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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1956/2022

JTAPI/651/2022 du 17.06.2022 ( MC ) , CONFIRME

recours terminé sans jugement

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.80.al6
Rectification d'erreur matérielle : Ajout de Me Renuka CAVADINI sur la 1ère page
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1956/2022 MC

JTAPI/651/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 juin 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Sophie BOBILLIER et Me Renuka CAVADINI, avocates

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1968, originaire du Bangladesh, alors en possession d'une carte d'identité et d'un acte de naissance, a déposé une demande d'asile auprès du Centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Bâle, le ______ 2012.

2.             Par décision du 15 octobre 2014, l'office fédéral des migrations devenu depuis le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté la demande d'asile, prononcé son renvoi de Suisse et ordonné l'exécution de cette mesure.

L'exécution du renvoi a été confiée au canton de Genève.

3.             Par arrêt du 30 septembre 2015, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours interjeté par l’intéressé, le 3 novembre 2014, contre la décision du SEM du 15 octobre 2014, lequel lui a imparti un nouveau délai au 20 novembre 2015 pour quitter le territoire helvétique.

4.             Par courrier du 29 octobre 2015, l'intéressé a été invité à se présenter au Service asile et départ de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) le jeudi 12 novembre 2015.

5.             Entendu par l’OCPM le 17 novembre 2015, M. A______ a pris bonne note qu'il pourrait faire l'objet de mesures de contrainte et de voir son refoulement être mis en œuvre par les services de police.

6.             Entendu à nouveau par l’OCPM le 17 décembre 2015, M. A______ a indiqué que son mandataire allait déposer une demande de réexamen de sa demande d'asile en début janvier 2016 auprès du SEM.

7.             Le même jour, l’OCPM a demandé le soutien du SEM en vue de l'identification de M. A______.

8.             Par courrier du 27 janvier 2016 adressé à l'OCPM, le SEM a suspendu provisoirement l'exécution du renvoi de l'intéressé en raison d'une demande de réexamen introduite par ce dernier le 13 janvier 2016.

9.             Par décision du 9 mars 2016, le SEM a rejeté la demande de reconsidération déposée par l'intéressé et a maintenu l'entrée en force de la décision du 15 octobre 2014, laquelle était également exécutoire.

10.         Par courrier du 14 mars 2016, l'intéressé a été invité à se présenter à l'OCPM le 24 mars 2016 auprès du Service asile et départ.

11.         Entendu dans les locaux de l’OCPM le 24 mars 2016, M. A______ a indiqué vouloir faire recours contre la décision du 9 mars 2016 du SEM, et avoir pris bonne note de la possibilité de faire l'objet de mesures de contrainte et de voir son refoulement être mis en œuvre par les services de police. Un délai au 7 avril 2016 lui a été imparti pour prendre contact avec la Croix-Rouge genevoise pour organiser son départ.

12.         Le 30 mars 2016, l'intéressé a pris contact avec la Croix-Rouge genevoise et un rendez-vous lui a été fixé le 13 avril 2016.

13.         Par décision incidente du 13 avril 2016, le TAF a rejeté la demande d'octroi de l'effet suspensif interjeté dans le cadre d'un recours formé le 7 avril 2016 par l'intéressé, lequel a également indiqué que ce dernier devait immédiatement quitter la Suisse et attendre à l'étranger l'issue de la procédure.

14.         Le 13 avril 2016, M. A______ a indiqué à la Croix-Rouge genevoise être vivement opposé à son retour au Bangladesh craignant pour sa vie.

15.         Par arrêt du 6 octobre 2016, le TAF a rejeté le recours interjeté par l’intéressé le 7 avril 2016 contre la décision du 9 mars 2016 du SEM.

16.         Entendu dans les locaux de l’OCPM le 8 décembre 2016, M. A______ a indiqué vouloir déposer un nouveau recours, ne pas être disposé à se présenter à la Croix-Rouge genevoise afin d'organiser son retour au Bangladesh, y étant en danger, et avoir pris bonne note de la possibilité de faire l'objet de mesures de contrainte et de voir son refoulement être mis en œuvre par les services de police.

17.         Par courriel du 7 avril 2021 adressé à l'OCPM, le SEM a indiqué qu'il avait été informé par l'Ambassade du Bangladesh à Genève que M. A______ avait été identifié et qu'elle était prête à délivrer un laissez-passer en sa faveur.

18.         À nouveau entendu dans les locaux de l’OCPM le 31 mai 2021, l'intéressé a indiqué n'être toujours pas disposé à se présenter à la Croix-Rouge genevoise afin d'organiser son retour au Bangladesh, y étant en danger, et avoir pris bonne note de la possibilité de faire l'objet de mesures de contrainte et de voir son refoulement être mis en œuvre par les services de police.

19.         En date du 19 août 2021, l'OCPM a requis des forces de police de procéder au renvoi de M. A______ à destination du Bangladesh.

20.         Le 10 janvier 2022, les autorités du Bangladesh ont délivré un laissez-passer en faveur de l’intéressé.

21.         M. A______ a été interpellé par les services de police le 11 janvier 2022, une place à bord d'un avion à destination du Bangladesh ayant été réservée à son nom pour le 13 janvier 2022, à 15h55, au départ de Zurich.

22.         Le 11 janvier 2022 à 17h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de huit semaines, sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu’il s'opposait à son renvoi au Bangladesh. Si sa dernière demande était refusée, il accepterait de retourner dans son pays.

23.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

24.         Le 13 janvier 2022, l'intéressé a refusé de monter à bord du vol réservé en sa faveur à destination de son pays d'origine.

25.         Le 14 janvier 2022, après avoir entendu les parties en audience, le tribunal a annulé l'ordre de mise en détention administrative prononcée par le commissaire de police le 11 janvier 2022, ordonné la libération immédiate de M. A______, donné acte à ce dernier de son engagement de fournir à l’OCPM d'ici au 21 janvier 2022 un billet d'avion à destination du Bangladesh valable pour un départ prévu le 28 février 2022 au plus tard, fait obligation à M. A______ de se présenter auprès de l’OCPM une fois par semaine, selon les modalités pratiques qui auront été décidées par celui-ci, et a invité l’OCPM à fixer ces modalités et à les communiquer sans délai à l'intéressé (JTAPI/33/2022).

26.         Le 17 janvier 2022, l'intéressé a déclaré vouloir organiser son départ de manière volontaire à destination du Bangladesh et vouloir se présenter auprès du service d'aide du retour de la Croix-Rouge genevoise afin de bénéficier de leur aide pour l'organisation de son départ. Il a indiqué avoir pris bonne note qu'un délai au 19 janvier 2022 lui avait été imparti pour ce faire et que s'il ne devait pas collaborer il s'exposait à nouveau à un départ sous la contrainte.

27.         Le 18 janvier 2022, il s'est vu notifier une convocation pour le 21 janvier 2022 à 12h30 à se présenter, muni d'un billet d'avion réservé en sa faveur à destination du Bangladesh pour, au plus tard, le 28 février 2022.

28.         Le 21 janvier 2022, l'intéressé s'est présenté dans les locaux de l'OCPM muni d'un billet d'avion réservé en sa faveur pour le 27 février 2022 à 15h00 à destination du Bangladesh.

29.         Le 23 février 2022, les autorités du Bangladesh ont contacté le SEM afin de leur indiquer que M. A______ avait modifié son billet d'avion pour un départ le 31 mars 2022, ce qui était contraire aux engagements pris par devant le tribunal le 14 janvier 2022.

30.         Les 24 et 25 février 2022, l'intéressé s'est engagé auprès du service d'aide au retour de la Croix-Rouge et de l'OCPM à quitter la Suisse quoiqu'il arrive le 31 mars 2022 au plus tard, reconnaissant que ses agissements étaient contraires aux engagements pris par devant le tribunal le 14 janvier 2022. Il attendait que sa famille lui transmette son passeport. Quoi qu’il pouvait arriver il quitterait toutefois la Suisse le 31 mars 2022.

31.         Le 24 février 2022, l'intéressé a déposé une demande de régularisation de sa situation administrative par le biais de la délivrance d'une autorisation de séjour en vertu de l'art. 14 al. 2 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31). Il indiquait notamment être en Suisse depuis 2012 et faire preuve d’une intégration remarquable.

Aucune référence n’était faite à d’éventuels risques pour sa vie en cas de retour au Bangladesh, ni à de nouveaux éléments concernant la situation dans ce pays, notamment pour l’ancien journaliste qu’il est.

32.         Par courrier du 1er mars 2022 à l’OPCM, M. A______ a indiqué qu'il maintenait sa demande d'autorisation de séjour, ceci en dépit de ses engagements pris le 24 février précédent. Il était en possession de documents originaux, à savoir le « legal opinion » du 6 février 2022 établi par un avocat retenant qu’il ne devait pas retourner au Bangladesh pour sa sécurité et l’avis de recherche de la police du 17 août 2021.

33.         Le 8 mars 2022, M. A______ a indiqué au service d'aide au retour de la Croix-Rouge qu'il partirait bien le 31 mars 2022.

34.         Le 9 mars 2022, M. A______ a complété son courrier du 1er mars 2022 en versant une lettre des deux coprésidents du parti socialiste de la Ville de Genève soutenant sa demande de régularisation.

35.         Le 22 mars 2022, l'intéressé a été informé qu'en raison du fait qu'il n'avait pas respecté le délai de départ qui lui avait été fixé et son manque de collaboration avérée quant à l'organisation de son départ, le SEM pourrait prononcer une décision d'interdiction d'entrée en Suisse et au Liechtenstein à son encontre, ce dont il a pris note.

36.         Le même jour, il a déclaré devant l’OCPM ne plus vouloir organiser de manière volontaire son départ dans son pays d'origine, qu'il ne prendrait pas le vol à bord duquel une place lui avait été réservée pour le 31 mars 2022, étant conscient que si une réponse négative à sa demande devait lui parvenir, son départ serait organisé par les services de police et qu'il s'exposerait à de nouvelles mesures de contrainte comme son placement en détention administrative.

Il faisait valoir notamment que les 5 et 15 mars 2022 son épouse l’avait contactée par téléphone pour l’informer que la police s’était présentée à leur domicile pour le rechercher. S’il rentrait dans son pays, c’était la prison qui l’attendait.

37.         Par courrier simple de l'OCPM du 19 avril 2022, M. A______ a été informé qu'après examen approfondi de son dossier, il n'entendait pas faire usage de la possibilité donnée par l'art. 14 al. 2 LAsi de solliciter la régularisation de son séjour auprès du SEM, les éléments constitutifs d'un cas de rigueur au sens de cette disposition n'étant pas réunies. Il restait soumis à la décision de renvoi prononcée à son encontre, n'était pas autorisé à exercer une activité lucrative et était tenu de quitter la Suisse immédiatement. Son attention a été attiré une nouvelle fois sur le fait que des mesures de contrainte pourraient être requises, conformément aux art. 74 et ss LEI en cas de refus de collaborer aux démarches de renvoi.

38.         Par mandat du 12 mai 2022, l’OCPM a chargé les services de police de procéder à l'exécution du renvoi de M. A______, renvoi d'ores et déjà organisé pour le 11 juillet 2022.

39.         Le 14 juin 2022, l'intéressé a été interpellé par les services de police.

40.         Le même jour, à 17h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de huit semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Bengladesh pour des raisons de sécurités car sa vie y était en danger. Il n’était pas en bonne santé et poursuivait actuellement un traitement médical.

41.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.

42.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il ne pouvait pas retourner au Bengladesh, car sa vie y était en danger, et ce depuis longtemps. La police était venue au domicile de sa femme les 5 et 15 mars 2022 : sa femme lui avait alors dit de ne pas revenir au Bengladesh car c'était dangereux. Il n'avait eu connaissance de la décision du 19 avril 2022 de l'OCPM que le 14 juin 2022 lors de sa mise en détention. Il avait été journaliste au Bengladesh de 2000 à 2011, réalisant des reportages sur tous types de crimes. Depuis sa mise en détention administrative, il ne se sentait pas bien, il était même tombé dans les pommes. Il souffrait de diabète, il avait du cholestérol et des problèmes d'hypertension. Il avait également des problèmes de vision. Il avait pu rencontrer un médecin le matin-même. Il souffrait de ces pathologies depuis environ quatre ans et prenait des médicaments. Il habitait au 16, rue de Bâle depuis huit ans. Son nom apparaissait sur la boîte aux lettres ; il y avait également le nom de M. B______, qui était le locataire principal, sur la boîte aux lettres. Il souhaitait rester en vie et pouvoir rester en Suisse.

Les conseils de l’intéressé ont déposé un chargé de pièces complémentaires. Concernant les événements qui s’étaient déroulés au domicile de la femme de leur client en mars 2022, elles se référaient à leur pièce 17. Elles avaient l'intention de demander la reconsidération de la décision de l'OCPM du 19 avril 2022, vu les faits nouveaux. Elles n’avaient pas transmis ces informations complémentaires à l'OCPM lorsque ce dernier était en charge de la demande de régularisation qui avait abouti à la susdite décision.

La représentante du commissaire de police a indiqué que la décision du 19 avril 2022 avait été adressée en courrier B et n'était pas revenue en retour. Il existait des vols spéciaux à destination du Bengladesh mais ignorait la date du dernier vol spécial à destination de ce pays. C’était le SEM qui entreprenait les démarches en vue d'obtenir les laissez-passer : le laissez-passer serait transmis le jour du départ à SwissRepat. Elle a ajouté que M. A______ ne pouvait pas recourir contre la décision du 19 avril 2022, car il n'avait pas la qualité de partie au sens de la LAsi. Elle a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative tant sur le principe que sur la durée.

Les conseils de l’intéressé ont conclu au rejet de la détention administrative et à la mise en liberté immédiate de leur client.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 14 juin 2022 à 11h15.

3.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 § 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

4.             L'art. 76 al. 1 let. b LEI stipule que lorsqu'une décision de renvoi a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entende se soustraire au renvoi, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (ch. 3) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

5.             Selon la jurisprudence, un risque de fuite existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.2 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_743/2009 du 7 décembre 2009 consid. 4), qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine (cf. ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; 130 II 56 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1139/2012 du 21 décembre 2012 consid. 3.2 ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014).

6.             Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera ainsi son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies. Dans ce cas, le juge de la détention dispose d’une certaine marge d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C.400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

7.             Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.2 ; 2C_142/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.2 ; 2C_1017/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4.1.1 ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014). Ne constituent pas des éléments suffisants le seul fait que l'étranger soit entré en Suisse de façon illégale ou le fait qu'il soit démuni de papiers d'identité (cf. ATF 129 I 139 consid. 4.2.1). De même, le fait de ne pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet n'est pas à lui seul suffisant pour admettre un motif de détention au sens de l'art. 76 al. 1 ch. 3 ou 4 LEI, mais peut tout au plus constituer un indice parmi d'autres en vue d'établir un risque de fuite (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2013 du 1er mars consid. 4.2 in fine ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014). En effet, si tel était le cas, il aurait appartenu au législateur d'indiquer expressément à l'art. 76 al. 1 LEI que le non-respect du délai de départ constitue à lui seul un motif justifiant la mise en détention de l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées). Dans la même ligne, le fait de travailler au noir ne constitue pas non plus un indice d'un risque de fuite (ATF 140 II 1 consid. 5.4.2 p. 5). À l'inverse, la circonstance que la personne concernée s'est tenue, assez longtemps et de manière ininterrompue, en un endroit stable à la disposition des autorités plaide en défaveur du risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées).

8.             La détention doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, elle ne peut, en effet, plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; de plus, elle est contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH. Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus. Tel est par exemple le cas d'un détenu présentant des atteintes à sa santé si importantes, que celles-ci rendent impossible son transport pendant une longue période. Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi ou d'expulsion dans chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de l'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas. Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 et 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 7.1 ; cf. aussi not. arrêts 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.2 et les arrêts cités).

9.             En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse, prononcée le 15 octobre 2014. Il n'a pas quitté le pays dans le délai qui lui avait été imparti. Il séjourne à Genève depuis neuf ans, travaille depuis 2014 auprès de C______ et dispose d'un lieu de résidence fixe et stable depuis plusieurs années, dans lequel il est toujours demeuré joignable. Il s’est par ailleurs toujours rendu aux convocations qui lui ont été adressées. Jusqu’à l’audience devant le tribunal du 14 janvier 2022, l’intéressé a toujours indiqué refuser de se soumettre à la décision de renvoi et à quitter la Suisse pour retourner au Bangladesh et a, dès lors, refusé de prendre place dans l’avion le 13 janvier 2022 à bord duquel une place lui avait été réservée.

10.         Lors de son audition par le tribunal du 14 janvier 2022, l’intéressé a déclaré être disposé à quitter la Suisse par ses propres moyens : il s’est ainsi engagé à fournir à l’OPCM d’ici au 22 janvier 2022 un billet d’avion valable en vue de son départ à destination de Dhaka au 28 février 2022. C’est ce qu’il a fait le 21 janvier 2021. Cependant, l’intéressé a modifié unilatéralement la date de son départ pour le reporter au 31 mars 2022, contrairement à ses engagements.

Le 24 février 2022, il a déposé une demande de régularisation de sa situation par le biais de la délivrance d’une autorisation de séjour en vertu de l’art. 14 al. 2 LAsi tout en indiquant, le 25 février 2022 devant l’OCPM, qu’il était d’accord de quitter la Suisse au plus tard le 31 mars 2022. Il a confirmé maintenir sa demande d’autorisation de séjour, en dépit de son engagement de quitter la Suisse, le 1er mars 2022 à l’OCPM et le 9 mars 2022 devant la Croix-Rouge. Le 22 mars suivant, il a déclaré devant l’OCPM ne plus vouloir organiser de manière volontaire son départ dans son pays d'origine et qu'il ne prendrait pas le vol qu'il avait réservé pour le 31 mars 2022, étant conscient que si une réponse négative à sa demande devait lui parvenir, son départ serait organisé par les services de police et qu'il s'exposerait à de nouvelles mesures de contrainte comme son placement en détention administrative. Il faisait valoir notamment que les 5 et 15 mars 2022, son épouse l’avait contacté par téléphone pour l’informer que la police s’était présentée à leur domicile pour le rechercher. S’il rentrait dans son pays, c’était la prison qui l’attendait.

Ces éléments démontrent le comportement pour le moins contradictoire adopté par l’intéressé depuis 2014 et que, depuis en tout cas le 24 février 2022, date du dépôt de la demande de régularisation, l’intéressé, malgré ses déclarations et engagements, n’a pas du tout l’intention de quitter la Suisse et donc de se soumettre à la décision de renvoi.

11.         Il fait valoir dans la présente procédure le risque accru pour sa vie, laquelle serait menacée du fait de son activité lorsqu’il était journaliste au Bangladesh ; or, force est de constater que cet élément a été pris en considération dans le cadre des diverses procédures engagées par l’intéressé depuis son arrivée en Suisse et en premier lieu par le SEM dans sa décision du 15 octobre 2014. L’intéressé précise aujourd’hui que la police serait venue chez sa femme en tout cas les 5 et 15 mars 2022 pour le chercher. Si certes l’intéressé a faire part de cet élément à l’OCPM – sans toutefois apporter d’éléments concrets à ses dires - lors de son audition le 22 mars 2022 dans le cadre du renvoi, il n’en a aucunement fait part dans le cadre de sa demande de régularisation alors qu’elle était toujours en cours, et que si cet élément a effectivement le poids qu’il prétend et change radicalement la situation au point que les autorités devraient l’autoriser à rester en Suisse, c’est en premier lieu dans le cadre de cette procédure qu’il aurait dû le faire valoir. Par ailleurs, il sied de relever que le seul document attestant de ces visites au domicile où réside se femme est une attestation de cette dernière, datée du 16 juin 2022, dont la valeur probante doit être relativisée.

Au vu de ce qui précède, il apparait aujourd’hui que l’intéressé fait l’objet d’une décision de renvoi en force, que sa demande de régularisation du 24 février 2022, au cours de laquelle il avait la possibilité de faire valoir tous les faits nouveaux intervenus depuis la dernière décision en force a été rejetée en ce sens que l’OCPM n’entend pas faire usage de la possibilité qui lui était donnée de solliciter la régularisation de son séjour auprès du SEM, et qu’aucune autre procédure n’est actuellement en cours concernant sa situation en Suisse.

Par ailleurs, son refus clairement affiché pendant des années, puis à nouveau depuis mars 2022 font clairement craindre que s’il était remis en liberté, il se soustrairait à son renvoi qui doit avoir lieu le 11 juillet prochain par un vol avec escorte policière.

Les problèmes médicaux dont il a fait état lors de l’audience de ce jour existent depuis 4 ans et sont connus des autorités, lesquelles les ont pris en considération dans leurs diverses décisions.

Dès lors, la détention est fondée dans son principe et il n’existe aucun motif permettant de retenir que le renvoi s’avérerait impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

12.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

13.         En l’espèce, les autorités ont agi avec diligence et célérité dès lors qu’elles ont réservé une place sur un vol à destination du Bangladesh avec escorte policière pour le 11 juillet 2022 – la première tentative de renvoi de janvier 2022 par vol simple ayant échoué – et que le laissez-passer sera transmis directement à SwissREPAT au moment du départ.

14.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

15.         Pour calculer la durée totale d'une détention ordonnée en vertu du droit des étrangers, il faut, en cas de détentions multiples, additionner les durées de détention d'une seule et même procédure de refoulement. En revanche, si la décision de mise en détention intervient dans le cadre d'une nouvelle procédure indépendante des procédures antérieures, les délais légaux recommencent à courir et une détention est à nouveau admissible pour la durée maximale prévue. Il a notamment été jugé qu'il y avait une nouvelle procédure de refoulement lorsqu'une procédure antérieure s'est achevée par un renvoi ou une expulsion réussie ou par un départ volontaire de l'étranger et que, par la suite, celui-ci revient en Suisse et doit être à nouveau renvoyé ou expulsé (cf. ATF 145 II 313 consid. 3.1.2).

16.         En l’espèce, l’intéressé a subi trois jours de détention en janvier 2022 dans le cadre de sa procédure de renvoi. La présente détention pour une durée de huit semaines parait tout à fait justifiée car elle permet à l’OCPM de tenter de renvoyer l’intéressé par vol du 11 juillet 2022, et, en cas de refus – lequel semble inévitable – d’entamer de nouvelles démarches en vue de la réservation d’une place sur un vol spécial.

17.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de huit semaines.

18.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 14 juin 2022 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de huit semaines, soit jusqu'au 8 août 2022 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière