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Décisions | Chambre civile

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C/17342/2015

ACJC/1747/2020 du 01.12.2020 sur JTPI/15365/2019 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17342/2015 ACJC/1747/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 1ER DÉCEMBRE 2020

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ (Angleterre), appelante d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er novembre 2019, comparant par Me Christophe Buchwalder, avocat, rue Pedro-Meylan 1, 1208 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me V______, avocate, ______ en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15365/2019 du 1er novembre 2019, reçu par A______ le 6 novembre suivant, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ des fins de sa demande (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 20'760 fr., compensés avec les avances effectuées par les parties et mis à la charge de A______, ordonné en conséquence aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de verser 19'800 fr. à A______ et 200 fr. à B______ SA à titre de remboursement de leurs avances de frais (ch. 2), condamné A______ à verser 30'000 fr. de dépens à B______ SA (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 6 décembre 2019 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation, avec suite de frais.

Elle appelle également des ordonnances de preuves ORTPI/40/2016 du
19 janvier 2017 et ORTPI/505/2018 du 22 juin 2018 rendues par le Tribunal dans la présente cause.

A titre principal, elle conclut à ce que B______ SA soit condamnée à lui verser 1'070'582 dollars US, avec intérêts à 5% dès le 16 avril 2012.

A titre subsidiaire, elle conclut à ce qu'il soit constaté que B______ SA est responsable d'une violation de ses obligations contractuelles à son égard et à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour instruction et jugement sur la question du dommage qu'elle a subi.

A titre plus subsidiaire, elle conclut à ce que les ordonnances de preuves ORTPI/40/2016 du 19 janvier 2017 et ORTPI/505/2018 du 22 juin 2018 soient annulées, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants et à ce que la Cour enjoigne le Tribunal d'ordonner à B______ SA de produire l'intégralité des enregistrements des entretiens téléphoniques des conversations entre elle-même et C______, ainsi que les country policies concernant le transport de documents bancaires vers le Liban.

b. B______ SA conclut, avec suite de frais, au constat de l'irrecevabilité de la conclusion principale de l'appel formé par A______, au rejet dudit appel, ainsi qu'à la confirmation du jugement et des ordonnances entrepris.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Elle a indiqué que, dans la mesure où la procédure de première instance avait été limitée à la question de la responsabilité de B______ SA, elle s'en rapportait à justice concernant la recevabilité de la conclusion principale de son appel.

Elle a conclu à l'octroi de dépens couvrant le montant des honoraires qu'elle avait encourus pour les procédures de première instance et d'appel, soit 139'058 fr. 35.

Elle a allégué des faits nouveaux et déposé un chargé de huit pièces.

d. B______ SA a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

Elle a produit une première note d'honoraires pour la période du 1er janvier au 29 février 2020, faisant état de 62,2 heures d'activité à 450 fr./heure, ainsi qu'une seconde note d'honoraires pour la période du 1er mars au 28 avril 2020, faisant état de 60,2 heures d'activité au même tarif horaire, lesdites heures ayant été accomplies essentiellement, soit à raison de 80%, par un avocat-collaborateur. Elle a conclu à ce que ses frais de défense devant la Cour, s'élevant au total à 58'809 fr. 60, soient mis à la charge de A______.

e. Par avis du 29 avril 2020, reçu le lendemain, le greffe de la Cour a transmis la duplique susmentionnée à A______ et informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

f. Les parties se sont encore déterminées de manière spontanée par écritures des 11 et 22 mai 2020.

C. Les éléments suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

I. Des parties et de leur relation contractuelle

a. D______, devenue B______ SA en avril 2017, a pour but l'exploitation d'une banque (ci-après : "la Banque").

b. Le 18 avril 2005, A______ a ouvert, auprès de la succursale genevoise de D______, un compte n° 1______, dont il est admis qu'il ne fait pas l'objet du présent litige.

c. Le 1er juin 2006, A______ a ouvert un second compte auprès de la Banque, sous la rubrique 2______ (ci-après : "le compte E______").

Une note interne établie par la Banque lors de l'ouverture précisait que ce compte était destiné à recevoir le prix de vente de terrains de famille au Liban. Dans la mesure où les frères et soeurs de A______, avec lesquels elle partageait le bénéfice de la vente, ignoraient l'existence de certains terrains, l'ouverture du compte visait à éviter qu'ils n'apprennent qu'elle recevrait une part plus importante que la leur.

Selon les documents d'ouverture du compte, rédigés en anglais, la Banque était autorisée à procéder à des placements fiduciaires.

Ces documents contenaient également une clause intitulée "Trading of derivative and Forward Contracts", autorisant la Banque à exécuter les opérations sur produits dérivés et les opérations à terme instruites par A______, au seul risque de cette dernière ("[b]y order of the Account Holder the Bank will enter into derivatives and forward transactions in its own name but at the full risk of the Account Holder").

La correspondance devait demeurer en "banque restante", aux risques de A______, les documents concernés par ce mode de communication étant considérés comme reçus par la titulaire du compte ("The correspondance will be retained at D______ [...] at the exclusive risk of the Account Holder [...] who shall bear all the damages arising from this arrangement. Any and all communication retained in this manner shall be deemed to have been duly received by the Account Holder. The date on the Bank document concerned shall be regarded as the date of receipt by the Account Holder").

A______ autorisait par ailleurs la Banque à accepter les ordres formulés par téléphone ou fax, conformément à la clause suivante : "The Account Holder authorizes the Bank to accept any orders - in particular payment orders in favour of third persons [...] - also in cases where such orders are given to the Bank by telephone or telefax. The Account Holder hereby agrees to hold the Bank harmless from and against any risks connected therewith. The Account Holder further gives the Bank full discharge with regard to the Bank executing such orders even should said orders be fraudulently transmitted by third persons".

La documentation d'ouverture du compte signée par A______ renvoyait aux conditions générales de la Banque (General Business Conditions), avec l'indication selon laquelle A______ confirmait avoir reçu et pris connaissance de celles-ci et acceptait d'être liées par elles ("[t]he Account Holder confirms receipt and has taken note of a copy of these conditions [...] and agrees to be bound by them").

Ces conditions générales prévoyaient notamment, sous la rubrique "Complaints of the Account Holder", que toute réclamation du titulaire du compte relative à l'exécution ou l'inexécution d'ordres de tout genre ou toute contestation d'un extrait de compte ou de dépôt ou d'autres communications devait être présentée dès réception de l'avis correspondant, et au plus tard dans un délai d'un mois, le titulaire du compte supportant tous dommages et/ou pertes découlant d'une réclamation tardive. Les extraits de compte et dépôts qui n'étaient pas contestés dans le délai d'un mois étaient réputés approuvés, et cela même si le titulaire de compte ne signait pas un avis de bien-trouvé ou si celui-ci ne parvenait pas
à la Banque. L'approbation expresse ou tacite des relevés de compte entraînait celle de tous les articles y figurant ainsi que des réserves éventuelles de la banque ("Any complaints of the Account Holder regarding the execution or non-execution of orders of any kind, or objections to a statement of account or safekeeping account, or other communications, shall be submitted to the Bank immediately, or at the latest no later than one month after receipt of the corresponding advice. Should an advice be omitted, the Account Holder shall lodge the complaint concerning the communication to be expected as soon as he would normally have received such advice had it been sent to him by regular mail. The Account Holder shall bear any damages and/or losses resulting from late objections. Unless notice of objection has been received by the Bank within one month, the Bank's statements of account or safekeeping account shall be considered approved, even if the form of exoneration has not been signed by the Account Holder, or not yet received in return by the Bank. The expressed or tacit approval of the statement of account shall include the acceptance of all single bookings and possible reservations of the Bank contained in the statements").

La documentation d'ouverture du compte renvoyait également aux "Conditions for trading in Derivatives and Forward Contracts", lesquelles n'ont toutefois pas été versées à la procédure.

La langue de correspondance était l'anglais.

Le droit suisse était applicable et le for à Genève.

d. Le 27 août 2008, A______ a signé divers documents relatifs au compte E______, dont un contrat de crédit lombard (Lombard Loan Agreement) et un acte de nantissement des avoirs déposés sur ce compte en faveur de la Banque (Charge/Declaration of Pledge).

Entendue par le Tribunal, la Banque a déclaré qu'elle ne faisait pas signer automatiquement ce type de contrats à ses clients. Ils n'étaient en particulier pas nécessaires pour les clients souhaitant uniquement procéder à des placements fiduciaires.

A______ a déclaré avoir signé le contrat de crédit lombard car C______, l'employé de la Banque en charge de ses comptes, lui avait proposé de conclure un contrat permettant de mettre en gage son appartement [à] G______ [Grande-Bretagne], de manière à lui permettre d'en acquérir un second. Elle a indiqué ignorer ce qu'était un crédit lombard. Elle n'avait par ailleurs pas lu le document que C______ lui avait fait signer, se contentant des explications orales de ce dernier.

e. Les parties admettent qu'aucun mandat de gestion de fortune ou de conseil en placements n'a été conclu s'agissant de la gestion des avoirs en compte.

II. De la gestion du compte E______ par la banque et des contacts avec A______

f. Initialement crédité de 99'968 dollars US au mois de septembre 2006, le compte E______ a été alimenté par divers transferts de A______. Cette dernière a également procédé à des retraits. Au 12 janvier 2012, le solde du compte se montait à 1'491'261.15 dollars US.

g. Au sein de la Banque, C______, employé de cet établissement depuis 2002, était chargé de la gestion des comptes de A______. F______, également employée de la Banque depuis 2002, était son "back-up" et le remplaçait lorsqu'il était absent, mais n'était pas directement en charge de la gestion des comptes.

h. Outre des dépôts fiduciaires, dont il n'est pas contesté qu'ils étaient autorisés, C______ a procédé, à compter du mois d'octobre 2006, à des opérations sur le marché des changes (ci-après : les opérations "Forex" ou les opérations sur devises) avec les avoirs du compte E______.

i. Ces opérations ont causé des pertes que A______ a évaluées à 753'621 dollars US au 16 avril 2012.

j. La documentation du compte étant conservée en banque restante, A______ et C______ se rencontraient régulièrement, environ deux fois par année, à G______, H______ ou Genève.

Entendue sur ce point, A______ s'est souvenue être venue à Genève deux fois et y avoir rencontré C______, sans pouvoir se rappeler si elle s'était rendue dans les locaux de la Banque.

Entendu sur ce point en qualité de témoin, C______ ne s'est pas non plus souvenu si A______ était venue à la Banque.

A______ a précisé qu'elle avait développé des liens d'amitié avec C______, de sorte qu'ils se voyaient aussi en présence d'autres relations ou de membres de leurs familles. Elle avait rencontré F______ à l'occasion d'un déjeuner avec C______ en 2008.

A______ et C______ échangeaient en outre par téléphone et courrier électronique. Dans la mesure où ils étaient souvent en déplacement, ils utilisaient fréquemment leurs téléphones portables.

A______ a déclaré que leurs échanges dépendaient des besoins; ils pouvaient ainsi être en contact deux ou trois fois par semaine, puis ne plus se parler durant deux à trois mois. Elle contactait C______ principalement pour lui donner des ordres de transfert, notamment dans le cadre de travaux de réfection qu'elle effectuait dans son appartement et qui étaient payés depuis le compte E______.

k. A______ a allégué avoir donné à C______ uniquement des instructions permettant de procéder à des dépôts fiduciaires.

Elle a exposé ne pas l'avoir instruit de procéder à des opérations sur le marché des changes, ni n'avoir discuté avec lui de telles opérations. Elle a ainsi allégué n'avoir appris leur existence qu'à la réception d'un appel téléphonique de F______ au printemps 2012 (cf. infra let. C.cc).

l. Interrogé sur la manière dont il procédait pour que les opérations de change soient décidées et exécutées sur le compte de A______, C______ a déclaré que toutes les opérations de change effectuées résultaient d'instructions spécifiques du client, sauf pour les renouvellements de "foreign exchange swaps", pour lesquels il n'était pas nécessaire d'obtenir l'accord du client, sauf changement de circonstances ou de stratégie.

Il ne se souvenait pas de la manière dont les instructions étaient conservées au sein de la Banque. Au retour de ses voyages, un rapport était effectué, qui intégrait les instructions du client. Il ne se chargeait pas lui-même de conserver les instructions dans le système; il les transmettait à son assistante.

Il a ajouté ne jamais avoir effectué d'opérations sur le compte de A______ sans instructions de sa part. Celle-ci savait ce qui se passait sur son compte. Les opérations de change effectuées avaient été discutées avec elle.

m. Les parties admettent qu'aucune trace d'instruction relative à des opérations sur le marché des changes ne se trouve, ni dans le dossier de la Banque, ni dans les enregistrements d'entretiens téléphoniques conservés par celle-ci, étant précisé que les conversations qui auraient pu avoir lieu au moyen du téléphone portable de C______ n'ont pas été enregistrées.

La Banque a déclaré à cet égard que, lorsque le client avait signé la décharge pour les instructions par téléphone, elle se montrait moins stricte dans la transcription écrite des conversations téléphoniques.

Entendue sur ce point en qualité de témoin, F______ a déclaré qu'elle n'établissait pas systématiquement une note après un contact téléphonique avec un client, mais uniquement lorsqu'un élément devait être relevé.

Quant à C______, il ne s'est pas souvenu précisément des règles valant au sein de la Banque pour la conservation des instructions données par téléphone. Il a déclaré que, dans la mesure où le client avait signé la décharge, il n'existait pas de procédure spécifique.

III. Des connaissances de A______ en matière bancaire

n. Une note établie par la banque au moment de l'ouverture du compte n° 1______ précise que A______ étudiait alors à l'Université I______ (Angleterre), "se spécialisant en analyse financière".

Un curriculum vitae était annexé, dont il ressort que A______ était titulaire d'un "bachelor of science in business studies" de l'Université J______, obtenu en 1999, et poursuivait des études en vue d'obtenir un "master of science in investment analysis and fund management" de l'Université I______. Elle avait travaillé en tant que "data base administrator" auprès de K______ à H______ [Liban] en 2000 et 2001, puis en tant qu'assistante du "chief financial officer" de la Société libanaise T______ entre 2001 et 2004. A______ maîtrisait en outre les logiciels spécialisés "L______" et "M______".

Interrogée sur son parcours professionnel, A______ a déclaré avoir, à l'achèvement de son master, travaillé à N______ à G______ [Grande-Bretagne] durant une année en tant que stagiaire. Après une pause de six mois, elle avait été employée durant une année auprès de la O______ - entretemps devenue P______ - en tant que "junior private banker"; elle y avait toutefois travaillé principalement dans l'immobilier.

Elle avait ensuite quitté le domaine bancaire, en 2008 environ, et estimait ainsi ne pas savoir gérer un portefeuille.

Elle avait ultérieurement obtenu un doctorat en "navigation systems".

Elle a confirmé posséder un profil Q______ selon lequel ses compétences étaient "transports ITS", "finance", ainsi que "banking".

o. Elle ne se souvenait pas des enseignements dont elle avait bénéficié durant son master en finance, mais confirmait avoir pris des cours de "portfolio management" et "asset location". Elle n'a pas donné suite à l'engagement pris en audience de verser à la procédure la liste des cours qu'elle avait suivis durant ce cursus.

p. Elle a confirmé connaître la signification des termes "accrued interest", "swaps", "derivatives", "loan", "currency", à un niveau qu'elle a toutefois qualifié de basique.

q. Entendu par le Tribunal sur les connaissances de A______, C______ a déclaré que celle-ci connaissait les marchés financiers et comprenait les opérations effectuées sur ses comptes. Elle maîtrisait les termes de "credit facilities", "swaps" et "forex".

r. La Banque a versé à la procédure plusieurs courriers électroniques adressés par A______ à C______, dans lesquels celle-ci avait exprimé son intérêt pour l'acquisition d'or "physique" et d'obligations, ainsi que pour des investissements immobiliers en Angleterre. Elle avait également proposé à C______ de rencontrer une de ses connaissances travaillant dans une banque [à] G______ [Grande-Bretagne].

IV. Des documents conservés en banque restante et de leur réception par A______

s. La documentation du compte E______, conservée en banque restante à Genève, comprenait les relevés de compte mensuels, rédigés en anglais ("monthly statements"), les états de fortune annuels, également rédigés en anglais ("global statements of assets"), les avis de transaction pour chaque opération effectuée, rédigés en anglais, ainsi que les bilans de gestion semestriels ("management statements"), rédigés en français.

Ces documents font état de ce que des opérations sur le marché des changes étaient effectuées, comme suit :

-       Les termes "foreing exchange, operation nr ..." figurent sur les relevés de compte mensuels des mois de juillet à décembre 2007 et sur l'ensemble des relevés mensuels à partir du mois de septembre 2008.

-       Les termes "forward exchange operations" figurent dans les états de fortune annuels à partir de l'année 2008; les états de fortune annuels 2006 et 2007 ne mentionnent toutefois que des dépôts fiduciaires. Les états de fortune depuis l'année 2010 comportent également une rubrique "credit facilities" se rapportant au crédit lombard.

-       Les termes "opérations devises à termes" figurent dans les bilans de gestion semestriels, en deuxième page; dans les bilans édités jusqu'au 30 juin 2007, les rubriques y afférentes sont toutefois vides.

-       Le détail des opérations effectuées se trouve dans les avis de transaction. A compter du mois de juillet 2007, ces avis font notamment état de "spot forex deal" et de "forward forex deal".

-       L'existence de rubriques du compte en diverses devises (dollars américains, dollars australiens, euros, livres sterling, yens et francs suisses), nécessaires pour procéder aux opérations de change, ressort également de ces documents.

t. Le 27 août 2008 à Genève, A______ a signé un document rédigé en français et en anglais, intitulé "Correspondance banque restante/Retained Correspondance", et stipulant dans sa version anglaise : "I hereby confirm having received the mail which was retained in accordance with my instructions". Etait concernée la correspondance retenue pour le compte E______ entre le
26 septembre 2006 et le 31 juillet 2008, comprenant 179 pages.

A______ a confirmé avoir signé ce document, mais a exposé que C______ le lui avait fait signer sans lui remettre la documentation en banque restante y relative.

C______ ne s'est pas exprimé sur ce point lors de son interrogatoire
(cf. toutefois infra let. C.y).

u. En date du 2 juin 2010, à H______, A______ a signé un document identique, rédigé en anglais, selon lequel elle confirmait avoir reçu la correspondance relative au compte E______ retenue jusqu'au 28 mai 2010, comprenant 521 pages. Ce reçu précise, sous la rubrique "output", "Print type: receipt only" et "Print from: First dossier. Number of documents: 0. Number of document pages: 0. Total number of pages: 2".

A______ a allégué que C______ lui avait fait signer ce document sans lui remettre la documentation en banque restante, comme le prouverait l'indication susmentionnée, selon laquelle aucun des 521 documents concernés n'aurait été imprimé.

Entendue sur cette question, la Banque a déclaré que le nombre 521 correspondait au nombre de documents retenus en banque restante. Elle a expliqué que l'apparente incohérence entre ce chiffre et la mention d'un nombre total de 2 pages à la rubrique "output" pouvait s'expliquer par le changement de système informatique qu'avait connu la Banque en 2010, lequel avait eu pour effet que les accusés de réception étaient imprimés avec ces indications. La mention d'un nombre total de 2 pages ne signifiait dès lors pas qu'aucun document n'avait été imprimé. En outre, même si aucun document n'avait été imprimé lors de l'impression du reçu, une seconde impression de l'ensemble des documents pouvait avoir été effectuée.

v. Egalement le 2 juin 2010, A______ a signé un bilan de gestion ("management statement") relatif au compte E______, rédigé en anglais, daté
du 26 mai 2010 et montrant l'évolution du compte du 31 décembre 2009 au
25 mai 2010.

Ce document comportait, dans la colonne de gauche, les mentions suivantes :

"Total portfolio value on: 31.12.2009 USD 1'571'308
Cash Transfer In 250'000
Cash Transfer Out -100'015
[...]
Corrected portfolio value: 1'721'293
Total portfolio value on: 25.05.2010 USD 1'757'440
Plus/Minus Value 36'147
Weighted Performance in % 1.29"

Dans la colonne de droite, le bilan de gestion comportait des rubriques "Realized profit/loss" et "Unrealized profit/loss", faisant respectivement état de profits de 120'320.48 dollars US au 25 mai 2010 et de pertes de 85'917.84 dollars US à cette même date.

La Banque n'a produit que la première page de ce document avec la signature de A______. Elle n'a pas allégué lui avoir soumis la seconde page, où figure la rubrique "opérations devises à termes" (cf. supra let. C.s).

w. La représentante de la Banque a déclaré que le bilan de gestion susmentionné n'aurait pas eu la même teneur si seuls des placements fiduciaires avaient été effectués, car les indications "Realized profit/loss" n'y auraient pas figuré, et encore moins celles de "Unrealized profit/loss".

C______ a quant à lui déclaré que A______ était en mesure de comprendre les documents susmentionnés, ainsi que les indications du bilan de gestion s'agissant des profits/pertes.

x. C______ a également déclaré qu'à l'époque, il lui arrivait de voyager au Liban en emportant la correspondance bancaire, car il n'existait alors pas d'interdiction de se rendre dans certains Etats avec des documents bancaires.

Il ne s'est toutefois pas rappelé si, dans le cas d'espèce, il avait remis sa banque restante à A______, ni si celle-ci emportait de la documentation avec elle lorsqu'il la voyait.

De même, s'agissant du bilan de gestion signé le 2 juin 2010 par A______, il ne s'est pas souvenu s'il lui avait présenté ce document ou si celui-ci lui avait été transmis par voie postale.

y. Interrogée sur ce point, la représentante de la Banque a déclaré que, lorsqu'un client se rendait auprès d'elle pour signer le relevé de sa correspondance en banque restante, tous les documents conservés depuis sa dernière visite lui étaient remis. Cela concernait notamment les avis de transactions, les relevés, les situations patrimoniales ainsi que tous les courriers génériques.

Elle a ajouté que, lorsqu'elle l'avait rencontré pour discuter de la présente cause (cf. infra let. D.j), C______ lui avait confirmé avoir remis la documentation conservée en banque restante à A______.

V. De la fin des relations entre les parties

z. C______ a quitté la Banque à la fin de l'année 2011 pour rejoindre le R______. F______ a alors repris la gestion des comptes à la charge du précité, dont ceux de A______.

aa. Par courrier électronique du 12 janvier 2012, A______ a demandé à F______ de lui communiquer le solde de ses deux comptes bancaires.

Les états de fortune demandés lui ont été adressés le lendemain par courrier électronique.

bb. L'état de fortune du compte E______, au 12 janvier 2012, rédigé en langue anglaise et comportant sept pages, se présentait comme suit (cf. p. 2) :

Portfolio structure Total in USD
Assets 1'491'261
Liquidity 1'491'261
Cash accounts 480'072
Time deposits and fiduciaries 1'000'090
Forward Forex and other Derivatives on Forex 11'099

Ce document mentionne l'existence de rubriques en dollars américains, dollars australiens, euros, livres sterling, yen et francs suisses (cf. p. 3 et 4).

Il mentionne, sous la rubrique "Time deposits and fiduciaries", un dépôt fiduciaire à hauteur de 1'000'000 dollars US et les intérêts y afférents (cf. p. 5).

Y figure encore, sous la rubrique "Forward Forex and other Derivatives on Forex", une opération à hauteur de 1'856'645 fr., avec une mention "FX swap Far Leg - CHF/USD, 17.01.12 / Buy 1'977'363 USD", aboutissant à un solde positif de 11'099 USD (cf. p. 5).

Il fait enfin référence, sous la rubrique "List of credit facilities", à un crédit lombard d'une limite de 2'300'000 dollars US, utilisée à concurrence de 100'919 fr., soit 106'877 dollars US (cf. p. 6).

L'envoi de ce document n'a suscité aucune réaction de la part de A______.

cc. Dans le courant du mois de mars 2012, F______ a contacté A______ pour l'informer qu'elle avait repris la responsabilité au sein de la Banque des comptes dont s'occupait jusque-là C______.

Lors de cet entretien téléphonique, elle lui a demandé ce qu'elle entendait faire avec "les positions ouvertes". Elle lui a expliqué que des opérations "Forex" avaient été effectuées sur le compte E______ et avaient engendré des pertes de plus de 500'000 dollars US.

A______ a allégué avoir été surprise et choquée à l'annonce de cette nouvelle. Elle a également allégué que F______ lui avait indiqué, lors de cet entretien, que plusieurs autres clients s'étaient plaints que C______ avait effectué des opérations sans autorisation, affirmations toutes contestées par la Banque. Elle a offert de prouver ces allégations par la production de l'enregistrement de sa conversation téléphonique avec F______.

dd. En date du 29 mars 2012, A______ a adressé le courrier électronique suivant sur l'adresse privée de C______ : "I was very surprised last week by an e-mail followed by a conversation with Mrs F______ from D______ informing me of a forex operation that has lost worth of half the portfolio! C______, you have never informed me that my portfolio with you lost 964,674 USD in 2011, which is the sum of a loss of 341K in 2010 followed by a 582K in 2011! I am very surprised that you didn't even discuss this with me. [...] The second surprise was the amount of leverage you have taken on the portfolio. I do understand that you wanted to invest but, One (sic) I should have been informed, second the amount should have been a much less one on a portfolio of a similar size, 3rd you should have put a loss stop on the operation, but most importantly why didn't you tell me about it? My total losses to date are 500K and that is a very big amount for me that definitely doesn't suit my risk appetite neither the modest size of my portfolio. I know you might argue that you have been sending some statements to U______ [France] but I couldn't find anything similar in any of those documents, besides the fact that we do speak all the time, you should have mentioned this problem to me or just picked up the phone and called me, at least between the first set of losses and the second. I don't know how this has happened or when but what I know is that this was a big mistake and there is nothing we can do about it. Accordingly, I would like to keep my account at D______ with F______ as we are trying to sort a strategy to remedy the situation. Please, freeze my account opening at R______ [banque] until further notice. [...]".

ee. Entre le 29 et le 30 mars 2012, A______ a demandé à la Banque de lui adresser un relevé des opérations effectuées sur le compte E______ depuis l'année 2010. Ces documents lui ont été transmis par courriel le jour même.

Elle a également demandé à la Banque de lui envoyer par la poste les relevés de l'intégralité des transferts et des opérations effectués sur le compte E______ depuis 2006. Ces documents lui ont été envoyés le 3 avril 2012 et lui sont parvenus le 10 avril suivant.

ff. Il résulte d'une note d'entretien téléphonique de la Banque que F______ s'est entretenue avec A______ le 30 mars 2012. Lors cet entretien, A______ a indiqué à F______ qu'elle souhaitait recevoir l'intégralité de sa documentation bancaire en raison du fait que C______ avait contesté que son portefeuille ait une valeur de 1'450'000 dollars US et qu'elle ait subi des pertes sur les opérations de change. C______ avait également prétendu que la Banque lui avait fourni une fausse documentation. Elle souhaitait dès lors recevoir sa correspondance bancaire afin de la soumettre à son comptable.

gg. Par courrier électronique du 10 avril 2012, A______ a écrit à F______ : "Thanks for sending me the documents, I have taken a thorough look at them and had a meeting with the people in charge. After thorough investigation it seems that the product C______ was working on needs follow up and management to recoup its profits if realized, and cannot be left closed at this stage as it is. Therefore I would like C______ to continue managing the position, otherwise I will be stuck with losses. Therefore I will need to transfer my account to R______ with C______. I have previously signed an authorization to close the account with D______ and transfer it to R______. I hope the transition will be smooth and wouldn't cause you any inconvenience. Many thanks for complying with the letter and thanks for drawing my attention to the matter. It was nice working with you.".

hh. Par courrier du 31 juillet 2012, A______ a indiqué à la Banque ne jamais l'avoir autorisée à mener des transactions spéculatives sur son compte et ne jamais avoir été informée, jusqu'au mois de mars 2012, des pertes engendrées par ces opérations. Après un examen approfondi des relevés de compte qui lui avaient été remis au mois d'avril 2012, elle avait constaté que ces pertes s'élevaient à plus de 800'000 dollars US.

A______ a allégué avoir adressé ce courrier à la Banque après avoir constaté les pertes causées par les opérations effectuées par C______, ce que la Banque a contesté.

ii. Entendue sur ce point, la Banque a déclaré n'avoir réalisé qu'à réception du courrier susmentionné que A______ formait une réclamation. Auparavant, celle-ci avait demandé de la documentation mais n'avait pas élevé d'objection.

jj. A______ n'a finalement pas transféré ses avoirs au R______ [banque], mais a clôturé ses deux comptes auprès de la Banque au mois de janvier 2014.

kk. Se fondant sur une expertise de la société S______, A______ allègue que les opérations sur devise effectuées sur le compte E______ lui ont causé une perte totale de 753'621 dollars US ainsi qu'un gain manqué de 316'961 dollars US.

D. a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance de Genève le 24 août 2015 en vue de conciliation et introduit au fond le 10 décembre suivant, A______ a conclu à ce que B______ SA soit condamnée à lui verser 1'070'582 dollars US, avec intérêts à 5% dès le 16 avril 2012.

A l'appui de ses conclusions, elle a exposé que les opérations sur le marché des changes effectuées au moyen de son compte E______ l'avaient été sans autorisation de sa part, de sorte que la banque avait violé ses obligations contractuelles et devait être condamnée à réparer le dommage en résultant.

Aucune ratification de ces opérations non autorisées n'avait pu avoir lieu, car les informations y relatives ne lui avaient pas été transmises. En toute hypothèse, dans la mesure où les parties se trouvaient dans une relation "execution only", elle ne pouvait s'attendre à ce que la banque effectue de telles opérations, et ainsi à devoir vérifier les documents sur ce point. Elle ne disposait par ailleurs pas de suffisamment d'expérience en matière bancaire pour être en mesure de comprendre la situation.

b. B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a exposé que les opérations litigieuses avaient été effectuées sur instructions de A______. Celle-ci avait accepté de communiquer par téléphone avec son gestionnaire, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'absence de traces écrites de ses instructions.

En toute hypothèse, A______, qui disposait de connaissances en matière bancaire, avait reçu la documentation du compte et n'avait à aucun moment contesté la gestion effectuée, de sorte qu'elle devait être considérée comme ayant ratifié les opérations litigieuses.

c. Par ordonnance ORTPI/879/2016 du 10 novembre 2016, la procédure a été limitée, d'entente entre les parties, au principe de la responsabilité de la Banque.

d. Parordonnance de preuve ORTPI/40/2016 du 19 janvier 2017, le Tribunal a rejeté la réquisition de A______ tendant à ce que la Banque produise les enregistrements des conversations téléphoniques entre A______ et ses employés. Les parties avaient en effet admis que les enregistrements conservés par la Banque ne comportaient aucune instruction de procéder à des opérations "Forex".

e. Les parties ont été entendues en comparution personnelle les 9 mars et
23 mai 2017, leurs déclarations pertinentes pour les faits de la cause ayant été reproduites ci-dessus.

f. La représentante de la Banque ayant indiqué, lors de sa déposition du
23 mai 2017, que F______ avait écouté l'intégralité des conversations téléphoniques intervenues entre A______ et les employés de la Banque, A______ a demandé, par courrier du 30 mai 2017, à pouvoir interroger F______ à ce sujet.

Le Tribunal a donné suite à cette offre de preuves par ordonnance ORTPI/787/2017 du 13 septembre 2017.

g. Le Tribunal a à nouveau entendu les parties en comparution personnelle le 31 janvier 2018. A l'issue de cette audience, A______ a demandé
la production par la Banque de la "country policy" relative au transport de documents bancaires au Liban. Elle a également réitéré sa demande relative à la production des enregistrements des conversations téléphoniques.

h. Par ordonnance de preuves ORTPI/505/2018 du 22 juin 2018, le Tribunal a rejeté une nouvelle fois la réquisition de production des enregistrements téléphoniques des conversations entre A______ et la Banque, en se référant aux motifs invoqués dans son ordonnance ORTPI/40/2016 du
19 janvier 2017. Il a également rejeté la réquisition de production de la "country policy" au motif que celle-ci était tardive au sens de l'art. 229 CPC.

i. Le Tribunal a auditionné en qualité de témoins C______ et F______ les 1er novembre 2018 et 14 février 2019, leurs propos utiles à la cause ayant d'ores et déjà été relatés ci-dessus.

C______ a encore déclaré avoir eu des contacts avec d'anciens collègues de B______ SA qu'il avait croisés par hasard. Il n'avait pas évoqué les dossiers de la Banque avec eux, ni en particulier celui de A______. Il avait toutefois été contacté par la Banque qui souhaitait avoir des informations sur le dossier de A______ à une date dont il ne se souvenait pas, mais aucune rencontre n'avait eu lieu.

La représentante de la Banque a quant à elle déclaré avoir rencontré C______ à une occasion pour préparer le dossier.

j. Les plaidoiries écrites finales écrites ont été déposées le 7 juin 2019 et le Tribunal a gardé la cause à juger dans un délai de quinze jours à compter de la communication des écritures aux parties. Avant cette échéance, les parties ont déposé plusieurs répliques spontanées, persistant dans leurs argumentation et conclusions.

E. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré que les parties se trouvaient dans une relation de simple compte bancaire, de sorte que les règles régissant le contrat de commission (art. 425 ss CO) - dont il résulte notamment que la banque ne peut agir qu'en présence d'une instruction du client - s'appliquaient.

Le Tribunal a toutefois estimé que la question de l'existence d'instructions écrites de A______ de procéder à des opérations "Forex" pouvait rester indécise. En effet, selon le contrat conclu par les parties, les fictions de réception et de ratification s'appliquaient, de sorte qu'en l'absence de réaction de A______ aux divers avis bancaires qui lui étaient adressés, les opérations y figurant devaient être considérées comme ratifiées, sauf abus de droit de la Banque.

Or, A______ avait signé, les 27 août 2008 et 2 juin 2010, des reçus de correspondance en banque restante, attestant qu'elle avait reçu l'entier de la documentation bancaire pour ces périodes. Elle avait certes allégué que C______ lui avait fait signer les avis de réception sans lui transmettre la documentation y relative et celui-ci avait été évasif sur la fourniture effective de ces documents. Au vu des liens existants entre C______ et A______, les déclarations du précité devaient toutefois être prises avec circonspection. Il était en outre peu vraisemblable que A______, qui bénéficiait d'un niveau d'éducation supérieur, d'une formation dans la finance et d'une expérience dans la banque, ait signé des accusés de réception sans qu'aucun document ne lui soit présenté. A______ avait également signé, le
2 juin 2010, un bien-trouvé faisant état de profits/pertes réalisés et non réalisés. Vu sa formation et son expérience, elle était en mesure de réaliser, sur la base de ce document, que son portefeuille n'était pas uniquement constitué de placements fiduciaires. Elle avait enfin reçu, le 13 janvier 2012, un état de compte au 12 janvier 2012 mentionnant l'existence d'opérations de change, d'un crédit lombard, ainsi que de rubriques du compte en dollars américains, dollars australiens, euros, livres sterling, yen et francs suisses. A la lecture de ce document, elle était également en mesure de réaliser la nature des opérations effectuées sur son compte.

Le Tribunal a écarté l'argument de A______, selon lequel elle n'avait pas de raison de vérifier les documents présentés dès lors qu'elle avait choisi une gestion "execution only" et ne pouvait donc pas s'attendre à ce que des opérations spéculatives soient réalisées à l'aide de ses avoirs. A______ avait tout d'abord signé un contrat de crédit lombard, dont le but était précisément de permettre l'exécution de telles opérations, ce qu'elle savait compte tenu de sa formation. Elle avait en outre le devoir de vérifier la documentation bancaire qui lui était remise, afin d'y déceler d'éventuelles erreurs, et ne pouvait pas reporter
a posteriori sur la Banque son manquement aux devoirs élémentaires de la prudence.

Le Tribunal a conclu que A______ devait se voir opposer la fiction de ratification prévue par les conditions générales auxquelles elle avait souscrit. Elle était par conséquent tenue de réagir dans les trente jours si elle entendait contester les opérations litigieuses. Or, elle n'avait agi en ce sens qu'à la fin mars 2012, soit en dehors dudit délai. Dans le courrier électronique adressé à C______ le 29 mars 2012, A______ ne s'était de surcroît pas plainte de l'exécution d'opérations sur le marché des changes, mais de la survenance de pertes qui ne lui avaient pas été signalées; elle n'avait donc pas contesté le recours à ces opérations. Celles-ci devaient par conséquent être considérées comme ratifiées, de sorte que la Banque ne pouvait être tenue pour responsable du dommage allégué.

EN DROIT

1. 1.1 Compte tenu de la valeur litigieuse au dernier état des conclusions et du caractère final de la décision entreprise, la voie de l'appel est ouverte à l'encontre de celle-ci (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

L'appelante n'ayant pas interjeté de recours immédiat contre les ordonnances de preuves du 19 janvier 2017 et du 22 juin 2018, la voie de l'appel est également ouverte à leur encontre (Jeandin, in Code de procédure civile commenté, Commentaire romand, 2ème éd. 2019, n. 23 et 25 ad art. 319 CPC).

1.2 L'appel a été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1
let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 311 CPC). Il est dès lors recevable.

La procédure ayant été limitée au principe de sa responsabilité, l'intimée fait valoir que la conclusion principale de l'appel, tendant à sa condamnation à verser à l'appelante la somme de 1'070'582 dollars US, avec intérêts à 5% dès le
16 avril 2012, serait irrecevable. Cette question peut toutefois souffrir de rester indécise, l'appel devant de toute manière être rejeté sur le fond (cf. infra
consid. 5).

1.3 Sont également recevables la réponse de l'intimée ainsi que les réplique et duplique respectives, déposées dans le délai légal, respectivement imparti à cet effet (art. 312 al. 2, 316 al. 1 CPC).

La question de la recevabilité des nouveaux allégués et pièces produits dans le cadre de ces écritures sera examinée ci-après (cf. infra consid. 4.2).

1.4 Conformément au droit inconditionnel de réplique, les déterminations spontanées déposés en date des 11 et 22 mai 2020 sont recevables en tant que les plaideurs s'y prononcent sur les arguments soulevés par leur partie adverse dans l'écriture précédente (ATF 139 I 189 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 6).

2. La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit
(art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4, SJ 2017 I 16; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

3. L'appelante étant domiciliée à l'étranger, la cause est de nature internationale (art. 1 al. 1 LDIP). Comme le contrat liant les parties prévoit que le for est à Genève et que le droit suisse s'applique aux relations entre la banque suisse et le client, il y a lieu d'admettre que les juridictions genevoises sont compétentes ratione loci (art. 5 al. 1 LDIP) et que le droit suisse est applicable (art. 116 al. 1 et 2 LDIP), ce que les plaideurs, à juste titre, ne contestent pas.

4. Les parties ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles dans le cadre de la procédure d'appel. Elles ont également formulé des conclusions nouvelles.

4.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux ainsi que des conclusions nouvelles en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 26
ad art. 317 CPC).

4.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Il faut distinguer les "vrais nova" des "pseudo nova". Les "vrais nova" sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (cf. ATF 138 III 788 consid. 4.2; Tappy, in Code de procédure civile commenté, Commentaire romand, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les "pseudo nova" sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance. Il appartient au plaideur d'exposer en détails les motifs pour lesquels il n'a pas pu présenter le "pseudo nova" en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3).

4.1.2 L'art.105 al.2 CPC ne prévoyant pas de fixation d'un délai aux parties pour déposer leur note de frais, ces dernières peuvent être produites jusqu'à la clôture des débats, les conclusions y afférentes pouvant également être chiffrées à ce moment-là (Tappy, op. cit., n. 8 et 19 ad art. 105 CPC).

4.2
4.2.1 En l'espèce, l'appelante a allégué, dans sa réplique du 5 mars 2020, qu'elle venait d'avoir connaissance du jugement JTPI/1187/2020 rendu le 23 janvier 2020 par le Tribunal de première instance dans une cause opposant l'intimée à un client du desk turc (C/3______/2011). Selon elle, ce jugement révélait des faits nouveaux pertinents pour la résolution du litige, en relation avec l'exécution d'opérations "Forex" non autorisées à large échelle au sein de la Banque.

L'intimée fait valoir, pour sa part, que les problèmes au sein du desk turc de la Banque avaient déjà été révélés par un arrêt ACJC/56/2019 rendu le
15 janvier 2019 dans la cause C/4______/2011. Les faits allégués par l'intimée ne seraient dès lors pas recevables, faute de remplir les conditions de l'art. 317
al. 1 CPC.

En l'occurrence, la question de savoir si les faits révélés par le jugement JTPI/1187/2020 du 23 janvier 2020 constituent - comme le soutient l'intimée - de faux nova, au motif qu'ils résultaient déjà de l'arrêt ACJC/56/2019 du
15 janvier 2019, et s'ils doivent, pour cette raison, être déclarés irrecevables, peut souffrir de rester indécise. En effet, la question de savoir si les opérations "Forex" dont se plaint l'appelante ont été autorisées ou non n'a pas à être tranchée dans le cadre du présent arrêt. Comme il sera exposé ci-après, l'appelante n'a en effet pas contesté les opérations litigieuses dans le délai d'un mois prévu par les conditions générales de la Banque. Elle est par conséquent déchue du droit d'agir en dommages-intérêts à l'encontre de l'intimée, indépendamment du fait que les opérations en question aient été autorisées ou non.

4.2.2 L'appelante a déposé, en marge de sa réplique du 5 mars 2020, un chargé de huit pièces. Sous pièces no 1 à 6, elle produit des extraits de pièces qui figurent au dossier de première instance. Ces extraits ne constituent donc pas des pièces nouvelles; ils sont dès lors recevables.

4.2.3 Les parties ayant chiffré leurs conclusions sur les dépens et produit leurs listes de frais en marge de leurs réplique et duplique respectives, soit avant la clôture des débats d'appel, ces conclusions et pièces sont recevables.

5. 5.1 L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré qu'elle avait ratifié les opérations "Forex" litigieuses.

5.1.1 Elle expose, en substance, n'avoir reçu de documents conservés en banque restante, ni au mois d'août 2008, ni au mois de juin 2010. Les accusés de réception qu'elle avait signés ne mentionnaient en effet pas que ces documents avaient été imprimés, et C______ ne se souvenait pas non plus les lui avoir transmis. La supputation du Tribunal, selon laquelle elle n'aurait pas accepté, au vu de sa formation, de signer des accusés de réception sans voir les documents, ne justifiait en aucun cas de parvenir à une conclusion contraire.

La correspondance bancaire qu'elle avait effectivement reçue ne pouvait pas non plus emporter une ratification des opérations litigieuses. Le bilan de gestion du 2 juin 2010 ne faisait ainsi mention d'aucune opération "Forex". L'état de fortune du 12 janvier 2012 ne mentionnait qu'une seule opération sur devises ayant généré un bénéfice de 11'099 dollars US. Ce document ne lui permettait dès lors de comprendre, ni le type d'activités déployées sur le compte E______, ni leur étendue, ni l'ampleur des pertes subies, ce d'autant moins que, dès lors qu'elle avait simplement demandé à consulter le solde de ses comptes, elle ne l'avait pas examiné en détail. En toute hypothèse, la remise de ce relevé ne pouvait emporter qu'une ratification de l'opération bénéficiaire dont il faisait mention, et non des centaines d'autres opérations à l'origine du dommage.

Ce n'était qu'à la fin du mois de mars 2012 que l'appelante avait ainsi appris l'existence des opérations litigieuses, comme en attestaient les courriels envoyés à cette occasion à C______ et à F______, ainsi que la note de l'entretien téléphonique du 30 mars 2012. La production des enregistrements des entretiens téléphoniques avec la Banque, refusée à tort par le Tribunal, permettait, en tant que de besoin, de démontrer qu'elle avait réellement été surprise par la découverte desdites opérations.

En toute hypothèse, il résultait du dossier que l'intimée ne s'était pas conformée à ses obligations d'information résultant de l'art. 11 al. 1 let. a LBVM, ce qui empêchait - selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral - toute ratification des opérations litigieuses.

5.1.2 L'intimée expose, dans sa réponse, que l'appelante était tenue, en vertu de son devoir de diligence, de relever sa banque restante et de l'examiner, afin de pouvoir déceler d'éventuelles opérations non autorisées et de contester celles-ci. Or, si elle s'était conformée à cette obligation, elle aurait pu identifier aisément la présence d'opérations autres que des placements fiduciaires et les contester dans le délai de trente jours prévu par les conditions générales de la Banque, ce qu'elle n'avait pas fait. Contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal, l'appelante avait en outre contesté les opérations litigieuses pour la première fois le 31 juillet 2012, et non à la fin du mois de mars 2012 lorsqu'elle avait téléphoné à F______.

S'agissant de la prétendue violation de son devoir d'information, l'intimée expose que l'appelante n'avait pas allégué une telle violation avant la clôture des débats d'instruction de première instance. En tout état de cause, l'appelante avait reçu, lors de l'ouverture du compte, les documents l'informant des risques liés aux opérations sur le marché des changes. Elle n'avait en outre ni allégué, ni établi, ne pas avoir connu les risques liés aux opérations litigieuses. L'existence d'un rapport de causalité entre la violation du devoir d'information de l'intimée et le dommage allégué par l'appelante n'était ainsi pas démontrée.

5.1.3 Dans sa réplique du 5 mars 2020, l'appelante expose, sur ces points, qu'elle avait, au mois de mars 2012, contesté le principe même des spéculations sur son compte par courrier électronique et par téléphone. Elle avait ensuite confirmé cette contestation par courrier du 31 juillet 2012. L'intimée ne pouvait dès lors se prévaloir d'une ratification des opérations effectuées. Elle y était d'autant moins fondée que la clause de réclamation contenue dans les conditions générales n'était pas applicable pour couvrir des irrégularités, et qu'elle n'avait pas cherché à rétablir la vérité lorsque C______ avait nié les pertes puis prétendu que celles-ci n'étaient pas définitives.

5.2
5.2.1
Selon la jurisprudence, par la clause de banque restante, la banque accepte de conserver chez elle, dans le dossier bancaire du client, les avis qu'elle doit lui adresser, mais prévoit que les communications ainsi faites sont opposables à
celui-ci comme s'il les avait effectivement reçues. Le client qui adopte ce mode de communication est censé avoir reçu immédiatement les avis qui lui sont adressés de cette façon (fiction de réception); il sera traité de la même façon que le client qui aura réellement reçu le courrier, quant à la fiction de ratification d'une opération non contestée dans un certain délai (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 6.1.1 et les arrêts cités).

En effet, l'option banque restante n'est pas utilisée dans l'intérêt de la banque mais bien dans celui du client, qui, pour des raisons de discrétion, n'entend pas recevoir les communications que la banque doit lui adresser. En pareil cas, la banque, qui a l'obligation de rendre compte à ses clients des opérations qu'elle accomplit pour ceux-ci, a un intérêt légitime à ce que le destinataire du courrier en banque restante soit traité de la même manière que le client qui a réellement reçu le courrier en ce qui concerne l'obligation, découlant des règles de la bonne foi, de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une opération dont il a reçu communication (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité, ibidem).

Le client qui choisit l'option banque restante prend donc un risque, dont il doit supporter les conséquences s'il se réalise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité, ibidem).

5.2.2 Les conditions générales des banques prévoient usuellement que toute réclamation relative à une opération doit être formulée par le client dans un certain délai (habituellement un mois) dès la réception de l'avis de transaction ou de l'extrait de compte correspondant, faute de quoi l'opération est réputée acceptée. Le Tribunal fédéral a admis la validité d'une telle clause, qui implique donc qu'à défaut d'objection formulée en temps utile contre une opération effectuée sans instructions, le client est réputé la ratifier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2.1; 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 5.2; 4A_488/2008 du 15 janvier 2009 consid. 5.1) et perd le droit d'agir en dommages-intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 4A_262/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.2 et les références).

En effet, les communications de la banque ne servent pas seulement à l'information du client, mais visent aussi à permettre la détection et la correction en temps utile d'écritures erronées, voire d'opérations irrégulières, à un moment où les conséquences financières ne sont peut-être pas encore irrémédiables. Les règles de la bonne foi imposent au client une obligation de diligence relativement à l'examen des communications reçues de la banque et à la contestation des écritures qui lui paraissent irrégulières ou infondées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, ibidem et les références). Cette contestation doit intervenir dans le délai d'un mois, à moins que les circonstances n'exigent une réclamation immédiate (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, consid. 5.4.1).

Faute de contestation, même s'il n'a pas consciemment voulu ratifier les opérations par son comportement, le client doit se laisser opposer la fiction de ratification (contenue dans les conditions générales), même si le chargé de relation au sein de la banque ne s'était pas tenu à ses instructions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, consid. 5.2.1 in fine et les arrêts cités).

La clause de réclamation - et sa fiction de ratification - sont applicables aux clients auxquels les communications sont faites en banque restante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité, consid. 6.1.2).

La fiction de ratification s'applique non seulement aux opérations que le client découvre, mais également à celles qu'il aurait dû découvrir en y prêtant l'attention que les circonstances permettent d'exiger de lui (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, consid. 5.4.5 in fine; 4A_119/2018 précité, consid. 7.1; 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.2).

Le client est tenu de formuler sa réclamation de manière claire et inconditionnelle, en mentionnant les opérations qu'il conteste, de sorte que la banque puisse reconnaître de manière univoque les positions du relevé qui sont contestées (Wherlock/Von der Crone, Anwendung von Genehmingungsklauseln hinsichtlich unautorisierter Börsengeschäfte, Bundesgerichtsurteil 4A_42/2015 vom 9. November 2015, RSDA 1/2016, p. 103; Fischer, Transactions non autorisées : Effet de la clause de banque restante, commentaire de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2016 du 3 juillet 2017, publié le 3 octobre 2017 par le Centre de droit bancaire et financier (https://cdbf.ch/984)). Il ne saurait en outre, après avoir découvert l'exécution d'opérations non autorisées, attendre que
celles-ci engendrent des pertes pour entreprendre de les contester (Wherlock/Von der Crone, op. cit., p. 106).

5.2.3 Si l'application stricte de la clause de banque restante, entraînant fiction de réception, combinée avec la clause de réclamation, emportant fiction de ratification, conduit à des conséquences choquantes, le juge peut exclure ces fictions en se fondant sur les règles de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, consid. 5.4.5; 4A_119/2018 précité, consid. 6.1.3 et les arrêts cités).

Les fictions de réception et de ratification ne sont en effet opposables au client que pour autant que la banque ne commette pas d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). En rapport avec la fiction de réception du courrier, il y a notamment abus de droit lorsque la banque sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque restante (par exemple lorsqu'elle agit sans instructions dans le cadre d'un contrat "execution only" ou de conseil en placements) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, ibidem; 4A_449/2018 du 25 mars 2019 consid. 7; 4A_119/2018 précité, ibidem; 4A_471/2017 précité consid. 4.2.3).

Lorsque l'invocation de la fiction de réception est jugée abusive au motif que la banque s'est écartée intentionnellement des instructions de son client alors que rien ne le laissait prévoir, le client n'est pas réputé avoir pris connaissance des communications de la banque au fur et à mesure de leur dépôt dans son dossier bancaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2017 précité consid. 4.3.1).

Dans une telle hypothèse, il faut encore examiner si le client a effectivement reçu la documentation conservée en banque restante - par exemple lors d'une rencontre avec son chargé de relations ou parce que celle-ci a été remise à son représentant - et pouvait, ou devait, se rendre compte de l'irrégularité des opérations non autorisées eu égard aux connaissances dont il disposait (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 2020 précité, ibidem; 4A_471/2017 précité consid. 4.3.2 in initio). Si tel est le cas, le client doit contester les opérations sous peine de se voir opposer la fiction de ratification figurant dans les conditions générales. Dans une telle hypothèse, la jurisprudence qui permet d'exclure la fiction de ratification en vertu des règles sur l'abus de droit ne trouve en effet pas application (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, ibidem; 4A_471/2017 précité, ibidem).

5.2.4 Le Tribunal fédéral a cependant retenu, dans un arrêt récent portant sur la survenance de pertes causées par des placements risqués effectués dans le cadre d'un mandat de gestion, que, lorsque la banque viole son devoir d'information en n'informant pas suffisamment le client des risques impliqués par une opération, le client qui ne se plaint qu'après la survenance des pertes ne commet pas un abus de droit car il n'était pas informé des risques. Dans un tel cas de figure, la fiction de ratification n'est d'aucune utilité à la banque "puisque cela ne change rien au manquement à son obligation d'information" (arrêt du Tribunal fédéral 4A_449/2018 du 25 mars 2019 consid. 5.3 commenté par Hirsch, Gestion de fortune : D'un déficit d'information à un déficit de huit millions, publié le
29 avril 2019 par le Centre de droit bancaire et financier, https://cdbf.ch/1061).

La ratification d'une stratégie de placement par réception des relevés n'est ainsi pas exclue, mais ne doit être admise que dans les cas clairs où elle "est apparente des documents bancaires en fonction de la perception du client". En d'autres termes, seules peuvent être ratifiées les transactions pour lesquelles les informations afférentes apparaissent clairement sur les relevés et dont le client peut saisir la signification eu égard à ses connaissances et son expérience en matière financière (Ollivier, commentaire de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_449/2018 du 25 mars 2019, in PJA 2019 p. 1058).

L'application de cette jurisprudence présuppose de constater l'étendue des connaissances du client, afin de pouvoir déterminer si celui-ci était en mesure d'appréhender la portée des documents remis par la banque. Le degré de diligence qui lui est imposé dans l'examen de ces documents est cependant relativement élevé, étant toutefois précisé "que le « client lambda » ne peut se voir contraint à une diligence aussi accrue que le client professionnel (cf. notamment la distinction prévue à l'art. 4 LSFin)" (Hirsch, Responsabilité de la banque : La validité des fictions de réception et de ratification, commentaire de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 publié le 18 octobre 2018 par le Centre de droit bancaire et financier, https://cdbf.ch/1028).

5.2.5 Il incombe à la banque d'apporter la preuve que le client a ratifié les opérations qu'elle a effectuées sans instruction de sa part (arrêts du Tribunal fédéral 4A_41/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.5; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.2; 4C.18/2004 du 11 juin 2008 consid. 1.5 et 1.8).

5.3
5.3.1
En l'espèce, il est admis que l'appelante était liée par une clause de banque restante, selon laquelle les documents conservés selon cette clause étaient considérés comme reçus par le titulaire du compte et que celui-ci en supportait le risque.

Il est également établi que l'appelante était liée par la clause de réclamation figurant dans les conditions générales de la Banque, laquelle prévoyait qu'en l'absence de réclamation du titulaire du compte aux avis bancaires qui lui étaient adressés, les opérations y figurant étaient considérées comme approuvées.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante pour la première fois - et donc de manière tardive (ATF 142 III 413 précité consid. 2.2.4) - dans sa réplique du 5 mars 2020, cette clause n'avait pas uniquement pour effet de mettre à la charge du client les dommages "découlant d'une réclamation tardive" (réplique, p. 21). Elle impliquait également qu'à défaut d'objection formulée en temps utile, l'opération était réputée ratifiée.

Cela précisé, la question de savoir si le Tribunal pouvait considérer que l'appelante avait ratifié les opérations litigieuses, au motif qu'elle avait reçu sa correspondance bancaire au mois d'août 2008 et au mois de juin 2010, ainsi qu'un bilan de gestion au mois de juin 2010 et un état de compte au mois de janvier 2012 - à l'aide desquels elle pouvait saisir la nature des opérations réalisées sur son compte eu égard à ses connaissances et à son expérience -, mais n'avait pas réagi dans le délai d'un mois prévu par les conditions générales, peut souffrir de rester indécise.

Il est en effet admis qu'après avoir - comme elle l'affirme - découvert l'exécution d'opérations "Forex" non autorisées sur son compte E______ au mois de mars 2012, l'appelante a demandé à l'intimée de lui adresser les relevés de l'intégralité des opérations effectuées sur ce compte depuis 2006. Elle a reçu les relevés depuis 2010 par courrier électronique le 30 mars 2012, puis l'intégralité de la documentation bancaire le 10 avril suivant. Y figuraient notamment les relevés de compte mensuels mentionnant les opérations "Forex" effectuées par C______ sur le compte E______, sans autorisation selon l'appelante, ainsi que les avis détaillés de chacune de ces opérations.

Or, l'appelante ne conteste pas qu'elle était, dès cet instant, informée de la commission d'opérations sur devises non autorisées, ainsi que de leur caractère irrégulier; elle ne conteste pas davantage qu'elle était en mesure d'identifier précisément lesdites opérations en consultant la documentation qui lui avait été remise, laquelle faisait état, de manière claire et compréhensible, des opérations en question (cf. En fait, let. C.s). Eu égard à son niveau de formation et à son expérience en matière bancaire - aussi brève fût-elle -, ces informations lui étaient du reste facilement accessibles. La jurisprudence permettant d'exclure la fiction de ratification en vertu des règles sur l'abus de droit ne trouvait dès lors pas application (cf. supra consid. 5.2.3 in fine). L'appelante était par conséquent tenue, en vertu de la clause de réclamation à laquelle elle avait souscrit, de contester ces opérations dans un délai d'un mois, sous peine d'être réputée les avoir ratifiées.

5.3.2 L'appelante ne saurait faire échec à cette incombance au motif que, comme retenu par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 25 mars 2019 (cf. supra consid. 5.2.4), la banque qui manque à son devoir d'information ne peut pas se prévaloir de la fiction de ratification résultant de l'absence de réclamation du client.

Dans le cadre de l'arrêt susmentionné, le refus de faire application de cette fiction se justifiait par le fait que le client n'avait pas été informé des risques liés aux achats d'options effectués par la banque dans le cadre du mandat de gestion de fortune qu'il lui avait confié; il ne pouvait par conséquent pas entrevoir les conséquences de la stratégie de placement choisie par la banque; il ne commettait ainsi aucun abus de droit en ne contestant les opérations qu'après la survenance des pertes.

Le cas d'espèce est différent. L'appelante a en effet appris, au mois de mars 2012, que son ancien chargé de relations avait entrepris des transactions "Forex" sans son autorisation sur son compte E______, et a reçu, dans la foulée, l'intégralité de sa correspondance bancaire. Elle était donc, dès cet instant, en mesure d'identifier les opérations qu'elle n'avait pas autorisées en consultant cette documentation. Elle était en outre en mesure d'estimer l'ampleur des pertes subies, en consultant ses bilans de gestion et ses états de fortune annuels, étant rappelé qu'elle avait été informée de la quotité des pertes en question, comme en atteste le courrier électronique envoyé à C______ le 29 mars 2012, dans lequel elle se plaignait d'un préjudice de plus de 937'000 dollars US. Le cas d'espèce ne saurait donc être assimilé à celui jugé le 25 mars 2019 par le Tribunal fédéral, dans lequel le client n'avait pas été avisé des risques des opérations sur options au moment où il avait pu constater leur exécution, et ne pouvait donc pas se rendre compte des pertes qui pourraient en résulter.

L'argument de l'appelante, selon lequel elle aurait été trompée par l'affirmation de C______, qui lui aurait indiqué qu'il était possible de remédier aux pertes en laissant la position ouverte (cf. En fait, let. C.gg), ne la dispensait en outre pas de contester les opérations litigieuses. Conformément à la jurisprudence, le client qui constate la commission d'opérations non autorisées est tenu de les contester d'emblée; il ne saurait différer sa réaction en attendant de voir la manière dont évoluera l'opération exécutée sans droit par la banque (cf. supra consid. 5.2.2).

5.3.3 Il reste dès lors à examiner si l'appelante a contesté les opérations litigieuses dans le mois qui a suivi la réception de sa documentation bancaire.

Le Tribunal a considéré, à cet égard, que l'appelante avait agi tardivement en attendant la fin du mois de mars 2012 pour contester les opérations litigieuses. Celle-ci ne s'était de surcroît pas plainte, dans le courrier électronique adressé à C______ le 29 mars 2012, de l'exécution d'opérations sur le marché des changes, mais de la survenance de pertes qui ne lui avaient pas été signalées; elle n'avait donc pas contesté le recours à ces opérations, de sorte qu'elle était réputée les avoir ratifiées.

L'appelante ne critique le raisonnement susmentionné dans aucun passage de son mémoire d'appel. Elle se limite à exposer que, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal, elle n'avait appris l'existence des opérations litigieuses que dans le courant du mois de mars 2012. Elle ne tente pas de démontrer que le Tribunal aurait retenu à tort qu'elle n'avait pas valablement contesté le recours à ces transactions dans le courrier électronique susmentionné. En l'absence de grief motivé, ce point ne peut pas être réexaminé au stade de l'appel (cf. supra consid. 2).

Cela étant, la question de savoir si l'appelante a contesté ou non les opérations litigieuses en temps utile ne peut être limitée à l'examen susmentionné. Le présent arrêt se fonde en effet sur la prémisse que l'appelante a reçu sa documentation bancaire entre le 30 mars et le 10 avril 2012. Le délai d'un mois pour contester les opérations litigieuses n'a par conséquent pas commencé à courir avant cette dernière date, si bien que l'appelante pouvait agir en ce sens jusqu'au 10 mai 2012. En d'autres termes, le fait que l'appelante ne se soit pas opposée auxdites opérations dans le courrier électronique envoyé le 29 mars 2012 à C______ - qui ne faisait alors plus partie du personnel de la Banque - ne permettait pas encore de considérer celles-ci comme ratifiées, ainsi que l'a retenu le Tribunal.

Ceci précisé, le Tribunal n'a pas constaté, dans le jugement entrepris, que l'appelante aurait contesté les opérations litigieuses entre le 29 mars et le
10 mai 2012. L'appelante ne se plaint d'aucune constatation inexacte ou incomplète des faits sur ce point. Il s'ensuit qu'à teneur des faits constatés par le Tribunal, et non remis en cause devant la Cour, les opérations litigieuses n'ont pas été contestées dans le délai imparti.

A supposer que l'appelante ait valablement critiqué le jugement entrepris sur ce point, l'issue du litige n'en serait pas modifiée. Ce n'est en effet que dans le cadre des plaidoiries finales de première instance, plus précisément dans sa réplique spontanée du 27 juin 2019 (p. 9), que l'appelante a allégué, pour la première fois, - en réponse à l'affirmation de l'intimée selon laquelle elle n'avait élevé aucune réclamation avant le 31 juillet 2012 -, avoir contesté les opérations litigieuses lors de ses discussions téléphoniques avec F______. Or, force est de constater qu'il ne résulte ni de la note d'entretien téléphonique rédigée le 30 mars 2012 par F______, ni du courriel adressé par l'appelante à la précitée le 10 avril 2012, qu'une contestation des opérations litigieuses aurait été formulée lors de ces échanges.

A ce stade de la procédure, l'allégation susmentionnée était de surcroît irrecevable, faute de remplir les exigences de l'art. 229 al. 1 CPC, de sorte que son bien-fondé ne pouvait pas être examiné par le Tribunal. L'appelante n'était notamment pas fondée à réclamer la production des enregistrements des conversations téléphoniques sur les lignes fixes de la Banque afin de démontrer ce point.

Enfin, contrairement à ce qu'elle affirme - de manière tardive (cf. art. 229 al. 1, 317 al. 1 CPC; ATF 142 III 413 précité consid. 2.2.4) -, dans ses répliques du 27 juin 2019 (p. 9) et du 5 mars 2020 (p. 15), aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'appelante n'aurait pas été en mesure de contester les opérations litigieuses en temps utile en raison de l'attitude prétendument trompeuse de C______.

Comme déjà retenu ci-dessus, l'appelante était en effet informée, en date du 10 avril 2012, de l'exécution de ces transactions et des pertes engendrées par celles-ci. L'intégralité de la documentation bancaire, qui rendait compte de ces opérations, se trouvait en outre en ses mains à cette date, l'appelante indiquant même à F______, dans son courriel du 10 avril 2012, avoir pu examiner ces documents de manière "minutieuse" avec l'aide de tierces personnes ("I have taken a thorough look at them and had a meeting with the people in charge"; cf. En fait let. C.gg). Dans de telles circonstances, le délai d'un mois prévu par les conditions générales de la Banque permettait à l'appelante d'analyser la situation et de contester les transactions non autorisées avec la précision requise.

L'argument soulevé par l'appelante dans le cadre de la présente procédure, selon lequel elle aurait été induite en erreur par C______ et n'aurait, pour cette raison, pas été en mesure d'agir en temps utile, paraît ainsi formulé pour les seuls besoins de la cause, étant relevé que l'appelante n'a pas soulevé ce problème dans la réclamation adressée le 31 juillet 2012 à l'intimée afin de justifier son retard.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal a considéré à bon droit que l'appelante n'avait pas contesté les opérations litigieuses en temps utile et que celles-ci devaient par conséquent être considérées comme ratifiées, de sorte que l'intimée ne pouvait être tenue pour responsable du dommage allégué.

Il a également rejeté à juste titre les offres de preuve de l'appelante tendant à la production des enregistrements des conversations téléphoniques sur les lignes fixes de la Banque et des country policies concernant le transport de documents bancaires vers le Liban, de telles mesures d'instruction n'étant pas pertinentes pour l'issue du litige.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé.

6. 6.1
6.1.1
Les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95
al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1
1ère phrase CPC).

6.1.2 Les dépens comprennent, notamment, le défraiement d'un représentant professionnel (art. 95 al. 3 let. b CPC). Le tribunal fixe les dépens selon le tarif fixé par le canton. Les parties peuvent produire une note de frais (art. 105
al. 2 CPC).

Le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (84 RTFMC).

Pour les affaires pécuniaires, le défraiement prend pour base le tarif prévu; sans préjudice de l'art. 23 LaCC, il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC (art. 85 al. 1 RTFMC).

Lorsque la valeur litigieuse se situe entre 600'000 fr. et 1'000'000 fr., les dépens s'élèvent à 25'400 fr. plus 1,5% de la valeur litigieuse dépassant 600'000 fr., plus ou moins 10% (art. 85 RTFMC). Au montant du tarif s'ajoutent les débours en 3% et la TVA (art. 25 et 26 LaCC).

Dans les procédures d'appel et de recours, le défraiement est réduit, dans la règle, d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'article 85 (art. 90 RTFMC).

Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 al. 1 LaCC).

Les dépens doivent en principe couvrir l'entier des frais d'avocat effectivement consentis et conformes aux règles habituelles en la matière, et non une simple participation à ceux-ci (Tappy, op. cit., n. 29-30 ad art. 95 CPC).

A Genève, le montant des honoraires des avocats ne fait l'objet d'aucun tarif officiel, de telle sorte qu'il y a lieu de se référer au tarif usuel. Les montants admis à ce titre sont de 400 fr. à 450 fr. pour un chef d'étude, de 300 fr. à 380 fr. pour un collaborateur et de 180 fr. à 200 fr. pour un stagiaire (Jacquemoud-Rossari, La taxation des honoraires de l'avocat, Défis de l'avocat au XXIe siècle, 2009, p. 302; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, 2009, n. 2972; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1026/2013 du 10 juin 2014 consid. 4.5).

6.2
6.2.1 En l'espèce, les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 20'000 fr. (art. 5, 17, 21 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe. Ils seront compensés avec l'avance du même montant versée par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

6.2.2 L'intimée a en outre conclu à la condamnation de l'appelante à lui verser 58'809 fr. 60 de dépens pour la procédure d'appel. Elle a produit une première note d'honoraires pour la période du 1er janvier au 29 février 2020 faisant état de 62,2 heures d'activité à 450 fr./heure, ainsi qu'une seconde note d'honoraires pour la période du 1er mars au 28 avril 2020, faisant état de 60,2 heures d'activité à 450 fr./heure. Elle a exposé que l'appelante avait présenté de nouveaux allégués et de nouveaux moyens dans sa réplique, en partie incomplets ou trompeurs. Ce procédé empreint de mauvaise foi et de témérité avait engendré un surcroît d'activité considérable pour rédiger la duplique. Il était dès lors justifié de s'écarter des principes de calcul établis par les art. 85 et 90 RTFMC.

En l'occurrence, les dépens réclamés par l'intimée excèdent largement le montant maximal résultant de l'application du RTFMC, soit 24'896 fr. (valeur litigieuse : 1'070'582 dollars US au 6 décembre 2019 soit 967'569 fr.; dépens selon l'art. 85 al. 1 RTFMC : 30'914 fr.; majoration de 10% selon l'art. 85 al. 1 RTFMC :
34'005 fr.; ajout de 3% de débours : 35'025 fr.; ajout de 7,7% de
TVA : 37'722 fr.; réduction d'un tiers selon l'art. 90 RTFMC : 24'896 fr.).

Or, la cause présentait, certes, une difficulté supérieure à celle d'une affaire ordinaire, de sorte qu'une défense diligente des parties au procès nécessitait une activité importante. Comme le souligne à juste titre l'intimée, l'appelante a en outre fait le choix de rédiger une longue réplique, comportant de nouveaux allégués de fait et de nouveaux moyens de droit. Bien qu'il ne relève ni de la témérité, ni de la mauvaise foi - comme le soutient l'intimée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_685/2011 du 24 mai 2012 consid. 6.2) -, ce procédé a contraint l'intimée à déployer un travail important pour élaborer sa duplique, activité qu'il convient d'indemniser. Ces éléments permettent de s'écarter, dans une certaine mesure, du taux prévu par la loi (art. 23 al. 1 LACC). Ils ne sauraient toutefois justifier, ni un nombre d'heures aussi important que celui comptabilisé par le conseil de l'intimée (122,2 heures dont 60 heures pour la duplique), ni un tarif horaire aussi élevé pour l'intégralité des heures en question (450 fr./heure pour une activité déployée essentiellement, soit à raison de 80%, par un avocat-collaborateur).

En conséquence, eu égard à la difficulté de la cause, à l'ampleur du travail consenti par le conseil de l'intimée - ayant consisté en l'analyse du jugement entrepris et des écritures de la partie adverse, ainsi qu'en la rédaction d'un mémoire de réponse de 50 pages, d'une duplique de 30 pages et d'une détermination de 5 pages -, et au fait que l'essentiel de l'activité a été accomplie par un avocat-collaborateur, le montant des dépens d'appel sera fixé à 30'000 fr., correspondant à 70 heures d'activité à 380 fr./heure, débours et TVA inclus. L'appelante sera condamnée à verser ce montant en mains de l'intimée (art. 111
al. 2 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 6 décembre 2019 contre le jugement JTPI/15365/2019 rendu le 1er novembre 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17342/2015, ainsi que contre les ordonnances ORTPI/40/2016 du 19 janvier 2017 et ORTPI/505/2018 du 22 juin 2018.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 20'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie par la précitée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 30'000 fr. à B______ SA à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.