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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3773/2021

DITAI/277/2022 du 07.06.2022 ( AMENAG ) , REJETE

IRRECEVABLE par ATA/832/2022

Descripteurs : EFFET SUSPENSIF;PESÉE DES INTÉRÊTS;INTÉRÊT PUBLIC;INTÉRÊT PRIVÉ
Normes : LPA.66.al1; LPA.66.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3773/2021 AMENAG

DITAI/277/2022

 

DÉCISION

sur effet suspensif

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 juin 2022

 

dans la cause

A______ SA, représentée par Me Jean-Jacques MARTIN, avocat, avec élection de domicile

contre

DEPARTEMENT DU TERRITOIRE

COMMUNE DE B______, représentée par Me Mattia DEBERTI, avocat, avec élection de domicile

 


 

EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : A______) a pour but la production de sables, le recyclage, le transport et la vente de sables et de graviers ainsi que toutes opérations s'y rattachant. Elle a son siège sur la commune de B______ (ci-après : la commune).

Elle exploite deux gravières et une installation de recyclage de déchets de démolition sise à la route de C______ 1______, sur la commune, parcelles 2______ ainsi que de manière partielle, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______, 9______ et 10______, feuille 11______, anciennement feuille 12______.

2.             Diverses autorisations de construire et d’exploiter (n° 13______ et n°14______) lui ont été délivrées dans ce cadre.

3.             Par lettre du 29 juin 1993, A______ a sollicité la prolongation des autorisations susmentionnées nos 13______ et 14______ de cinq ans, soit jusqu’en 1999, indiquant qu’une demande d'autorisation de construire (enregistrée sous DD 15______), afin de pouvoir conserver l’installation de recyclage et de récupération à long terme, avait été déposée auprès du DALE mais que son instruction pouvait prendre du temps.

4.             Par courrier du 21 juillet 1993, le DETA, par le service cantonal de géologie, a répondu que des nouveaux délais seraient définis, d’entente avec les autorités communales, dès que le DALE aurait statué sur la requête en autorisation de construire (DD 15______), qui faisait l’objet d’une enquête publique en dérogation de destination.

5.             Par lettre du 26 octobre 1995, la commune s’est opposée à la requête en autorisation de construire déposée par A______, les installations de recyclage n’étant pas compatibles avec la zone agricole dans laquelle se trouvaient les parcelles nos 16______, 17______ et 2______.

6.             Par décision du 15 janvier 1996, le DALE a délivré à A______ l’autorisation de construire DD 15______.

Cette autorisation a toutefois, sur recours de la commune et d’associations, été annulée par décision de la commission de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours), devenue depuis lors le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal ou le TAPI) du 3 septembre 1996, décision confirmée par arrêt du 5 août 1997 (ATA/18______) du Tribunal administratif, devenu la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), puis par arrêt du Tribunal fédéral (19______) du 13 février 1998.

7.             Le 4 juin 1998, le DALE a entamé une procédure de modification des limites de zone n° 20______ (création d’une zone industrielle et d’une zone agricole) concernant notamment les parcelles nos 16______, 17______ et 2______, qui seraient situées en zone industrielle et artisanale (ci-après : ZIA).

8.             Dès 1999, de nombreux échanges de correspondance ont eu lieu entre le conseiller d’État en charge du DALE et la commune cette dernière demandant notamment le premier de rendre une décision formelle à l’encontre de A______, l’enjoignant d’avoir une activité conforme à la zone agricole ou de mettre un terme à son activité actuelle illicite, respectivement d’abandonner le projet de déclasser en zone industrielle les parcelles nos 16______, 17______ et 2______, d’exiger de A______ sa mise en conformité par rapport à la zone et de fixer à cette entreprise un ultime délai pour ce faire.

9.             Par lettre du 4 juin 2015, le conseiller d’État en charge du DETA a répondu à la commune qu’il n’était pas en mesure de répondre favorablement à sa demande, au vu de la procédure en cours au DALE.

En substance, l’illégalité des activités de A______ était connue. Dans ce contexte, des démarches allant dans le sens d’une modification de zone des parcelles n° 16______, 17______ et 2______ étaient en cours. Le déclassement dudit périmètre faisait également partie intégrante du PDC 2030. Cela étant, quand bien même les activités de A______ n'étaient aujourd’hui malheureusement pas réglementées de façon satisfaisante, elles étaient nécessaires pour assurer le traitement efficace et écologique de matériaux de démolition et d’excavation générés par les chantiers genevois, pour les recycler et ainsi pallier l’épuisement des ressources en graves naturelles régionales. En effet, les zones industrielles étaient, à ce jour, insuffisantes dans le canton et A______, par sa position, permettait une synergie entre les activités d’exploitation de graves naturelles, les activités de recyclage et celles de mise en décharge. Sur ces bases, il n’était dès lors, à ce jour, pas prévu de suspendre ses activités. À la lumière de ce qui précédait, l’évacuation des installations de traitement des déchets et la remise en état des parcelles concernées ne pouvaient être entreprises. Les charges inhérentes à ces deux aspects devraient être définies dans le cadre de la procédure d’autorisation d’exploiter qui devrait être engagée si la procédure de déclassement aboutissait.

10.         Par acte du 18 juin 2015, la commune a recouru auprès du TAPI contre cette lettre - qui était incontestablement une décision - concluant à son annulation.

11.         Par décision du 26 août 2015, le TAPI a appelé en cause A______.

12.         Par jugement du 26 mai 2016 (JTAPI/21______), le TAPI a déclaré le recours de la commune recevable, l’a admis, a renvoyé le dossier au DETA pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, dont la teneur figurait dans les considérants, et a condamné A______ et le DETA, pris conjointement et solidairement, à verser à la commune une indemnité de CHF 1’500.- à titre de dépens.

Le courrier du DETA remplissait les conditions formelles d’une décision au sens de l’art. 4 LPA.

Au fond, n’étaient autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui étaient destinées durablement à cette activité et aux personnes l’exerçant à titre principal, qui respectaient la nature et le paysage et qui satisfaisaient aux conditions fixées par les art. 34 ss de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1.). Toute exploitation d’une gravière devait être dûment autorisée par le DETA. Ce dernier ne jouissait dès lors d’aucun pouvoir d’appréciation ; il ne pouvait tolérer une exploitation sans délivrer une autorisation en bonne et due forme, après analyse des conditions. Le DETA reconnaissait du reste dans la décision querellée que les activités de A______ « [n’étaient] malheureusement pas réglementées de façon satisfaisante ». L’exploitation actuelle de la gravière était donc illégale et ne saurait dès lors être tolérée plus longtemps. Elle ne pourrait par ailleurs être autorisée aujourd’hui, les parcelles sur lesquelles elle se situait étant sises en zone agricole, raison pour laquelle une procédure en déclassement de zone avait été initiée.

La décision du DETA devait être annulée et le dossier renvoyé à celui-ci pour qu’il rende à l’encontre de A______ une décision de cessation de l’exploitation de la gravière et de remise en état immédiate des parcelles.

13.         Par acte déposé le 20 juin 2016 au greffe de la chambre administrative, A______ a formé recours contre ce jugement, reprenant pour l’essentiel ses arguments de première instance et concluant, « sous suite de frais et dépens », à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour examen des arguments développés par elle dans son mémoire du 16 octobre 2016, subsidiairement, à la forme à l’irrecevabilité du recours de la commune du 18 juin 2015, au fond au rejet dudit recours, préalablement à la suspension de l’instruction de la cause jusqu’à décision finale sur le PL 22______.

Son droit d’être entendu et celui à ce que sa cause soit examinée au fond par deux juridictions successives avaient été violés par le fait que le TAPI n’avait pas examiné la grande majorité de ses arguments.

14.         Par acte déposé le 29 juin 2016, le DETA a également interjeté recours contre le jugement susmentionné, reprenant pour l’essentiel ses arguments de première instance et concluant à ce que la chambre administrative annule celui-ci et, principalement, déclare irrecevable le recours de la commune contre son courrier du 4 juin 2015 et la déboute de toutes autres ou contraires conclusions, subsidiairement, rejette le recours, plus subsidiairement suspende la procédure jusqu’à l’issue de la procédure de modification de zone des parcelles nos 16______, 17______ et 2______.

Le TAPI avait violé son droit d’être entendu en ne prenant pas position dans son jugement sur le fait primordial qu’une procédure de modification de zone était en cours au DALE, dont l’issue définirait la suite que le DETA donnerait à cette affaire. Il avait en outre considéré à tort qu’il avait outrepassé son pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’application des art. 34 ss OAT. Le jugement querellé, en disposant que le DETA devait rendre à l’encontre de A______ une décision de cessation de l’exploitation de la gravière et de remise en état immédiate des parcelles en faisant fi du principe de coordination des procédures, violait le principe de proportionnalité.

15.         Le 21 septembre 2016, le Conseil d'Etat a saisi le Grand Conseil d'un projet de loi PL 11976 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune par la création d'une zone industrielle et artisanale affectée à des activités de recyclage de matériaux minéraux au lieu-dit "D______" sur les parcelles n° 16______, 17______ et 2______ anciennement feuille 12______ du registre foncier de B ______. Ainsi, ce projet de loi devait rendre l'activité de A______ conforme à la zone où elle était située.

16.         En vertu du règlement du Conseil d’État sur l’organisation de l’administration cantonale du 1er juin 2018 (ROAC - B 4 05.10), entré en vigueur le même jour, le département du territoire (ci-après : DT) comprend désormais la direction générale de l’environnement, dont fait entre autres partie le service de géologie, sols et déchets (GESDEC).

17.         Par courrier du 11 juin 2018, la commune, se référant à ce pli, a demandé que la chambre administrative rejette la demande de suspension des parties recourantes, le dossier n’ayant pas avancé devant le Grand Conseil et le processus législatif prenant une durée incompatible avec une bonne administration de la justice.

18.         Par arrêt du 26 juin 2018 (ATA/23______), la chambre administrative a admis les recours de A______ SA et du DETA devenu depuis le 1er juin 2018 le DT et rétabli la décision de ce dernier.

La lettre du DETA du 4 juin 2015 devait être qualifiée de décision et la commune avait un intérêt pour recourir contre celle-ci.

Au fond, la commune ne pouvait déduire directement de l’arrêt du Tribunal fédéral du 13 février 1998 une obligation de la recourante de cesser immédiatement l’exploitation de la gravière, quand bien même cette exploitation n’était pas conforme à l’affectation actuelle de la zone. Au demeurant, l’arrêt du Tribunal administratif du 5 août 1997 n’excluait pas la possibilité pour les autorités cantonales d’élaborer une modification du plan d’affectation permettant l’exploitation de la gravière litigieuse. Cela étant, l’exploitation de la gravière litigieuse ne reposait depuis plus de dix ans que sur une autorisation du 15 décembre 1983 censée être valable jusqu’en 1994 ainsi que sur un courrier du service cantonal de géologie – et donc du DETA – du 21 juillet 1993 prévoyant le prononcé d’une décision ultérieure lorsque le DALE aurait statué sur la requête en autorisation de construire DD 15______, alors que la société exploitante avait sollicité le 29 juin 1993 la prolongation des autorisations d’exploitation (nos 13______ et 14______) jusqu’en 1999. Or, malgré le refus de la requête DD 15______ consacré par l’arrêt du Tribunal fédéral du 13 février 1998, le DETA n’avait pas renouvelé ou étendu l’autorisation d’exploitation, mais avait de manière constante refusé de prendre des mesures administratives (art. 23 LGEA) à l’encontre de la société exploitante. Comme retenu à juste titre par le TAPI, la gravière n’était ainsi actuellement pas exploitée sur la base d’une autorisation, mais d’une simple tolérance de la part du DETA. Toutefois, c’était à tort que le TAPI en avait tiré la conclusion que la cessation de l’exploitation de la gravière et la remise en état des parcelles s’imposaient automatiquement, sans examen des conditions requises pour la mise en conformité au sens des art. 23 ss LGEA. Il convenait dès lors d’examiner, dans ce cadre, en particulier si l’intérêt de la commune à la cessation de l’exploitation litigieuse sur son territoire primait ou non l’intérêt privé de la recourante à continuer cette exploitation, de même que l’intérêt public invoqué par le département recourant au maintien de l’existence de celle-ci. A cet égard, tenant compte du fait que le maintien de l’exploitation litigieuse était projeté par la fiche D06 (« Gérer et valoriser les déchets ») du PDC 2030 (« Mise en conformité d’une installation de traitement et recyclage de déchets minéraux de chantier [commune de B______] ») et figurait sur la carte annexe n° 11 (« Gestion des ressources, des déchets et des eaux usées »), que la modification de zones n° 22______ (D______) faisait partie des planifications qui pourraient être mises en vigueur d’ici à la prochaine adaptation du PDC 2030, du projet de loi PL 24______ et de l’intérêt public au maintien de l’exploitation litigieuse, il fallait considérer que, dans ces circonstances exceptionnelles et quand bien même on pouvait regretter l’écoulement du temps et les ajournements des autorités cantonales concernant le déclassement des parcelles en cause, l’intérêt public invoqué par la commune au rétablissement d’une situation conforme au droit devait céder le pas devant l’intérêt privé de la recourante au maintien de l’exploitation litigieuse ainsi que, surtout, l’intérêt public que le projet de loi PL 24______ puisse être mené à terme. La chambre administrative relevait encore que l’allégation de la commune selon laquelle l’entreprise exploitante aurait refusé de déménager sur un terrain à E______ était contredite en particulier par l’historique du dossier contenu dans l’exposé des motifs dudit projet de loi (PL 24______), à teneur duquel, en 2008, des contacts avaient été pris avec la F______ afin de déplacer A______ au E______ et il était alors apparu qu’aucun emplacement n’était disponible pour cette entreprise. Enfin, il ne ressortait pas de la consultation du SITG que des habitations seraient situées à proximité immédiate de la gravière. La commune ne faisait pas valoir des préjudices imminents contre ses habitants ou contre ses propres installations qui justifieraient la cessation de l’exploitation litigieuse et la remise en état immédiate des parcelles en cause, le fait qu’elle serait propriétaire de parcelles à proximité n’étant à cet égard pas suffisant. Les mesures ordonnées par le TAPI, disproportionnées, devaient donc être annulées, sans qu’il soit utile d’examiner les autres griefs des recourants. Cette issue ne saurait être comprise comme permettant l’exploitation litigieuse sans modification des limites de zone, pour une durée illimitée. Elle pourrait le cas échéant être différente si la procédure de modification des limites de zones n’aboutissait pas, dans un délai raisonnable.

Cet arrêt a fait l'objet d'un recours de la commune. La cause 25______ est toujours pendante devant le Tribunal fédéral.

19.         Le 2 novembre 2018, le Grand Conseil a adopté la loi 24______ et a rejeté, dans la mesure de leur recevabilité, les oppositions formées à cette modification des limites de zones.

20.         Lors des votations du 29 novembre 2020, faisant suite au référendum s'opposant à la loi PL 24______ modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune par la création d'une zone industrielle et artisanale affectée à des activités de recyclage de matériaux minéraux au lieu-dit "D______" sur les parcelles n° 16______, 17______ et 2______, les genevois ont refusé de déclasser ces terrains agricoles en zone industrielle et artisanale.

21.         Suite à cette votation, une première réunion entre la F______ de Genève et A______ a eu lieu le 23 février 2021, dans le but de trouver une solution de relocalisation de cette dernière.

22.         Par courrier du 6 mai 2021, le service de l'environnement et des risques majeurs (OCEV) rattaché à l'office cantonal de l'environnement du DT a informé A______ qu'il entendait rendre une décision de cessation des activités et de remise en état des terrains pour un retour à l'agriculture au 31 décembre 2023. À cet effet une séance a été prévue le 17 mai 2021.

23.         Lors de cette séance, les modalités et le planning de la cessation des activités de recyclage, de l'évacuation des stocks, du démantèlement des installations et de la remise en état des terrains pour un retour à l'agriculture ont été discutés avec les représentants de A______, leur précisant qu'un courrier leur serait notifié afin qu'ils puissent faire valoir leur position.

24.         Par courrier du 27 mai 2021 1'OCEV a ainsi invité A______ à faire valoir formellement son droit d'être entendu par écrit d'ici au 30 juin 2021, délai prolongé, au 10 juillet 2021, à la demande de l'intéressée.

25.         Par courrier du 9 juillet 2021, A______ a notamment relevé que le courrier du 21 juillet 1993 était une décision partielle admettant sur son principe le renouvellement des autorisations demandées, mais remettant à plus tard le prononcé d'une décision finale statuant sur les délais y afférents. Cette décision de prolongation de l'autorisation d'exploiter n'ayant pas été révoquée, le DT ne pouvait demander la cessation des activités

Divers intérêts s'opposaient en tout état à la révocation de la décision soit, l'intérêt public à la sécurité du droit et du principe de la confiance, un intérêt public important lié au traitement des déchets de chantier du canton de Genève - reconnu par le PDC, les autorités législatives et la chambre administrative dans son arrêt du 26 juin 2018 - ainsi qu'un intérêt privé à la continuation de l'activité, compte tenu des investissements effectués sur le site à la demande des autorités et des emplois en cours.

L'ordre de remise en état devait quant à lui respecter le principe de la proportionnalité et ne pas violer la protection de la bonne foi, étant rappelé que les autorités avaient autorisé son activité pendant 35 ans, l'y avaient encouragée tant le besoin était important et avaient exigé que l'activité soit compatible avec les normes de protection de l'environnement, provoquant d'important investissements. La question se posait de savoir si l'attitude des autorités n'avait pas créé des obligations de l'Etat et des droits chez elle. La mesure devait pour le surplus être apte, nécessaire et raisonnable au vu de l'intérêt public poursuivi. Or, dans le cas présent l'intérêt public à la sécurité du droit et le principe de la confiance s'opposaient à la remise en état, du fait de l'écoulement du temps, de l'inaction et des refus répétés des autorités cantonales d'ordonner la remise en état et de l'existence d'une autorisation formellement valide qui avaient légitimement fait naître chez elle une confiance dans la légalité de ses activités ou du moins dans la pérennité de sa situation. De plus, l'arrêt des activités de recyclage, lesquelles revêtaient un intérêt public important, mettrait en difficulté la gestion cantonale des déchets. S'ajoutait encore son intérêt privé à continuer d'exercer ses activités.

La fixation du délai pour la remise en état devait également respecter le principe de la proportionnalité. L'Etat de Genève avait un intérêt à bénéficier du temps nécessaire pour adapter sa stratégie de gestion de déchets de chantier et elle à minimiser les conséquences économiques liées à l'arrêt de son activité. Aucun intérêt public évident ne plaidait en faveur d'une remise en état immédiate dans la mesure où la situation existait depuis longtemps, sinon le souci de respecter la volonté populaire.

Sa bonne foi devait enfin être protégée du fait que depuis l'arrêt du Tribunal fédéral de 1998, le canton de Genève avait toujours indiqué qu'il entendait régulariser ses activités de recyclage en privilégiant à cet égard la voie de la planification et en refusant de rendre une décision de rétablissement de l'état conforme au droit. Les autorités compétentes lui avaient ainsi donné l'assurance qu'elle pourrait continuer à exercer son activité à long terme, dès lors qu'elles n'ordonneraient pas le remise en état des lieux. Les assurances données apparaissaient dignes de foi et émanaient des autorités compétentes. Sa confiance avait été renforcée par le comportement de l'autorité, qui avait entamé une procédure de planification et avait refusé d'ordonner la remise en état des parcelles pendant plus de vingt ans. Elle avait pris des mesures préjudiciables à ses intérêts sur la base de ces assurances et procédé à des investissements importants. Les promesses de l'Etat et l'assurance d'une pérennité de son activité reconnue d'intérêt publique créaient dès lors pour ce dernier une obligation de rechercher avec elle une solution qui permettrait la continuation de l'activité, si nécessaire sur un autre site. Tant que cette solution ne serait pas trouvée, l'Etat ne pouvait pas exiger le départ de ses installations, départ qui équivaudrait à l'extinction de l'entreprise et au chômage de 45 personnes.

L'attitude des autorités et la relation l'unissant à ces dernières pouvaient être assimilée à un contrat de planification conclu tacitement ou par actes concluants, lequel impliquait des obligations réciproques ouvrant la voie à une indemnisation par le mécanisme de la responsabilité contractuelle. Un droit à l'indemnisation existait en lien avec la révocation de la décision du 21 juillet 1993, puis en raison de la jurisprudence du Tribunal fédéral considérant que la prescription ne s'appliquait pas aux ordres de rétablissement de l'état conforme au droit lorsque les constructions ou installations étaient situées hors zone à bâtir. Le principe de la confiance commandait de tenir compte des investissements effectués de bonne foi et devenus inutiles. Le principe de la bonne foi et du droit au respect des promesses conduisait à requérir une indemnisation à charge de la collectivité publique. Un droit à une indemnisation pouvait également se fondait sur la responsabilité de l'Etat pour acte illicite, en raison de son inaction en matière de planification.

L'Etat de Genève devait enfin trouver une parcelle de remplacement conforme à l'activité de recyclage et d'une taille équivalente. Dans l'intervalle, aucune mesure de remise en état ne devait être prononcée. Subsidiairement, un délai de 10 ans devait lui être octroyé pour mettre fin à son activité sur le site du "D______" et remettre les parcelles conformes à l'agriculture, son droit à une indemnisation restant réservé.

26.         Par décision du 1er octobre 2021, l'OCEV a :

"1. Ordonne la cessation des activités de A______ sur les terrains indiqués par la carte géographique annexée à la présente décision, selon le planning suivant :

a.       31 décembre 2021 : interdiction de reprise de nouveaux déchets ;

b.      31 décembre 2022 : fin du traitement des matériaux bruts présents sur site ;

c.       31 juillet 2023 : fin de l'évacuation des matériaux recyclés présents sur site et du démantèlement des installations ;

d.      31 décembre 2023 fin de la phase de reconstitution des sols conformément à la carte géographique annexée à la présente décision ;

e.       31 décembre 2026 : fin de la phase de la phase transitoire de remise en culture et restitution des terrains à l'agriculture.

2. Indique que la reconstitution des sols et la remise transitoire en culture doivent être réalisés selon les dispositions de la "Directive ASGB pour la remise en état des sites Directive pour une manipulation appropriée des sols" (2021) de l'Association Suisse de l'industrie des Graviers et du Béton.

3. Précise que la reconstitution de sols agricoles doit mesurer au minimum 110 cm d'épaisseurs après tassement naturel, pour respecter les exigences posées à un sol à vocation agricole et des surfaces d'assolement. Les caractéristiques de la reconstitution doivent être attestées

4. Dit que les travaux de remise en état doivent faire l'objet d'un suivi pédologique par un spécialiste de la protection des sols reconnu par le canton.

5. Demande la transmission des documents suivants :

a.       Programme des travaux intégrant les éléments usuels de la protection des sols selon le document "Protection dës sols sur les chantiers : Contenu minimal d'un concept de gestions des sols", pour le 31 décembre 2022 ;

b.      Un procès-verbal de reconstruction du sol ainsi qu'un rapport d'étude pédologique sera remis suite à la remise en état des sols pour le 31 décembre 2023 ;

c.       Un procès-verbal de restitution finale du sol après la phase transitoire de remise en culture ainsi qu'un rapport d'étude pédologique lors de la fin de la phase de remise en culture transitoire à savoir le 31 décembre 2026.

6. Constate qu'aucune indemnité n'est due par l'Etat à A______ SA".

27.         Par acte du 2 novembre 2021, agissant sous la plume de son conseil, A______ a recouru auprès du tribunal de céans contre cette décision, concluant à son annulation, à ce qu'il soit dit que l'Etat de Genève avait l'obligation de trouver une parcelle de remplacement conforme à son activité de recyclage et d'une taille équivalente et qu'en attente de cette solution aucune mesure de remise en état ne pouvait être prise à son encontre. Subsidiairement, un délai de 10 ans devait lui être accordé pour mettre fin à son activité sur le site du « D______ » et remettre les parcelles conformes à l'agriculture.

28.         Ce recours a fait l'objet de deux publications par le tribunal dans la Feuille d'avis officielle (FAO) les ______ et ______ novembre 2021.

29.         Dans ses observations du 10 janvier 2022, l'OCEV a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision, sous suite de frais et dépens. Préalablement, il a requis du tribunal l'appel en cause de la commune.

30.         Par courrier du même jour, la commune a, sous la plume de son conseil, sollicité son intervention dans la procédure A/3773/2021, en application de l'art. 36 al. 2 LGEA. Elle disposait incontestablement de la qualité pour demander à être appelée en cause (art. 71 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ; LPA-GE - E 5 10) dès lors que la cessation des activités déployées par la recourante était l'issue d'une longue procédure judiciaire initiée précisément par elle-même pour protéger ses citoyens.

31.         Le 12 janvier 2022, le tribunal a invité la recourante à se prononcer sur la requête de la commune.

32.         Par courrier du 20 janvier 2022, A______ a indiqué au tribunal s'en rapporter à justice.

33.         Par décision du 25 janvier 2022 (DITAI/26______), le tribunal a admis la demande d’intervention de la commune. A l'entrée en force de la décision, cette dernière serait autorisée à accéder au dossier et un délai lui serait imparti pour se déterminer sur le fond du litige.

34.         A______ a répliqué le 3 février 2022, persistant dans les conclusions de son recours.

35.         Dans ses observations du 4 mars 2022, la commune a conclu, principalement, au rejet du recours sous suite de frais et dépens et, préalablement, au retrait de l'effet suspensif au recours.

Il pouvait être constaté d'emblée que le recours était voué à l'échec. Ce dernier était en effet entièrement fondé sur l'existence d'une prétendue autorisation délivrée par le service cantonal de géologie le 21 juillet 1993 permettant à la recourante de maintenir ses activités de recyclage des déchets sine die. Or, tant le tribunal de céans que la chambre administrative, qui s'étaient déjà saisis de la question dans une précédente procédure, avaient relevé qu'il s'agissait d'un simple courrier et non d'une décision, si bien que les seules autorisations dont pouvait se prévaloir la recourante étaient celles qui lui avaient été délivrées les 15 décembre 1983 et 29 juillet 1986, depuis longtemps périmées.

Par ailleurs, les arguments exposés dans son recours étaient rigoureusement identiques à ceux exposés au GESDEC dans son courrier du 9 juillet 2021 et qu'il avait précisément réfutés dans la décision querellée. Ayant renoncé à critiquer l'argumentation du GESDEC, elle démontrait qu'elle n'avait plus d'autres arguments et son recours était dès lors uniquement destiné à lui permettre de gagner du temps en poursuivant ses activités illicites durant la procédure. Le droit de recours était donc totalement perverti puisqu'il ne saurait servir à des fins dilatoires.

L'intérêt public était d'autant plus bafoué par le recours que, dans la votation populaire du 29 novembre 2020, le souverain avait clairement refusé de pérenniser l'exploitation illicite de la recourante. Cette dernière ne saurait par ailleurs faire valoir un intérêt à l'amortissement et la rentabilisation de ses installations puisqu'elles avaient été entretenues, rénovées et agrandies alors qu'elle savait pertinemment qu'elle n'était au bénéfice d'aucune autorisation. Enfin, le Tribunal fédéral avait rappelé à maintes reprises l'importance de l'intérêt public au maintien de l'affectation de la zone agricole, qui s'opposait à la présence de toute construction illégale. Il existait donc un intérêt public majeur à l'exécution de la décision querellée, auquel ne s'opposait aucun intérêt privé digne d'être pris en considération. Ses intérêts et ceux de ses habitants, qui se trouvaient confrontés depuis des décennies aux nuisances découlant de l'exploitation de l'installation de recyclage illicite, étaient par ailleurs gravement lésés. Les nuisances (bruits, poussières) étaient d'autant plus sérieuses que, faute d'exploiter son installation de recyclage en étant au bénéfice d'une d'autorisation, le respect des prescriptions en matière d'immissions ne lui avait pas été imposé. Les deux conditions posées par la loi pour le retrait de l'effet suspensif étaient partant remplies.

36.         Par courrier du 24 mars 2022, le département a indiqué s'en rapporter à justice s'agissant de la demande de levée de l'effet suspensif formulée par la commune.

37.         Par courrier du même jour, A______ s'y est pour sa part opposée, relevant que seules des raisons exceptionnelles, non réalisées en l'espèce, permettaient de déroger au principe posé par l'art. 66 al. 1 LPA que le recours administratif avait un effet suspensif.

Son recours n'avait pas un caractère « purement dilatoire ». Alors même que son activité avait été reconnue d'intérêt public majeur, elle cesserait d'exister d'un jour à l'autre si l'effet suspensif du recours était levé et si elle ne trouvait pas, dans l'intervalle, un site de remplacement.

Des discussions étaient actuellement en cours avec le canton, soit pour lui le GESDEC et la F______, qui s'activaient pour trouver une solution de remplacement pour son activité essentielle de recyclage. Il convenait de ne pas interrompre ce processus en cours par une décision abrupte et inopportune.

Son intérêt privé, étant notamment rappelé que l'entreprise G______ (transport, gravière et recyclage) employait environ 40 personnes et qu'une interruption d'activité dans l'attente de son déménagement n'était pas souhaitable, s'opposait également à la levée de l'effet suspensif.

La chambre administrative, dans son arrêt du 18 juin 2018, avait enfin retenu que la commune ne faisait pas valoir des préjudices imminents contre ses habitants ou contre ses propres installations qui justifieraient la cessation de l'exploitation litigieuse et la remise en état immédiate des parcelles en cause, le fait qu'elle serait propriétaire de parcelles à proximité n'étant à cet égard pas suffisant. Or, la commune ne faisait valoir, dans son mémoire du 4 mars 2022, aucun élément nouveau par rapport à cette appréciation.

38.         Par courrier du 8 avril 2022, la recourante a informé le tribunal, pièce à l'appui, que par ordonnance du 6 avril 2022, le Tribunal fédéral avait décidé de suspendre la procédure de recours devant lui (25______ ; cause A/23______) jusqu'à droit jugé dans la présente procédure.

39.         Lors de l'audience du 19 mai 2022 devant le tribunal, Monsieur H______, directeur général de la F______, entendu en qualité de témoin, a déclaré être personnellement en contact avec A______ depuis janvier 2021. Ils avaient eu plusieurs contacts et réunions afin de trouver des terrains pour reloger son activité. À sa connaissance, il y avait déjà eu des contacts par le passé, mais il n’avait trouvé de documents en attestant. Il n’y avait pas de possibilité de relocalisation à la ZI E______, qui était pleine. Les terrains de la F______ étant en général attribués au bénéfice de droits de superficie de plusieurs décennies, il était difficile de proposer rapidement des terrains, pour des urgences. La F______ avait identifié un périmètre qui pourrait permettre le relogement d'une partie de l'activité de A______, à savoir le traitement des déchets qui devait avoir lieu en ZI. Ce périmètre était actuellement à l'étude entre les parties et les différents services de l'État concernés. S'agissant de l'agenda prévisible de la mise à disposition du périmètre, la constitution de droits de superficie se faisait en deux étapes. Il y avait d’abord une promesse entre les parties qui devait être validée par le Conseil de Fondation. En parallèle, le potentiel bénéficiaire du droit de superficie avait la possibilité de développer son projet et de déposer une requête en autorisation de construire. Ensuite, à réception de l'autorisation de construire, le droit de superficie pouvait être finalisé. Dans le cas d'espèce, la promesse pourrait être signée dans quelques mois. À la suite de l'obtention de l'autorisation de construire et du droit de superficie, il fallait également tenir compte du fait qu'il y aurait un chantier de construction afin d'aménager le périmètre lequel impliquerait certaines mesures et prendrait un certain temps. S'agissant du droit de superficie envisagé, il serait d'au minimum trente ans. Dans le cas d'espèce, les discussions étaient toujours en cours à ce sujet. La rente de superficie pour un terrain comme celui envisagé se situait dans une fourchette de CHF 11.- à CHF 50.- le mètre carré par an. En l'espèce, le prix au mètre carré l'an devrait plutôt se situer dans la fourchette basse. Si tout allait bien, une mise en exploitation pourrait être envisagée fin 2024. Il n’avait toutefois aucune certitude à ce sujet.

Les représentants de A______ ont confirmé que cette dernière était partie prenante du projet en cours d'élaboration avec la F______. S’il aboutissait, elle ne s'y opposerait pas. À ce stade, ils maintenaient leur recours et leurs conclusions et s’engageaient à tenir régulièrement le tribunal informé des avancées du projet. Contrairement à la situation prévalant au moment du dépôt du recours, les choses avaient aujourd'hui avancé. A______ était motrice du projet de relocalisation, avec l'ensemble des services concernés du département. S'agissant de la suite de son activité, ils envisageaient de la réduire puis cesser sur le site de B______ selon l'agenda fixé par le GESDEC dans sa décision, dès l'obtention de l'autorisation d'exploiter et la construction des installations sur le nouveau site, après obtention de l'autorisation de construire.

Monsieur I______, administrateur de A______ a expliqué qu’il était dans l'impossibilité de réduire son activité car cela signifierait la fin de son entreprise. Cela n'aurait en outre pas de sens compte tenu de l'objectif final de relocalisation. Le recyclage des déchets actuellement sur la parcelle prendrait encore une année, s’il cessait de recevoir de nouveaux déchets. À ce délai d'une année, il faudrait encore ajouter le délai pour la remise en état du terrain. Les délais retenus par le GESDEC correspondaient à la réalité. L'activité de A______ était étroitement liée à l'activité de transport de l'entreprise G______. Pour ces deux activités, ils avaient une quarantaine d'employés. Le processus en vue de l'obtention des autorisations d'exploiter et de construire était déjà largement engagé. Ils avaient mandaté plusieurs bureaux d'architectes et ingénieurs dans ce sens. À l'obtention de la promesse, ils devraient pouvoir très rapidement déposer leurs requêtes.

Le représentant de la commune a maintenu ses conclusions et sa demande de retrait de l'effet suspensif. Les camions continuant d'affluer sur le site, elle invitait le tribunal à statuer rapidement à ce sujet.

Le représentant du département s’est opposé au retrait de l'effet suspensif à ce stade, souhaitant voir le projet aboutir. Il s’engageait à tenir le tribunal informé de son avancée.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés contre des décisions prises par le département en application de la LGEA et du règlement d’application de la loi sur les gravières et exploitations assimilées du 19 avril 2000 (RGEA – L 3 10.03) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05; art. 35 LGEA et art. 1 RGEA).

2.             La question de la recevabilité du recours sera tranchée ultérieurement.

3.             Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

4.             Selon l'art. 66 al. 3 LPA, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande d'une partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif.

5.             Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles comptent le retrait et la restitution de l'effet suspensif (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 5A_645/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.1 ; 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.2) - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/996/2015 du 24 septembre 2015 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

6.             Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/996/2015 du 24 septembre 2015 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (ATA/996/2015 du 24 septembre 2015 consid. 3 et la référence citée).

7.             Lorsque la levée de l'effet suspensif est sollicitée, l'autorité de recours doit effectuer une pesée des intérêts, soit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution (cf. ATF 129 II 286 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1 ; 8C_218/2013 du 21 mai 2013 ; 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 ; 2D_80/2007 du 14 septembre 2007 ; ATA/528/2020 du 26 mai 2020).

L'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, elle n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession et tenir compte de l'issue probable de la cause si celle-ci est clairement prévisible (arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8.             De façon générale, en matière de constructions, l'octroi ou la restitution de l'effet suspensif est considéré comme de règle, puisqu'à défaut, les travaux prévus - ou autres démolitions et abattages - seraient généralement avancés, voire achevés au moment de la prise de décision par l'autorité judiciaire, et priveraient dans de nombreux cas ladite décision de tout objet, emportant également un préjudice irréparable pour le recourant (ATA/614/2014 du 31 juillet 2014 ; ATA/192/2014 du 31 mars 2014). La préférence est donc normalement donnée au maintien de l'état de faits prévalant avant le litige (ATA/614/2014 du 31 juillet 2014 ; ATA/89/2013 du 19 février 2013 les arrêts cités).

9.             Enfin, il faut tenir compte du fait que les décisions sur effet suspensif ne sont revêtues que d'une autorité de la chose jugée limitée et qu'elles peuvent être facilement modifiées, une partie pouvant en effet demander en tout temps, en cas de changement de circonstances, que l'ordonnance de levée de l'effet suspensif soit modifiée par l'instance de recours (cf. ATF 139 I 189 consid. 3.5 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 3.1 ; 2C_598/2012 du 21 novembre 2012 consid. 2.3 ; cf. aussi ATA/661/2010 du 23 septembre 2010 ; ATA/600/2009 du 18 novembre 2009).

10.         En l'espèce, la commune demande le retrait de l’effet suspensif au recours, faisant valoir que ce dernier est voué à l'échec et qu’il ne sert en réalité qu’à des fins dilatoires. Face à l'intérêt public au maintien de l'affectation de la zone agricole, qui s'opposait à la présence de toute construction illégale en jeu, la recourante ne saurait faire valoir un intérêt à l'amortissement et la rentabilisation de ses installations puisqu'elles avaient été entretenues, rénovées et agrandies alors qu'elle savait pertinemment qu'elle n'était au bénéfice d'aucune autorisation. Ses intérêts et ceux de ses habitants, qui se trouvaient confrontés depuis des décennies aux nuisances découlant de l'exploitation de l'installation de recyclage illicite, étaient par ailleurs gravement lésés. Les nuisances (bruits, poussières) étaient d'autant plus sérieuses que, faute d'exploiter son installation de recyclage en étant au bénéfice d'une d'autorisation, le respect des prescriptions en matière d'immissions ne lui avait pas été imposé.

De son côté, la recourante s’oppose au retrait de l'effet suspensif en invoquant l’intérêt tant public que privé au maintien de son activité, reconnue d’intérêt public majeur, le temps de trouver un site de remplacement, sauf à devoir y mettre fin de façon abrupte et inopportune alors qu’elle emploie environ 40 personnes. Les discussions avec la F______ et le département étaient bien avancée en vue de sa relocalisation sur un site de remplacement et elle était partie prenante à ce projet.

Le département s’oppose également au retrait de l'effet suspensif, au vu du projet en cours, qu’il souhaitait voir aboutir.

Dans le cadre de l'examen prima facie auquel il doit se livrer, le tribunal constate que l’activité de la recourante, reconnue d’importance publique, est tolérée depuis de très nombreuses années. Le processus de mise en conformité de cette activité, parallèlement envisagé, a été définitivement interrompu suite aux votations du 29 novembre 2020, faisant suite au référendum s'opposant à la loi PL 24______ modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune par la création d'une zone industrielle et artisanale affectée à des activités de recyclage de matériaux minéraux au lieu-dit "D______" sur les parcelles n° 16______, 17______ et 2______, les genevois ayant refusé de déclasser ces terrains agricoles en zone industrielle et artisanale. Dès janvier 2021, des contacts et réunions ont dès lors eu lieu entre la recourante et la F______ fin de trouver des terrains pour reloger son activité et il apparait aujourd’hui qu’une solution de relocalisation pourrait être finalisée à relativement court terme, soit fin 2024. La recourante explique que cette relocalisation a pour objectif final la poursuite de ses activités et que leur maintien, dans l’intervalle, est donc nécessaire, sauf à signifier la fin de son entreprise. Elle est d’accord, sur le principe, avec les délais fixés par le GESDEC pour la remise en état. Elle précise enfin que le processus en vue de l'obtention des autorisations d'exploiter et de construire est déjà largement engagé et que, à l'obtention de la promesse, les requêtes pourront être rapidement déposées. La commune ne démontre enfin pas, que ses intérêts ou ceux de ses habitants seraient gravement menacés.

Partant, à ce stade, le tribunal considère, compte tenu du projet de relocalisation en cours et déjà bien avancé, de l’intérêt public et privé à la poursuite de l’activité de la recourante d’ici à son déplacement sur le nouveau site, et de l’absence de préjudices imminents et irrémédiables pour la commune et ses habitants, que l'intérêt de la recourante au maintien de la situation actuelle doit primer sur celui de la commune à voir la décision de l’OCEV du 1er octobre 2021 immédiatement exécutée, et ce jusqu'à ce qu’il ait statué sur le bien-fondé du recours.

La demande de retrait de l'effet suspensif sera dès lors rejetée. A toutes fins utiles, la recourante est invitée à tout mettre en œuvre en vue de finaliser le projet de relocalisation de son activité dans les meilleurs délais.

11.         La suite de la procédure est réservée.

12.         Le sort des frais de l'instance sera tranché avec le fond du litige (art. 87 al. 1 LPA).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

statuant sur demande de retrait de l’effet suspensif

1.             rejette la demande de retrait de l'effet suspensif au recours formée par la commune de B______ ;

2.             réserve la suite et le sort des frais de la cause jusqu’à droit jugé au fond ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. b et 65 LPA, la présente décision est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné de la présente décision et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de cette décision est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier