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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/23465/2016

ACJC/1717/2018 du 10.12.2018 sur JTBL/115/2018 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : BAIL À LOYER ; LOYER
Normes : OBLF.19
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23465/2016 ACJC/1717/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 10 DECEMBRE 2018

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er février 2018, représentés tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile,

et

C______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Pierre BANNA, avocat,
rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/115/2018, rendu le 1er février 2018 et notifié aux parties par plis recommandés du greffe le 7 du même mois, le Tribunal des baux et loyers a débouté B______ et A______ de toutes leurs conclusions (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

En substance, les premiers juges ont considéré que la bailleresse avait prouvé à satisfaction de droit avoir notifié l’avis de fixation du loyer initial aux locataires et que celui-ci était conforme aux exigences de forme, de sorte que les locataires ne pouvaient se prévaloir de la nullité partielle du contrat de bail s’agissant du loyer initial.

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 12 mars 2018, B______ et A______ (ci-après : les appelants ou les locataires) ont formé appel contre ce jugement. Ils ont pris des conclusions préalables relatives à la production de diverses pièces destinées à effectuer un calcul de rendement. Ils concluent à l'annulation du jugement, et, principalement, à la constatation de la nullité partielle du contrat s’agissant du loyer, à la fixation de celui-ci à 16'812 fr. par an dès le 15 septembre 2015 sous réserve d’amplification suite au calcul du rendement, à la condamnation de la bailleresse à leur rembourser le trop-perçu de loyer en découlant avec intérêts à 5% dès la date moyenne, et à l’adaptation de la garantie de loyer à concurrence. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause au Tribunal pour instruction complémentaire au sens des considérants.

Ils invoquent la constatation inexacte des faits, s'agissant de la notification de l'avis de fixation du loyer initial et de la conformité dudit avis aux règles de forme applicables. En lien avec ce premier grief, ils invoquent une appréciation arbitraire des preuves, considérant que les déclarations des deux témoins entendus sont contradictoires. Enfin, à titre superfétatoire, ils critiquent l’administration des preuves, le Tribunal ayant entendu l’administrateur de la société bailleresse en qualité de témoin alors qu’il aurait dû l’être en tant que partie.

b. Dans sa réponse du 30 avril 2018, C______ SA (ci-après : l’intimée ou la bailleresse) a conclu à la confirmation du jugement attaqué.

c. Dans leur réplique du 24 mai 2018, respectivement leur duplique du 18 juin 2018, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du greffe de la Cour du 19 juin 2018, il leur a été indiqué que la cause était gardée à juger.

 

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer du 27 août 2015, relativement à la location d’un appartement de cinq pièces, situé au
rez-de-chaussée de l’immeuble sis 1______, à D______ (GE).

La durée du bail a été convenue pour un an et quinze jours, du 15 septembre 2015 au 30 septembre 2016. Par avenant du 4 août 2016, il a été convenu qu’il était par la suite renouvelable tacitement de six mois en six mois, sauf dénonciation donnée quatre mois au moins avant les échéances des mois de mars et septembre de chaque année.

Le loyer initial a été fixé à 23’640 fr. par an, soit 1'970 fr. par mois, hors charges.

L’avis de fixation du loyer lors de la conclusion d’un nouveau bail, dont une photocopie a été produite à la procédure, comporte le motif suivant quant à la fixation du loyer : «Le loyer est adapté aux loyers usuels». Cet avis porte les signatures des locataires et de la bailleresse.

b. La propriétaire de l’immeuble est SI E______SA, mais il a été établi que la qualité de bailleresse a été attribuée à la société en charge de la gestion de l’immeuble, C______ SA (ci-après : la régie ou la bailleresse).

c. Par courrier du 26 août 2015, la régie a transmis aux locataires les documents suivants : le bail à loyer en double exemplaire et les conditions générales faisant partie intégrante de celui-ci, avec une enveloppe de retour. Elle leur a demandé de signer les documents marqués d’un astérisque, soit le bail à loyer en double exemplaire et les conditions générales, et de les lui retourner dans les trois jours suivants.

d. Par courrier du 1er septembre 2015, la régie a remercié les locataires de lui avoir retourné les contrats signés et leur a fait parvenir l’exemplaire qui leur était destiné, ainsi qu’une copie du règlement de l’immeuble.

e. Par pli du 8 septembre 2015, la régie a transmis à SI E______SA
copie du contrat de bail à loyer, de l’avis de fixation du loyer et du certificat de cautionnement délivré pour la garantie locative.

f. Par requête déposée le 28 novembre 2016 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, les locataires ont assigné la bailleresse en constatation de la nullité partielle du contrat, en fixation judiciaire du loyer à 16’812 fr. par an, charges non comprises, en restitution du trop-perçu de loyer, ainsi qu'en adaptation de la garantie locative à due concurrence du loyer à fixer.

Ils ont allégué n’avoir jamais reçu l’avis de fixation du loyer initial.

g. Lors de l’audience de conciliation du 23 février 2017, la bailleresse a produit l’avis de fixation daté du 26 août 2015, signé par les locataires et par sa représentante. La signature de cette dernière est apposée sous la rubrique «signature» figurant sur la droite du document, alors que celles des locataires ont été apposées sur la gauche, en dessous de la mention relative au motif de la fixation du loyer, sans qu’une rubrique idoine ou une place ne leur soit spécifiquement attribuée par le document.

h. Non conciliée, la cause a été portée par devant le Tribunal des baux et loyers le 27 mars 2017.

i. Lors de l’audience du 26 septembre 2017, les parties ont été d’accord que la procédure soit limitée dans un premier temps aux questions de la légitimation passive et de la recevabilité de la requête, soulevées par la bailleresse mais non remises en cause en appel, ainsi qu’au fait de savoir si l’avis de fixation du loyer initial avait été reçu en bonne et due forme par les locataires.

j. Le Tribunal a interrogé les parties le 26 septembre 2017.

A______ a déclaré que dans un premier temps, soit durant la procédure devant la Commission de conciliation, elle ne pensait pas avoir vu ou signé l’avis de fixation du loyer initial produit par la régie. Elle ne l’avait pas retrouvé dans le classeur où elle conserve tous les documents qu’elle reçoit. Elle n’y avait trouvé que deux post-it à l’en-tête de la régie, au nom de F______, comportant la mention «SVP à signer et nous le retourner merci». Elle imaginait que ces post-it étaient collés sur le contrat de bail, l’avis de fixation du loyer et les conditions générales retournés signés à la régie. En revanche, elle affirmait que lorsque la régie avait à son tour retourné les documents signés, ledit avis ne s’y trouvait pas. Elle ne l’avait donc pas en sa possession. Elle était absolument certaine que l’avis que les locataires avaient signé et retourné à la régie ne leur avait pas été retourné.

G______, employée de la régie et bailleresse, en qualité de directrice pour la Suisse romande, a déclaré que c’était une autre employée de la régie, H______ qui s’était occupée d’établir les documents. Une fois que les documents nécessaires à la signature du bail, soit le contrat lui-même, les conditions générales, la lettre d’accompagnement et l’avis de fixation du loyer initial, étaient prêts, elle les signait, à l’exception du contrat de bail qu’elle se contentait de parapher. Il n’était donc pas possible que l’avis de fixation du loyer initial ait été adressé aux locataires sans que sa signature y figure. Par la suite, les documents étaient envoyés aux locataires qui devaient garder un exemplaire original de l’avis et des conditions générales pour eux-mêmes. En revanche, ils devaient renvoyer à la régie les deux exemplaires du contrat de bail pour signature par la représentante de la propriétaire. S’agissant de l’avis de fixation du loyer initial produit à la procédure, qui portait sa signature, il n’était pas possible qu’il ait été envoyé aux locataires sans cette signature.

A______ a alors affirmé que les exemplaires de l’avis de fixation du loyer initial qu’elle avait reçus ne portaient pas la signature de la représentante de la bailleresse. Elle en voulait pour preuve le courrier de la régie du 26 août 2015. A la question de savoir comment il était possible que dans un premier temps, elle ait affirmé ne jamais avoir vu l’avis puis, dans un deuxième temps, qu’elle se souvienne avec précision du fait que cet avis ne comportait pas la signature de la bailleresse, elle a répondu ainsi : si la signature de la bailleresse avait figuré sur l’avis, elle était certaine qu’elle en aurait conservé un exemplaire dans son classeur. Elle était très ordrée et conservait tout dans ledit classeur. Lorsqu’elle était entrée dans l’appartement, elle avait payé un certain montant de loyer, correspondant à un loyer de quinze jours, au moyen du bulletin de versement envoyé par la régie. Par la suite, ce montant avait été revu à la hausse, pour tenir compte du fait que les locataires avaient passé seize jours dans l’appartement.

G______ a persisté dans ses explications, confirmant que la régie suivait un protocole très strict. Avant de remettre les clés, la régie s’assurait que tous les documents nécessaires, notamment l’avis de fixation du loyer initial, étaient bien signés et remis aux locataires. Quant au courrier envoyé le 8 septembre 2015 à la société propriétaire, lui transmettant les documents relatifs au contrat de bail, comprenant notamment l’avis de fixation du loyer initial, elle confirmait en être l’auteure.

k. Lors des audiences des 14 novembre et 5 décembre 2017, deux témoins ont été entendus.

H______, employée de la régie, a expliqué la procédure habituelle suivie pour la signature d’un contrat de bail. Un dossier était constitué et envoyé au locataire avec une lettre d’accompagnement, deux exemplaires du contrat paraphés uniquement par son supérieur, deux exemplaires des conditions générales, deux exemplaires de l’avis de fixation du loyer initial déjà signés par son supérieur, un bulletin de versement et un formulaire informatif. La régie attendait en retour les deux exemplaires du contrat de bail signés par le locataire. Cette procédure était stricte et sans exception, notamment pour ce qui concernait l’avis de fixation, de sorte qu’elle devait avoir été suivie pour le cas d’espèce. Les clés n’étaient pas remises au locataire avant d’avoir en mains tous les documents signés, une garantie de loyer constituée et le paiement du premier loyer au moyen du bulletin de versement remis au locataire. Aucun document ne sortait de la régie sans la signature de sa supérieure, exception faite du bail qui était juste paraphé. C’était bien son écriture qui figurait sur les post-it produits par les locataires, dont l’un avait été apposé sur le contrat de bail et les conditions générales et l’autre sur l’avis de fixation. Une fois que la procédure avait été suivie, la régie envoyait un courrier informatif au propriétaire pour lui indiquer que tout était en ordre et que son bien avait été reloué. Elle avait établi le courrier du 8 septembre 2015, qui avait été signé par sa supérieure. La régie disposait de procédures de vérification internes, notamment une check-list qui lui permettait de vérifier que tout avait été respecté et que tous les documents signés avaient été reçus par les locataires. Elle jetait cette check-list une fois que tout était effectué. C’était lors de la vérification par la check-list qu’elle avait remarqué une erreur quant au montant du loyer imprimé sur le bulletin de versement remis aux locataires.

I______, administrateur de la société propriétaire, a déclaré qu'il recevait toute la documentation concernant un nouveau bail conclu, soit notamment le contrat, les explications et l’avis de fixation du loyer, le tout étant déjà signé, au moyen d’une lettre-type telle que celle de la régie du 8 septembre 2015.

l. A l’issue de l’audience du 5 décembre 2017, les parties ont plaidé et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.            1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2; 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 13 ad art. 308 CPC).

En l'espèce, la locataire a conclu principalement à la fixation du loyer mensuel à 1'401 fr. par mois, en lieu et place de 1'970 fr., soit une différence de 6’828 fr. par an. Calculée sur vingt ans (art. 92 al. 2 CPC), la valeur litigieuse correspond à 136'560 fr. La valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Selon l'art. 311 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d'appel.

En l’espèce, déposé selon les formes et dans le délai prescrits (art. 311 al. 1 en lien avec l’art. 142 al. 3 CPC), l'appel sera déclaré recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus.

2.             2.1 Les locataires font grief au Tribunal d'avoir retenu que l'avis de fixation du loyer initial leur avait été notifié en bonne et due forme. Ils soutiennent que cet avis ne leur a pas été retourné signé par la bailleresse, après qu’eux-mêmes l’aient renvoyé signé à la régie. Ils reprochent au Tribunal d'avoir insuffisamment motivé son raisonnement, au vu des déclarations contradictoires et confuses des employées de la régie.

2.2 La formule officielle doit être notifiée au locataire au moment de la conclusion du bail ou, au plus tard, le jour de la remise de la chose louée (sur le contenu de la formule, cf. art. 19 al. 1 et 1bis OBLF [RS 221.213.11], applicable par analogie lors de la conclusion d'un nouveau contrat de bail en vertu de l'art. 19 al. 3 OBLF). Elle a pour but d'informer le locataire, en lui fournissant toutes les indications utiles, de sa possibilité de saisir l'autorité de conciliation afin de contester le montant du loyer. Elle sert, par ce biais, à empêcher les hausses abusives de loyer lors d'un changement de locataire, de sorte que l'indication du loyer versé par le précédent locataire doit y figurer (ATF 142 III 369; 140 III 583 consid. 3.1
et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_607/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.1.1).

Si la formule officielle lui a été communiquée, le locataire peut saisir, dans les 30 jours qui suivent la réception de la chose, l'autorité de conciliation pour contester le loyer initial et en demander la diminution, pour autant que le montant convenu soit abusif et que les autres conditions de l'art. 270 al. 1 CO soient remplies. A défaut, il est réputé avoir accepté le loyer et il est déchu du droit de le contester (délai de péremption; ATF 131 III 566 consid. 3.2). Selon la jurisprudence, si la formule officielle lui est communiquée plus tard, mais dans les 30 jours après son entrée dans les locaux, le point de départ du délai pour agir est reporté au moment de sa communication. En revanche, une communication intervenant au-delà de ce délai de 30 jours équivaut à une absence de notification (ATF 142 III 369; 140 III 583 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Lorsque le bail a été conclu sans que soit communiquée la formule officielle ou sans que la hausse de loyer par rapport à celui payé par le précédent locataire n'y soit motivée, le loyer fixé est nul (nullité partielle du contrat) (ATF 142 III 369; 140 III 583 consid. 3.2.1 et 3.2.2). Le locataire peut agir en fixation judiciaire du loyer initial et en restitution de l'éventuel trop-perçu. Il s'agit là d'un cumul d'actions (art. 90 CPC) : la première action tend, après constatation (à titre préjudiciel) de la nullité du loyer convenu, à la fixation judiciaire de celui-ci et la seconde action, en tant que conséquence de la première, vise à la restitution des prestations effectuées sans cause conformément aux règles de l'enrichissement illégitime (art. 62 ss CO) (ATF 140 III 583 consid. 3.2.3 et les arrêts cités).

Comme, en matière de bail, le législateur présume l'ignorance du locataire quant à l'obligation du bailleur d'utiliser la formule officielle, contrairement au principe général "nul n'est censé ignorer la loi", il appartient au bailleur de prouver, s'il y a contestation, la remise de cette formule au locataire (art. 8 CC; ATF 142 III 369; cf. FETTER, La contestation du loyer initial, 2005, n. 202 p. 94).

Selon la jurisprudence, la preuve que doit apporter le bailleur est facilitée lorsque le contrat de bail - dont la réception n'est pas contestée par le locataire - mentionne que la formule officielle y est annexée. Dans ce cas, le bailleur est, selon l'expérience générale de la vie, présumé avoir effectivement mis le contrat de bail et la formule officielle dans l'enveloppe envoyée au locataire s'il est en mesure de produire une copie ou une photocopie de cette formule officielle contenant les indications nécessaires pour le bail en question; il s'agit-là d'une règle d'expérience (art. 1 al. 2 CC) qui entraîne le renversement du fardeau de la preuve. C'est alors au locataire qui prétend que l'enveloppe ne contenait pas la formule officielle alléguée par le bailleur d'apporter la preuve que celui-ci a commis une erreur lors de la mise sous pli; comme il s'agit pour le destinataire de prouver un fait négatif, dont la preuve est, par nature, difficile à rapporter, il lui suffit d'apporter cette preuve avec une vraisemblance prépondérante (ATF 142 III 369 consid. 4.2).

Lorsqu'il n'est pas mentionné dans le contrat de bail que la formule officielle y est annexée, le bailleur doit apporter par d'autres moyens de preuve que celle-ci a été effectivement remise au locataire. Dans ce cas, le fardeau de la preuve n'est pas renversé. La preuve n'est pas non plus facilitée. En effet, une réduction du degré de la preuve à la vraisemblance prépondérante ne peut être admise que si, de par la nature même du fait à établir, une preuve certaine est objectivement impossible à apporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée; ainsi, une facilitation de la preuve ne peut pas entrer en ligne de compte lorsque le fait à établir pourrait être prouvé sans difficulté, mais qu'il ne le sera pas en l'espèce parce que la partie qui supporte le fardeau de la preuve n'a pas conservé de moyens de preuve; de simples difficultés dans un cas particulier ne sauraient justifier une réduction du degré de la preuve (cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 275 et les références). Or, il n'y a aucune raison de renoncer à exiger que la communication de la formule officielle soit établie avec certitude, alors qu'il est très facile pour le bailleur, chargé du fardeau de la preuve, de s'assurer de la possibilité de prouver sa remise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_607/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2.2 et 3.2.2.1).

La production d'une photocopie de la formule officielle, comportant tous les éléments prescrits par la loi, que le bailleur a conservée dans son dossier, ne constitue pas une preuve directe et absolument certaine de la remise de celle-ci. Elle en constitue un indice parmi d'autres, susceptibles de fonder une certitude dans l'esprit du juge. Il en va de même du témoignage de la personne dont il est allégué qu'elle aurait remis de main à main la formule au locataire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_607/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2.2.2).

2.3 En l'espèce, dans la requête en conciliation, les locataires ont allégué qu’ils ne s’étaient jamais vu remettre la formule obligatoire de fixation du loyer initial. Après que la bailleresse leur ait remis une copie dudit document, signé par leurs soins, en conciliation, ils ont repris telle quelle cette allégation dans l'action portée devant le Tribunal. Devant les premiers juges, la locataire a déclaré que la régie n’avait pas retourné aux locataires l’exemplaire de l’avis de fixation du loyer initial qui leur était destiné, après que ceux-ci le lui aient renvoyé signé. A défaut, elle l’aurait rangé dans son classeur. Elle a également indiqué se rappeler que l’avis renvoyé à la régie signé par les locataires ne portait pas la signature de la représentante de la bailleresse.

Par ailleurs, les deux employées de la régie ont exposé la procédure suivie pour l’établissement des contrats de bail. Les déclarations de celles-ci ne présentent ni contradiction ni confusion. En effet, on comprend aisément que deux exemplaires du bail, paraphés par la directrice de la régie, ainsi que deux exemplaires du contrat et des conditions générales, signés par cette dernière, ont été envoyés pour signature aux locataires. Ceux-ci ont signé l’avis de fixation, le contrat de bail et les conditions générales et les ont renvoyés en deux exemplaires à la régie. Ceci n’est d’ailleurs pas contesté.

Si l’on suit le raisonnement des locataires qui correspond à ces témoignages clairs et concordants (les autres hypothèses évoquées dans leurs écritures ne reposant sur aucune preuve), la régie leur aurait ensuite renvoyé le contrat de bail signé en omettant d’y joindre l’avis de fixation du loyer initial.

A ce sujet, les deux employées de la régie ont confirmé que la procédure en vigueur à la régie était strictement suivie et qu’avant la remise des clés, elles s’assuraient que tous les documents signés aient été remis aux locataires, au moyen notamment d’une check-list. C’est d'ailleurs par l’utilisation de cette check-list qu’un jour de loyer de plus a été facturé aux locataires après correction du premier bulletin de versement envoyé. De plus, un courrier accompagné des copies du contrat de bail, de l’avis de fixation du loyer et du document de garantie locative a été envoyé à l’administrateur de la société propriétaire.

Les déclarations de ce dernier n’étant pas déterminantes pour l’issue du litige, le grief portant sur le fait qu’il aurait dû être entendu comme partie n’a pas à être examiné par la Cour.

Au vu de ce qui précède, s’agissant de l’appréciation des preuves relatives à un fait négatif (le fait pour la régie de ne pas avoir renvoyé aux locataires l’exemplaire signé de l’avis de fixation du loyer initial qui leur revenait), on ne saurait faire grief au Tribunal d’avoir considéré convaincante la version des faits établie de manière claire et concordante par les déclarations des deux employées de la régie, plutôt que celle des locataires, qui avait varié.

Enfin, les positions respectives des signatures des locataires et de la représentante de la bailleresse sur la copie de l’avis de fixation produite dans la procédure corroborent que l'avis remis aux locataires était déjà signé en bas à droite par la régie. En effet, si la rubrique «signature» n’avait pas comporté celle de la représentante de la bailleresse lorsqu’ils ont reçu les deux exemplaires de l’avis à signer, les locataires auraient apposé leurs signatures sous cette rubrique.

Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu que l’avis de fixation du loyer initial avait dûment été notifié en bonne et due forme aux locataires et débouté ces derniers de leurs conclusions.

Le jugement attaqué sera par conséquent confirmé.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté le 12 mars 2018 par B______ et A______ contre le jugement JTBL/115/2018 rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er février 2018 dans la cause C/23465/2016-1-OSL.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Madame Eleanor McGREGOR, juges; Madame Laurence CRUCHON et Monsieur Bertrand REICH, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF : cf. considérant 1.1.