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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1799/2022

DCSO/418/2022 du 20.10.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.68d; lp.68d.al1; lp.68d.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1799/2022-CS DCSO/418/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 20 OCTOBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/1799/2022-CS) formée en date du 1er juin 2022 par A______ SA, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______ SA

______

Bern.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Par décision du 30 septembre 2020, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE) a institué une mesure de curatelle de représentation et de gestion (art. 394 al. 1 et 395 al. 1 CC) en faveur de B______, née le ______ 1966. C______ et D______, tous deux collaborateurs du Service de protection de l'adulte (SPAd), ont été désignés aux fonctions de curateurs, avec faculté de se substituer entre eux, et chargés de représenter B______ dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, ainsi que de gérer ses revenus et biens et d'administrer ses affaires courantes.

Cette décision a été communiquée à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office).

b. Le 7 juillet 2021, A______ SA a engagé à l'encontre de B______ une poursuite en recouvrement d'un montant de 1'266 fr. 40 allégué être dû en vertu d'un acte de défaut de biens délivré le 24 février 2015.

Le 16 juillet 2021, l'Office a établi, conformément aux indications figurant sur la réquisition de poursuite, un commandement de payer, poursuite N° 1______.

c. Un exemplaire de ce commandement de payer a été notifié le 16 août 2021 à la poursuivie, soit pour elle à son fils E______. Il n'a fait l'objet d'aucune opposition, que ce soit lors de sa remise ou dans le délai de dix jours prévu par l'art. 74 al. 1 LP. L.

Un second exemplaire du commandement de payer a été notifié le 31 août 2021 aux curateurs, soit pour eux à un collaborateur du SPAd. Par courrier adressé le
2 septembre 2021 à l'Office, C______, déclarant agir au nom et pour le compte de B______, a formé opposition totale.

Les deux exemplaires du commandement de payer, poursuite N° 1______, ont été envoyés à la poursuivante les 1er et 6 septembre 2021, le premier indiquant qu'aucune opposition n'avait été formée et le second faisant état de l'opposition formée le 2 septembre 2021.

d. Par requête déposée le 16 novembre 2021 devant le Tribunal de première instance, A______ SA a sollicité la mainlevée de l'opposition formée dans la poursuite N° 1______.

La poursuivante n'a produit cette requête de mainlevée ni auprès de l'Office ni auprès de la Chambre de céans, ne donnant en particulier aucune suite à une ordonnance du 13 septembre 2022 lui impartissant un délai au 26 septembre 2022 pour produire ce document. Il n'est donc pas possible de déterminer contre qui la requête avait été dirigée.

e. Par jugement du 7 mars 2022, le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite N° 1______.

Cette décision ne mentionne qu'une seule partie intimée, la poursuivie. Il n'en résulte pas que ses curateurs aient été informés de la procédure, cités aux débats ou y aient participé, invités à se déterminer ou que la décision leur ait été communiquée.

f. Invoquant le jugement de mainlevée du 7 mars 2022, la poursuivante a requis le 17 mai 2022 la continuation de la poursuite N° 1______.

g. Par décision adressée le 23 mai 2022 à A______ SA, l'Office a refusé de continuer la poursuite dès lors que le jugement de mainlevée n'avait pas été communiqué aux curateurs, de telle sorte que l'opposition formée par ces derniers n'avait pas été levée.

B. a. Par acte adressé le 1er juin 2022 à la Chambre de surveillance, A______ SA a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du
23 mai 2022, concluant à son annulation. A bien comprendre l'argumentation – extrêmement succincte – de la plaignante, celle-ci considère que la participation du curateur à la procédure de mainlevée lorsque le débiteur fait l'objet d'une curatelle de représentation n'est pas nécessaire.

b. Dans ses observations du 28 juin 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte : selon lui en effet, l'opposition formée par les curateurs de la poursuivie n'avait pas été levée, ceux-ci n'ayant pas pu participer à la procédure de mainlevée et le jugement de mainlevée ne leur ayant pas été notifié.

c. La cause a été gardée à juger le 30 septembre 2022.

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 L'art. 394 al. 1 CC prévoit qu'une curatelle de représentation est instituée en faveur d'une personne qui a besoin d'aide lorsqu'elle ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée.

Sous réserve d'une décision contraire de l'autorité de protection de l'adulte, l'instauration d'une curatelle de représentation est sans effet sur la capacité civile de la personne représentée (art. 394 al. 2 CC). Celle-ci est toutefois liée par les actes exécutés en son nom par le curateur (art. 394 al. 3 CC).

Lorsque la curatelle de représentation porte sur la gestion du patrimoine du représenté, l'autorité de protection de l'adulte détermine les biens sur lesquels portent les pouvoirs de gestion du curateur. Il peut s'agir de l'ensemble des biens de la personne concernée (art. 395 al. 1 CC).

2.1.2 Selon l'art. 68d al. 1 et 2 LP, si un curateur a la compétence de gérer le patrimoine d'un débiteur majeur dont la capacité civile n'a pas été limitée, et que la nomination dudit curateur a été communiquée à l'office, les actes de poursuite destinés au débiteur doivent être notifiés à ce dernier et à son curateur. Il n'existe toutefois qu'une seule poursuite, dont le sujet est le débiteur faisant l'objet de la curatelle.

Dans la mesure où la curatelle porte sur des droits du débiteur susceptibles d'être touchés par la poursuite, tels sa fortune ou ses revenus, le curateur peut exercer tous les droits appartenant au débiteur lui-même. Il peut notamment – comme le débiteur et parallèlement à lui – former opposition au commandement de payer (Kofmel/Ehrenzeller, in BSK SchKG I, 3ème édition, N 15 ad art. 68d LP). Dans une telle hypothèse, la poursuite ne peut être continuée que si toutes les oppositions ont été levées (celle du débiteur, celle du curateur ou les deux), ce qui pour certains auteurs implique qu'ils soient tous deux cités à une audience de mainlevée ou à tout le moins aient la possibilité de se déterminer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_280/2013 du 24 juin 2013 consid. 4.3.1; Kofmel/Ehrenzeller, op. cit., N 16 ad art. 68d LP; Gehri, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 4 ad art. 68d LP; Penon/Wohlgemuth, in Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, N7 ad art. 68d LP; Abbet, in La mainlevée de l'opposition, 2017, N 30 ad art. 84 LP).

2.2 Il résulte en l'espèce du dossier que la poursuivie fait l'objet depuis le
30 septembre 2020 d'une mesure de curatelle de représentation, dont la portée s'étend à la gestion de ses revenus et biens ainsi qu'à l'administration de ses affaires courantes. Cette mesure, communiquée à l'Office par les curateurs, n'entraîne toutefois aucune diminution de la capacité civile de l'intimée, laquelle conserve ainsi, concurremment aux curateurs, la possibilité d'agir seule.

Au vu de cette situation, c'est à juste titre que l'Office a notifié un exemplaire du commandement de payer aux curateurs (art. 68d al. 1 LP) et un second à la poursuivie elle-même (art. 68d al. 2 LP), ce que la plaignante ne conteste pas.

Dans la mesure où le déroulement de la procédure de poursuite était destiné à produire des effets sur des éléments patrimoniaux de la poursuivie faisant l'objet de la mesure de curatelle – soit ses revenus et biens –, les curateurs pouvaient exercer en son nom l'ensemble des droits lui revenant, au nombre desquels celui de former opposition au commandement de payer. L'opposition formée par leurs soins est donc valide, ce que la plaignante ne conteste pas.

Dès lors qu'opposition avait été valablement formée, la continuation de la poursuite supposait qu'elle soit retirée ou écartée. Le fait que seuls les curateurs, et non la poursuivie, aient formé opposition est de ce point de vue sans pertinence dès lors que, selon la jurisprudence et la doctrine rappelées ci-dessus (consid. 2.1.2), la poursuite ne pouvait être continuée qu'après que toutes les oppositions aient été écartées.

On comprend de la plainte que, pour la plaignante, l'opposition formée par les curateurs a été valablement levée par le jugement rendu le 7 mars 2022 par le Tribunal. Il résulte toutefois des pièces du dossier que les curateurs n'ont pas été entendus dans le cadre de la procédure de mainlevée, vraisemblablement (la requête de mainlevée n'ayant pas été produite) en raison du fait que la plaignante ne les a pas mentionnés. Il n'est ainsi pas établi qu'ils auraient été cités à une audience ou qu'un délai leur aurait été imparti pour se déterminer, ni qu'un exemplaire de la décision – dans laquelle ils ne sont pas mentionnés, pas plus que l'existence d'une curatelle - leur aurait été communiqué. Or il va de soi que l'exigence que l'opposition formée par le curateur de représentation soit écartée avant que la poursuite ne puisse être continuée n'a de sens que pour autant que le curateur puisse être entendu dans la procédure, ce qui suppose d'une part qu'il soit cité aux débats ou à tout le moins qu'une possibilité de s'exprimer lui soit réservée, et d'autre part que la décision lui soit communiquée de manière à ce qu'il puisse s'il l'estime utile exercer le droit de recours dont bénéficie le représenté. En d'autres termes, l'opposition formée par le curateur ne peut être valablement levée ou écartée dans une procédure à laquelle ce curateur n'a pas la possibilité de participer.

Il en résulte dans le cas d'espèce que le jugement du 7 mars 2022 produit par la plaignante à l'appui de sa réquisition de continuer la poursuite ne peut être considéré comme une décision écartant l'opposition formée par les curateurs. C'est donc à bon droit que l'Office a refusé de continuer la poursuite.

La plainte sera dès lors rejetée.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 1er juin 2022 par A______ SA contre la décision rendue le 23 mai 2022 par l'Office cantonal des poursuites dans la poursuite
N° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Luca MINOTTI et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.