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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2476/2022

DCSO/481/2022 du 24.11.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Restitution du droit d'aliéner; annotation au registre foncier; opposabilité; droit d'exception
Normes : cc.960.al1; lp.101; orfi.15
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2476/2022-CS DCSO/481/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 24 NOVEMBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/2476/2022-CS) formée en date du 2 août 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Alexandre Camoletti, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me CAMOLETTI Alexandre

AMORUSO & CAMOLETTI

Rue Jean-Gabriel Eynard 6

1205 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ est propriétaire d'un appartement situé dans l'immeuble sis à la rue 1______ no.______, [code postal] B______ [GE] (lots de PPE 2______ et 3______, feuillet 4______ de la Commune de B______).

b. L'immeuble précité fait l'objet d'un séquestre pénal ordonné le 10 octobre 2014 et annoté au Registre foncier.

c. Il fait également l'objet de saisies, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) ayant requis du Registre foncier l'annotation de restrictions du droit d'aliéner au sens de l'art. 15 ORFI.

d. Par courrier du 12 avril 2021, l'Office a notamment requis l'annotation d'une restriction du droit d'aliéner l'immeuble dans la série n° 5______ à laquelle participent des poursuites engagées par [la caisse de compensation] G______.

e. Selon le procès-verbal d'audition de A______ du 7 septembre 2021, dans la série n° 5______, l'attention du débiteur a été attirée sur la teneur de l'art. 96 LP, soit l'interdiction de disposer des biens saisis sans la permission du préposé.

f.a. Le 28 septembre 2021, A______ a retiré l'opposition qu'il avait formée au commandement de payer notifié le 22 février 2021, dans la poursuite n° 6______ engagée à son encontre par C______ SARL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE – société dont il avait été associé –, pour un montant de 4'284'780 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 11 mars 2019.

f.b. Le 16 novembre 2021, C______ SARL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE a requis la continuation de la poursuite n° 6______.

f.c. Par pli recommandé du 29 novembre 2021, l'Office a adressé à A______ un avis de participation de la poursuite n° 6______ à la saisie, série n° 5______, et ce en faveur de C______ SARL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE. L'interdiction de disposer des biens saisis prévue à l'art. 96 LP s'étendait aussi à cette poursuite.

g. Par contrat du 28 avril 2022, A______ a vendu à terme l'immeuble susvisé à D______ et E______ pour le prix de 2'000'000 fr. Selon les termes du contrat, la vente à terme avait pour échéance le 31 août 2022, A______ ayant par ailleurs concédé aux acquéreurs un droit d'emption cessible expirant le 30 septembre 2022.

h. Par courrier du 29 juin 2022, la direction de la procédure dans la procédure pénale a autorisé A______ à aliéner l'immeuble à la condition que le produit de la vente soit bloqué en mains du notaire instrumentant l'acte de vente.

i. Par courrier du 30 juin 2022, le notaire a sollicité de l'Office qu'il requière la radiation des saisies annotées au Registre foncier, moyennant règlement de la somme nécessaire pour éteindre les saisies enregistrées sous n° 5______ et n° 7______.

j. Selon un décompte de l'Office du 5 juillet 2022, transmis au notaire, le montant total des poursuites de A______ au stade de la saisie portant sur son bien immobilier, s'élevait à 6'134'436 fr. 94 en capital, intérêts et frais au 12 juillet 2022.

k. Le 5 juillet 2022, le notaire a répondu à l'Office que les saisies annotées au Registre foncier représentaient un montant total approximatif de 321'000 fr., de sorte que seul ce montant devait être versé pour obtenir la radiation des deux annotations.

l. Le même jour, le notaire a fait annoter au Registre foncier le droit d'emption cessible sur l'immeuble 4______ sis rue 1______ no. ______ à B______, dont les époux D______/E______ étaient bénéficiaires.

m. Le 11 juillet 2022, l'Office a requis du Registre foncier l'annotation d'un complément de saisie en lien notamment avec la poursuite n° 6______ intentée par C______ SARL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE.

n. Par courrier du 14 juillet 2022, l'Office a confirmé à A______ qu'il ne lèverait pas les annotations au Registre foncier à défaut de paiement total du montant des créances tel qu'indiqué dans le décompte des poursuites calculé à la date valeur du 12 juillet 2022.

B.            a. Par acte déposé le 2 août 2022 auprès de la Chambre de surveillance, A______ a porté plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du 14 juillet 2022, reçue le même jour, faisant valoir que le droit d'emption en faveur de D______ et E______ avait été annoté au Registre foncier le 5 juillet 2022, soit avant l'annotation complémentaire de l'Office intervenue le 11 juillet 2022.

Il a conclu à ce qu'il soit dit que l'Office ne peut pas conditionner la radiation de ses annotations au Registre foncier sur l'immeuble PPE, feuillet n° 4______ de la Commune de B______ au paiement des saisies annotées et, cela fait, à ce que la décision de l'Office du 14 juillet 2022 soit annulée et que la cause soit retournée à l'Office en enjoignant celui-ci d'autoriser le transfert de propriété de l'immeuble PPE, feuillet n° 4______ sis rue 1______ no.______ à B______ aux conditions de la vente à terme du 28 avril 2022 instrumentée par Me F______, notaire, et en requérant du Registre foncier la radiation des annotations de l'Office des poursuites moyennant consignation préalable en mains de l'Office du solde du prix de vente (après paiement des créances hypothécaires, de la caisse de pension, des charges de copropriété, de la commission de courtage, des impôts sur le bénéfice immobilier, des impôts immobiliers et des honoraires du notaire y relatifs).

b. Par ordonnance du 4 août 2022, la Chambre de céans a rejeté la requête de mesures provisionnelles formée par A______ avec la plainte.

c. L'Office a conclu au rejet de la plainte. Selon l'Office, A______ était au courant de l'existence de la poursuite n° 6______ et de son montant élevé, celle-ci émanant de la société dont il était titulaire. Il connaissait également l'état d'avancement de la poursuite. Il lui appartenait donc d'informer le notaire de sa situation, ce qui aurait entraîné une prise de contact de celui-ci avec l'Office avant la signature de la vente à terme afin de connaître le montant réel des poursuites. Cela aurait permis au service des saisies de constater son oubli et de corriger les inscriptions au Registre foncier avant ladite signature. Par ailleurs, la teneur de l'art. 96 LP avait dûment été rappelée à A______ lors de son audition, de sorte qu'il savait qu'il lui avait été fait interdiction, avant la signature de la vente à terme, de disposer des biens saisis sans la permission du l'Office. La restriction du pouvoir de disposer naissant ex lege dès l'exécution de la saisie, elle s'imposait sans dépendre d'une mesure de publicité particulière, soit sans être subordonnée à l'annotation de la restriction du droit d'aliéner au Registre foncier.

d. Par courrier du 6 septembre 2022, A______ et l'Office ont été avisés de ce que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. La plainte est recevable pour avoir été déposée auprès de l'autorité compétente (art. 6 al. 1 et 3 LaLP, art. 17 al. 1 LP), par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), dans le délai utile de dix jours (art. 17 al. 2 LP) et selon la forme prescrite par la loi (art. 9 al. 1 LaLP, art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), à l'encontre d'une mesure de l'Office sujette à plainte, telle la décision de refuser de radier une annotation de restriction du droit d'aliéner au Registre foncier (Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5ème éd. 2012, n. 248 et 249, p. 59).

2. 2.1 Les restrictions apportées au droit d'aliéner certains immeubles peuvent être annotées, lorsqu'elles résultent d'une saisie (art. 960 al. 1 ch. 2 CC).

Selon l'art. 101 al. 1 LP, la saisie d'un immeuble entraîne une restriction du droit d'aliéner. L'office communique sans retard la saisie au registre foncier pour annotation et avec indication de la date et de la somme pour laquelle la saisie a eu lieu. La communication est faite également lorsque de nouveaux créanciers participent à la saisie et lorsque la saisie a pris fin.

A teneur de l'art. 15 al. 1 let. a ORFI, immédiatement après la saisie (provisoire ou définitive), l'office devra requérir du bureau du registre foncier compétent l'annotation au registre foncier d'une restriction du droit d'aliéner conformément aux art. 960 CC et 101 LP; il devra également communiquer au bureau du registre foncier toute participation, définitive ou provisoire, d'un nouveau créancier à la saisie (art. 101 LP).

Si des avis ou des communications ne sont pas effectués à temps, la saisie reste toutefois valable (ATF 97 III 18 consid. 2c).

La restriction du droit d'aliéner vaut à l'égard du débiteur et des tiers de mauvaise foi dès l'exécution de la saisie et non à compter de l'annotation correspondante au registre foncier (ATF 97 III 18 consid. 2b et 2c). La restriction du pouvoir de disposer imposée au débiteur poursuivi naît ex lege dès l'exécution de la saisie. Cette restriction s'impose donc sans dépendre d'une mesure de publicité particulière, et notamment, s'agissant des immeubles, sans être subordonnée à l'annotation de la restriction du droit d'aliéner au registre foncier prévue aux art. 101 al. 1 LP, 960 al. 1 CC et 15 al. 1 lit. a ORFI (De Gottrau, Commentaire romand LP, 2005, n. 12 ad art. 96 LP).

En revanche, la restriction du droit d'aliéner a des effets envers les tiers de bonne foi dès l'annotation au registre foncier. Ainsi, une restriction au droit d'aliéner annoncée tardivement, se répercutant sur la protection des prétentions des créanciers poursuivants, peut avoir de lourdes conséquences, par exemple si le débiteur a cédé, après saisie, l'immeuble à un tiers de bonne foi. En effet, l'annotation de la restriction du droit d'aliéner au registre foncier étant un droit réel servant à la conservation des droits et obligations existants, le moment de l'annotation au registre foncier joue un rôle essentiel. L'acquéreur doit être protégé dans son acquisition en vertu du principe de publicité du registre foncier, si au moment de l'annonce de l'inscription au registre foncier du transfert de propriété, il ne pouvait pas connaître les prétentions des créanciers poursuivants selon l'état du registre foncier (art. 973 CC). Dans ce cas, si un intéressé subit un dommage – à cause d'un avis non effectué à temps ou de manière incorrecte – cela peut constituer un chef de responsabilité (art. 5 LP). En revanche, lorsqu'à ce même moment, l'annotation de la restriction du droit d'aliéner figure au registre foncier, celle-ci n'ayant pas l'effet d'un blocage, les dispositions subséquentes du débiteur sur l'immeuble subsistent sous l'angle du droit civil, mais n'ont aucun effet sur la réalisation forcée à venir. En conséquence, un immeuble aliéné par le débiteur après l'annotation au registre foncier de la restriction du droit d'aliéner, peut néanmoins être réalisé dans le cadre de l'exécution forcée, même si l'objet saisi a un nouveau propriétaire (ATF 130 III 669 consid. 5). Les titulaires de droits inscrits subséquemment n'ont aucune influence sur la réalisation forcée et ne sont pas impliqués dans la procédure en qualité de co-poursuivi. Leurs droits peuvent être radiés du registre foncier après l'exécution de la réalisation (art. 976 CC). Les titulaires de droits devant être radiés ne perçoivent une part du produit de la réalisation que si ce produit est excédentaire (Zopfi, Commentaire ORFI, 2012, n. 1 et 3 ad art. 15 ORFI).

Il en va également ainsi en cas d'annotation d'un droit d'emption antérieure à l'annotation de la restriction du droit d'aliéner; dans ce cas, si le droit d'emption est exercé après l'exécution de la saisie, le transfert de la propriété à l'empteur doit être autorisé par l'office des poursuites, car la restriction du droit d'aliéner est opposable à l'empteur; la radiation de l'annotation de la restriction du droit d'aliéner ne pourra être admise que moyennant consignation du prix de vente convenu excédant les dettes hypothécaires (ATF 128 III 124 ss in JdT 2002 II 51 ss; Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5ème éd. 2012, n. 1030, p. 260-261).

2.2 En l'espèce, au moment de l'inscription du droit d'emption, le 5 juillet 2022, l'immeuble objet de la vente faisait déjà l'objet d'une saisie, une restriction du droit d'aliéner fondée sur l'art. 101 LP, dans le cadre de la série n° 5______, étant déjà annotée au registre foncier. De plus, à cette date, le plaignant, en sa qualité de débiteur ayant retiré l'opposition au commandement de payer, poursuite n° 6______, savait que cette dernière poursuite, portant sur un montant supérieur à 4 millions de francs, participait à la saisie précitée. Quand bien même l'Office n'a pas immédiatement requis l'annotation au registre foncier de la restriction du droit d'aliéner relative à la saisie effectuée dans la poursuite n° 6______, après réception de la réquisition de continuer la poursuite et l'envoi au débiteur, le 29 novembre 2021, de l'avis de participation à la saisie, le plaignant ne saurait de bonne foi soutenir que la restriction du droit d'aliéner ne lui était opposable qu'à compter de l'inscription de l'annotation au registre foncier, le 11 juillet 2022. En effet, la restriction du pouvoir de disposer imposée au débiteur poursuivi naît ex lege dès l'exécution de la saisie.

L'Office avait de son côté l'obligation de procéder à l'annotation au registre foncier après la saisie, afin de préserver les intérêts des créanciers saisissants. C'est dès lors à juste titre que l'Office a rectifié son omission et procédé à l'annotation litigieuse, le 11 juillet 2022, soit après avoir reçu le courrier du notaire instrumentant la vente à terme le 30 juin 2022.

Dans ces conditions, la position du plaignant consistant à considérer que la radiation de la restriction du droit d'aliéner pouvait intervenir, moyennant la consignation d'un montant de 321'000 fr., correspondant aux saisies annotées avant l'annotation du droit d'emption, n'est pas fondée. Par ailleurs, le plaignant, qui n'est pas l'acquéreur de bonne foi, ne saurait se prévaloir du fait que le droit d'emption serait antérieur à la saisie nouvellement annoncée au registre foncier. Aussi, l'Office pouvait à bon droit refuser de requérir la radiation de la restriction du droit d'aliéner sollicitée par le plaignant.

Eu égard à ce qui précède, la plainte doit être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 2 août 2022 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 14 juillet 2022.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.