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Décisions | Chambre civile

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C/11332/2021

ACJC/1536/2021 du 23.11.2021 sur JTPI/10402/2021 ( SDF ) , JUGE

Descripteurs : DÉBITEUR;DIRECTIVE(INJONCTION);OBLIGATION D'ENTRETIEN;ENFANT;MAJORITÉ(ÂGE)
Normes : CC.277; CC.291
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11332/2021 ACJC/1536/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 23 NOVEMBRE 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, Allemagne, appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance du canton de Genève le 16 août 2021, comparant par Me Annette Micucci, avocate, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (GE), intimé, comparant par Me David Papaux, avocat, place de Longemalle 1, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A. a. Par jugement statuant sur action alimentaire le 22 septembre 2003, le Tribunal cantonal de Zürich, modifiant le jugement rendu par cette même instance le 26 avril 2000, a condamné B______ à verser une contribution à l'entretien de sa fille A______ d'un montant de 1'500 fr. du 1er mars 2002 au 31 décembre 2009, de 2'000 fr. jusqu'à la majorité, voire au plus tard jusqu'à l'achèvement de son instruction de base ("bis zur Mündingkeit der Klägerin, längstens bis zu deren Vollendung der ordentilichen Erstausbildung").

b. B______ ne s'étant pas entièrement acquitté de son obligation, A______ a engagé des poursuites à son encontre en 2009, 2010 et 2015.

c. Depuis le mois d'août 2020, B______ a complètement cessé de verser ladite contribution.

d. En date du 19 août 2020, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour un montant total de 83'000 fr., auquel ce dernier a fait opposition.

e. Par acte expédié le 9 juin 2021 au Tribunal de première instance, A______ a formé une requête d'avis aux débiteurs à l'encontre de B______ fondée sur les art. 177 et 291 CC, tendant à ce qu'il soit ordonné à C______ SA, à D______ SA, à E______ SA, à F______ SA et à tout autre employeur ou futur employeur de B______ de verser mensuellement en ses mains sur son compte ouvert à G______ la somme de 2'000 fr. à titre de contribution à son entretien, avec effet au 9 juin 2021, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, et à ce que la décision leur soit notifiée.

f. Lors de l'audience tenue le 11 août 2021 par le Tribunal, A______ a persisté dans les termes de sa requête. B______ a conclu au déboutement de sa fille de toutes ses conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

g. Par jugement rendu le 16 août 2021, notifié aux parties le 19 août suivant, le Tribunal a débouté A______ de ses conclusions (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 600 fr., mis à la charge des parties par moitié chacune, la part de A______, au bénéfice de l'assistance judiciaire, étant provisoirement laissée à la charge de l'Etat, dit que celle-ci pouvait être tenue au remboursement de ces frais judiciaires dans la mesure de l'art. 123 CPC, condamné B______ à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, un montant de 300 fr. (ch. 2), dit qu'il n'y avait pas lieu à l'allocation de dépens
(ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a retenu que la requête était fondée sur l'art. 291 CC - et non sur les art. 132 et 177 CC -, dès lors que l'obligation litigieuse résultait d'une action alimentaire.

A la question de savoir si l'instruction de base ("Erstausbildung") comprenait l'accomplissement d'un master, le premier juge, suivant la doctrine majoritaire sur ce point, a considéré que le master faisait partie de la formation permettant à A______ d'exercer une activité professionnelle.

Toutefois, celle-ci ayant déjà obtenu un master en ______ à l'Université de H______ (Autriche), sa formation lui permettait d'exercer une activité professionnelle satisfaisant à ses besoins matériels. L'accomplissement d'un master supplémentaire à I______ (Allemagne), délivré après une durée de deux ans, n'apparaissait ainsi ni indispensable ni nécessaire et ne pouvait être admis comme faisant partie de son instruction de base, de sorte qu'il n'appartenait pas à son père de financer cette formation complémentaire.

B. a. Par acte expédié le 30 août 2021 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation.

Cela fait, elle a repris ses conclusions de première instance, avec suite de frais et dépens.

A l'appui de son appel, elle a produit des pièces nouvelles, à savoir son curriculum vitae (pièce B), des documents établis par l'Université de H______ en novembre 2020 (pièce C), ainsi que les 23 et 24 août 2021 (pièces E et F), un extrait internet relatif à ses démarches d'inscription faites en avril 2021 auprès de l'Université de I______ pour le semestre d'hiver 2021-2022 (pièce D) et un extrait internet du site de l'Université de H______ concernant le programme d'étude en master de ______ (pièce G).

b. Dans ses écritures responsives du 29 septembre 2021, B______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens.

Il a produit une pièce nouvelle, soit un courrier que lui a adressé l'Etat de Fribourg le 31 mai 2021 (pièce 25).

c. Par réplique du 5 octobre 2021, A______ a persisté dans ses explications et conclusions.

d. B______ a renoncé à dupliquer.

e. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 19 octobre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. La situation financière et personnelle des parties est la suivante :

a. A______, née le ______ 1998, a commencé des études universitaires en ______ en 2016 à [l'Université] J______ à Zurich et a obtenu son bachelor à l'Université de H______ en 2020. Elle a expliqué avoir accompli cette formation en quatre ans en raison d'un accident qui l'avait contrainte à faire une pause, accident concernant lequel elle n'a fourni aucun justificatif. Elle a poursuivi ses études par un master en ______ à l'Université de H______ durant l'année universitaire 2020-2021, sans l'obtenir (celui-ci nécessitant quatre semestres) "en raison des circonstances particulières dues à la crise sanitaire". Elle est inscrite, depuis le semestre 2021-2022, en master en ______ à l'Université de I______ pour une durée de deux ans.

L'intimé considère que l'appelante, qui a mis fin à ses études à Zurich pour en entreprendre d'autres, sans raison légitime, à H______, puis à I______, fait preuve d'un grave manque d'assiduité dans l'accomplissement de sa formation.

b. B______, né le ______ 1958, est père d'au moins quatre enfants, dont deux mineurs (nés en 2005 et 2010).

Il pratique en qualité de médecin ______ indépendant au sein de son propre cabinet, exploité par la société C______ SA, dont il est administrateur président et son épouse, K______, administratrice. Il est accrédité pour opérer au sein des établissements D______ SA, E______ SA et F______ SA. B______ a également été salarié de L______.

B______ souffre d'une colite ulcéreuse, ainsi que d'une cholangite sclérosante primitive et a subi une colectomie pour un cancer (sous la forme d'un adénocarcinome) en 2011. En 2020, un cancer du foie lui a été diagnostiqué, ayant nécessité une radiothérapie, une chimiothérapie au printemps 2020, puis une greffe hépatique en août 2020.

En 2020, il a perçu 99'081 fr. 20 de C______ SA et 124'983 fr. 80 de L______. Actuellement, sa capacité de travail est de 20%. Il travaille à ce taux dans son cabinet. Son activité au sein de L______ a pris fin le 31 mars 2021 en raison de ses problèmes de santé. Il a effectué une demande AI et perçoit des indemnités perte de gain, selon lui, au moins jusqu'à mars 2022. Il n’a pas fourni de renseignements supplémentaires s’agissant de sa situation financière.

c. B______ a expliqué avoir arrêté de verser la contribution à l'entretien de sa fille en juillet 2020, au motif qu'il n'avait plus de contacts avec elle et ignorait ce qu'elle faisait. Il avait répondu, le 29 juin 2020, - par courrier adressé à H______ - à une lettre qu'elle lui avait envoyée - dans laquelle elle lui demandait de l’argent - et lui avait, à cette occasion, demandé des nouvelles de ses études. Cette lettre lui avait été retournée. Il avait réécrit, mais n’avait jamais reçu de réponse.

Il ressort des pièces produites que les parties ont, à tout le moins, correspondu par messages téléphoniques entre juillet 2015 et mai 2017 et par courriels au printemps 2017.

A______ a indiqué qu'elle avait demandé de l'aide - tant financière que médicale - à son père, qui avait refusé avec dédain. Elle ne comprenait pas cette correspondance papier, alors qu'ils avaient toujours eu des contacts par email.

B______ a relevé également que sa fille connaissait sa situation personnelle en 2020 et ne s'était pas inquiétée de son état de santé. Alors qu'il était au plus mal, il s'était vu notifier un commandement de payer requis par celle-ci, sans même qu'elle n'ait pris contact avec lui.

EN DROIT

1. 1.1 La décision d'avis aux débiteurs des art. 132 al. 1 CC, 177 CC ou 291 CC constitue une mesure d'exécution privilégiée sui generis, qui se trouve en lien étroit avec le droit civil (ATF 130 III 489 consid. 1.2). Elle est de nature pécuniaire puisqu'elle a pour objet des intérêts financiers. Par ailleurs, le jugement portant sur un avis aux débiteurs est en principe une décision finale au sens de l'art. 308 al. 1 let. a CPC (ATF 137 III 193 consid. 1; 134 III 667 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_474/2015 du 29 septembre 2015 consid. 1.1).

Cette décision n'émanant pas du tribunal de l'exécution, mais du juge civil, la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 1 let. b et 309 al. 1 CPC a contrario).

En l'espèce, interjeté dans le délai de dix jours (art. 302 al. 1 let. c et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), dans le cadre d'une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 92 al. 1 et 2 et 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen, tant en fait qu'en droit (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise maxime des débats et de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC) en tant qu'elle porte sur la contribution d'entretien d'un enfant majeur (arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 3.1 in fine et les réf. cit.).

La mesure d'avis aux débiteurs prévue à l'art. 291 CC est soumise à la procédure sommaire (art. 302 al. 1 let. c CPC). La cognition du juge est dès lors limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (Hohl, Procédure civile, tome 2, n. 1901). Le juge statue ainsi sans instruction étendue sur la base des preuves immédiatement disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

1.3 Les parties ont produit des pièces nouvelles en appel.

1.3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

1.3.2 En l'espèce, les pièces E et F produites par l'appelante - établies après que la cause a été gardée à juger par le Tribunal - sont recevables. Tel n'est, en revanche, pas le cas des autres pièces produites en appel par les parties, dès lors qu'elles auraient pu être produites devant le premier juge, étant toutefois relevé qu'elles n’auraient en tout état pas été de nature à modifier l'issue du litige.

2. Ne sont, à juste titre, contestées ni la compétence des autorités suisses ni l'application du droit suisse au présent litige.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir constaté de manière inexacte qu'elle avait obtenu un master à l'Université de H______ et que le suivi d'un master à l'Université de I______ constituait une formation complémentaire.

L'intimé conteste devoir une quelconque contribution à l'entretien de l'appelante, dès lors que sa fille a cessé tout contact avec lui et qu'elle ne suit pas des études régulières (de plus à l'étranger), sachant qu'un seul de ces éléments suffit à entraîner la cessation de l’obligation d'entretien.

3.1 Selon l'art. 277 CC, l’obligation d’entretien des père et mère dure jusqu’à la majorité de l’enfant (al. 1); si, à sa majorité, l’enfant n’a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l’exiger d’eux, subvenir à son entretien jusqu’à ce qu’il ait acquis une telle formation, pour autant qu’elle soit achevée dans les délais normaux (al. 2).

3.2 Selon la doctrine majoritaire, la formation initiale est obtenue par un titre universitaire permettant à son détenteur d'exercer une activité professionnelle correspondant à ses besoins matériels (ATF 117 II 372), le titre universitaire requis est le master, le bachelor ne suffisant pas (Stoudmann, Droit du divorce, 2021, p. 433 n° 1095 et les réf. cit; Piotet, CR-CC, n. 10 ad art. 277 CC; Guillod/Burgat, Droit des Familles, 2018 n° 280).

En effet, la formation universitaire choisie doit aboutir à l’obtention d’une licence, examens accomplis, ce qui équivaut à une maîtrise dans le système introduit par la réforme dite «de Bologne», au vu des exigences professionnelles dans les différentes disciplines universitaires. La durée de cette prise en charge est ordinairement de six ans depuis l’alignement des études sur le modèle dit de Bologne, comprenant une année pour d'éventuelles brèves interruptions. L'on admet par ailleurs un battement de deux ou trois ans au plus, susceptible de déterminer l'enfant sur ses choix professionnels et son avenir. Une fois ce choix opéré, et les études planifiées commencées, un échec isolé ne peut être de nature à lui seul à libérer le débiteur. En revanche, des échecs répétés, ou encore des suspensions répétées des études, dépassant plus d’une année, et que l’on peut imputer à un défaut d’assiduité, sont de nature à remettre en cause le principe de l’entretien de l’enfant majeur. Cette libération ne peut cependant faire abstraction des événements qui peuvent affecter la vie de l’enfant et la motivation de celui-ci (Piotet, CR-CC I, n. 8 et 10 ad art. 277 CC).

3.3 L'obligation d'entretien des père et mère à l'égard de leur enfant majeur en formation dépend expressément de l'ensemble des circonstances et notamment des relations personnelles entre les parties. L'inexistence de celles-ci attribuée au seul comportement du demandeur d'aliments peut ainsi justifier un refus de toute contribution d'entretien. La jurisprudence exige toutefois que l'attitude de l'enfant lui soit imputable à faute, celle-ci devant être appréciée subjectivement (ATF 120 II 177 consid. 3c; 113 II 374 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_179/2015
du 29 mai 2015 consid. 3.1, publié in FamPra.ch 2015 p. 997). L'enfant doit avoir violé gravement les devoirs qui lui incombent en vertu de l'art. 272 CC (ATF 111 II 413 consid. 2), et dans les cas où les relations personnelles sont rompues, avoir provoqué la rupture par son refus injustifié de les entretenir, son attitude gravement querelleuse ou son hostilité profonde. Admettre, dans de telles circonstances, le droit à l'entretien après la majorité reviendrait en effet à réduire le débiteur au rôle de parent payeur, ce que n'a assurément pas voulu le législateur (ATF 120 II 177 consid. 3c; 113 II 374 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_585/2018 du 24 août 2018 consid. 3.1.1).

3.4 En l'occurrence, l'appelante a commencé ses études universitaires en ______ en 2016 à Zurich et a obtenu son bachelor en 2020 à H______, soit en quatre ans. Elle a poursuivi ses études en master à H______ pour un cursus de deux ans, qu'elle n'a suivi que durant une année (2020-2021) et qu'elle n'a dès lors pas achevé. Elle s'est finalement inscrite en master à I______ pour un nouveau cursus de deux ans (rentrée 2021).

Il sera retenu que l’appelante a obtenu son bachelor dans un délai raisonnable, une année de battement étant admissible. S'agissant de son master, elle devrait achever cette formation en trois ans (un an "perdu" à H______ + deux ans à I______). Compte tenu de la crise sanitaire liée au COVID-19, ayant particulièrement affecté les étudiants tant au niveau du suivi de leurs études que sur le plan financier, et du fait que l'appelante ne percevait plus de contribution à son entretien de l'intimé, il ne saurait être retenu, au vu des circonstances, que la durée de formation de l'appelante est excessive ou que cette dernière aurait manqué d'assiduité ou de sérieux dans l'accomplissement de ses études. Il sera, de plus, relevé que le fait qu'elle ait choisi d'étudier à l'étranger - fait invoqué par l'intimé - n'est pas pertinent, dès lors que le montant de la contribution a été fixé par décision judiciaire indépendamment de la situation géographique des études entreprises par l'appelante et de l'augmentation des coûts que cela pourrait engendrer.

En ce qui concerne les rapports entretenus par les parties, celles-ci ont correspondu par messages téléphoniques et courriels jusque dans le courant de l'année 2017. Malgré la cessation des contacts dès cette date, l'intimé a continué à pourvoir en tout ou partie à l'entretien de sa fille jusqu'en 2020. Il soutient ne plus avoir versé la contribution depuis lors en raison du fait que sa fille ne se serait pas inquiétée de lui, alors qu'elle connaissait la péjoration de son état de santé en 2020 et qu'elle n'aurait pas donné suite à son courrier papier du 29 juin 2020. Or, s'il ressort certes de la correspondance échangée par les parties que l'appelante savait que l'intimé avait souffert d'un cancer au colon en 2011, rien ne permet, en revanche, de retenir qu'elle a eu connaissance des graves problèmes de santé dont a souffert son père en 2020, de sorte qu'on ne saurait lui reprocher de ne pas s'être inquiétée de lui. Quant à la lettre papier du 29 juin 2020 adressée à H______, il n'est pas établi que celle-ci serait effectivement parvenue à sa destinatrice. Il sera, en outre, souligné que l'intimé a cessé le versement de la contribution à l'entretien de l'appelante en août 2020 déjà, avant même d'être assuré que ses lettres demeureraient sans réponse. Les parties avaient, par ailleurs, usuellement correspondu par messages téléphoniques et par courriels. Il n'est pas établi – ni même allégué par l'intimé – que celui-ci aurait contacté sa fille par ce biais et que cette dernière aurait catégoriquement refusé tout contact avec lui, étant relevé que le père n'a pas pris la peine de relancer ou d'avertir sa fille avant de cesser le versement de la contribution, alors qu'il avait jusque-là pourvu à son entretien malgré le manque de contacts. Il apparaît, ainsi, que l'absence de rapports entre les parties n'est pas exclusivement imputable à l'appelante.

Partant, il sera retenu que l'appelante dispose toujours d'une créance d'entretien à l'encontre de l'intimé.

4. L'appelante reproche au premier juge d'avoir violé l'art. 291 CC.

L'intimé soutient que les conditions de clarté posées par cette disposition ne sont pas remplies et se réfère à l'ATF 144 III 193 consid. 2.2.

4.1 Selon l'art. 291 CC, lorsque les père et mère négligent de prendre soin de l'enfant, le juge peut ordonner à leur débiteur d'opérer tout ou partie de leurs paiements entre les mains du représentant légal de l'enfant.

Cette disposition s'applique également aux contributions d'entretien en faveur de l'enfant majeur (ATF 142 III 195 consid. 5).

Pour qu'un avis aux débiteurs puisse déployer ses effets, il faut que le débiteur d'aliments ne respecte pas ses obligations, que le créancier d'aliments soit au bénéfice d'un titre exécutoire, qu'il requière une telle mesure du juge compétent, que le débiteur d'aliments soit créancier d'un tiers et enfin que le minimum vital du débiteur, établi en s'inspirant des normes du droit des poursuites, soit respecté
(ATF 127 III 68 consid. 2c; 123 III 1 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_474/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.2 et 5A_958/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.3.2.1).

L'institution de l'avis aux débiteurs doit uniquement servir à assurer l'encaissement des contributions alimentaires courantes et futures, à l'exclusion de la récupération d'arriérés résultant d'un retard pris par le créancier à saisir le juge. Les pensions courantes se définissent comme celles concernant l'entretien depuis la date du dépôt de la requête en ce sens (ATF 137 III 193; arrêt du Tribunal fédéral 5P.75/2004 du 26 mai 2004 consid. 3, in SJ 2005 I 25).

L'avis aux débiteurs constitue une mesure particulièrement incisive, de sorte qu'il suppose un défaut caractérisé de paiement. Une omission ponctuelle ou un retard isolé de paiement sont insuffisants. Pour justifier la mesure, il faut disposer d'éléments permettant de retenir de manière univoque qu'à l'avenir, le débiteur ne s'acquittera pas de son obligation ou du moins qu'irrégulièrement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_958/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.3.2.1). Des indices en ce sens sont suffisants s'ils reposent sur des circonstances concrètes, tels que les déclarations d'une partie en justice ou son désintérêt de la procédure; le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_464/2012 du 30 novembre 2012 consid. 5.3).

Le juge saisi de la requête d'avis aux débiteurs statue en équité, en tenant compte des circonstances de l'espèce (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_958/2012 précité consid. 2.3.2.2).

L'avis prend effet à compter de la notification de la décision qui le prononce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_958/2012 précité consid. 2.3.2.1 et les réf. cit.).

4.2 Le jugement qui prévoit expressément que l'entretien de l'enfant est également dû après sa majorité jusqu'à l'acquisition d'une formation appropriée et chiffre le montant de cet entretien constitue un titre de mainlevée définitive. L'acquisition de la formation est une condition résolutoire dont il appartient au débiteur de prouver par titre la réalisation, à moins que celle-ci ne soit reconnue sans réserve par le créancier ou qu'elle ne soit notoire (ATF 144 III 193 consid. 2, in JT 2018 II 351).

4.3 In casu, il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient l'intimé, l'appelante dispose à son égard d'une créance en entretien fondée sur un titre exécutoire, créance dont ce dernier refuse dorénavant de s'acquitter, réalisant ainsi la condition du défaut de paiement caractérisé.

S'agissant de sa situation financière, l'intimé travaille actuellement pour C______ SA au taux de 20%. Il perçoit des indemnités de perte de gain de L______. Il n'est, en revanche, pas établi qu'il serait créancier des cliniques dans lequel il est accrédité. Il ne démontre ni n'allègue qu'il ne serait pas en mesure de s'acquitter de la créance due à l'appelante sans porter atteinte à son minimum vital.

Il apparaît, ainsi, que l'ensemble des conditions nécessaires au prononcé d'un avis aux débiteurs est réalisé.

Par conséquent, le jugement entrepris sera annulé et l'avis aux débiteurs ordonné à l'encontre de C______ SA et tout débiteur ou employeur de l'intimé, à l'exclusion des cliniques dans lesquelles celui-ci est accrédité. La mesure prendra effet à compter de la notification de la présente décision et sera assortie de la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, dès lors que l'intimé et son épouse sont administrateurs de C______ SA.

Il ne sera, en revanche, pas donné une suite favorable à la conclusion de l'appelante tendant à ce que la présente décision soit notifiée par la Cour au tiers débiteurs, conformément à la jurisprudence constante de la Cour (ACJC/330/2003 du 28 août 2003 consid. 3.7; ACJC/959/2003 du 19 septembre 2003 consid. 4.3) selon laquelle il appartient au créancier requérant de procéder lui-même à cette notification, une fois le prononcé entré en force.

5. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 al. 1 1ère phrase CPC).

5.1. Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais de première instance, arrêtés à 600 fr. par le premier juge et non remis en cause par les parties, seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe.

L'appelante étant au bénéfique de l'assistance judiciaire et ayant été dispensée de procéder à l'avance de frais, l'intimé sera condamné à verser la somme de 600 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Il sera également condamné aux dépens de première instance, fixés à 2'000 fr. TVA et débours compris, vu l'issue de la procédure et au regard de l'activité déployée par le conseil de l'appelante, ayant consisté en la rédaction d'une requête de neuf pages et la tenue d'une audience d'une heure trente (art. 25 et 26 LaCC; art. 85 RTFMC).

5.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 600 fr. (art. 33 et 35 RTFMC).

Pour les mêmes motifs, ils seront mis à la charge de l'intimé, lequel sera condamné à verser ce montant aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

L'intimé sera en outre condamné aux dépens d'appel, lesquels seront arrêtés à 1'500 fr. TVA et débours compris, vu l'issue de la procédure et au regard de l'activité déployée par le conseil de l'appelante, ayant consisté en la rédaction du mémoire d'appel de huit pages et d'une réplique de cinq pages (art. 25 et 26 LaCC; 85, 88 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 août 2021 par A______ contre le jugement JTPI/10402/2021 rendu le 16 août 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11332/2021-13.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Ordonne à tout débiteur et/ou employeur de B______, notamment C______ SA, sise 2______ à Genève, de verser mensuellement à A______, sur son compte ouvert auprès de G______ portant le numéro IBAN 3______, la somme de 2'000 fr. à titre de contribution à son entretien, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, qui prévoit que celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue audit article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 600 fr. et les met à la charge de B______.

Condamne B______ à verser la somme de 600 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 600 fr. et les met à la charge de B______.

Condamne B______ à verser la somme de 600 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 1'500 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.