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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/5054/2011

ACJC/1307/2011 (3) du 17.10.2011 sur JTBL/426/2011 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CO.257.d CO.267.1 CPC.257.1 CPC.551 CPC.247.2.b.2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5054/2011 ACJC/1307/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 17 OCTOBRE 2011

 

Entre

Monsieur U______, domicilié route ______ au Grand-Lancy (Genève), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 avril 2011, comparant par Me P______, avocat, rue ______ à Genève , en l’étude duquel il fait élection de domicile,

d’une part,

Et

Monsieur M______ et Madame C______, domiciliés chemin ______ à Chancy (Genève), intimés, comparant en personne,

d’autre part,

 


EN FAIT

A. a. Par contrat signé le 13 septembre 2006, la société C______ SA, représentée par la gérance B______SA, a loué à M______ un appartement de 3 pièces sis au 1er étage de l’immeuble du chemin ______ à Chancy, pour une durée du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, renouvelable selon les conditions générales et les règles et usages locatifs.

Le loyer et les provisions pour charges se montaient, par mois, à 1'500 fr., respectivement 90 fr., soit au total 1’590 fr., payables par mois d’avance.

Ultérieurement, M______ a épousé C_____, l’appartement servant depuis lors de logement conjugal.

b. A une date non déterminée, U______ est devenu propriétaire de cet appartement (lot 3.02 en propriété par étages [PPE]), ce que M______ a appris quelques mois plus tard.

B. a. Par lettres recommandées et simples adressées le 28 septembre 2010 à M______ et à son épouse C_____ séparément, U______, après leur avoir rappelé sa qualité de propriétaire de leur logement, les a informés qu’ils étaient en retard dans le paiement du loyer depuis le 31 juillet 2009 et leur a imparti un délai de 30 jours afin de s’acquitter du montant de 22'260 fr. sur le compte bancaire indiqué, à défaut de quoi le bail serait résilié en application de l’art. 257d CO.

Par avis officiels notifiés le 9 novembre 2010 sous plis recommandés et simples à chacun des époux, le bailleur a, sur la base des art. 257d et 266 al. 1 CO, résilié le bail pour le 31 décembre 2010.

b. Sur requêtes de U______, des commandements de payer la somme de
25'440 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2010 (loyers et provisions pour charges impayés d’août 2009 à novembre 2010), poursuites n° ______ et ______, ont été notifiés le 5 janvier 2011 à M______, respectivement à C_____, poursuivis conjointement et solidairement, lesquels ont chacun formé opposition.

c. Les locataires n’ont pas contesté la résiliation du bail, ni quitté l’appartement.

C. a. En date du 21 février 2011, U______ a déposé devant le Tribunal des baux et loyers une requête en évacuation pour défaut de paiement et une demande en paiement, par voie de procédure sommaire, s’agissant d’après lui d’un cas simple selon l’art. 257 CPC. Il a conclu à ce que le Tribunal condamne M______ et C_____, ainsi que tous autres occupants éventuels, à évacuer de leurs personnes et de leurs biens, en le laissant en bon état de réparation locative, l’appartement de 3 pièces au 1er étage de l’immeuble sis au chemin ______ à Chancy, autorise le requérant à faire appel aux forces de police afin qu’elles procèdent à leur évacuation, condamne les époux M______ et C______ à payer la somme de
27'030 fr., correspondant aux loyers et provisions pour charges dus par eux mais impayés à ce jour, avec intérêts à 5% dès le 15 avril 2010, écarte leurs oppositions aux commandements de payer des poursuites n° ______ et ______, enfin les condamne à lui payer dès le 1er janvier 2011 les sommes de 1'500 fr. et 90 fr. par mois, et ce tant qu’ils occuperont les lieux, à titre d’indemnité pour occupation illicite.

b. Les parties ont été entendues par le Tribunal à l’audience du 18 avril 2011, en présence de représentants de l’Hospice général et de la Direction du logement. Le locataire s’est présenté, sans son épouse.

M______ a déclaré ce qui suit : il était entré dans l’appartement en tant que concierge de l’immeuble en 2006, le contrat de conciergerie étant conclu avec la régie B______ SA; il n’a jamais directement payé un loyer parce que celui-ci était déduit de son salaire de concierge, qui s’élevait à 2'600 fr. par mois dans un premier temps, puis à 2'100 fr. à partir de 2008; son contrat de travail a été résilié pour le début du mois de janvier 2010, par l’intermédiaire de la régie S______; dès 2010, il savait qu’il n’avait plus de contrat de travail; il a demandé des bulletins de versement à un dénommé Monsieur P______, qui lui a expliqué lui devoir de l’argent, de sorte que M______ n’avait pas besoin de payer son loyer et ses charges tout de suite, à tout le moins pas en 2010.

Le conseil de U______ a admis que le locataire était effectivement concierge de la communauté des copropriétaires, mais a contesté que les conditions de la compensation soient réunies, faute d’identité entre le créancier et le débiteur et du fait que le contrat de travail ne figurait pas dans le contrat de bail.

D. Par jugement du 18 avril 2011, reçu le 12 mai 2011 par U______, le Tribunal a déclaré irrecevable la requête de celui-ci et débouté les parties de toutes autres conclusions, le délai d’appel étant de 10 jours.

Selon les premiers juges en effet, M______ avait contesté l’état de fait présenté par le bailleur, dans la mesure où il alléguait que la dette de loyer invoquée à l’appui de la résiliation avait été éteinte, à tout le moins pour l’essentiel, dans le cadre de son contrat de conciergerie, et que, pour le surplus, son offre de payer avait été refusée par la régie, représentant le requérant; U______ n’avait pas contesté ces faits; celui-ci n’avait ainsi pas démontré que les moyens du locataire seraient d’emblée voués à l’échec, de sorte qu’il n’y avait pas cas simple au sens de l’art. 257 al. 1 CPC et que les faits devraient faire l’objet d’une instruction.

E. Par acte déposé le 23 mai 2011 au greffe de la Cour de justice, U______ a appelé de ce jugement, concluant à son annulation et reprenant ses conclusions de première instance.

Il allègue notamment que Monsieur P______ serait un collaborateur de la régie B______ SA et que la régie S______ assure actuellement la gérance de son appartement. Il confirme ne plus avoir perçu de loyer de la part de M______ depuis le mois de juillet 2009. L’appelant expose de plus, dans la partie «En droit» de son appel, que la régie B______ SA avait été mandatée afin d’assurer la gérance de la PPE et de son propre appartement, qu’il percevait ainsi par la régie l’entier du montant mensuel du loyer qui était versé à celle-ci par M______, ce jusqu’à fin juillet 2009, et que ce dernier était rémunéré par la régie pour son activité de concierge grâce aux montants qui lui étaient versés par chacun des copropriétaires. Outre ses arguments énoncés lors de l’audience du 18 avril 2011, il fait valoir enfin, à titre subsidiaire, qu’une créance du locataire relative à sa rémunération de concierge n’existerait pas, selon ses propres dires, depuis le mois janvier 2010 et que le locataire n’a pas contesté ne pas s’être acquitté de son loyer.

M______ et C______ n’ont réclamé ni le courrier recommandé du Tribunal contenant le jugement, ni celui de la Cour, qui les invitait à répondre à l’appel dans un délai de 10 jours. Ils ne se sont ainsi pas déterminés.

La Cour a gardé la cause pour délibération, le 5 juillet 2011.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En l’occurrence, l’appelant réclamant notamment le paiement de 27'030 fr., la voie de l’appel est en tout état de cause ouverte.

1.2 Selon l'art. 311 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d'appel. Selon l’art. 314 al. 1 CPC, si la décision a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l’introduction de l’appel est de 10 jours.

En l’espèce, l’acte d’appel remplit ces conditions et est, partant, formellement recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

2. 2.1 La question à trancher dans un premier temps est celle de savoir si la procédure introduite par la requête de l’appelant du 21 février 2011 remplit les conditions du cas clair au sens de l’art. 257 al. 1 CPC et si les premiers juges étaient, dès lors, fondés ou non à la déclarer irrecevable au motif qu’elle ne remplit pas ces conditions.

2.2 En vertu de l’art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : a. l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé; b. la situation juridique est claire.

Cela signifie que l’état de fait doit pouvoir être établi sans peine. En cas de doute, l’affaire doit être traitée dans une procédure complète. La situation juridique peut être considérée comme claire si, sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvées, la norme s’applique au cas concret et y déploie ses effets de manière évidente. Si la partie adverse, qui doit être entendue (art. 253 CPC), conteste les faits ou oppose une exception à la prétention du demandeur, la protection dans les cas clairs ne peut pas être accordée. Il suffit - à tout le moins - au défendeur de démontrer la vraisemblance de ses objections, mais des allégations dénuées de fondement ne sauraient faire obstacle à un procès rapide (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse [CPC], in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6959).

Il est admis que la procédure d'évacuation postérieure à une résiliation de bail pour défaut de paiement du loyer appartient, en principe, à la catégorie des cas clairs (HOFMANN/LÜSCHER, Le Code de procédure civile, 2009, p. 165; LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2011, p. 167).

2.3 Conformément à l’art. 55 CPC, les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s’y rapportent (al. 1); les dispositions prévoyant l’établissement des faits et l’administration des preuves d’office sont réservées (al. 2). D’après l’art. 150 al. 1 CPC, la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés. Selon l’art. 157 CPC, le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées.

En l’espèce, la valeur litigieuse ne dépassant pas 30'000 fr., la procédure tombe dans le champ d’application de l’art. 247 al. 2 let. b ch. 1 CPC, que ce soit sous l’angle des conclusions en paiement ou des conclusions en évacuation; pour ces dernières, la valeur litigieuse se monte, selon la pratique de la Cour (cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2.2 et 4A_549/2008 du 19 janvier 2009 consid. 1), à 19'500 fr. (loyer mensuel hors charges de 1'500 fr. x 13 mois).

Le tribunal, en application de l’art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC, établit les faits d’office. A cette maxime inquisitoire simple demeurent applicables les principes dégagés par la jurisprudence en application de l’art. 274d al. 3 aCO (HOHL, Procédure civile, tome II, 2010, n. 1397 ss). Ainsi, tant l’art. 247 al. 2 CPC que l’art. 274d al. 3 aCO instaurent une maxime inquisitoriale sociale, laquelle ne constitue cependant pas une maxime officielle absolue. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'un plaideur renonce à expliquer sa position, mais il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaborer à l'instruction et de fournir des preuves. Si des motifs objectifs le conduisent à soupçonner que les allégations et offres de preuves d'une partie sont lacunaires, il doit inviter celle-ci à compléter ses moyens. La maxime inquisitoire qui a cours en droit du bail ne permet pas d'étendre ad libitum la procédure probatoire en recueillant toutes les preuves possibles; elle n'exclut nullement une appréciation anticipée des preuves, à l'issue de laquelle le juge renonce à en administrer de supplémentaires parce qu'il dispose déjà des éléments nécessaires pour statuer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_364/2010 du 30 septembre 2010 consid. 3.1; ATF 136 III 74 consid. 3.1 p. 80; ATF 125 III 231 consid. 4a p. 238; HOHL, op. cit., n. 1401 ss).

2.4 L’appelant ne conteste pas que l’intimé a été concierge de l’immeuble où se situe l’appartement dont il est propriétaire et n’apporte aucun élément concret tendant à démontrer que l’intimé payait - et devait payer - les loyers et les charges lorsqu’il exerçait cette fonction. L’état de fait n’est pas établi quant à la nature et à l’évolution des droits et obligations de l’intimé en lien avec son loyer, notamment quant à la question de savoir s’il devait payer le loyer puis se le faisait rembourser par la régie ou si son loyer était directement déduit de son salaire. Le fait que le contrat de bail ne mentionne pas une activité de concierge de l’intimé, ni une dispense de paiement du loyer pour ce motif, n’exclut pas d’autres accords ultérieurs, même tacites (cf. art. 1 al. 2 CO). Enfin, les arguments de l’appelant relatifs à la compensation et à l’absence de mention du contrat de travail dans le contrat de bail n’apparaissent pas, à ce stade, de nature à rendre sans objet les moyens invoqués en audience par l’intimé. Il est donc possible que l’intimé était dispensé de payer le loyer à tout le moins jusqu’à fin décembre 2009, dernier mois où il exerçait sa charge de concierge, point qui devrait être élucidé dans une procédure simplifiée prévue aux art. 243 ss CPC, incluant une conciliation (cf. art. 197 ss, en particulier 200 al. 1 et 201 CPC; HOHL, op. cit., n. 1457 ss).

Si l’intimé n’a pas démontré par preuves avoir continué à bénéficier d’une dispense de paiement du loyer depuis le mois de janvier 2010, date dès laquelle il ne travaillait plus comme concierge d’après ses propres déclarations, on ne peut en l’état pas exclure une continuation de ladite dispense parce qu’il n’aurait pas reçu l’entier des salaires dus, selon les propos que lui aurait tenus Monsieur P______, collaborateur de la régie, lequel pourra si nécessaire être entendu comme témoin dans le cadre d’une procédure simplifiée.

Dans ces conditions, la créance de loyers invoquée en justice tant à l’appui de l’évacuation que de la demande en paiement n’apparaît pas suffisamment établie pour qu’il soit renoncé à des mesures d’instruction ou, dans un premier temps au moins, à une interpellation des parties sur les faits tels qu’allégués lors de l’audience du 18 avril 2011, puis à un examen juridique des questions énoncées ci-dessus.

Par surabondance, on peut relever que ce n’est pas l’appelant qui était bailleur lors de la signature du contrat de bail et qu’on ignore à quelle date il est devenu propriétaire de l’appartement et ainsi créancier d’éventuels loyers de l’intimé. Ces circonstances plaident aussi contre la reconnaissance d’un cas clair.

2.5 Pour les mêmes motifs, les conclusions en paiement de l’indemnité pour occupation illicite dès le 1er janvier 2011 ne sont pas en état d’être tranchées.

2.6 Partant, la protection du cas clair selon l’art. 257 al. 1 CPC apparaît exclue pour l’entier des conclusions de l’appelant.

3. La procédure sommaire prévue par l’art. 257 al. 1 CPC ne pouvant pas être appliquée, c’est à bon droit, en conformité avec l’art. 257 al. 3 CPC, que les premiers juges ne sont pas entrés en matière sur la requête de l’appelant.

4. A teneur de l'art. 17 LaCC, en vigueur depuis le 1er janvier 2011, des frais ne sont pas dus dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté par U______ contre le jugement JTBL/426/2011 rendu le 18 avril 2011 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/5054/2011-7-E.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Jean RUFFIEUX, président; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Blaise PAGAN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Jean RUFFIEUX

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.