Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/3328/2021

JTAPI/565/2022 du 25.05.2022 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AMENDE;MANDATAIRE;ARCHITECTE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LCI.7; LCI.137
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3328/2021 LCI

JTAPI/565/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mai 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et B______ SÀRL

 

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, architecte, est le gérant, avec signature individuelle, de la société B______ SÀRL (ci-après : B______ SÀRL), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 12 octobre 2007, qui a pour but des activités et prestations liées à l’exploitation d’un atelier d’études, de conception et de réalisations architecturales, le développement et la réalisation de mobilier et d’objets à fonction multiple et la distribution et la commercialisation de mobilier et d’objets contemporains.

Il figure au tableau des mandataires professionnellement qualifiés (ci-après : MPQ) institué par l’art. 2 de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40).

2.             Le 18 septembre 2018, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a délivré une autorisation de construire DD 1______/1 portant sur la construction de quatre villas contigües HPE et l’abattage d’arbres au chemin des C______, nos 2______ à 3______, sur la commune de D______.

3.             Le 16 novembre 2020, le département a délivré une autorisation complémentaire DD 1______/2 portant sur la création de terrasse sur toitures existantes, l’ajout de velux et diverses adaptations.

4.             Le mandataire pour ces deux autorisations de construire était M. A______, en sa qualité d’architecte MPQ auprès de B______ SÀRL.

5.             Lors d’un constat effectué sur le chantier par un inspecteur de la direction de l’inspectorat de la construction en date du 3 mars 2021, plusieurs éléments contraires au droit ont été constatés, sur lesquels M. A______ a été appelé à se déterminer par courriel du DT du lendemain. Il s’agissait des éléments suivants :

-          les futurs propriétaires des villas étaient présents sur le chantier sans équipement de protection individuelle (EPI) ;

-          un fond dominant créé à l’entrée de la parcelle qui n’était aucunement indiqué sur les plans de l’autorisation de construire ;

-          les garde-corps posés aux étages dans l’ensemble des chambres dont le « contre-cœur » ne semblait pas offrir une surface suffisamment large pour être considérée comme praticable ;

-          L’emménagement prévu de certains propriétaires alors qu’aucune attestation globale de conformité (ci-après : AGC) n’avait été transmise au département et que les lieux étaient encore en chantier, avec tous les dangers inhérents à cette situation, en violation de l’art. 11 du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03) ;

-          les plans visés ne varietur qui n’étaient pas présents sur le chantier.

6.             Par ailleurs, il était demandé à M. A______ de se prononcer sur le respect des conditions qui avaient été rattachées aux autorisations de construire, à savoir :

-          la condition n° 2 du préavis de la commune de D______ du 7 juin 2018 ;

-          les conditions de la direction générale de l’agriculture et de la nature (ci-après : DGAN) selon ses préavis des 15 mai 2018 et 4 novembre 2020.

7.             M. A______ s’est déterminé sur ces points par courriel du 12 mars 2021, dans lequel il indiquait que :

-          la question du fond dominant était entérinée par l’autorisation APA 4______ ;

-          la surface des « contre-cœurs » était de 112 mm, soit une surface considérée comme non praticable, raison pour laquelle le constructeur avait proposé des garde-corps à 75 cm au-dessus de ce « contre-cœur » et atteignant une hauteur totale de 115 cm ;

-          s’agissant de l’emménagement prévu de certains propriétaires, l’entreprise générale E______ SA, dans son courriel du 4 mars 2021 au département, confirmait avoir pris les mesures nécessaires pour écarter tout danger ;

-          les plans visés ne varietur étaient bien sur site, mais à l’intérieur de l’une des villas ;

-          la condition n° 2 du préavis communal avait déjà été respectée ;

-          s’agissant des conditions de la DGAN, toutes les précautions nécessaires pendant le chantier avaient été prises. Concernant la 4ème condition, visant les aménagements extérieurs, elle serait exécutée prochainement ;

-          sur la présence des futurs propriétaires sur le chantier sans EPI, l’entreprise E______ SA informait régulièrement les clients de l’interdiction stricte de se rendre sur site sans la présence du constructeur ;

-          concernant l’occupation des locaux, tous les documents nécessaires étaient en train d’être rassemblés auprès de l’entreprise générale afin de pouvoir déposer l’AGC. Toutefois, un permis provisoire d’occuper, sur la base de l’art. 39 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) était sollicité, car en raison de la pandémie, qui avait perturbé les échéances, certains clients s’étaient retrouvés sans logement.

8.             Par courrier du 11 juin 2021, le département a informé à M. A______ qu’au vu de ses explications, certains points étaient considérés comme clos. Par ailleurs, un délai de dix jours lui était imparti pour fournir la preuve que les garde-corps respectaient l’art. 50 RCI, ainsi qu’une AGC accompagnée des plans conformes à l’exécution. À supposer que les aménagements extérieurs n’aient pas été terminés, une AGC partielle excluant ceux-ci et accompagnée des plans conformes à l’exécution des bâtiments ainsi que la date de fin des travaux devait être transmise au département. Enfin, un délai de dix jours lui était imparti pour faire part de ses éventuelles explications quant à la présence de personnes sans EPI sur le chantier, lors du constat effectué sur place le 3 mars 2021.

9.             Par courrier du 14 juin 2021, M. A______ a indiqué au département ne pas avoir autorisé l’emménagement des locataires, ni reçu les documents de la part de l’entreprise générale certifiant de la bonne exécution de l’autorisation. De ce fait, les documents nécessaires à l’obtention du permis d’habiter ne pouvaient pas être transmis. Il sollicitait un délai supplémentaire de dix jours afin d’obtenir les documents de la part de l’entreprise générale.

10.         Par courrier daté du 16 juillet 2021, envoyé le 19 juillet 2021 et reçu le 30 juillet 2021, M. A______ a fait parvenir au département les documents requis, soit une AGC accompagnée des plans conformes à l’exécution. Il a également joint un courrier de l’entreprise générale daté du 15 juin 2021 attestant de la bonne conformité de l’ouvrage.

11.         Par courrier du 23 juillet 2021, sur la base des explications de M. A______ du 14 juin 2021, le département a ordonné l’interdiction d’utiliser les logements concernés par la DD 1______ avec effet immédiat, cette interdiction ne devant être levée qu’à réception d’une AGC accompagnée des plans conformes à l’exécution. Cette interdiction d’utiliser les logements était également notifiée aux propriétaires. Par ailleurs, toutes mesures et/ou sanctions justifiées par la situation étaient réservées.

Cette décision n'a pas été contestée.

12.         Le 27 août 2021, le département a informé M. A______ de la levée de l’interdiction d’utiliser les logements, notifiée par ordre du 23 juillet 2021. Relevant toutefois que les logements concernés avaient été occupés avant la réception d’une AGC, il lui a infligé une amende administrative de CHF 2'000.-. Le montant de l’amende tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l’infraction commise. À ce titre, il avait notamment pris en considération, comme autre circonstances, son statut de professionnel de l’immobilier.

13.         Par acte du 29 septembre 2021, M. A______ et B______ SÀRL ont saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) d’un recours contre la décision précitée, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

En prononçant cette décision, le département avait abusé de son pouvoir d'appréciation, violé le principe de proportionnalité et celui de la bonne foi.

M. A______ contestait avoir agi de manière fautive, par négligence ou intention. En effet, il avait tout mis en œuvre pour empêcher toutes violations de la loi ou des règlements, voire pour régulariser la situation dont était responsable l'entreprise générale.

14.         En date du 2 décembre 2021, le département a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours et à la condamnation du recourant au dépens de l'instance.

Ses arguments seront examinés dans la partie en droit en tant que de besoin.

15.         En date du 17 janvier 2022, les recourants ont répliqué persistant intégralement dans leurs conclusions.

Dès que M. A______ avait eu connaissance des difficultés relatives au chantier, il avait œuvré à une bonne collaboration entre les divers acteurs en organisant plusieurs réunions visant à trouver des solutions. Malgré le manque de coopération de la part de l'entreprise générale, il avait fait en sorte de rétablir une situation conforme au droit.

Le département s'acharnait à vouloir lui imputer une faute en lui infligeant une amende de CHF 2'000.-. Contrairement à ce qu'avait retenu le DT, il avait œuvré en qualité d'architecte et de responsable du dossier d'autorisation de construire puis, n'avait assuré que la direction architecturale dans le cadre du chantier, étant précisé que son mandat ne comprenait pas la réalisation des travaux, laquelle avait été confiée à E______ SA, en qualité d'entreprise générale.

Alors qu'il s'était efforcé d'assurer un suivi constant et régulier du chantier en sollicitant l'entreprise générale et en dépit du refus catégorique de coopérer de cette dernière, le département semblait lui opposer que ses démarches se seraient avérées insuffisantes. En l'absence de coopération de l'entreprise générale, il avait pris le soin d'adresser une demande de permis d'habiter provisoire et avait requis de l'entreprise générale qu'elle sécurise les espaces extérieurs afin que les futurs habitants dans emménagent en sécurité.

16.         Le 10 février 2022, le département a adressé sa duplique au tribunal.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

4.             En l'espèce, comme relevé plus haut, l'amende contestée a été prononcée à l'encontre de M. A______ en personne. Ainsi, la société n'est pas la destinataire de l'amende et n'a aucun intérêt digne de protection à recourir contre cette sanction puisqu'elle n'est aucunement touchée par celle-ci. La qualité pour recourir lui sera déniée.

Seul M. A______, en personne, a donc la qualité pour recourir, en son nom propre uniquement.

5.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

6.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

7.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

8.             Le litige porte sur le bien-fondé de l'amende administrative infligée par le département au recourant au motif que les logements autorisés par les DD 1______/1/2 ont été occupés avant la réception par le DT d'une AGC.

9.             De façon générale, la police des constructions institue un système d'autorisation dans lequel les architectes mandataires jouent un rôle central. Ainsi prévoit-elle aussi que toute demande d'autorisation doit être établie et signée par une personne inscrite au tableau des MPQ (art. 2 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

10.         Aux termes de l’art. 6 LCI, la direction des travaux dont l’exécution est soumise à autorisation de construire doit être assurée par un mandataire inscrit au tableau des MPQ, dont les capacités professionnelles correspondent à la nature de l’ouvrage. Demeurent réservées les constructions ou installations d’importance secondaire, qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 1). Le mandataire commis à la direction des travaux en répond à l’égard de l’autorité jusqu’à réception de l’avis d’extinction de son mandat (al. 2). À défaut de mandataire annoncé ou en cas de cessation de mandat, le département peut interdire l’ouverture du chantier ou ordonner la suspension des travaux (al. 3).

11.         Les constructions ou installations neuves ou modifiées, destinées notamment à l'habitation ou au travail (let. a), ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié cas échéant le requérant, dans les cas prévus par les art. 2, al. 3, 2e phrase, et 6 (art. 7 al. 1 LCI).

L'attestation certifie que les constructions ou installations sont conformes à l'autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu'aux lois et règlements applicables au moment de l'entrée en force de l'autorisation de construire (art. 7 al. 2 LCI).

Suivant la nature du dossier et si le mandataire ou le requérant l’estime nécessaire, l’un ou l’autre peut joindre à sa propre attestation celles des autres mandataires spécialisés intervenus dans le cadre de la réalisation des travaux et/ou l’attestation du propriétaire selon laquelle il n’a sollicité aucune réalisation contraire à la loi (art. 7 al. 3 LCI).

12.         La LPAI a pour objet de réglementer l’exercice indépendant de la profession d’architecte ou d’ingénieur civil, ou de professions apparentées, sur le territoire du canton de Genève. L’exercice de cette profession est restreint, pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI, aux MPQ reconnus par l’État (art. 1 LPAI).

13.         Le mandataire est tenu de faire définir clairement son mandat. Il s’acquitte avec soin et diligence des tâches que lui confie son mandant dont il sert au mieux les intérêts légitimes tout en s’attachant à développer, dans l’intérêt général, des réalisations de bonne qualité au titre de la sécurité, de la salubrité, de l’esthétique et de l’environnement (art. 6 de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40).

Il résulte de cette dernière disposition que le respect du droit public est l’un des devoirs incombant à l’architecte (Blaise KNAPP, "La profession d’architecte en droit public", in Le droit de l’architecte, 1986, p. 487 ss n. 510 ; cf. ATA/118/2013 du 26 février 2013).

14.         Selon les travaux préparatoires de la LPAI, la ratio legis de celle-ci était d’atteindre, par des restrictions appropriées au libre exercice de cette activité économique, un ou plusieurs buts d’intérêt public prépondérant à l’intérêt privé - opposé - des particuliers. Il peut s’agir d’assurer aux mandants, à l’instar des capacités professionnelles exigées des mandataires dans le domaine médical ou juridique, des prestations d’une certaine qualité nécessitée par la nature ou l’importance des intérêts du mandant. Il peut s’agir aussi de l’intérêt social de la communauté dans son ensemble, aux titres de la sécurité, de la santé, de l’esthétique et de la protection de l’environnement, à ce que les constructions ne comportent pas de risques pour le public, ni ne déparent l’aspect général des lieux. Il peut s’agir notamment de l’intérêt des autorités compétentes à ce que leurs interlocuteurs, lors de la présentation et de l’instruction de dossiers de demandes d’autorisations de construire, respectivement lors de l’exécution des travaux, soient des personnes qualifiées, contribuant ainsi, d’une manière générale, à une meilleure application de la loi (MGC 1982/IV p. 5204 ; cf. not. ATA/161/2014 du 18 mars 2014).

Il s’ensuit que les manquements professionnels de l’architecte concernés par la LPAI peuvent aussi être trouvés dans les relations qu’entretient ce dernier avec les autorités administratives, respectivement dans l’exécution scrupuleuse des injonctions qu’elles formulent et, d’une manière générale, dans le respect des règles juridiques du droit de la construction justifiant l’existence même du tableau des architectes habilités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010 consid. 6 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/161/2014 du 18 mars 2014 ; ATA/118/2013 du 26 février 2013 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4e).

15.         Le DT dresse et tient à jour le tableau des MPQ. Le tableau distingue différentes catégories, dont les architectes. Seules les personnes inscrites sur le tableau sont autorisées à exercer l’une des professions mentionnées pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI. Les constructions et installations d’importance secondaire sont réservées (art. 1 al. 1 à 3 règlement d’application de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 9 novembre 1983 - RPAI - L 5 40.01).

16.         Pour les architectes, la reconnaissance s’étend à la planification et à la direction des travaux de construction de tous ouvrages, à charge pour eux de veiller, au besoin, que les prestations spécifiques de génie civil, de génie électrique, de génie thermique ou relevant d’autres disciplines soient confiées à des spécialistes (art. 3 al. 2 RPAI).

17.         Tout changement dans la personne ou le rôle du mandataire doit être annoncé sans délai et par écrit au département. À défaut, ce changement ne lui est pas opposable (art. 4 RPAI).

18.         Le recourant estime qu'il ne saurait être tenu pour responsable des manquements reprochés. Ce dernier fait en particulier valoir que son mandat ne s'étendait pas à l'exécution des travaux. Il considère en outre que la responsabilité des infractions reprochées incombe exclusivement l'entreprise générale.

19.         En l'espèce, le prononcé de l'amende administrative litigieuse repose exclusivement, sur le fait que les logements concernés par l'autorisation de construire ont été occupés avant la réception d'une AGC par le DT.

Il est par ailleurs constant que seul M. A______ a agi dans le cadre des constructions autorisées en qualité de MPQ aux yeux du département. Il répond donc envers les autorités du manquement reproché consacrant une violation de l'art. 7 LCI précité rappelé ci-dessus, lequel n'est au demeurant pas contesté. C'est dès lors à juste titre que ce manquement a été reproché à M. A______.

20.         Selon l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d'application, ainsi qu'aux ordres du DT (art. 137 al. 1 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive, ainsi que l'établissement, par le MPQ ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI).

21.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7b ; ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018).

22.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité ; ATA/19/2018 précité). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/824/2015 précité consid. 14c et les références citées).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/19/2018 précité).

23.         Dans le cas présent, il résulte des considérations qui précèdent que le manquement reproché est effectivement réalisé, et est passible d'une amende administrative.

Eu égard à sa position de MPQ et à ses connaissances professionnelles, l’architecte ne pouvait ignorer la nature et la portée de son obligation, découlant des règles essentielles visant à assurer la sécurité des occupants des logements construits aux fins de prévenir des risques d'accidents potentiellement graves. Malgré les diverses démarches qu'il a entreprises auprès de l'entreprise générale, lesquelles n'ont apparemment pas été suivies des effets attendus, force est de constater que l’architecte, en sa qualité de MPQ, n'a pas satisfait à ses obligations légales vis-à-vis de l'intimé, et partant a commis une faute qu'il convient de qualifier de gravité moyenne.

Par ailleurs, il n’a pas d’antécédents.

Compte tenu du fait qu'en définitive seule cette infraction a été retenue, le montant de l'amende litigieuse doit être revu à la baisse.

Au vu de l'ensemble des circonstances, la faute du recourant permet de justifier une amende s'élevant à CHF 1'000.- plus conforme au principe de proportionnalité, ce d'autant que celui-ci n'établit pas que son paiement l'exposerait à une situation financière difficile.

Il résulte de ce qui précède que le recours sera partiellement admis. La décision querellée sera annulée dans la mesure où elle inflige une amende de CHF 2'000.- à M. A______ et le montant de cette dernière sera réduit à CHF 1'000.-.

Vu cette issue, un émolument réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants, qui n'obtiennent que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure, les recourants ayant agi en personne (art. 87 al. 2 LPA a contrario).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             admet partiellement le recours, dans la mesure de sa recevabilité, interjeté le 29 septembre 2021 par Monsieur A______ et B______ SÀRL contre la décision du département du territoire du 27 août 2021 ;

2.             réduit le montant de l'amende à CHF 1'000.- ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais de CHF 900.-, et ordonne la restitution en leur faveur du solde de celle-ci, en CHF 400.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Diane SCHASCA et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseures.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier