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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3727/2021

DCSO/102/2022 du 17.03.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.66.al3; lp.33.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3727/2021-CS DCSO/102/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 17 MARS 2022

 

Plainte 17 LP (A/3727/2021-CS) formée en date du 1er novembre 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Cléo Buchheim, avocate.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me BUCHHEIM Cléo

VB Avocats Sàrl

Rue Caroline 2

Case postale 6033

1002 Lausanne.

- B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. A______ et son épouse C______ sont copropriétaires, à raison d'une moitié chacun, de l'immeuble immatriculé sous feuillet 1______ du Registre foncier de Genève-D______ (ci-après : l'immeuble), correspondant à un appartement détenu sous le régime de la copropriété par étages dans le bâtiment sis 2______ à Genève.

L'immeuble est grevé d'une cédule hypothécaire au porteur d'un montant de 960'000 fr. portant intérêt à un taux maximum de 12% l'an, détenue par B______ (ci-après : la banque B______ ou la banque).

b. Le 9 avril 2020, la banque a engagé à l'encontre de chacun des époux A______/C______, pris en leur qualité de débiteurs solidaires de la dette constatée dans la cédule, une poursuite en réalisation de gage immobilier portant sur l'immeuble et tendant au recouvrement de la créance cédulaire, augmentée d'intérêts et de frais.

Dans le cadre de chacune de ces deux poursuites (poursuite n° 3______ dirigée contre l'époux et poursuite n° 4______ dirigée contre l'épouse), l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a établi trois commandements de payer, l'un destiné à l'époux débiteur et les deux autres à l'autre époux, l'un en sa qualité de tiers propriétaire de l'objet du gage (art. 153 al. 2 let. a LP) et le second en sa qualité de conjoint (art. 153 al. 2 let. b LP).

c. Selon ses explications, A______, bien qu'officiellement domicilié au 5______ à Genève, a séjourné en Angleterre, au domicile de sa mère à E______, du 12 mars 2020 au 3 août 2021. Alors même que son voyage devait initialement durer deux semaines, les restrictions de déplacement liés à la pandémie COVID-19 ainsi que l'aggravation de l'état de santé de sa mère, finalement décédée le ______ 2021, l'avaient en effet contraint à prolonger considérablement son séjour.

d. Informé par A______ de cet état de fait, ainsi que de son adresse de résidence en Angleterre, l'Office a décidé en janvier 2021 de procéder à la notification des commandements de payer, poursuites n° 3______ et n° 4______, qui lui étaient destinés conformément à l'art. 66 al. 3 LP, ce dont le poursuivi a été informé par courriels des 18 et 19 janvier 2021.

e. Selon attestations établies les 28 et 29 avril 2021 par les autorités anglaises compétentes conformément à l'art. 6 al. 1 de la Convention de La Haye relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale du 15 novembre 1965 (RS 0.274.131; ci-après : CLaH 65), l'exemplaire du commandement de payer destiné au débiteur dans la poursuite n° 3______ ainsi que les exemplaires destinés au tiers propriétaire du gage et au conjoint dans la poursuite n° 4______ ont été notifiés le 21 avril 2021 au poursuivi en conformité avec la législation britannique.

Ces actes – traduits en anglais en vue de leur notification à l'étranger – mentionnent tous la possibilité pour le débiteur de former opposition dans un délai de 20 jours (art. 74 al. 1 et 33 al. 2 LP) à compter de la notification.

f. Par un courriel rédigé en anglais et adressé le 29 juin 2021 à l'Office, A______ a indiqué s'opposer aux prétentions invoquées dans les poursuites ayant fait l'objet de notifications en Angleterre ainsi qu'à toute poursuite notifiée à son domicile genevois ("I oppose the charges on the above poursuites and any other that may have gone direct to my address in Geneva").

Sur requête de l'Office, le poursuivi a précisé le lendemain que sa déclaration d'opposition de la veille visait notamment le commandement de payer qui lui avait été notifié en qualité de débiteur dans la poursuite n° 3______ et celui qui lui avait été notifié en qualité de conjoint dans la poursuite n° 4______.

Le 5 juillet 2021, après s'être entretenu par téléphone le 2 juillet 2021 avec les collaborateurs de l'Office traitant son dossier, A______ a envoyé à ce dernier, par courriel, un document exposant sa position – essentiellement en relation avec divers agissements reprochés à son épouse – sur les prétentions invoquées dans les poursuites n° 3______ et 4______. Il mentionne pour la première fois dans ce document qu'il n'aurait effectivement pris connaissance des commandements de payer notifiés le 21 avril 2021 qu'en mai 2021 (sans plus de précision), car sa mère les aurait conservés avec des magazines qui lui étaient destinés.

g. Par deux décisions datées des 18 et 19 octobre 2021, notifiées respectivement les 20 et 21 octobre à A______, l'Office a refusé d'enregistrer les oppositions formées par ce dernier le 29 juin 2021 dans le cadre des poursuites n° 3______ et 4______ en raison de leur tardiveté, le délai (prolongé en vertu de l'art. 33 al. 2 LP) pour former opposition ayant expiré le 11 mai 2021.

h. Par courrier de son conseil adressé le 29 octobre 2021 à l'Office, A______ a requis la restitution du délai pour former opposition "contre les deux décisions des 18 et 19 octobre 2021" ou, subsidiairement, la "prolongation" de ce délai au 8 novembre 2021, alléguant s'être trouvé dans l'impossibilité de former opposition en temps utile.

B. a. Par deux actes – formellement séparés mais d'un contenu identique – adressés le 1er novembre 2021 à la Chambre de surveillance, A______ a formé deux plaintes au sens de l'art. 17 LP contre les décisions rendues les 18 et 19 octobre 2021, concluant à leur annulation et à l'admission des oppositions aux commandements de payer formées le 29 juin 2021, subsidiairement à ce qu'un délai d'opposition de dix jours, commençant à courir avec la notification de la décision sur plainte, lui soit restitué, et plus subsidiairement encore au renvoi de la cause à l'Office pour nouvelle décision.

A l'appui de ces conclusions, A______ a fait valoir qu'il avait été empêché d'agir, en particulier de former opposition aux actes de poursuite qui lui avaient été notifiés, dans le délai imparti, de telle sorte que ledit délai devait lui être restitué.

b. Par ordonnance du 18 novembre 2021, les deux plaintes ont été jointes.

c. Dans ses observations du 6 décembre 2021, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Dès lors que les commandements de payer établis dans les poursuites n° 3______ et 4______ l'avaient été valablement le 21 avril 2021, ce qui résultait des attestations établies par les autorités britanniques et n'était pas contesté par le plaignant, le délai de vingt jours dont disposait ce dernier pour former opposition avait bien expiré le 11 mai 2021, avec pour conséquence que les oppositions formées par courriel du 29 juin 2021 étaient tardives. Une restitution du délai pour former opposition n'était par ailleurs pas justifiée au vu d'une part de l'absence d'empêchement et d'autre part de la tardiveté de la requête de restitution.

d. Par détermination du 14 janvier 2022, la banque B______ a elle aussi conclu au rejet de la plainte, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux développés par l'Office.

e. La cause a été gardée à juger le 1er février 2022.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande (Erard, op. cit., n° 32 et 33 ad art. 17 LP).

L'autorité de surveillance constate les faits d'office, apprécie librement les preuves et ne peut, sous réserve de l'art. 22 LP, aller au-delà des conclusions des parties (art. 20a al. 2 ch. 2 et 3 LP). Celles-ci ont néanmoins une obligation de collaborer (art. 20a al. 2 ch. 2 2ème phrase LP), qui implique en particulier qu'elles décrivent l'état de fait auquel elles se réfèrent et produisent les moyens de preuve dont elles disposent (ATF 123 III 328 consid. 3). Il en est ainsi, notamment, lorsque la partie saisit dans son propre intérêt l'autorité de surveillance ou qu'il s'agit de circonstances qu'elle est le mieux à même de connaître ou qui touchent à sa situation personnelle, surtout lorsqu'elle sort de l'ordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_898/2016 du 27 janvier 2017 consid. 5.2; 5A_253/2015 du 9 juin 2015 consid. 4.1). A défaut de collaboration, l'autorité de surveillance n'a pas à établir des faits qui ne résultent pas du dossier (ATF 123 III 328 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_898/2016 précité consid. 5.2).

1.2 La plainte, qui respecte la forme écrite et comporte des conclusions, est en l'espèce dirigée contre des décisions de refus de prise en considération d'oppositions à des commandements de payer, qui peuvent être contestées par cette voie. Le plaignant est par ailleurs directement touché dans ses intérêts dignes de protection par ces mesures et a agi en temps utile. Sa plainte est, dans cette mesure, recevable.

Il est en revanche douteux que sa motivation soit suffisante : le plaignant s'y attache en effet à démontrer qu'il aurait été empêché d'agir en temps utile – ce qui le conduit à requérir la restitution du délai pour ce faire (cf. sur ce point consid. 3 ci-dessous) – mais n'expose pas en quoi l'Office aurait fait une fausse application de la loi en retenant qu'il n'avait pas formé opposition avant le 29 juin 2021 alors que le délai qui lui avait été fixé pour ce faire avait expiré le 11 mai 2021. Il ne prétend en particulier pas que l'Office, en l'absence d'une décision de restitution du délai d'opposition, aurait dû enregistrer les oppositions malgré leur caractère tardif. Il ne soutient pas davantage que le délai de vingt jours pour former opposition n'aurait couru qu'à compter de la prise de connaissance effective des commandements de payer, dont il s'abstient du reste de préciser la date nonobstant l'obligation de collaboration qui lui incombe. La question peut quoi qu'il en soit demeurer ouverte, au vu des considérations qui suivent.

La plainte sera donc déclarée recevable.

2. 2.1 Le commandement de payer est un acte sujet à notification (art. 72 LP). Lorsque le débiteur demeure à l'étranger, il est procédé à la notification par l'intermédiaire des autorités de sa résidence (art. 66 al. 3 LP).

Dans les relations entre la Suisse et le Royaume-Uni, l'entraide judiciaire en matière de signification et notification d'actes judiciaires et extrajudiciaires – notion comprenant les actes de poursuite (ATF 96 III 62 consid. 1) – est régie par la CLaH 65.

Selon l'art. 3 CLaH 65, l'autorité requérante adresse à l'autorité centrale de l'état requis une demande conforme à la formule modèle annexée à la Convention, à laquelle il joint l'acte devant être notifié (art. 3 al. 2 CLaH 65). Sous réserve d'une demande particulière de l'autorité requérante (art. 5 al. 1 let. b CLaH 65), la notification intervient selon la législation de l'Etat requis (art. 5 al. 1 CLaH 65), l'acte pouvant par ailleurs toujours être remis au destinataire qui l'accepte volontairement (art. 5 al. 2 CLaH 65). La forme de la notification est régie par la législation de l'Etat requis (ATF 109 III 97 consid. 2; 122 III 395 consid. 2.c).

Une fois la notification exécutée, l'autorité centrale de l'Etat requis, ou toute autre autorité qu'il aura désignée à cette fin, établit une attestation conforme à la formule modèle annexée à la Convention (art. 6 al. 1 CLaH 65). Cette attestation relate l'exécution de la demande, indiquant la forme, le lieu et la date de la remise, la personne à laquelle l'acte a été remis ainsi que ses liens de parenté, de subordination ou autres avec le destinataire de l'acte (art. 6 al. 2 CLaH 65 et formule modèle d'attestation annexée à la Convention). L'attestation d'exécution est adressée à l'autorité requérante (art. 6 al. 4 CLaH 65). Elle entraîne la présomption – réfragable – que la notification s'est déroulée conformément à la législation de l'Etat requis (Manuel pratique sur le fonctionnement de la Convention Notification de La Haye, 3ème édition, 2006, n° 130 et 170).

L'attestation dressée conformément à l'art. 6 al. 1 et 2 CLaH 65 tient lieu de procès-verbal de notification du commandement de payer au sens de l'art. 72 al. 2 LP, les deux attestations revêtant la même fonction probatoire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_293/2013 du 21 août 2013, consid. 2.2).

2.2 Le débiteur poursuivi qui entend former opposition au commandement de payer qui lui est notifié doit en faire la déclaration, verbalement ou par écrit, auprès de l'office des poursuites (art. 74 al. 1 LP). Le délai dont il dispose pour ce faire est en principe de dix jours (art. 74 al. 1 LP) mais l'office peut accorder un délai plus long dans certaines hypothèses, notamment lorsque le poursuivi habite à l'étranger (art. 33 al. 2 LP). Dans les mêmes hypothèses, une prolongation du délai initialement accordé peut être requise par la personne à qui il a été imparti, auprès de l'autorité qui l'a fixé; sa demande doit alors être formée avant l'expiration du délai. L'autorité peut également de son propre chef accorder une prolongation de délai immédiatement ou lorsqu'il lui apparaît après coup qu'elle aurait dû accorder un délai plus long. L'inobservation d'un délai dont la prolongation n'a pas été demandée ou a été refusée, ne peut être réparée que par la restitution du délai au sens de l'art. 33 al. 4 LP (ERARD, in CR LP, 2005, n. 8-10 ad art. 33 LP).

La prolongation des délais fixés aux parties habitant dans un pays étranger vise à leur permettre de faire un usage effectif de leurs droits malgré les difficultés liées à ce domicile. Il conviendra de tenir compte, entre autres, du temps nécessaire à la personne concernée pour acheminer un envoi postal de l'étranger vers la Suisse ou pour se renseigner auprès d'un avocat ou d'une autorité en Suisse afin de sauvegarder ses droits ou pour traduire, le cas échéant, la communication lui impartissant le délai, ou encore du fait qu'elle doit ou non s'attendre à ce qu'un délai lui soit imparti (arrêt du Tribunal fédéral 5A_6/2012 du 22 février 2012 consid. 2.1; GILLIERON, Commentaire de la LP, n. 21 ad art. 33 LP; RUSSENBERGER/MINET, KUKO SchKG, 2ème éd. 2014, n. 8 ad art. 33 LP).

La déclaration d'opposition n'est soumise à aucune forme particulière. Elle peut ainsi intervenir – à moins que des circonstances particulières ne suscitent des doutes sur la personne du déclarant – intervenir non seulement par courrier mais également par téléphone, telefax, courriel, SMS, etc. (ATF 127 III consid. 4b; Vock/Aepli-Wirz, Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, Kren Kostkiewicz/ Vock [éd.], N 4 ad art. 74 LP).

2.3 La notification des trois commandements de payer destinés au plaignant est en l'occurrence intervenue à son lieu de résidence en Angleterre, en application de l'art. 66 al. 3 LP et conformément aux dispositions applicables de la CLaH 65. Elle s'est déroulée selon les dispositions de la législation britannique, ce qui découle des attestations figurant au dossier et n'est au demeurant pas contesté par le plaignant. Ces attestations valant procès-verbal de notification, la date en résultant – soit le 21 avril 2021 – a fait courir le délai pour former opposition; les allégations, au demeurant tardives, vagues et non établies, du plaignant selon lesquelles il n'aurait effectivement pris connaissance des actes litigieux qu'en mai 2021 ne changent rien à ce qui précède, faute pour lui d'établir que la législation britannique stipulerait qu'un acte judiciaire n'est valablement notifié qu'au moment de sa prise de connaissance effective par son destinataire, ce qui paraîtrait surprenant.

Le plaignant ne soutient pas non plus que le délai de vingt jours que lui a accordé l'Office en application de l'art. 33 al. 2 LP pour former opposition serait insuffisant ou devrait être prolongé a posteriori par la Chambre de céans. Il apparaît à cet égard que, compte tenu des moyens de communication modernes et du fait que le plaignant pouvait communiquer dans sa langue avec de nombreux professionnels en Suisse susceptibles de le conseiller et éventuellement de le représenter, un tel délai était suffisant, ce d'autant plus qu'il avait été averti par l'Office de la notification.

Enfin, le plaignant, bien qu'il explique avoir été régulièrement en contact avec l'Office depuis à tout le moins le mois de janvier 2021, ne prétend pas, et a fortiori n'établit pas, qu'il aurait formé une quelconque déclaration d'opposition avant le 29 juin 2021.

Il résulte de ce qui précède que les oppositions formées le 29 juin 2021 étaient effectivement tardives et que c'est donc à juste titre que l'Office a refusé de les enregistrer. La plainte est ainsi mal fondée.

3. 3.1 Aux termes de l'art. 33 al. 4 LP, qui constitue une lex specialis par rapport à l'art. 148 CPC (KREN KOSTKIEWICZ, Schuldbetreibungs- & Konkursrecht, 3ème éd. 2018, n. 253 p. 68), quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance ou à l'autorité judiciaire compétente qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis.

Pour qu'un empêchement non fautif au sens de l'art. 33 al. 4 LP puisse être retenu, il faut que la partie n'ayant pas respecté le délai se soit trouvée, de manière imprévue et sans aucune faute de sa part, dans l'impossibilité non seulement d'accomplir elle-même l'acte omis mais également de mandater une tierce personne à cette fin (ATF 112 V 255 consid. 2a; 119 II 86 consid. 2a; Russenberger/Minet, op. cit., n. 22 ad art. 33 LP). Doivent être prises en considération à cet égard non seulement l'impossibilité objective d'agir ou la force majeure, mais aussi l'impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_972/2018 du 5 février 2019 consid. 5.1; 5A_149/2013 du 10 juin 2013 consid. 5.1.1). En d'autres termes, est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur consciencieux d'agir dans le délai fixé (ATF 119 II 86 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral précités 5A_972/2018 consid. 5.1 et 5A_149/2013 consid. 5.1.1). Sont ainsi susceptibles de constituer un empêchement non fautif, à titre d'exemples, un accident, une maladie grave et soudaine, un service militaire, de faux renseignements donnés par l'autorité ou encore une erreur de transmission (Erard, op. cit., n. 22 ad art. 33 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_231/2012 du 21 mai 2012 consid. 2). Une maladie de courte durée, une absence ou une surcharge de travail ne sont en revanche pas constitutives d'un empêchement non fautif (arrêts du Tribunal fédéral 7B_190/2002 du 17 décembre 2002; 7B_108/2004 du 24 juin 2004 consid. 2.2.1; 7B_64/2006 du 9 mai 2006 consid. 3).

Le dies a quo du délai pour déposer la requête motivée de restitution est celui où cesse l'empêchement et non celui où l'intéressé reçoit la décision d'irrecevabilité de l'acte de procédure accompli après l'expiration du délai initial. Celui qui devait sauvegarder un délai légal ou imparti par un organe de l'exécution forcée ou un juge dans l'exécution des tâches que leur attribue la loi et qui a été empêché de l'accomplir, ne doit donc pas attendre que cet acte ait été déclaré irrecevable pour demander la restitution du délai qui n'a pas été observé; au contraire, il doit, dans le délai qui court dès la cessation de l'empêchement, demander la restitution du délai qui n'a pas été observé et, simultanément, accomplir l'acte de procédure omis (arrêt du Tribunal fédéral précité 5A_972/2018 consid. 5.1).

3.2 Dans le cas d'espèce, l'empêchement invoqué par le plaignant consiste dans l'impossibilité alléguée de revenir en Suisse avant le 3 août 2021 en raison de la maladie dont souffrait sa mère puis, après le décès de celle-ci, du fait des restrictions de déplacement imposées pour lutter contre l'épidémie de COVID-19. Il en résulte qu'il disposait à compter de cette date d'un délai de vingt jours – identique à celui qui lui avait été octroyé pour former opposition – pour requérir auprès de la Chambre de céans la restitution de ce délai. Or ce n'est que le 27 octobre 2021 que le plaignant a adressé une telle demande à l'Office, lequel n'était au demeurant pas compétent pour en connaître.

Manifestement tardive, la requête de restitution de délai doit ainsi être déclarée irrecevable.

3.3 A supposer qu'elle eût été recevable, la requête de restitution de délai aurait dû être rejetée, faute d'empêchement non fautif. On ne discerne en effet pas en quoi le séjour en Angleterre du plaignant l'aurait empêché de former opposition en temps utile aux commandements de payer notifiés le 21 avril 2021, que ce soit directement auprès de l'Office, avec lequel il était en contact régulier, ou en mandatant à cet effet un représentant en Suisse. Force est du reste de constater que les oppositions formées (tardivement) le 29 juin 2021 par le plaignant l'ont été sous la forme d'un courriel rédigé en anglais et expédié à l'Office depuis son lieu de résidence en Angleterre. Le plaignant n'explique pas en quoi le même courriel n'aurait pas pu être adressé à l'Office entre le 21 avril et le 11 mai 2021, soit en temps utile.

4. La procédure est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable les plaintes formées le 1er novembre 2021 par A______ contre les décisions rendues les 18 et 19 octobre 2021 par l'Office cantonal des poursuites dans les poursuites n° 3______ et 4______.

Déclare irrecevables les requêtes de restitution des délais pour former opposition dans lesdites poursuites formées les 27 octobre 2021 auprès de l'Office cantonal des poursuites et 1er novembre 2021 auprès de la Chambre de surveillance.

Au fond :

Rejette les plaintes.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Luca MINOTTI et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.