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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3097/2021

DCSO/142/2022 du 07.04.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Séquestre d'une part de communauté héréditaire; lieu de situation; compétence; oeuvres d'art située en Suisse; domicile titulaire part successorale domicilié en Colombie; incompétence
Normes : OAOPCi.1; opc.2; opc.6
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3097/2021-CS DCSO/142/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 7 avril 2022

 

Plainte 17 LP (A/3097/2021-CS) formée en date du 13 septembre 2021 par A______, B______ et C______ élisant domicile en l'étude de Me Antoine Kohler, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______, B______,C______

c/o Me KOHLER Antoine

Perréard de Boccard SA

Rue du Mont-Blanc 3

Case postale

1211 Genève 1.

- D______

c/o Me MANGEAT Grégoire

Mangeat Avocats Sàrl

Passage des Lions 6

Case postale

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. E______, domicilié en France, et D______, domicilié en Colombie, ont acquis, dans le cadre d'une association commerciale, à raison d'une moitié chacun, un ensemble de 47 œuvres d'art asiatiques, intitulé "1______", en vue d'en faire le commerce. Ces œuvres ont été entreposées aux Ports-Francs de Genève, dans des locaux de l'entrepositaire F______ SA.

D______ allègue, sans être contredit, avoir intégralement financé cette acquisition, E______ devant le rembourser de sa quote-part d'une demie.

b. Leurs relations se sont dégradées quelques mois plus tard et de multiples procédures les ont opposés tant en France qu'en Suisse.

c. E______ a payé en 2013 la somme de 330'000 euros à D______ en exécution provisoire d'un jugement du 27 décembre 2012 du Tribunal de commerce de G______ qui le condamnait, notamment, au versement de
750'000 euros à D______ à titre de dommages-intérêts pour dénigrement.

d. Le 21 mai 2016, la Cour d'appel de G______ a "infirmé" ce jugement et débouté D______ de toutes ses conclusions contre E______ sur le volet du litige concernant les dommages-intérêts pour dénigrement. Le reste du litige devait faire l'objet d'une instruction complémentaire.

e. Le 9 mars 2020, la Cour d'appel de G______ a statué sur le solde du litige en ordonnant la licitation-partage de l'ensemble des œuvres constituant le stock commun "1______", propriété indivise de D______ et de E______, par leur mise en vente aux enchères publiques par les maisons H______ ou I______, et condamné E______ à payer à D______ la somme de 152'346 euros 29 et la contre-valeur en euros de 26'371 fr. 29, après la déduction de la contre-valeur en euros de 72'746 dollars états-uniens à titre de règlement du solde de prix d'acquisition des œuvres formant le stock commun.

f. E______, décédé le ______ 2020 à J______ (France), a laissé pour seuls héritiers B______, C______ et A______, tous domiciliés en France (ci-après l'HOIRIE E______).

g. Afin de réduire les frais d'entreposage des œuvres, D______ a déplacé, en octobre 2020, les œuvres composant le stock commun de "1______" des locaux aux Ports-Francs de F______ SA vers ceux de K______ SA – une société ayant son siège à Genève dont D______ est l'animateur – également situés aux Ports-Francs.

h. Requis par l'HOIRIE E______ de restituer les versements provisoires de 330'000 euros payés en 2013, D______ a refusé d'y procéder tant que les œuvres d'art n'étaient pas vendues.

i. L'HOIRIE E______ a été autorisée le 15 juillet 2021 par le Tribunal de première instance de Genève (ci-après le Tribunal) à faire procéder au séquestre, à concurrence de 357'722 fr., représentants la contre-valeur de 330'000 euros, de "toute valeur mobilière, avoirs en espèce, portefeuille de titres actions, certificats d'actions, bons de participation, bons de jouissance, dividendes, créances, droits détenus à titre fiduciaires, contenus de coffre dont D______ est titulaires ou en qualité d'ayant droit économique de la société L______, en mains de M______ & CIE SA ( )", ainsi que "le produit de liquidation de D______ dans le cadre de la licitation-partage des 47 œuvres formant le stock commun intitulé "1______", propriété indivise de D______ et de feu E______ ( ) en mains de K______ SA ( )".

j. L'ordonnance a été remise le jour même à l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office), qui a invité la M______ & CIE SA et K______ SA de procéder au séquestre des biens visés par l'ordonnance.

k. K______ a répondu le 30 août 2021, après plusieurs relances, qu'elle ne détenait "aucun hypothétique produit de liquidation revenant à D______ dans le cadre de la licitation partage de 47 œuvres d'art", mais qu'elle s'engageait à ne pas disposer desdites œuvres et à ne pas les déplacer des locaux aux Ports-Francs où elles se trouvaient. "En tant que de besoin, le séquestre [était] contesté et les droits de K______ SA réservés".

l. Sur la base de cette réponse, l'Office a établi le 2 septembre 2021 un procès-verbal de séquestre n° 2______ à teneur duquel il a prononcé le "non-lieu de séquestre en mains de tiers" s'agissant du produit de liquidation revenant à D______ dans le cadre de la licitation-partage des 47 œuvres d'art formant le stock commun intitulé "1______".

D______ a reçu ce procès-verbal le 3 septembre 2021.

B. a. Par acte expédié le 13 septembre 2021 au greffe de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), l'HOIRIE E______ a formé une plainte contre le procès-verbal de séquestre concluant à son annulation en ce qu'il prononçait le non-lieu de séquestre du produit de liquidation de D______ dans le cadre de la licitation-partage des 47 œuvres formant le stock commun intitulé "1______" et à l'exécution du séquestre du produit de liquidation en mains de K______ SA.

En substance, le plaignant reprochait à l'Office d'avoir refusé de séquestrer la part de liquidation, alors qu'il aurait dû le faire en application de l'Ordonnance du Conseil fédéral concernant la saisie et la réalisation de parts de communautés (ci-après OPC).

b. Le plaignant ayant requis des mesures provisionnelles, la Chambre de surveillance a assorti la plainte de l'effet suspensif par ordonnance du
17 septembre 2021.

c. Par courrier du 21 septembre 2021, l'Office a fait interdiction à K______ SA de disposer des 47 œuvres formant le stock commun "1______", notamment de les déplacer ou de les vendre, sans autorisation préalable de l'Office.

d. Dans ses observations du 7 octobre 2021, l'Office a conclu à l'admission de la plainte s'agissant de l'annulation du non-lieu de séquestre et à son rejet s'agissant du prononcé du séquestre.

A l'appui de ces conclusions, il a en substance considéré qu'il n'était pas compétent à raison du lieu pour exécuter le séquestre de la part d'une communauté dont les membres étaient domiciliés à l'étranger, en application de l'art. 2 OPC.

e. Dans ses déterminations du 15 octobre 2021, D______ a en substance également soutenu que l'Office n'était pas compétent pour exécuter le séquestre en application de l'art. 2 OPC et qu'en tout état K______ SA n'était pas tierce détentrice de la part de liquidation à séquestrer : elle n'était que détentrice des œuvres propriété de l'indivision.

f. Les parties ont répliqué et dupliqué les 25 octobre 2021, 2 et 8 novembre 2021, persistant dans leurs conclusions.

g. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du
24 novembre 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 La saisie, respectivement le séquestre (art. 275 LP; ATF 118 III 62 consid. 2.c, JdT 1992 II 78), des droits du débiteur dans une succession non partagée, dans une indivision, dans une société en nom collectif, dans une société en commandite ou dans une communauté analogue, ne peut porter que sur le produit lui revenant dans la liquidation de la communauté, lors même que celle-ci ne s'étend qu'à une chose unique (art. 1 OPC). La liquidation d'une part de communauté ne porte ainsi pas sur l'actif de la communauté, mais sur le produit revenant au débiteur séquestré dans la liquidation de la communauté et sur les revenus périodiques qu'il en retire (ATF 118 III 62 consid. 2.b, JdT 1992 II 78; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dette et la faillite, n° 49 ad art. 272 LP).

La part de communauté est localisée au domicile du titulaire de cette part (Gilliéron, ibidem). A teneur de l'art. 2 al. 1 OPC, l'Office des poursuites compétent pour saisir une part de communauté ou les revenus en provenant, est ainsi l'office du domicile du débiteur, lors même que les biens de la communauté (meubles ou immeubles) sont situés en tout ou en partie dans un autre arrondissement.

Lorsque le débiteur titulaire d'une part de communauté est domicilié à l'étranger, aucun séquestre n'est possible en Suisse, même si des biens appartenant à la communauté s'y trouvent (ATF 124 III 505 consid. 3b; 118 III 78 2.c = JdT 1992 II 78; arrêts du Tribunal fédéral 5A_435/2014 du 21 octobre 2014 consid. 3.2 et 3.3; 5A_628/2012 du 29 janvier 2013; décision de la Chambre de surveillance DCSO/155/2017 du 16.03.2017 consid. 1.1.2; Ochsner, La poursuite contre le débiteur à l'étranger, in JdT 2014 II 3, p. 31).

L'adjonction, en 2017, d'un alinéa 2 à l'art. 2 OPC, autorisant une exception à ces principes en cas de saisie d'une part de communauté successorale exclusivement et prévoyant une compétence complémentaire au dernier domicile du défunt, n'est pas transposable à d'autres types de communautés ou indivision (cf. Information n° 15 de l'OFJ du 1er décembre 2016 à l'attention des autorités cantonales de surveillance et des offices des poursuites concernant la saisie de parts de communautés, ch. 3 ; Communiqué du Conseil fédéral du 26 juin 2016 : Extension de la possibilité de séquestre pour les créanciers domiciliés en Suisse, DFJP, Actualité, News ).

2.1.2 A teneur de l'art. 6 OPC, la saisie, respectivement le séquestre, d'une part de communauté ou des revenus en provenant est portée à la connaissance des autres membres de la communauté. Ceux-ci sont invités à remettre à l'avenir en mains de l'Office les revenus échéant au débiteur. Ils sont avisés, de plus, d'avoir à faire dorénavant à l'Office et non au débiteur toutes communications destinées à ce dernier et relatives à la communauté, et d'avoir à demander l'assentiment de l'Office pour toute décision concernant les biens communs, qui exigerait le concours du débiteur.

2.2 En l'espèce, le séquestre vise la part de liquidation de D______ dans l'indivision qu'il forme avec l'HOIRIE E______. Il est requis par cette dernière pour une créance envers le premier. Celui-ci est domicilié en Colombie où se situe par conséquent le bien visé par le séquestre en application des principes rappelés ci-dessus. L'Office est par conséquent incompétent à raison du lieu pour exécuter cette mesure – tout comme d'ailleurs le juge du séquestre était incompétent pour le prononcer. Le non-lieu de séquestre est donc justifié pour ce motif. Il est également, ainsi que l'a relevé l'Office, par le fait que le bien séquestré ne se trouve pas en mains de K______ SA, qui n'est que détentrice en Suisse des actifs de l'indivision, lesquels ne sauraient être visés par le séquestre. C'est en mains des membres de l'indivision que le séquestre aurait dû être requis, comme le rappelle l'art. 6 OPC.

Les plaignants invoquent l'opinion exprimée par Gilliéron dans une note consécutive à l'ATF 118 III 78, figurant au JdT 1992 II 78, qui prône la possibilité de séquestrer des biens appartenant à une indivision se trouvant en Suisse lorsque le séquestre vise une part de liquidation de l'indivision dont le titulaire est domicilié à l'étranger, faute de quoi aucune mesure conservatoire efficace n'est offerte au créancier du titulaire de la part d'indivision, alors que des actifs sous-jacents importants existent. Cette opinion n'a toutefois pas été reprise par la jurisprudence ultérieure du Tribunal fédéral qui a maintenu les principes exposés ci-dessus.

La décision de non-lieu de séquestre doit donc être confirmée et la plainte sera rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte déposée le 13 septembre 2021 par A______, B______ et C______ contre le procès-verbal de séquestre n° 2______ du 2 septembre 2021.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/wirtschaft/schkg/aufsichtsbehoerden.html?msclkid=da4cf585b50811ecbbafb75273591811

https://www.ejpd.admin.ch/bj/fr/home/aktuell/mm.msg-id-62425.html?msclkid=c9d9d395b50111ec94ba9cf43f3a0a5c