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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/456/2022

DCSO/131/2022 du 07.04.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Minimum vital
Normes : lp.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/456/2022-CS DCSO/131/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 7 AVRIL 2022

 

Plainte 17 LP (A/456/2022-CS) formée en date du 7 février 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______ [GE].

- B______

______

______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ fait l'objet de la poursuite n° 1______ engagée à son encontre par [la banque] B______ pour un montant total d'environ 46'000 fr.

b. Dans le cadre des opérations de saisie, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a interrogé A______ sur sa situation personnelle et financière le 13 janvier 2022. Il résulte du protocole d'audition, signé par le poursuivi, que celui-ci est retraité et perçoit, par mois, une rente AVS de 1'549 fr., une pension de retraite étrangère de 230 fr. et une rente de 2ème pilier (Caisse de pension C______) de 1'814 fr. Il a allégué des charges se composant du loyer en 1'270 fr., de la prime d'assurance-maladie, en 507 fr. 55, de frais de transport à hauteur de 45 fr. et de frais médicaux à hauteur de 100 fr.

Le 20 janvier 2022, A______ a fourni à l'Office, à sa demande, les justificatifs de paiement de certaines charges alléguées ainsi qu'un relevé de ses comptes bancaires.

c. Le 25 janvier 2022, après avoir calculé le minimum vital du poursuivi, l'Office a adressé à la Caisse de pension C______ un avis de saisie de rente à hauteur de 978 fr. par mois (série n° 2______).

d. Le procès-verbal de saisie, daté du 15 mars 2022, a été communiqué à A______ le 18 mars 2022.

B. a. Par acte posté le 7 février 2022, A______ a formé une plainte (art. 17 LP) contre la saisie de sa rente. Il a contesté le calcul du minimum vital effectué par l'Office, le montant laissé à sa disposition étant insuffisant pour vivre. Il a notamment relevé qu'il était aidé par le Service des prestations complémentaires (SPC) pour le paiement de sa prime d'assurance-maladie.

b. Aux termes de son rapport du 25 février 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Le calcul du minimum vital avait été effectué conformément aux règles en la matière et comprenait, s'agissant des charges, le loyer de l'appartement et du box (1'040 fr. + 130 fr.), le montant de base OP (1'200 fr.), les frais de l'abonnement TPG (45 fr.) et les frais médicaux (200 fr. par mois), soit un total de 2'615 fr. L'Office avait écarté les frais relatifs à l'usage d'un véhicule privé (location d'une place de stationnement [80 fr.], assurance du véhicule [60 fr. 10] et taxe de circulation [41 fr. 29]), les impôts (189 fr. 10 et 50 fr.) et l'arrangement de remboursement d'une dette envers le SPC (100 fr. par mois). Il n'avait pas non plus tenu compte de la prime d'assurance-maladie, laquelle était entièrement prise en charge par le SPC.

c. Le 2 mars 2022, la Chambre de céans a transmis le rapport de l'Office à A______ et l'a informé de ce que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de la plainte au sens de l'art. 17 LP est ouverte contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al.1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF
136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP). Doit en particulier être qualifiée de nulle une saisie (ou un séquestre) plongeant le débiteur dans une situation de détresse insupportable.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle doit, sous peine d'irrecevabilité, désigner la décision attaquée et comporter des conclusions et une motivation, qui peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande (Erard, CR LP, n° 32 et 33 ad art. 17 LP; art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'Office (ATF 138 III 628 consid. 4;
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

Lorsque la plainte est dirigée contre la saisie (ou le séquestre), le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie ou de séquestre (ATF 107 III 7 consid. 2), avec pour conséquence qu'il ne peut en principe être entré en matière sur une plainte déposée avant cette communication (en ce sens : Jent-Sorensen, in BSK SchKG I, 2010, n° 19 ad art. 112 LP et Zondler, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n° 4 ad art. 114 LP).

1.2 La plainte émane en l'espèce d'une personne atteinte ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés par la mesure attaquée, susceptible d'être contestée par cette voie, et respecte les exigences formelles prévues par la loi. Elle est dans cette mesure recevable. Elle paraît toutefois prématurée dans la mesure où elle a été formée avant la communication du procès-verbal de saisie, lequel fait courir le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP pour contester une telle mesure.

Dès lors toutefois que le plaignant invoque des dispositions (art. 92 al. 1 ch. 1 et 3) dont la violation pourrait, selon les circonstances, entraîner la nullité au sens de l'art. 22 al. 1 LP de la mesure contestée (arrêt du Tribunal fédéral 7B.30/2005 du 18 avril 2005 consid. 3.2; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 95 ad art. 92 LP), il y a lieu d'entrer en matière, ce d'autant que dans l'intervalle le procès-verbal de saisie, reprenant le calcul de l'Office du 25 janvier 2022, a été communiqué au poursuivi.

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable - en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) - l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance en vigueur lors de l'exécution de la saisie (ci-après : NI-2022; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles la nourriture, les frais de vêtement, les soins corporels et de santé, les assurances privées, les frais culturels, etc. D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI-2022) ou les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2022), doivent être ajoutés à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, CR-LP, n° 82 ad art. 93 LP). Les impôts ne constituent pas des charges indispensables au sens de l'art. 93 al. 1 LP et ne peuvent en conséquence être pris en compte pour déterminer la quotité saisissable des revenus du débiteur (ATF 140 III 337 consid. 4.4).

2.1.2 Selon l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP, les rentes versées au titre de l'Assurance vieillesse et survivants sont insaisissables. L'art. 93 al. 1 LP prévoit en revanche que les rentes versées par des institutions de prévoyance professionnelle peuvent être saisies, déduction faite de ce que l'Office estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital) (ATF 120 III 71 consid. 4).

Dans les cas où les revenus du débiteur comprennent, outre des revenus relativement saisissables au sens de l'art. 93 al. 1 LP, une rente absolument insaisissable en vertu de l'art. 92 al. 1ch. 9a LP, il convient d'ajouter le montant de cette dernière aux autres sources de revenu pour calculer la part saisissable (ATF135 III 20 consid. 5.1).

2.1.3 Les dettes que le débiteur rembourse chaque mois ne font pas partie de son minimum vital, quand bien même il aurait pris des engagements dans ce sens (Ochsner, CR LP, n° 157 ad art. 93 LP et les références citées). En revanche, les acomptes ou les mensualités payées pour l'acquisition ou la location d'objets de stricte nécessité (par ex. du mobilier) doivent être inclus dans la minimum vital, à la condition que, dans le premier cas, le vendeur se soit réservé la propriété de l'objet (arrêt du Tribunal fédéral 5A_684/2008 du 1er décembre 2018 consid. 2).

2.1.4 Il n'est tenu compte de frais de transport que si ceux-ci revêtent un caractère de nécessité, notamment s'ils sont indispensables à l'exercice par le débiteur de sa profession, et pour autant qu'ils ne soient pas pris en charge par son employeur (art. II.4.d NI-2022). Ils doivent être réduits au minimum, les frais liés à l'utilisation d'un véhicule privé ne pouvant notamment être pris en considération s'il peut être attendu du débiteur qu'il se déplace par les transports publics (DCSO/146/2020 du 14 mai 2020 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, la saisie contestée porte sur la rente du deuxième pilier versée au poursuivi, qui est relativement saisissable au sens de l'art. 93 al. 1 LP. Le plaignant ne conteste pas la quotité de ses revenus dont l'Office a tenu compte pour calculer sa quotité saisissable.

S'agissant des charges, c'est à raison que l'Office n'a pas tenu compte de la prime d'assurance-maladie, entièrement assumée par le SPC, et des impôts. C'est également à bon droit que l'Office n'a pas pris en considération le montant que le plaignant indique devoir rembourser au SPC, dès lors que le remboursement des dettes du débiteur qui ne portent pas sur l'acquisition ou sur la location d'objets de stricte nécessité n'ont pas à être intégrées dans son minimum vital.

L'Office a fixé les frais de transport du plaignant sur la base du coût de l'abonnement aux transports publics genevois, ce qui ne prête pas le flanc à la critique. En effet, le plaignant, qui est à la retraite, n'a pas justifié de la nécessité de se déplacer avec un véhicule privé.

Enfin, les certificats médicaux produits ne prouvent pas l'existence d'autres frais devant être intégrés au minimum vital, l'Office ayant déjà pris en considération, sans être critiqué, un montant de 200 fr. par mois au titre de frais médicaux.

Il suit de là que la décision de l'Office fixant en définitive les charges admissibles à 2'615 fr. par mois dans la saisie querellée ne porte pas atteinte au minimum vital du plaignant.

Eu égard à ce qui précède, la plainte sera rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 7 février 2022 par A______ dans l'exécution de la saisie, série n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.