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Décisions | Chambre civile

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C/25382/2013

ACJC/1089/2014 du 12.09.2014 ( SOM ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : PROTECTION DE L'UNION CONJUGALE; PROCÉDURE PRÉPARATOIRE; DOMMAGE IRRÉPARABLE
Normes : CPC.319.B; CPC.253
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25382/2013 ACJC/1089/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 12 SEPTEMBRE 2014

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ Genève, recourant contre l'ordonnance rendue par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 mai 2014, comparant par Me Grégoire Rey, avocat, rue De-Candolle 6, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ Genève, intimée, comparant par Me Dominique Bavarel, avocat, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par ordonnance du 9 mai 2014, communiquée pour notification aux parties le 12 mai 2014, le Tribunal de première instance a écarté des débats l'écriture responsive déposée spontanément par A______ dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale l'opposant à son épouse.

Le Tribunal a notamment relevé que, conformément à la possibilité qui lui était conférée par la loi, le juge avait opté pour une instruction orale de la cause, laquelle excluait le dépôt d'une écriture non sollicitée. A______ aurait la possibilité, avant qu'une décision ne soit rendue, d'alléguer les faits qu'il considérait comme pertinents et de faire valoir son argumentation.

b. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 23 mai 2014, A______ forme recours contre cette ordonnance, concluant à son annulation et à ce que son écriture du 12 mars 2014 soit déclarée recevable, le tout avec suite de frais et dépens.

c. Dans sa réponse du 20 juin 2014, B______ s'en est rapportée à justice sur la recevabilité du recours et a conclu à ce que les frais et dépens de la procédure soient mis à charge de son époux. Elle n'a pas pris de conclusion sur le fond du recours.

d. Le 16 juillet 2014, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent du dossier :

a. En date du 29 novembre 2013, B______ (ci-après également l'intimée) a déposé au Tribunal de première instance une requête de mesures protectrices de l'union conjugale.

b. Les parties ont été citées à comparaître personnellement à une audience prévue pour le 19 mars 2014. Elles ont été invitées à déposer au greffe du Tribunal, dix jours avant l'audience, les titres nécessaires à l'appréciation du litige. A______ (ci-après également le recourant) était en outre informé de ce qu'il aurait la possibilité de se déterminer oralement sur la requête lors de l'audience.

c. Le 12 mars 2014, le recourant a déposé au greffe du Tribunal un mémoire réponse accompagné de pièces. Cette écriture a été écartée par le Tribunal lors de l'audience du 19 mars 2014.

Suite à cela, le Tribunal a rendu, sur requête de A______, l'ordonnance querellée.

d. Les arguments des parties seront discutés dans la mesure utile dans la partie en droit ci-dessous.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

La notion de préjudice difficilement réparable est plus large que celle de préjudice irréparable consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable (Jean-Luc Colombini, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise relative à l'appel et au recours en matière civile, in JdT 2013 III p. 131 ss, p. 155 et références citées; Blickenstorfer, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], 2011, n° 39 ad art. 319 CPC). L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition (Colombini, op. cit., p. 155 et références citées; Jeandin, Code de procécure civile commenté, n° 22 ad art. 319 CPC et références citées).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2ème éd. 2013, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, op. cit., n. 8 ad art. 319 CPC). Le risque de ne pas obtenir gain de cause existe pour toute partie dans toute procédure; il ne constitue cependant pas un dommage difficile à réparer (cf. dans ce sens TC/VS décision TCV C3 11 125 du 7 novembre 2011 consid. 2c).

Le seul fait que le recourant ne puisse se plaindre d'une violation des dispositions en matière de preuve qu'à l'occasion d'un appel sur le fond ne saurait être considéré comme suffisant pour retenir que la décision entreprise est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable. Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (ACJC/35/2014 du 10 janvier 2014 consid. 1.2.1).

La condition du préjudice difficilement réparable n'est en particulier pas réalisée dans le cas où le juge considère qu'une écriture en réponse en procédure simplifiée n'est pas conforme et, partant, irrecevable, le défendeur pouvant encore sans condition alléguer des faits et requérir des preuves au début des débats principaux (Colombini, op. cit., p. 156 et référence citée).

Lorsque la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la décision incidente ne pourra être attaquée qu'avec le jugement rendu au fond (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984; Brunner, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2010, n° 13 ad art. 319 ZPO; Blickenstorfer, op. cit., n° 40 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Haldy, CPC, Code de procédure civile commenté, op. cit., n° 9 ad art. 126 CPC).

1.2 Lorsqu'une requête déposée en procédure sommaire ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit (art. 253 CPC, applicable aux mesures protectrices de l'union conjugale par le renvoi de l'art. 271 CPC).

1.3 En l'espèce, l'ordonnance querellée, qui écarte une écriture spontanée en réponse, est une ordonnance d'instruction, laquelle entre dès lors dans le champ d'application de l'art. 319 let. b CPC, ce qui n'est contesté par aucune des parties.

Aucun recours n'étant prévu par la loi contre ce type de décision, la recevabilité du recours est soumise à la condition d'un préjudice difficilement réparable.

Le recourant fait valoir que le préjudice difficilement réparable qu'il subit réside dans le fait qu'il n'aura pas par la suite la possibilité de se déterminer par écrit, mais uniquement oralement, alors que la requête comporte seize conclusions et trente-six allégués de faits.

Ce faisant, le recourant méconnaît la notion de préjudice difficilement réparable prévue par l'art. 319 let. b ch. 2 CPC. En effet, le simple fait de devoir faire valoir sa position oralement plutôt que par écrit, ne saurait causer un dommage difficilement réparable à une partie, étant précisé que la loi réserve expressément la possibilité pour le juge de choisir entre l'une ou l'autre de ces hypothèses. En application de l'art. 124 al. 1 CPC, le tribunal doit en effet conduire le procès et prendre les décisions d'instruction nécessaires à une préparation et à une conduite rapide de la procédure.

A supposer que le préjudice allégué par le recourant consiste dans le risque d'un jugement défavorable à son égard, il ne s'agirait pas là non plus d'un préjudice difficilement réparable. En effet, si ce risque - hypothétique à ce stade - se réalisait, il aurait alors la possibilité de former un appel et d'attaquer, le cas échéant, la décision présentement querellée avec le jugement au fond.

Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance querellée n'est pas susceptible de causer au recourant un préjudice difficilement réparable. Partant, son recours est irrecevable.

2. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires (art. 106 al. 1 CPC).

Ces frais seront fixés à 800 fr. (art. 41 RTFMC et 19 LaCC). Ils seront compensés avec l'avance versée par le recourant, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Compte tenu de la nature du litige, qui relève du droit de la famille, il ne sera pas alloué de dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours interjeté par A______ contre l'ordonnance rendue le 9 mai 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause
C/25382/2013-11.

Met les frais judiciaires de la procédure de recours, arrêtés à 800 fr., à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée par celui-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Anne-Lise JAQUIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Anne-Lise JAQUIER

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile dans les limites de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.