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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1003/2022

DCSO/199/2022 du 19.05.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Calcul du minimum vital; saisie de salaire
Normes : lp.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1003/2022-CS DCSO/199/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 19 MAI 2022

 

Plainte 17 LP (A/1003/2022-CS) formée en date du 25 mars 2022 par A______, en personne.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet de trois poursuites : n° 1______ requise par l'ETAT DE GENEVE pour un montant de 10'851 fr. 50; n° 2______ requise par B______ [assurance-maladie] pour un montant de 165 fr. 35; n° 3______ requise par l'ETAT DE GENEVE pour un montant de 2'375 fr.

b. Ces trois créanciers étant au bénéfice d'un commandement de payer exécutoire ont requis la continuation de la poursuite et l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a ouvert des opérations de saisie dans le cadre de la série n° 4______ et notifié au débiteur trois avis de saisie le 11 mars 2022. Ce dernier était convoqué pour une audition le 21 mars 2022.

c. Il ressort du procès-verbal d'audition que le débiteur, âgé de 62 ans, est au chômage et perçoit des indemnités journalières d'un montant de 307 fr. 20 par jour, mais est actuellement au bénéfice de prestations cantonales en cas de maladie de 283 fr. 20 nets par jour, soit une moyenne mensuelle de 6'145 fr. Son droit à des indemnités de chômage prendra fin le 31 décembre 2022. Bien que divorcé, A______ est retourné vivre avec son ex-épouse dans un appartement de 6 pièces dont le loyer s'élève à 2'346 fr. par mois. L'ex épouse du débiteur est rentière AVS et touche une pension de 1'750 fr. par mois.

L'Office a procédé au calcul du minimum vital et de la quotité saisissable des revenus du débiteur comme suit :

Revenus :

- Indemnités journalières de chômage du débiteur 6'145 fr.

Charges :

- Bases mensuelles d'entretien pour un débiteur seul 1'200 fr.

- Logement (2/3 du loyer de 2'346 fr. du logement partagé avec son ex-épouse) 1'564 fr.

- Assurance maladie 496 fr. 55

- Transports ( x 70 fr. et x 45 fr.) 70 fr.

Total des charges incompressibles (minimum vital) 3'330 fr. 55

Quotité saisissable mensuelle 2'814 fr. 45

L'huissier qui a conduit l'interrogatoire a remis au débiteur copie du procès-verbal d'audition et du tableau de calcul de la quotité saisissable à l'issue de l'audition. Il a mentionné sur le procès-verbal le commentaire suivant : "remis copie du présent PV qui peut être modifié en tout temps, dès présentation des justificatifs".

d. Sur cette base, l'Office a établi un avis de saisie des indemnités journalières du débiteur à concurrence de toute somme supérieure à 3'340 fr. par mois qu'il a adressé le 25 mars 2022 à l'Office cantonal de l'emploi.

B. a. Par acte expédié le 25 mars 2022 au greffe de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre la manière dont l'Office avait calculé la saisie de salaire. Il lui reprochait de ne pas avoir tenu compte de frais médicaux importants dont il devait faire l'avance en raison de son mauvais état de santé ainsi que de frais de téléphonie et d'internet nécessaires à ses recherches d'emploi. En outre, il estimait que ses charges devaient encore inclure les postes suivants : leasing voiture : 161 fr. 70; assurance voiture : 88 fr. 50; impôt voiture : 8 fr. 50; téléphone : 129 fr. 30; arrangement impôts 2020 : 944 fr. 90; arrangement impôts 2021 : 1'140 fr. 80; franchise 10 % assurance maladie 25 fr.; participation 10 % frais médicaux : 100 fr.; électricité : 46 fr. 20; assurance RC ménage : 36 fr. Il estimait ne pouvoir consacrer qu'un montant mensuel de 300 fr. pour régler les poursuites comprises dans la saisie et expliquait ses difficultés financières par son licenciement en 2020 qui avait provoqué une réduction de 30 % de ses revenus.

b. Dans ses observations du 21 avril 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

Il exposait avoir expliqué au débiteur durant l'audition du 21 mars 2022 le calcul du minimum vital et les charges qui pouvaient y être incorporées. Il a précisé que l'huissier avait expressément invité le plaignant à déposer des pièces complémentaires s'agissant de ses frais médicaux non remboursés qui pouvaient être inclus dans son minimum vital, raison pour laquelle une annotation avait été apportée au procès-verbal d'audition remis au débiteur. Aucune suite n'avait toutefois été donnée à cette invitation. Pour le surplus, l'Office persistait dans son calcul du minimum vital. Il expliquait notamment avoir retenu des frais de logement de 1'564 fr., en considérant que l'ex-épouse du débiteur faisait un usage de deux pièces de l'appartement, ce qui représentait une participation au loyer de d'un tiers, soit 782 fr., le solde du loyer devant être imputé aux charges du plaignant.

c. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties le 27 avril 2022 que l'instruction de la cause était close sous réserve que des mesures d'instruction soient ordonnées.

Les parties n'ont pas déposé de répliques spontanées et la cause a été gardée à juger le 11 mai 2022.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire.

1.2 L'avis au sens de l'art. 99 LP donné au tiers détenteur ou débiteur des créances saisies est une simple mesure de sûreté qui a pour effet d'obliger le tiers à ne se dessaisir de la chose ou à ne s'acquitter de son dû qu'en mains de l'office, à l'exclusion de toute autre remise directe au débiteur poursuivi. Autrement considéré, il a pour effet d'empêcher que ce dernier ne se fasse remettre des actifs détenus par le tiers et ne les soustraie ainsi à l'exécution. Il suppose une saisie valablement exécutée et ne constitue pas une saisie en tant que tel dont il n'est que l'acte d'exécution. A ce titre, il n'est pas une mesure au sens de l'art. 17 LP et n'ouvre pas la voie de la plainte. En revanche, si l'avis de saisie est adressé au tiers détenteur ou débiteur de créances avant l'exécution formelle de la saisie, il devient une mesure conservatoire destinée à préserver les actifs du débiteur saisi; sa nature de décision provisionnelle ouvre la voie à la plainte (ATF 142 III 643 consid. 2 et 3).

1.3 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

1.4 A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4;
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

1.5 En l'occurrence, la plainte respecte les exigences de forme prévues par la loi et émane d'une personne qui, si son argumentation devait être retenue, serait lésée dans ses intérêts juridiquement protégés puisqu'une saisie effective de ses revenus était ordonnée au moment du dépôt de la plainte. Même si cette dernière a été déposée de manière anticipée, le jour même de l'envoi de l'acte qu'elle attaque, soit l'avis de saisie adressé à l'Office cantonal de l'emploi, et avant l'établissement et la notification du procès-verbal de saisie, elle doit être considérée comme déposée dans le délai de dix jours prévu par l'art. 17 LP. Elle est donc recevable.

2. Le plaignant conteste le calcul de son minimum vital et de la quotité saisissable de ses revenus par l'Office.

2.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP). Les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum vital (art. III NI et jurisprudence citée).

La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr., pour un débiteur monoparental à 1'350 fr., pour un couple marié, deux personnes vivant en partenariat enregistré ou un couple avec enfants à 1'700 fr., pour les enfants, par enfant, à 400 fr. jusqu'à l'âge de 10 ans et 600 fr. après 10 ans (art. 1 NI), sous déduction des allocations familiales (Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 132).

Dans le cadre tracé par les dispositions légales et les nombreux principes dégagés par la jurisprudence, l'Office dispose, dans la détermination du minimum vital du débiteur, d'un pouvoir d'appréciation étendu (art. 93 al. 1 LP; ATF 134 III 323 consid. 2; Ochsner, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 79 ad art. 93 LP), qui lui permet de prendre en considération aussi bien les intérêts des créanciers que ceux du débiteur (ATF 119 III 70 consid. 3b; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n° 17 ad art. 93 LP). La garantie du minimum vital prévue par l'art. 93 LP ne vise pas à permettre au débiteur de préserver un train de vie correspondant aux standards communément admis, mais à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à ses intérêts fondamentaux, le menace dans sa vie ou sa santé ou lui interdise tout contact avec l'extérieur (ATF 134 III 323 consid. 2; décision de la Chambre de surveillance DCSO/308/18 du 24 mai 2018 consid. 3).

3.2 En l'espèce, le plaignant souhaite voir introduites, dans le calcul de son minimum vital, des charges qui, selon les normes mentionnées ci-dessus, en sont exclues (impôts, frais de véhicule privé), ou sont déjà comprises dans le montant d'entretien de base mensuel de 1'200 fr. (assurances privées, téléphonie, internet, électricité). Sa plainte est par conséquent infondée à cet égard.

S'agissant des frais médicaux non-remboursés par une assurance, il n'a pas produit de pièces permettant de les prendre en considération et il lui appartient de le faire auprès de l'Office s'il souhaite qu'il en soit tenu compte. L'huissier le lui a d'ailleurs rappelé par une note sur le procès-verbal d'audition.

S'agissant de la répartition du loyer de l'appartement entre le plaignant et son ex-épouse, il n'est pas clair de savoir si le plaignant conteste la solution retenue par l'Office. En tout état, la solution de l'Office, qui a considéré que les ex-époux vivaient en collocation, est soutenable compte tenu de sa marge d'appréciation. Elle est d'ailleurs favorable au débiteur car il aurait pu imputer à chacun des occupants de l'appartement la moitié du loyer. Il est, en tous les cas, exclu que l'intégralité du loyer soit introduite dans les charges du plaignant dès lors qu'il occupe effectivement l'appartement avec son ex-épouse, et cela même s'il paie en réalité l'intégralité du loyer.

En définitive, la plainte est totalement infondée et sera rejetée.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Reçoit la plainte déposée le 25 mars 2022 par A______ contre l'avis de saisie de revenu du même jour dans le cadre de la série n° 4______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.