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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3468/2021

JTAPI/511/2022 du 16.05.2022 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : ADMISSION PROVISOIRE;AUTORISATION DE SÉJOUR;CONDAMNATION;POURSUITE POUR DETTES
Normes : Cst.29; LEI.84.al5; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3468/2021

JTAPI/511/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 mai 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1962 au ______, est ressortissant de l’Angola.

2.             Il est entré en Suisse le 3 mars 1994 et y a déposé une demande d’asile.

3.             Par décision du 29 juin 1994, l’autorité fédérale compétente (actuellement le secrétariat d’Etat aux migrations ; ci-après : SEM) a rejeté cette demande et prononcé son renvoi de Suisse.

Le même jour l’exécution de cette décision a été différée par le prononcé d’une admission provisoire, laquelle a été levée le 6 septembre 1996 suite à une amélioration de la situation politique en Angola.

4.             Le 9 septembre 1997, son admission provisoire a de nouveau été prononcée, en raison de l’admission provisoire formulée par le canton de Genève en faveur de son fils.

5.             Depuis lors, son admission provisoire a été régulièrement renouvelée et il s'est vu octroyer un permis F valable au plus jusqu’au 26 août 2022.

6.             Il s’est marié à Genève le 3 juin 2004 et a divorcé à Genève le 30 janvier 2018 de Madame B______, avec laquelle il a eu cinq enfants.

7.             Entre septembre 1994 et juillet 2012, il a travaillé en Suisse pour différentes entreprises et à différents postes dans le cadre de contrats temporaires, en tant que garçon d’office, aide de cuisine, employé polyvalent, chauffeur-livreur ou encore nettoyeur.

Au cours de cette période il a été salarié lors d'un premier emploi qui s'est achevé le 22 novembre 1995, puis a été employé d'avril 1997 à avril 2000 (C______), d'octobre à décembre 2001 (D______), de décembre 2001 à mai 2002 (E______), d'août 2000 à août 2003 durant des périodes de un à cinq mois (F______), de septembre 2002 à avril 2003 (G______), de février 2004 à juin 2005 (H______), en août 2005 (I______), de juin 2006 à septembre 2008 (J______), de mars 2011 à juillet 2012 (K______) et enfin de mai à octobre 2017 puis de janvier à juin 2018 (L______). Selon attestation établie par l'Hospice général le 12 juillet 2004, le recourant avait envers cette institution, pour lui-même et sa famille, une dette de CHF 67'992.85.- et, selon attestation du 13 novembre 2014, une dette de CHF 74’950.10.-.

8.             Le 3 février 2010, il a été condamné par la Cour correctionnel à une peine privative de liberté de 30 mois, dont 15 mois avec sursis et un délai d’épreuve de 4 ans, pour violation du devoir d’assistance ou d’éducation.

Par ordonnance pénale du 7 août 2012, il a été reconnue coupable d’infractions aux art. 97 al. 1 let. a et 96 ch. 2 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) et condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à CHF 60.- le jour, assortie d’un sursis d’une durée de trois ans, pour avoir utilisé des plaques de contrôle sur un véhicule auquel elles n’étaient pas destinées et avoir conduit un véhicule en sachant qu’il n’était pas couvert par l’assurance responsabilité civile prescrite.

9.             Par jugement du 20 juillet 2016, la Chambre pénale d’appel et de révision a reconnu M. A______ coupable d’infractions aux art. 123, 180, 181 et 177 du code pénal suisse (CP - RS 311.0) à l’encontre de sa femme et condamné ce dernier à une peine privative de liberté de vingt-quatre mois, sous déduction de quatre cent soixante-deux jours de détention avant jugement.

Lors d’un conflit conjugal il avait menacé de mort son épouse à plusieurs reprises, notamment avec un couteau pointé en sa direction ; il l’avait injuriée en la traitant « d’obèse » et « d’illettrée » ; il l’avait contraint à se laver les parties intimes, par la force et par des menaces, pour entretenir des rapports sexuels avec elle ; enfin il l’avait frappée « fort » à plusieurs reprises.

10.         Le 15 juin 2019 il a déposé une demande de prestation AI en raison de ses problèmes de santé chroniques qui existaient depuis 2015.

11.         Selon attestation fiscale établie par l'Hospice général pour l'année 2019, il avait envers cette institution une dette de CHF 34'200.05.-.

12.         Selon attestation de logement établie le 24 avril 2020 par l’Hospice général, le recourant a obtenu depuis le 29 janvier 2020 un logement destiné à l’hébergement des requérants d’asile et personnes admises à titre provisoire.

13.         A teneur d’un extrait du registre des poursuites du 1er juillet 2020, il faisait l’objet d’une dette auprès de l’Hospice général s’élevant à CHF 33’900.05.-, ainsi que d'actes de défaut de biens d’un montant global de CHF 332’214.19.-.

14.         Le 26 août 2020 sous la plume de son conseil, il a sollicité la transformation de son admission provisoire (permis F) en autorisation de séjour (permis B).

15.         Par décision du 10 septembre 2021, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé d’accéder à cette requête de séjour ordinaire du 26 août 2020 et de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM.

Malgré un séjour en Suisse de plus de vingt-six ans, il était pris en charge financièrement par l’Hospice général, sa dette auprès de cette institution s’élevant à CHF 33’900.05.-. De plus, il était connu de l’office des poursuites pour des actes de défaut de bien d’un montant global de CHF 332’214.19.-, ainsi que pour des poursuites. Il avait déposé une demande de prestations AI, pour laquelle il attendait toujours une réponse. Il avait été condamné à deux reprises, dont deux à une peine privative de liberté, soit le 20 juillet 2016, à 24 mois pour lésions corporelles simples, menaces, contrainte et injures envers son conjoint. Il avait déjà été condamné le 3 février 2010 à une peine privative de liberté de 30 mois, dont 15 mois avec sursis et délai d’épreuve de 4 ans, pour violation du devoir d’assistance ou d’éducation, condamnation qui n’apparaissait plus sur son casier judiciaire.

16.         Par acte du 11 octobre 2021, sous la plume de son conseil, Monsieur A______ (ci-après : le recourant) a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur en lieu et place de son admission provisoire.

Il vivait en Suisse depuis plus de vingt-sept ans, soit plus de la durée légale requise de cinq ans et y était bien intégré. Il avait rencontré sa future épouse et mère de ses cinq enfants à Genève, ville dans laquelle ils s’étaient mariés en 2004. Il s’efforçait de subvenir à ses besoins de manière indépendante, tel que l’attestaient ses certificats de travail. Il avait toujours su donner satisfaction à ses différents employeurs. En raison de son mauvais état de santé et de son âge actuel (59 ans), il ne travaillait plus. Il avait déposé le 15 juin 2019 une demande de prestation AI en raison de ses problèmes de santé chroniques. Enfin, en raison de ses nombreuses années à Genève, il maîtrisait parfaitement la langue française, fait pour lequel il demandait à être auditionné par le tribunal.

Son casier judiciaire du 7 juillet 2020 présentait deux condamnations pénales, la première de 2012 et la seconde de 2016. Ses deux condamnations étaient anciennes et pour la seconde, il bénéficiait d’une libération conditionnelle pour bonne conduite. Il n’avait commis aucune infraction depuis 2016.

Suite à une longue période de chômage, il était actuellement au bénéfice de l’aide sociale auprès de l’Hospice général. En raison de son âge avancé et de son état de santé il ne travaillait plus depuis 2012. Suite à sa demande de prestation AI, dont il attendait toujours une décision, il serait en mesure de bénéficier des rentes vieillesses dans le cadre de sa retraite et ne serait plus dépendant de l’aide sociale. Il s’engageait à verser dès l’obtention de ses rentes vieillesses la somme mensuelle de CHF 500.- jusqu’au remboursement intégral de ses dettes non éteintes par effet de l’écoulement du temps. Pour confirmer ses propos, il demandait à être auditionné par le tribunal.

Enfin, il ne pouvait pas envisager sa réintégration dans son Etat de provenance pour plusieurs raisons. Il avait passé la majeure partie de sa vie sur le territoire suisse depuis 1994, il avait eu des problèmes de santé depuis 2015 et atteignait un âge avancé, il avait appris à maîtriser la langue française et ses enfants vivaient tous à Genève.

Au vu de ces éléments, le recourant estimait que l’office avait violé la LEI en lui refusant l’octroi d’une autorisation de séjour, en lieu et place de son autorisation provisoire.

17.         Dans ses observations du 13 décembre 2021, l’office a conclu au rejet du recours, tout en rappelant que le séjour du recourant en Suisse n’était pas remis en cause. Toutefois, il ne remplissait pas les conditions de l’art. 84 al. 5 LEI compte tenu de sa situation financière et des lourdes condamnations pénales prononcées à son encontre, dont la dernière n’était pas si ancienne, puisqu'elle datait de 2016. Pour ce qui était de son engagement à rembourser ses dettes, pour un montant de CHF 330'000.-, en cas d’octroi d’une rente AI ou AVS, il ne s'agissait que de projets, car il attendait toujours une réponse à sa demande et il n’atteindrait l’âge de la retraite qu’en 2027.

18.         Le recourant n'a pas donné suite à l'invitation à répliquer.

EN DROIT

1.      Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.      Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.      Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.      Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.      Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a). Dans son jugement, à l'instar du Tribunal administratif fédéral, il prend en considération l'état de fait existant au moment où il statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2; arrêt C-4317/2014 du 19 novembre 2015 consid. 2).

6.      Le recourant a sollicité son audition, d’une part pour confirmer son engagement à payer la somme mensuelle de CHF 500.- dès l’obtention de ses rentes vieillesses et ce jusqu’au remboursement intégral de ses dettes non éteintes et, d’autre part, pour établir son niveau de français.

7.      Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour le justiciable de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 et 140 I 285 consid. 6.3.1). L’autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

Il ne comprend pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’obtenir l’audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; ATA/311/2015 du 31 mars 2015).

8.      En l’espèce, durant la présente procédure, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer par écrit à deux reprises, dont une fois sous la plume de son conseil, et de produire toutes les pièces qu’il estimait utiles à l’appui de ses allégués. Le fait de confirmer oralement ce à quoi il s'est déjà engagé par écrit au sujet du remboursement de ses dettes ne changerait rien à la façon dont le tribunal serait amené à apprécier la portée de cet engagement. Quant à son niveau de français, il n'a aucun rapport avec les motifs de la décision litigieuse, ni avec les raisons pour lesquelles il y a lieu de la confirmer, selon les développements ci-dessous.

9.      Aux termes de l'art. 84 al. 5 LEI, les demandes d'autorisation de séjour déposées par un étranger admis provisoirement et résidant en Suisse depuis plus de cinq ans sont examinées de manière approfondie en fonction de son niveau d'intégration, de sa situation familiale et de l'exigibilité d'un retour dans son pays de provenance.

L'étranger admis provisoirement qui sollicite une autorisation de séjour en application de l'art. 84 al. 5 LEI n'a toutefois pas droit à la délivrance d'une telle autorisation (cf. ATF 126 II 335 consid. 1c/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_84/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3 ; 2C_360/2019 du 15 avril 2019 consid. 3 ; 2D_25/2017 du 14 juin 2017 consid. 2 ; 2C_276/2017 du 4 avril 2017 consid. 2.1 ; 2D_67/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.2). Cette disposition ne constitue d'ailleurs pas en soi un fondement juridique autorisant l'octroi d'une autorisation de séjour ; celle-ci est, dans un tel cas, délivrée sur la base de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (qui prévoit qu'il est possible de déroger aux conditions d'admission - art. 18 à 29 LEI - afin de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs) et de l'art. 31 al. 1 OASA (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_84/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3 ; 2C_360/2019 du 15 avril 2019 consid. 3 ; 2D_32/2017 du 10 août 2017 consid. 4 ; 2D_25/2017 du 14 juin 2017 consid. 2 ; 2D_67/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.2).

En édictant l'art. 84 al. 5 LEI, le législateur fédéral entendait encourager la régularisation des conditions de séjour des personnes admises provisoirement en Suisse dont le séjour était appelé à se prolonger (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1D_3/2014 du 11 mars 2015 consid. 5.2.4 in fine ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4727/2017 du 15 mars 2019 consid. 5.1 ; F-7823/2016 du 18 juin 2018 consid. 4.1 et les références citées).

Cette disposition présente un caractère exceptionnel et les conditions qu'elles posent doivent être appréciées de manière restrictive (cf. not. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-929/2016 du 6 juin 2017 consid. 5.1). L'autorité cantonale compétente dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans ce cadre (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_276/2017 du 4 avril 2017 consid. 2.1 ; 2D_67/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.2).

10.  L'art. 31 OASA fixe les critères d'appréciation communs à l'examen des demandes d'autorisations de séjour déposées sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, de l'art. 84 al. 5 LEI et de l'art. 14 al. 2 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4727/2017 du 15 mars 2019 consid. 5.2 ; F-7823/2016 du 18 juin 2018 consid. 4.2 ; C-5560/2015 du 6 janvier 2016 consid. 4.2 ; C-1136/2013 du 24 septembre 2013 consid. 4.2 et la référence citée).

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Lors de l'appréciation, il convient de tenir compte notamment :

a. de l'intégration du requérant ;

b. du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant ;

c. de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ;

d. de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation ;

e. de la durée de la présence en Suisse ;

f. de l'état de santé ;

g. de la possibilité de réintégration dans l'État de provenance.

11.  Selon la jurisprudence, il n'y a pas d'intégration réussie, lorsque la personne concernée n'exerce pas d'activité lucrative qui lui permette de couvrir ses besoins et qu'elle dépend des prestations sociales pendant une période relativement longue. Le fait pour une personne de ne pas avoir commis d'infractions pénales et de pourvoir à son revenu sans recourir à l'aide sociale ne permet pas à lui seul de retenir une intégration réussie. Des périodes d'inactivité de durée raisonnable n'impliquent pas forcément une absence d'intégration professionnelle. Il n'est pas non plus indispensable que l'intéressé fasse montre d'une carrière professionnelle exemplaire ou requérant des qualifications spécifiques ; l'intégration réussie n'implique pas nécessairement la réalisation d'une trajectoire professionnelle particulièrement brillante au travers d'une activité exercée sans discontinuité. L'essentiel en la matière est que l'intéressé subvienne à ses besoins, n'émarge pas à l'aide sociale et ne s'endette pas de manière disproportionnée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_276/2021 du 28 juin 2021 consid. 4.2 ; 2C_706/2020 du 14 janvier 2021 consid. 4.3 ; 2C_686/2019 du 3 octobre 2019 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Lorsqu'il s'agit d'examiner l'étendue de l'intégration professionnelle, il y a lieu de se fonder sur la situation effective, à savoir sur la présence ou non de l'intéressé sur le marché du travail. Ainsi, la jurisprudence considère notamment que le point de savoir si un étranger a été durablement empêché de travailler pour des motifs de santé n'entre pas en ligne de compte pour juger de son niveau d'intégration professionnelle à proprement parler, mais peut expliquer qu'il ait émargé à l'aide sociale pendant une période (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_276/2021 du 28 juin 2021 consid. 4.2 ; 2C_706/2020 du 14 janvier 2021 consid. 4.3 et les arrêts cités).

Au titre du respect de l'ordre juridique suisse, il y a notamment lieu de prendre en compte l'observation, par l'intéressé, des décisions des autorités et des obligations de droit public ou des engagements privés, en particulier l'absence de poursuites ou de dette fiscale et le paiement ponctuel des pensions alimentaires (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_810/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.2 ; 2C_300/2013 du 21 juin 2013 consid. 4.2 ; 2C_286/2013 du 21 mai 2013 consid. 2.3 et la jurisprudence citée). L'impact de l'endettement dans l'appréciation de l'intégration d'une personne dépend du montant des dettes, de leurs causes et du point de savoir si elle les a remboursées ou s'y emploie de manière constante et efficace. L'évolution de la situation financière doit ainsi être prise en considération à cet égard (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4963/2018 du 17 juin 2020 consid. 7. 2. 4 et les références citées).

12.  L'art. 84 al. 5 LEI ne mentionne explicitement que trois critères d'examen, à savoir le niveau d'intégration, la situation familiale et l'exigibilité d'un retour dans le pays de provenance. Le Tribunal administratif fédéral a eu l'occasion de se déterminer sur le pouvoir d'examen de l'autorité dans ce contexte et sur le caractère non-limitatif de ces critères (cf. arrêts F-4727/2017 du 15 mars 2019 consid. 5.3 ; F-7823/2016 du 18 juin 2018 consid. 4.3 ; C-5560/2015 du 6 janvier 2016 consid. 4.4 ; C-5769/2009 du 31 janvier 2011 consid. 4.3). Il a retenu que les conditions auxquelles un cas individuel d'une extrême gravité peut être reconnu en faveur d'étrangers admis provisoirement en Suisse ne diffèrent pas fondamentalement des critères retenus pour l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, qui a lui-même repris l'art. 13 let. f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (aOLE - RS 823.21). Tout en s'inscrivant dans le contexte plus général de cette dernière disposition et de la jurisprudence y relative (cf. à ce sujet notamment ATAF 2007/45 consid. 4.2 et la jurisprudence et doctrine citées), elles intégreront néanmoins naturellement la situation particulière inhérente au statut résultant de l'admission provisoire (arrêts F-4727/2017 du 15 mars 2019 consid. 5.3 ; F-7823/2016 du 18 juin 2018 consid. 4.3 ; C-5560/2015 du 6 janvier 2016 consid. 4.4 ; C-1136/2013 du 24 septembre 2013 consid. 4.3).

Dans un cas concret, le Tribunal administratif fédéral a notamment nié un niveau d'intégration suffisant, au sens de l'art. 84 al. 5 LEI, à une personne totalisant près de trente ans de séjour en Suisse, qui avait exercé divers emplois durant les premières années de son séjour sans réussir à acquérir son indépendance financière. Elle avait reçu durant cette période un montant de CHF 45'556.- versé par l’Hospice général. Elle n’avait ensuite exercé aucune activité lucrative pendant six ans, avait bénéficié de l’aide sociale complète durant quatre ans et fait l’objet de poursuites pour un montant de CHF 2'540.-. Le Tribunal administratif fédéral a retenu que cette situation pesait de « manière très défavorable » sur l’appréciation de son intégration professionnelle en Suisse et le fait qu’elle se soit trouvée en incapacité totale de travail et de gain une année plus tard et qu’elle ait ensuite bénéficié d’une rente d’invalidité complète n’y changeait rien (arrêt C-6219/2011 du 4 février 2013 consid. 6.1).

Le niveau d’intégration suffisant a également été nié s’agissant d’une personne qui séjournait en Suisse depuis plus de treize ans, qui avait régulièrement travaillé à temps partiel dans le cadre de contrats temporaires, mais qui avait dépendu de l'aide sociale durant une grande partie de son séjour en Suisse, qui faisait encore l'objet de commandements de payer pour un montant total de plus de CHF 10'600.-, alors même qu’elle était financièrement indépendante depuis quatre ans et avait remboursé une partie de ses dettes (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4888/2014 du 14 décembre 2015 consid. 6).

Dans un autre cas, le Tribunal administratif fédéral a jugé que l’intéressé, incapable de travailler en raison de son état de santé, avait entrepris tout ce qui était en son pouvoir aux fins de faciliter sa réintégration dans le marché de l’emploi et ne pouvait pas être tenu pour responsable de son état de santé, qui ne lui permettait de travailler que dans un contexte adapté ; dans ces conditions, il disposait d’un niveau d’intégration professionnelle suffisant en Suisse pour justifier l’octroi d’une autorisation de séjour (arrêt C-5718/2010 du 27 janvier 2012 consid. 6.1.2).

13.  En l’espèce, le recourant qui séjourne légalement en Suisse depuis vingt-sept ans, remplit à l’évidence le critère de la durée de résidence mentionné à l’art. 84 al. 5 LEI. Il ne peut toutefois tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse pour bénéficier d'une autorisation de séjour en Suisse en application de cette disposition (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-929/2016 du 6 juin 2017 consid. 6.1).

Sous l'angle des critères énoncés plus haut, il faut effectivement convenir, avec l'OCPM, qu’il se trouve dans une situation financière tout à fait précaire, liée à de nombreuses dettes faisant l'objet de poursuites et d'actes de défaut de biens, dettes que le montant de ses revenus ne lui permet visiblement pas de résorber. Globalement, sa situation n'a guère évolué depuis juillet 2018. On peut constater que le montant des poursuites dirigées à son encontre n’a pas diminué et aucune nouvelle pièce n’atteste qu’il aurait à l’heure actuelle remboursé une partie de ses dettes, lesquelles doivent être qualifiées d’importantes.

Dans son recours, le recourant déclare s’engager à verser dès l’obtention de ses rentes vieillesses la somme mensuelle de CHF 500.- jusqu’au remboursement intégral de ses dettes non éteintes par effet de l’écoulement du temps. Le recours ne saurait toutefois être admis sur la seule base d'un tel engagement, lequel, à teneur du dossier, n'a pas encore pu commencer à être concrétisé par le recourant. Le tribunal attirera d'ailleurs l'attention de ce dernier sur le fait qu'une autre appréciation de son intégration ne serait possible qu'au terme d'une certaine durée de remboursement de ses dettes.

Son intégration professionnelle ne s'avère pas non plus suffisante et cela sans qu’il lui soit en aucune façon tenu rigueur du fait qu’il est actuellement empêché de travailler pour des motifs de santé. Le recourant a certes travaillé depuis son arrivé en Suisse et a su donner satisfaction à ses différents employeurs, mais il n'est pas parvenu à s'impliquer durablement sur le marché du travail, ni à acquérir une stabilité professionnelle lui fournissant une véritable indépendance financière. Ses engagements temporaires ont été entrecoupés de périodes de chômage fréquente et de durée relativement longue. Il dépend par ailleurs de l’aide sociale depuis une longue période.

Enfin, il sera relevé que le recourant n’a pas toujours respecté l’ordre juridique suisse, puisqu’il a fait l’objet de plusieurs condamnations, pour violation du devoir d’assistance ou d’éducation en 2010, mais aussi, tel que cela ressort de son casier judiciaire du 7 juillet 2020, pour infraction à la LCR en 2012, puis pour lésions corporelles simples envers sa conjointe, menaces, contrainte et injure en 2016. A cet égard, même si le recourant essaye de minimiser leur importance, en soutenant que ces infractions sont anciennes, que pour celle de 2016 il a bénéficié d’une libération conditionnelle pour bonne conduite et qu’il n’a commis aucune infraction depuis 2016, il n'empêche que ces condamnations doivent être prises en compte dans l’analyse du respect de la sécurité et de l’ordre publics et qu'elles pèsent défavorablement dans l'appréciation de son cas.

14.  Au vu de l’ensemble de ces éléments et de l’examen circonstancié du dossier, il doit être constaté qu'en l’état, et pour les motifs qui précèdent, le recourant n’a pas fait montre d’une bonne intégration en Suisse au sens de l’art. 84 al. 5 LEI et qu’il ne satisfait donc pas aux conditions strictes requises pour la délivrance d’une autorisation de séjour. Par conséquent, l’OCPM n’a pas excédé ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de donner une suite favorable à sa demande de changement de permis F en autorisation de séjour.

Pour le surplus, le tribunal rappelle que le présent jugement ne remet pas en cause la poursuite du séjour du recourant, le SEM n’ayant pas levé son admission provisoire.

15.  Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

16.  En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

17.  En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 octobre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 10 septembre 2021.

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière