avait indiqué les mesures d'urgence qui devaient être prises à cette fin, soit :

 

- le versement sur le compte de la recourante de la somme de US$ 120'000.- et le paiement par D______ de la somme de 103'798 fr. (créance actionnaire); ces montants cumulés devaient permettre de régler les comminations de faillite pendantes, ainsi que les arriérés des différentes charges sociales;

 

- la dénonciation du bail des locaux, sis 1______ (GE);

 

- la reprise par le groupe du mobilier, équipements et installations à un prix à déterminer contradictoirement sur la base de la valeur au bilan et d'une évaluation opérée par un expert indépendant;

 

- la dénonciation des contrats de travail des collaborateurs au 31 octobre 2003.

 

Au jour de l'audience du 3 novembre 2003, le représentant de A______ Int'l USA avait remis à B______ un chèque de US$ 200'000.-, ainsi qu'un relevé du compte bancaire y relatif démontrant que celui-ci était approvisionné à concurrence de US$ 262'000.-. La recourante a allégué qu'au vu du jugement querellé le premier juge n'avait pas été informé du versement imminent des fonds exigés pour éviter le prononcé de la faillite. Par ailleurs, le 7 novembre 2003, le compte de la recourante avait été crédité de la somme de 200'000 fr. (contre-valeur de US$ 199'980.-), de sorte que le surendettement résultant du bilan arrêté au 10 octobre 2003 n'existait plus; il s'agissait là d'un fait nouveau. A______ a encore ajouté que B______ et la CFB avaient prélevé 150'000 fr. sur son compte, à titre de paiement des honoraires des liquidateurs, ce qui semblait exorbitant compte tenu des 500'000 fr. déjà facturés par C______ pour son travail de révision des comptes 2001 à 2003.

 

Sur le fond, la recourante a relevé que sa mise en faillite était injustifiée, car il ressortait du courrier de C______ du 14 octobre 2003 et du bilan intermédiaire établi à valeur d'exploitation qu'elle n'était plus en état de surendettement. A teneur de l'art. 742 al. 1 et 2 CO, B______ devait dresser un bilan d'entrée en liquidation, dès son entrée en fonction; ce document devait être établi après le 3ème appel aux créanciers et devait être vérifié par l'organe de révision; or, un tel bilan n'avait jamais été fourni au juge de la faillite. Des pourparlers avaient été engagés avec la Régie G______ pour trouver un locataire de remplacement; les contrats de travail avaient été résiliés; seule l'évaluation du mobilier n'avait pas encore été effectuée. Il apparaissait, en conséquence, que toutes les mesures d'assainissement requises par B______ avaient été dûment exécutées. Enfin, les provisions de créances préconisées à hauteur de 100% par le liquidateur ne reposaient sur aucune étude sérieuse; en particulier, il n'était pas établi que les débiteurs étaient douteux. A______ estimait donc que le maintien de la faillite serait contraire aux intérêts des créanciers, et qu'il convenait de privilégier la voie de la liquidation.

 

c) Par acte du 27 novembre 2003, A______ a interjeté un recours de droit administratif, avec demande d'effet suspensif, auprès du Tribunal fédéral contre la décision du ______ 2003 rendue à son encontre par la CFB.

 

d) Dans son mémoire de réponse du 8 décembre 2003, formulé sous la réserve que son mandat soit encore effectif, nonobstant sa demande de résiliation notifiée à la CFB le 4 novembre 2003, B______ a exposé que les conditions indiquées dans son courrier du 30 octobre 2003 n'étaient pas exhaustives, dans la mesure où, à cette date, elle n'avait pas procédé à une analyse détaillée de la situation de la recourante. La dette actionnaire de 103'798 fr. n'avait pas été remboursée, en date du 3 novembre 2003. La reprise du mobilier devait être effectuée au moins à la valeur comptable, afin d'éviter une perte dans le cadre de la liquidation; une telle perte semblait toutefois inévitable, en raison de la disparition subséquente de plusieurs ordinateurs portables. Les loyers étant impayés depuis plusieurs mois, la récupération du dépôt de garantie était compromise. A______ disposait d'un chèque de US$ 420'000.- figurant au bilan du 10 octobre 2003, sous la rubrique "chèque encaissé" pour confirmer l'absence de surendettement, mais, en réalité, ce chèque n'avait pas encore été honoré; le chèque de US$ 200'000.- présenté le 3 novembre 2003 s'avérait donc être sans provision, puisqu'il s'ajoutait au précédent et que le solde du compte n'était que de US$ 262'000.-; en sus, ces effets ne permettaient pas d'identifier le débiteur ou l'ayant droit économique. Il ressortait du procès-verbal de comparution des parties du 3 novembre 2003, que le premier juge avait été dûment informé de la remise du chèque de US$ 200'000.-, en paiement de la dette actionnaire. Même en tenant du compte du versement de 200'000 fr. intervenu le 7 novembre 2003, le découvert total ascendait malgré tout à 2'600'000 fr. B______ n'avait perçu que 15'000 fr. à titre d'avance de frais, 41'180 fr. correspondant à des frais d'observateur et 15'150 fr. à titre de frais de procédure de la CFB.

 

B______ a encore ajouté qu'au vu de la qualité de la tenue de la comptabilité, il était douteux que le bilan du 10 octobre 2003 à valeur de continuation puisse être considéré comme un document pertinent pour affirmer l'absence d'un surendettement, notamment parce que le chèque de US$ 420'000.- n'était pas provisionné. La faillite d'une société pouvait être prononcée aussi lorsque sa situation de trésorerie la mettait en cessation de paiement. Le bilan intermédiaire susmentionné n'avait pas été audité; il constituait toutefois une base suffisante pour apprécier la situation; l'appel aux créanciers n'était pas nécessaire, compte tenu du surendettement manifeste de la société. Aucun justificatif relatif à la solvabilité des créances de prestations de service n'avait été fourni, en particulier concernant les deux factures forfaitaires relatives à la préparation et la distribution d'émission 2002.

 

Enfin, les liquidateurs ont indiqué qu'ils avaient remis à l'Office des faillites les documents en leur possession appartenant à A______ les 11 et 14 novembre 2003; ils n'avaient pas mandaté le conseil de la recourante.

 

e) Invitée à se prononcer sur le recours formé par A______, objet de la présente procédure, la CFB s'en est rapportée à justice; elle a relevé que les anciens organes de ladite société n'avaient plus de pouvoir de représentation depuis sa décision du ______ 2003; seuls les liquidateurs disposaient désormais dudit pouvoir. C______ a confirmé qu'elle n'était plus partie à ladite procédure.

 

C. Lors de l'audience de plaidoiries du 8 janvier 2004 devant la Cour de céans, la recourante a conclu subsidiairement à l'ajournement de la faillite prononcée le ______ 2003, en raison de l'ordonnance rendue par le Tribunal fédéral le 5 décembre 2003 qui avait accordé, à titre superprovisoire, l'effet suspensif au recours de droit administratif formé le 27 novembre 2003, en tant qu'il concernait la liquidation de la société. Le Tribunal fédéral a cependant précisé que ladite ordonnance n'avait pas d'effet sur la procédure de faillite en cours engagée contre A______. La recourante a aussi demandé qu'un nouveau bilan soit établi par C______, qui démontrerait que ses comptes étaient désormais bénéficiaires. Pour le surplus, A______ a persisté dans ses écritures et conclusions; elle a déposé des pièces nouvelles (nos 14 à 21) à l'appui des faits nouveaux qu'elle invoquait. Elle a signalé qu'un nouveau contrat de bail avait été conclu avec la société H______ SA, à compter du 16 décembre 2003, de sorte que la provision pour loyers futurs de 800'000 fr. devenait obsolète. Il était exact que le chèque de 552'300 fr. (contre-valeur de US$ 420'000.-) n'avait pas été encaissé, en revanche plusieurs paiements étaient intervenus, soit les 200'000 fr. sus-évoqués, puis 135'800 fr. (pièce no 14 - relevé de compte I______) et 38'200 fr. (pièces nos 15 à 17 - trois attestations de rachat d'une partie de la créance salariale), selon justificatifs produits; la perte avait été ainsi réduite à 225'000 fr., la société n'était dès lors plus en surendettement au sens de l'art. 725 al. 2 CO; il n'était donc plus nécessaire d'établir un bilan de liquidation. Les salaires des anciens employés avaient également été payés à hauteur de 245'000 fr. (pièce no 17bis - relevé de compte J______ au 6 janvier 2004). En valeur d'exploitation, la situation était désormais légèrement bénéficiaire. A______ s'était départie de toutes ses charges; aucune perte nouvelle n'était à craindre; la contribution de tiers, à fonds perdus, avait même permis une diminution du passif. En conséquence, la faillite devait, à tout le moins être ajournée, dans l'attente de la décision du Tribunal fédéral sur la liquidation, et un nouveau bilan actualisé devait être dressé.

 

S'agissant des provisions préconisées par B______, A______ estimait que leurs quotités étaient inacceptables. La qualité prétendument douteuse des créances envers des tiers n'était pas étayée; une provision de 754'000 fr. était déjà comptabilisée; les frais de liquidation pour 350'000 fr. étaient disproportionnés; la valeur de liquidation du mobilier arrêtée à 100'000 fr. ne reposait sur aucune expertise.

 

B______ a persisté dans ses explications et conclusions. Elle a relevé que les pièces nouvelles dataient de 2003 et auraient pu être produites dans le délai imparti. L'ordonnance du Tribunal fédéral n'avait pas d'effet sur la procédure en cours; les soi-disant faits nouveaux n'en étaient pas. Le liquidateur a ensuite souligné que le chèque de US$ 420'000.- n'avait jamais été encaissé; or, il figurait précisément au bilan pour justifier l'absence de surendettement. Les apports susdécrits avaient été effectués pour couvrir les créanciers, mais pas pour soutenir l'activité de la société conformément à ses buts; l'origine des fonds était inconnue. L'engagement relatif à l'augmentation du capital-actions n'avait pas été tenu. Les frais de liquidation incluaient les salaires à payer jusqu'à la fin des délais de préavis, soit 200'000 fr. environ, les frais de la CFB et le mandat des liquidateurs. Le montant des immobilisations était passé de 400'000 fr. au 10 octobre 2002, à 770'000 fr. au 10 octobre 2003. Même si le mobilier était réévalué à plus de 100'000 fr., le surendettement restait manifeste. Il n'existait aucun justificatif démontrant la réalité des émissions objets des factures en suspens totalisant 811'000 fr., de sorte que ces créances devaient être intégralement provisionnées.

 

- EN DROIT -

 

1. La Cour de justice connaît en deuxième instance de tous les jugements rendus par le Tribunal de première instance. Les jugements rendus sur les avis de surendettement et les requêtes d'ajournement le sont en premier ressort (art. 21 let. d et 23 LALP). La Cour possède dès lors un plein pouvoir d'examen (art. 291 LPC).

 

Le recours a été interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi (art. 174 al. 1 LP et 356 al. 1 LPC).

 

Les écritures ont été signées par un avocat, qui a allégué être mandaté par les anciens organes de A______ SA. Il résulte toutefois de l'extrait du Registre du commerce actualisé que les pouvoirs de tous les administrateurs ont été radiés, le ______ 2003, soit antérieurement à l'intentât du présent recours, consécutivement à la décision de la Commission Fédérale des Banques du ______ 2003; seule B______, ______ (VD), inscrite en qualité de liquidatrice, est dès lors habilitée à représenter la société. Dans ces conditions, la recevabilité dudit recours apparaît douteuse. Cette question peut cependant demeurer indécise au vu de l'issue du litige.

 

2. a) Tant le créancier que le débiteur peuvent invoquer devant l'instance de recours, sans restriction, des faits nouveaux improprement dits (unechte nova), soit les faits qui existaient déjà lors du prononcé de la faillite, mais qui n'ont pas été présentés en première instance (art. 174 al. 1 in fine, applicable selon l'art. 194 al. 1 LP). S'agissant, en revanche, de "nova" proprement dits, survenus après le prononcé de la faillite, l'appelant ne peut invoquer que les circonstances limitativement énumérées à l'art. 174 al. 2 LP (FF 1991 III 129-131). Il peut également invoquer tout moyen de preuve qui n'aurait pas été soumis au premier juge et ce, en vertu de la maxime inquisitoriale (AMONN/GASSER, Grundriss des Schulbetreibungs-und Konkursrechts, 1997, § 36, p. 239).

 

Encore faut-il que ces moyens de preuve soient déposés au dossier conformément aux règles de la procédure.

 

En vertu des art. 23A et 21 al. 1 let. d LALP, le recours contre une décision du Tribunal de première instance rendue sur un avis de surendettement est instruit "en procédure sommaire".

 

L'art. 356 LPC, régissant la procédure d'appel en matière sommaire, renvoie pour sa part à la procédure ordinaire.

 

Cette réforme introduite dans la LPC par une novelle entrée en vigueur le 12 juillet 2003, confère à la procédure devant la Cour, en matière sommaire, un caractère écrit, contrairement à ce qui était le cas dans la loi ancienne, puisqu'à teneur de celle-ci l'instruction se faisait tout entière à l'audience.

 

Il en résulte qu'en appel, les parties doivent produire les pièces dont elles entendent faire état avec les écritures qui les visent (art. 301 al. 1 et 306A al. 1 LPC).

 

b) Tel n'est pas le cas, en l'occurrence, s'agissant des pièces nos 14 à 21, qui ont été déposées lors de l'audience de plaidoiries du 8 janvier 2004. Ces documents doivent, en conséquence, être écartés des débats. La Cour constate toutefois qu'à supposer que lesdits documents soient recevables, l'issue du litige ne s'en trouverait pas modifiée, au vu des considérants suivants.

 

3. a) En cas de surendettement manifeste, l'organe de révision avise le juge si le conseil d'administration omet de le faire (art. 729b al. 2 CO).

 

La faillite d'une société anonyme peut être prononcée sans poursuite préalable, dans le cas prévu par l'art. 725a CO (art. 192 LP). Conformément à l'art. 725 al. 2 CO, s'il existe des raisons sérieuses d'admettre, à la lumière du dernier bilan annuel, que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification de l'organe de contrôle. S'il résulte de ce bilan, que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d'exploitation, ni lorsqu'ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d'administration en avise le juge, à moins que des créanciers de la société n'acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la personne morale dans la mesure de cette insuffisance de l'actif. Selon l'art. 725a al. 1 CO, au vu d'un tel avis, le juge déclare la faillite. Il peut néanmoins l'ajourner si l'assainissement de la société, demandé par le conseil d'administration ou par un créancier, paraît possible.

 

Pour permettre au juge de statuer sur la base de l'art. 725a CO, l'avis d'insolvabilité que lui adresse le conseil d'administration - respectivement le liquidateur, lorsque la société a été mise en liquidation - conformément à l'art. 725 al. 2 CO doit être accompagné du bilan intermédiaire, contenant l'estimation des actifs à leur valeur vénale, et de la vérification de l'organe de contrôle (GIROUD, Die Konkurseröffnung und ihr Aufschub bei der Aktiengesellschaft, Zurich 1986, p. 62, 71; BÖCKLI, op. cit., n. 1712; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, Schw. Aktienrecht, § 50 n. 223). De tels documents, établis dans l'intérêt des créanciers et de la collectivité (ATF 121 III 420, consid. 3/a), s'avèrent indispensables lorsqu'il s'agit de se prononcer sur un éventuel ajournement de la faillite (ATF 120 II 425 = SJ 1995 p. 353; ZR 1995 n. 50). Ils sont normalement aussi requis pour le prononcé de la faillite à la demande du conseil d'administration, ainsi que l'a relevé la Cour dans un arrêt non publié (ACJC n. 1444/1994 F. B. SA du 21.10.1994, consid. 5). Il importe en effet d'éviter que, sous le couvert d'un surendettement inexistant, le conseil d'administration ne puisse provoquer la faillite de la société en contrevenant au droit de dissolution appartenant à l'assemblée générale des actionnaires en vertu de l'art. 736 ch. 2 CO.

 

Néanmoins, comme déjà dit, les prescriptions de l'art. 725 al. 2 CO ont été édictées dans l'intérêt des créanciers et de la collectivité. Il convient en effet de veiller à ce que les créanciers d'une société surendettée soient traités de manière égale. Pour la protection du public, il faut aussi éviter qu'une société surendettée ne puisse poursuivre ses activités, en contractant de nouvelles dettes, jusqu'à épuisement complet de ses actifs (LANZ, op. cit., p. 106-107; GIROUD, op. cit., p. 55-56; KOEFERLI, Der Sanierer einer Aktiengesellschaft, Zurich 1994, p. 148).

 

En conséquence, lorsqu'il apparaît de manière indiscutable qu'une société est gravement surendettée, qu'il n'existe aucune chance d'assainissement, qu'un sursis concordataire n'a pas été sollicité (art. 173a, 194 al. 1 LP) et que l'hypothèse d'une manoeuvre dolosive du conseil d'administration au détriment des actionnaires est exclue, le juge doit entrer en matière sur un avis donné en vertu de l'art. 725 al. 2 CO, même non accompagné du bilan idoine et de l'avis de l'organe de contrôle, puis prononcer la faillite. Seule cette solution, déjà choisie par le Tribunal de district de Zurich dans un cas similaire (ZR 1995 n. 49), répond au but voulu par le législateur.

 

b) Il ressort de la procédure que le premier avis de surendettement a été donné le 25 octobre 2002 par C______, en sa qualité d'organe de révision de la recourante, sur la base du bilan arrêté au 31 décembre 2001. Dans son courrier du 14 octobre 2003 au Tribunal de première instance, C______ a indiqué que la recourante n'était plus formellement dans une situation de surendettement, mais demeurait dans une situation précaire. Dans son rapport de révision du 13 octobre 2003 relatif aux comptes 2002, C______ a néanmoins relevé qu'au vu du bilan intermédiaire du 10 octobre 2003, la société présentait à nouveau un surendettement de l'ordre de 268'000 fr., compte tenu de la nécessité de constituer une provision pour créances douteuses à hauteur de 754'518 fr. Pour éviter cette situation, un chèque de US$ 420'000.-, a été porté en compte. Ainsi, en valeur de continuation, les fonds propres s'élevaient à 283'785 fr. et la perte à 116'215 fr. Ce chèque n'a toutefois jamais été encaissé, de sorte que la société se trouvait, à cette date, selon un bilan intermédiaire établi à valeur d'exploitation, en situation de surendettement.

 

La recourante a ensuite été mise en liquidation, avec effet immédiat, par décision du ______ 2003 de la CFB. Des provisions supplémentaires ont donc été préconisées par les liquidateurs. S'agissant des créances résultant de prestations de service, la provision devait couvrir l'intégralité du poste soit 811'380 fr. Ce montant correspond essentiellement à deux factures forfaitaires pour préparation et distribution d'émission 2002; or, la société n'a fourni aucun élément démontrant la réalité des prestations effectuées, ni donné aucune indication sur la qualité du débiteur concerné; cette provision s'avère donc justifiée; il est, en outre, précisé que figure au bilan un autre poste "créances douteuses résultant de prestations de services" pour une somme de 1'036'537 fr., provisionnée à hauteur de 754'518 fr.; ce montant n'est pas contesté. Les immobilisations corporelles comptabilisées pour 721'000 fr. environ ne pourraient être retenues, selon les liquidateurs, que pour un montant de 100'000 fr., nécessitant une provision de 621'000 fr., d'autant qu'il semblerait que de nombreux ordinateurs aient disparu. Une fois encore, la recourante se borne à alléguer qu'une moins-value de l'ordre de 80% n'est pas acceptable, elle n'apporte toutefois ni inventaire, ni indice sur l'état ou la valeur du matériel concerné susceptible de remettre en cause la position de B______ à ce sujet. En revanche, la provision pour loyers futurs n'apparaît plus pertinente, le contrat de bail ayant été repris par une société tierce dès le 16 décembre 2003. Concernant la provision pour frais de liquidation, arrêtée à 350'000 fr., B______ a précisé que celle-ci incluait les montants des salaires dus jusqu'à la fin des délais de préavis, soit 200'000 fr. environ. La recourante prétend que ces créances ont été payées. Elle a produit, comme justificatifs, trois attestations confirmant la réception d'acomptes au titre de rachat partiel de la créance salariale pour une somme totale de 38'200 fr., ainsi qu'un relevé de compte J______ au 6 janvier 2004. Force est cependant de constater que ce document contient une liste de toutes sortes de dépenses sans aucun rapport avec les faits de la cause; il ne démontre nullement que les montants mentionnés ont effectivement été débités de ce compte; rien ne permet de déterminer davantage que les personnes citées étaient des collaborateurs de la société, ni si les sommes indiquées correspondent à des salaires, en tout ou partie. Dans ces conditions, l'extinction des créances salariales ne peut être admise, à l'exception des montants figurant sur les attestations sus-décrites; la provision y relative pourrait ainsi être réduite à 310'000 fr. Certes, le chèque de 200'000 fr. (contre-valeur de US$ 199'980.-) a été crédité sur le compte de la société et une créance de 135'800 fr. a été remboursée à I______; il appert toutefois que ces versements ne suffisent pas à compenser les pertes sus-décrites. Par ailleurs, la créance actionnaires n'a été ni remboursée, ni postposée. Il en résulte que la société, reste en état de surendettement manifeste, même en valeur de liquidation, ainsi que l'ont d'ailleurs confirmé les liquidateurs lors de l'audience du 3 novembre 2003 devant le premier juge.

 

En conséquence, il appert que les conditions d'application de l'art. 725 al. 2 CO sont réalisées, en l'espèce. Au demeurant, il n'y a pas lieu de craindre une manoeuvre dolosive des administrateurs, les pouvoirs de ces derniers ayant été résiliés; partant le jugement de faillite du ______2003 doit être confirmé.

 

4. Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité et le bien-fondé des conclusions subsidiaires en ajournement de la faillite prises, pour la première fois, lors de l'audience de plaidoiries du 8 janvier 2004.

 

La Cour relève cependant qu'à teneur de l'art. 174 LP, les parties sont habilitées à déposer des conclusions nouvelles à l'audience de plaidoiries, mais uniquement dans les conditions de l'art. 134 LPC, applicable par renvoi de l'art. 356 al. 1 LPC, à savoir que celles-ci ne peuvent se fonder que sur des faits nouveaux (echte nova) et doivent être signifiées à la partie adverse cinq jours au moins avant l'audience. Or, tel n'a pas été le cas en l'espèce. Les conclusions subsidiaires susmentionnées formulées par la recourante sont, en conséquence, irrecevables.

 

En tout état, il appert que les exigences de l'art. 725a CO ne seraient de toute manière pas réunies. En effet, il découle des considérations qui précèdent que la recourante apparaît désormais comme une coquille vide; elle n'a plus de locaux, ni de personnel; le dossier ne contient aucune indication quant à son potentiel d'activités, ni quant à celles qu'elles déploieraient encore à ce jour. Par ailleurs, au vu du montant de ses dettes, seule une augmentation de capital permettrait un assainissement de la situation; or cet engagement n'a pas été tenu, ce qui laisse supposer que la recourante n'a plus le soutien du groupe auquel elle appartient.

 

5. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours; des dépens n'ayant pas été sollicités par sa partie adverse, il n'en sera pas alloué (art. 62 OELP; SJ 1984 p. 595 consid. 5a).

 

P a r c e s m o t i f s

 

L a C o u r :

 

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ SA, en liquidation, contre le jugement JTPI/12886/2003 rendu le ______ 2003 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24573/2002-11 SF.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Condamne A______ SA, en liquidation, aux frais du recours, soit à l'émolument de mise au rôle, qui reste acquis à l'Etat.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Mme Marguerite Jacot-des-Combes, présidente; M. Michel Criblet et M. François Chaix, juges; Mme Fatina Schaerer, greffier.