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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/606/2022

DCSO/190/2022 du 19.05.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Poursuite abusive ; poursuite contre organe d'une société
Normes : CC.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/606/2022-CS DCSO/190/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 19 MAI 2022

 

Plainte 17 LP (A/606/2022-CS) formée en date du 21 février 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

______

______ [GE]

- B______ SA

______

______ [GE]

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 17 janvier 2022, B______ SA, entreprise générale d'électricité, a requis la poursuite de A______ en paiement d'un montant de 54'633 fr., plus intérêts à 5% dès le 30 septembre 2019, allégué être dû au titre de "factures impayées".

b. Le 10 février 2022, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a fait notifier un commandement de payer, poursuite n° 1______, à A______, lequel a formé immédiatement opposition totale à la poursuite.

B. a. Par acte expédié le 21 février 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la poursuite
n° 1______, dont il a requis l'annulation. Il a exposé qu'il n'avait personnellement jamais eu affaire à B______ SA, qui avait introduit la poursuite dans le seul but de le tourmenter, et ce à la suite de la faillite de sa société, C______SA, laquelle n'était pas non plus redevable du montant total réclamé. La poursuite était par conséquent abusive.

b. Aux termes de son rapport du 15 mars 2022, l'Office a exposé que A______ avait été l'administrateur de la société C______SA, en liquidation, dont la faillite avait été prononcée le 30 septembre 2021. B______ SA avait produit dans cette faillite une créance totale de 54'633 fr., avec intérêts à 5% dès le 30 septembre 2021, fondée sur deux factures de respectivement 48'645 fr. et 6'168 fr. Le seul fait que la somme réclamée dans la poursuite contre A______ était identique à celle faisant l'objet de la production dans la faillite de la société C______SA, ne suffisait pas à considérer que la poursuite était abusive.

c. B______ SA ne s'est pas déterminée.

d. Par courrier du 18 mars 2022, A______ a été informé de ce que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par des parties lésées dans leurs intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

Le grief tiré du caractère abusif de la poursuite litigieuse devrait en tout état être examiné d'office par la Chambre de céans, même en l'absence de plainte recevable, dans la mesure où son admission aurait pour conséquence la nullité de la poursuite (art. 22 al. 1 deuxième phrase LP).

2. 2.1.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1). La nullité doit être constatée en tout temps et indépendamment de toute plainte par l'autorité de surveillance (art. 22 al. 1 LP).

2.1.2 La nullité d'une poursuite pour abus de droit ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'Office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur. L'existence d'un abus ne peut donc être reconnue que sur la base d'éléments ou d'un ensemble d'indices démontrant de façon patente que l'institution du droit de l'exécution forcée est détournée de sa finalité (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; ATF 115 III 18 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019, 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3; DCSO/245/2021 du 17 juin 2021 consid. 3.3.1, 160/21 du 22 avril 2021, 39/21 du 4 février 2021 et 321/10 du 8 juillet 2010 consid. 3.b).

2.1.3 La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet par ailleurs pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la créance litigieuse. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs: arrêt du Tribunal fédéral 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1).

L'autorité de surveillance n'est notamment pas compétente pour déterminer si le poursuivi est bien le débiteur du montant qui lui est réclamé; ce dernier doit faire valoir les moyens que lui offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, l'action en libération de dette, l'annulation de la poursuite, l'action en constatation de l'inexistence de la dette ou l'action en répétition de l'indu (DCSO/160/21 du 22 avril 2021 consid. 3.1, DCSO/39/21 du 4 février 2021 consid. 3.1).

Aussi, savoir si un administrateur d'une personne morale répond ou non des dettes de celle-ci est une question de fond que l'autorité de surveillance n'a pas à examiner dans le cadre d'une plainte pour nullité de la poursuite dont il est allégué le caractère abusif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2012 du 24 octobre 2012 consid. 5).

2.2. En l'espèce, pour le plaignant, le caractère abusif de la poursuite résiderait dans le fait qu'il n'est lui-même pas le débiteur des factures, mais tout au plus la société dont il a été l'administrateur et qui est dans l'intervalle tombée en faillite. Or, la question de savoir si le plaignant, en sa qualité d'ancien administrateur de la société faillie, répond des dettes de la société - parce qu'il s'y serait expressément engagé ou pour d'autres motifs - est une question de fond, de la compétence du juge civil et non pas de la Chambre de surveillance.

Le plaignant n'explique pas pour le surplus quel élément du dossier permettrait de retenir qu'en introduisant la poursuite litigieuse à son encontre l'intimée aurait poursuivi un but sans aucun rapport avec la procédure de poursuite, cherchant par exemple à le tourmenter délibérément, lui nuire, détruire sa réputation ou exercer sur lui une forme de contrainte sans relation avec les prétentions invoquées. Il résulte au contraire du dossier que la poursuite litigieuse est la seule que la poursuivante a introduite à l'encontre du plaignant. Quant au montant réclamé en poursuite, qui correspond à la production dans la faillite de la société dont le plaignant est administrateur, il n'est pas exorbitant et représente une somme plausible dans le contexte de factures impayées émanant d'une entreprise active dans le domaine de l'électricité.

Faute d'éléments permettant d'admettre l'existence d'un abus de droit de la part de la poursuivante, la poursuite n'est ainsi pas atteinte de nullité. La plainte doit dès lors être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 21 février 2022 par A______ contre la poursuite n° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.