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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/405/2022

JTAPI/488/2022 du 11.05.2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;NULLITÉ;OBJET DU LITIGE;PERMIS DE CONSTRUIRE;PROLONGATION
Normes : Cst.29; LCI.4.al7
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/405/2022 LCI

JTAPI/488/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mai 2022

 

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ÉTAT DE GENÈVE

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE


EN FAIT

1.             L'Etat de Genève est propriétaire des parcelles nos 1______ et 2______ de la commune de C______.

2.             Par décision du 6 janvier 2020, publiée le même jour dans la la feuille d'avis officielle (FAO), le département du territoire (ci-après : DT) a autorisé ce dernier - pour lui l'office cantonal des bâtiments - à démolir les constructions se trouvant sur ces parcelles et à y abattre des arbres.

La requête y relative, enregistrée le 11 juillet 2019 sous la référence M 3______, avait été publiée le 19 juillet 2019 dans la FAO.

3.             Non contestée, cette décision est entrée en force.

4.             Le 23 novembre 2021, l'Etat de Genève, indiquant que les travaux faisant l'objet de l'autorisation précitée n'avaient pas encore démarré, a sollicité du DT qu'il prolonge la validité de celle-ci.

5.             Par décision du 4 janvier 2022, publiée dans la FAO le même jour, le DT a prolongé la validité de ladite autorisation jusqu'au 6 janvier 2023.

6.             Par acte du 2 février 2022, Madame A______, propriétaire de la parcelle n° 5 de la commune de D______, voisine de la parcelle no 1______ précitée, et Monsieur B______, propriétaire de la parcelle n° 7 de la commune de D______ (ci-après : les recourants), ont recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision.

A titre principal, ils ont notamment pris les conclusions suivantes : « Refuser d'accorder l'autorisation de démolition et d'abattage d'arbres », « Déclarer la nullité de la demande d'autorisation de démolition et d'abattages d'arbres » et « Mettre les frais de procédure à charge de l'Intimée ». Subsidiairement, leurs conclusions étaient formulées comme suit : « Refuser d'accorder l'autorisation de démolition et d'abattage d'arbres », « Annuler la requête d'autorisation de construire » et « Mettre les frais de procédure à charge de l'intimée ».

Le 10 août 2019, Mme A______ s'était opposé à la requête M 3______. M. B______ en avait fait de même par courrier du 16 août 2019. En outre, ils étaient voisins des parcelles sur lesquelles les travaux de démolition devaient être exécutés. Ils disposaient donc de la qualité pour recourir.

Le « projet de démolition et d'abattages d'arbres » pouvaient leur causer « plusieurs atteintes particulières ». Premièrement, les bâtiments concernés devaient être désamiantés et étaient susceptibles d'occasionner des immissions hautement dangereuses pour leur santé. Deuxièmement, « l'abattage d'arbres systématique et dévastateur qui sévi[ssai]t dans ce quartier [était] sans précédent. Le projet envisagé [était] la touche finale d'une politique aveugle qui ne va faire qu'amplifier les îlots de chaleur innombrables créés depuis une décennie. Il s'agi[ssai]t là d'un inconvénient majeur et il [était] impérieux de l'empêcher. En évitant une possible contamination à une substance hautement cancérigène et un énième massacre de la végétation devant leurs fenêtres, il [allait] sans dire que [ils en retireraient] un avantage si le Tribunal venait à annuler ou modifier la Décision ».

Dite « Décision » violait leur droit d'être entendu, car ils n'avaient pas eu accès au dossier concernant l'autorisation délivrée. A ce sujet, ils ont expliqué que, le 12 janvier 2022, Monsieur E______, « sur mandat de sa mère et de M. B______ », avait pris contact par téléphone avec le DT pour aller consulter le dossier. Ce dernier lui avait envoyé l'avis de prolongation d'autorisation au 6 janvier 2023 et la décision globale d'autorisation de démolir du 6 janvier 2020. Le 14 janvier 2022, M. E______ avait demandé par courriel à pouvoir consulter le dossier dans son ensemble, afin de pouvoir comprendre la situation qui découlait de la requête. Le 17 janvier 2022, il leur avait été répondu que le dossier était introuvable. Le 27 janvier 2022, MM. E______ et B______ avaient tenté une nouvelle fois de savoir si le dossier était à disposition pour consultation. Le 28 janvier 2022, il leur avait été répondu que le dossier était introuvable. Dans ces conditions, ils n'avaient pas pu prendre connaissance des différents préavis et mesurer les conséquences de ceux-ci sur la « Décision ». Ils constataient également que les plans en leur possession liés aux abattages d'arbres n'étaient pas exhaustifs, qu'ils comportaient des erreurs et qu'il n'était pas possible, pour eux, en l'état, de se déterminer de manière adéquate sur la « Décision ». Face à la gravité de la situation, sans qu'un dossier complet ne fût accessible, avec des plans incomplets, sans aucune vision réaliste du projet proposé, ils demandaient que la « Décision », prise en violation de leur droits constitutionnels fondamentaux, soit frappée de nullité. Subsidiairement, si la nullité devait être niée, ils demandaient que la « Décision » soit annulée, que le dossier soit accessible et que les plans soient mis à jour.

Par ailleurs, selon les plans qui avaient été présentés dans la requête, les arbres n'étaient pas répertoriés dans leur totalité. La requête n'était pas complète et des arbres pourraient être abattus sans autorisation, simplement parce qu'ils ne figuraient pas sur les plans. Cette situation violait l'art. 4 al. 4 du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04). Ils demandaient donc que la « Décision » soit « annulée et renvoyée au requérant pour qu'il complète les plans ». Un fois les plans complétés, il serait « alors possible de contrôler s'ils sont désignés dans la directive édictée par le département ».

7.             Dans ses observations du 5 avril 2022, l'Etat de Genève, pour lui l'office cantonal des bâtiments, a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. A titre préalable, il a sollicité le retrait de l'effet suspensif attaché au recours.

8.             Dans ses observations du 5 avril 2022, le DT a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le dossier M 3______, qu'il a produit, contient un courrier qu'il avait adressé le 6 janvier 2020 à Mme A______ - suite aux observations que celle-ci avait formulées par courrier du 10 août 2019 -, par lequel il l'avisait de la délivrance de l'autorisation de démolir en question. Ledit dossier ne contient en revanche pas d'observations formulées par M. B______.

Le dossier produit par le DT contient également la requête de l'Etat de Genève précitée du 23 novembre 2021.

9.             Par courrier du 20 avril 2022, les recourants ont sollicité le rejet de la requête de l'Etat de Genève tendant au retrait de l'effet suspensif au recours.

10.         Par courrier du 14 avril 2022, le DT a indiqué qu'il soutenait ladite requête.

11.         Par réplique du 6 mai 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

Contrairement à ce que prétendaient les parties intimées, leur recours était bien dirigé contre la décision du 4 janvier 2022. Il avait été dicté par la violation de leur droit d'être entendu, « plus particulièrement de l'accès au dossier, dans le cadre de la publication de la Feuille d'Avis Officielle (FAO) du 4 janvier 2022 ». En outre, on pouvait « douter de l'examen du dossier par le département puisqu'il ne disposait pas du dossier, sauf à penser qu'il a[vait] délibérément décidé de ne pas le fournir aux recourants alors qu'il en avait la possession ».

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le DT en application, notamment, de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et de ses règlements d'application (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Compte tenu de ce qui suit, la question de savoir si les recourants - même si l'on peut admettre qu'ils sont voisins des parcelles litigieuses - peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que la décision querellée soit annulée (cf. art. 60 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) pourra demeurer indécise (cf. à ce sujet not. arrêts du Tribunal fédéral 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.2 s. et 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.2 s, portant sur la qualité pour recourir contre une autorisation de démolir).

3.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références). Il inclut notamment le droit, pour le justiciable, de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

4.             La jurisprudence admet qu'une violation du droit d'être entendu en instance inférieure peut être réparée lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 134 I 331 consid. 3.1 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; 130 II 530 consid. 7.3 et les arrêts cités). Une telle réparation dépend de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8). Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C/72/2019 du 13 mai 2019 consid. 3. 1 ; ATA/779/2021 du 27 juillet 2021 consid. 4b ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c et les arrêts cités). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (cf. ATA/779/2021 du 27 juillet 2021 consid. 4b ; ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

5.             En l'occurrence, le grief des recourants tiré de la violation de leur droit d'être entendu, « plus particulièrement de l'accès au dossier, dans le cadre de la publication de la Feuille d'Avis Officielle (FAO) du 4 janvier 2022 », apparaît difficilement compréhensible. Si l'on comprend qu'ils se plaignent du fait qu'ils n'ont pas eu accès au dossier pendant l'écoulement du délai de recours relatif à la décision entreprise, ils se réfèrent en effet exclusivement au dossier de l'autorisation de démolir M 3______. Or, le « dossier » de la cause ne contenait que la demande tendant à la prolongation de cette autorisation, formulée le 23 novembre 2021, étant rappelé, contrairement à ce que semblent faire valoir les recourants, que, saisi de celle-ci, le DT n'avait pas à instruire une nouvelle fois la demande d'autorisation sur laquelle il avait déjà statué le 6 janvier 2020 (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_318/2015 du 7 septembre 2015 consid. 4.2 in fine et infra). La seule question qui se posait à lui était de savoir si la durée de validité de ladite autorisation pouvait ou non être prolongée.

Quoi qu'il en soit, les recourants ont à présent eu accès à l'ensemble du dossier, y compris le dossier M 3______, que le DT a déposé avec ses observations du 5 avril 2022. Une éventuelle violation de leur droit d’être entendu (pendant l'écoulement du délai de recours) ne les a en outre pas empêchés de saisir le tribunal et a pu être intégralement réparée devant celui-ci. Les recourants n'ont donc pas subi de préjudice et le renvoi de la cause à l’autorité constituerait une vaine formalité, les recourants ayant, pour le surplus, eu la possibilité de faire valoir leurs arguments dans leur recours et leur réplique.

Ce grief doit par conséquent être écarté.

6.             Dès qu'elle n'est plus susceptible d'un recours ordinaire - soit que le délai de recours est échu sans avoir été utilisé, soit que l'autorité de dernière instance s'est prononcée définitivement -, une décision bénéficie de la force de chose décidée, l'application du régime qu'elle établit étant - sous réserve des cas de nullité - censée conforme à l'ordre juridique, même si, en réalité, cette décision est viciée (cf. not. ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_20/2020 du 6 avril 2020 consid. 1.1.2 ; 1C_620/2013 du 3 avril 2014 consid. 5.1 ; 9C_333/2007 du 24 juillet 2008 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 866 p. 308).

Selon la jurisprudence, la nullité absolue d'une décision ne frappe que les décisions affectées d'un vice devant non seulement être particulièrement grave, mais aussi être manifeste ou, dans tous les cas, clairement reconnaissable, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Entrent principalement en ligne de compte comme motifs de nullité la violation grossière de règles de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée (fonctionnelle ou matérielle) de l'autorité qui a rendu la décision (ATF 139 II 243 consid. 11.2 ; 138 II 501 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 8C_355/2016 du 22 mars 2017 consid. 5.3 ; 1C_111/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.1). L'illégalité d'une décision (reposant sur des vices de fond) ne constitue en revanche pas, par principe, un motif de nullité ; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (cf. not. ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.2 ; 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1).

La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 4A_142/2016 du 25 novembre 2016 consid. 2.2). Elle peut aussi être constatée en procédure contentieuse (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 137 III 217 consid. 2.4.3 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; 122 I 97 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_998/2014 du 14 avril 2015 consid. 2.1.2), y compris en dépit de l'irrecevabilité éventuelle du recours (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_998/2014 du 14 avril 2015 consid. 2.1.2 ; 7B.20/2005 du 14 septembre 2005 consid. 1.3, non publié in ATF 131 III 652).

7.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a ; ATA/376/2016 du 3 mai 2016 consid. 2b et les références citées).

8.             Selon l'art. 4 al. 5 LCI, une autorisation de construire est caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication dans la FAO.

La caducité est la conséquence de l'absence de travaux dans le délai mentionné à l'art. 4 al. 5 LCI, ce délai étant un délai de péremption (ATA/308/2021 du 9 mars 2021 consid. 4b et les arrêts cités). Le juge doit examiner d'office si ce droit est périmé (cf. ATA/20/2018 du 9 janvier 2018 consid. 3b ; ATA/248/2017 du 28 février 2017 consid. 3 et les arrêts cités).

Lorsqu'une demande est présentée un mois au moins avant l’échéance du délai de deux ans, le DT peut prolonger d’une année la validité de l’autorisation de construire (art. 4 al. 7 LCI). Sous réserve de circonstances exceptionnelles, l'autorisation ne peut être prolongée que deux fois (art. 4 al. 8 LCI).

Le DT a la faculté de ne pas prolonger la validité d'une autorisation de construire pour des motifs objectifs et pertinents. Son pouvoir n'est pas sans limite et si la situation au moment de la demande de prolongation est identique à celle qui a prévalu au moment de la demande initiale, il ne serait pas compris que la première autorisation ne fût pas prolongée (cf. ATA/20/2018 du 9 janvier 2018 consid. 3c et les arrêts cités). A cette occasion, l'autorité n'a aucune obligation de revoir la validité du permis de construire initial (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_318/2015 du 7 septembre 2015 consid. 4.2 in fine).

9.             En l'occurrence, bien que formellement déposé contre la décision que le DT a prise le 4 janvier 2022, qui se limite à prolonger d'une année la validité de l'autorisation de démolir M 3______, force est de constater que, malgré la teneur de la réplique des recourants, le recours est concrètement - et exclusivement - dirigé contre cette dernière, délivrée le 6 janvier 2020 et qui, non contestée en temps utile, est entrée en force ; dans leur acte de recours, les recourants n'ont en effet formulé aucun grief contre cette décision du 4 janvier 2022, s'agissant en particulier de l'application de l'art. 4 al. 5 à 8 LCI. Or, le litige ne peut concerner que cette dernière. Il ne peut entraîner la remise en question l'autorisation M 3______ en tant que telle (cf. ATA/20/2018 du 9 janvier 2018 consid. 2b). La présente procédure ne doit en effet pas être l'occasion, pour les recourants, de se voir restituer les droits de partie auxquels ils sont réputés avoir renoncé en omettant de recourir contre la décision d'octroi de cette autorisation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_156/2016 du 1er novembre 2016 consid. 4.1.1 et l'arrêt cité ; 1C_318/2015 du 7 septembre 2015 consid. 4.2). Dès lors, en tant qu'elles tendent à l'annulation de celle-ci, leurs conclusions ne sont pas recevables.

Pour le surplus, les vices qu'ils invoquent à l'égard de l'autorisation M 3______, qui, pour l'essentiel, relèvent du fond, ne sauraient conduire au constat de la nullité de celle-ci.

Enfin, les recourant ne soutiennent pas que le cadre légal des circonstances locales se serait modifié depuis la délivrance de l'autorisation M 3______. Bien au contraire, ils exposent que, de leur point de vue, cette autorisation n’aurait pas dû être délivrée dès l’origine. Or, il s’agit précisément de griefs qu’ils devaient faire valoir en saisissant l'autorité de recours à l’époque de la délivrance de ladite autorisation, ce qu’ils n’ont pas fait. En dernier lieu, l'on constatera - à toutes fins utiles - qu'en acceptant de prolonger cette autorisation, le DT est resté dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation ; on ne voit pas quel élément lui aurait permis de refuser la prolongation requise, pour le surplus déposée en temps utile (cf., dans le même sens, ATA/20/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4).

Dans ces conditions, le recours, mal fondé, sera rejeté, dans la mesure où il est recevable.

10.         Le prononcé du présent jugement rend sans objet la requête tendant au retrait de l'effet suspensif au recours formulée par l'Etat de Genève.

11.         Vu cette issue, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge de recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; art. 1 s. du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Ces derniers n'ont pas droit à une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA a contrario). Il n'y a pas non plus lieu d'allouer une telle indemnité à l'office cantonal des bâtiments, qui dispose d'un service juridique lui permettant de procéder par lui-même (cf. not. ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 20 ; ATA/167/2020 du 11 février 2020 consid. 5c et la jurisprudence citée ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1'041 p. 272 et les arrêts cités).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

 

1.             rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours formé le 2 février 2022 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du département du territoire du 4 janvier 2022 prolongeant la validité de l'autorisation de démolir M 3______ délivrée le 6 janvier 2020 à l'Etat de Genève ;

2.             met un émolument de CHF 900.- à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, conjointement et solidairement, lequel est couvert par leur avance de frais du même montant ;

3.             dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement peut faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification; l'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant ; il doit être accompagné du jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Yves JOLIAT, président, Damien BLANC et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

 

 

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier