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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2191/2021

JTAPI/487/2022 du 11.05.2022 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI;PROLONGATION DU DÉLAI;AUTORISATION DE SÉJOUR
Normes : LEI.64.al1.letc; LEI.64d.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2191/2021

JTAPI/487/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mai 2022

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______ (ci-après : la recourante), née le ______ 1981, est ressortissante de Singapour.

2.             Elle est arrivée en Suisse le 11 décembre 2013, date à laquelle son mariage avec Monsieur B______, ressortissant belge titulaire d’un permis d’établissement, a été célébré dans le canton.

3.             Suite à cette union, un permis de séjour - valable jusqu’au 10 décembre 2018 - lui a été délivré le 5 juin 2014 par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) au titre du regroupement familial.

4.             Le 13 novembre 2018, elle a sollicité de l’OCPM qu'il procède au renouvellement de ce titre de séjour.

5.             Le 28 février 2019, faisant suite à cette requête, ce dernier lui a imparti un délai de trente jours pour lui fournir des renseignements complémentaires, s’agissant notamment de sa situation conjugale.

6.             Par pli du 14 mars 2019, elle a indiqué à l’OCPM qu'elle était séparée de son époux depuis le 26 juillet 2015 et n'envisageait pas la reprise de la vie commune. Elle ne pouvait retourner vivre à Singapour, en raison d’une situation familiale difficile, de l’absence d’un emploi et d'un logement sur place, alors qu’elle travaillait à Genève, était financièrement indépendante et que tous ses amis s’y trouvaient.

7.             Par courrier du 21 septembre 2020, l’OCPM l'a informée de son intention de refuser de renouveler son titre de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de trente jours pour exercer par écrit son droit d’être entendue.

8.             Par courrier du 15 octobre 2020, elle a demandé à l’OCPM « d’au moins [lui] laisser le temps de finaliser [s]on divorce et mettre fin à [s]on emploi dans des conditions correctes, pour [s]on employeur et [elle]-même ». Depuis son départ du domicile conjugal, elle avait régulièrement travaillé comme « nounou » pour plusieurs familles à Genève et débutait une petite activité de bijoux artisanaux, afin de compléter ses revenus. En cas de renvoi, elle perdrait tout le fruit de son travail, le soutien émotionnel de ses amis dans le canton et devrait repartir de zéro.

9.             Par décision du 1er juin 2021, l’OCPM a refusé de renouveler son autorisation de séjour, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 2 juillet 2021 pour quitter la Suisse.

10.         Par acte du 26 juin 2021, elle a interjeté recours contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

Elle ne remettait « pas en cause entièrement la décision de l’OCPM », mais espérait que le tribunal « fer[ait] preuve de compréhension et accepter[ait] de repousser de quelques mois le délai de [s]on départ, pour permettre à la procédure de divorce de parvenir à sa conclusion ». Même si elle ne comprenait pas comment l’autorité intimée avait pu refuser sa requête, elle « conç[evait] cependant qu’« [elle devait] [s]e plier à la décision ». Toutefois, elle demandait que la possibilité de compléter des démarches en vue d’obtenir le divorce lui soit donnée, étant précisé que la procédure y relative devrait être rapide et qu’un départ pour Singapour ne lui permettrait très probablement pas de revenir pour participer aux audiences.

11.         Dans ses observations du 26 août 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours, tout en précisant être disposé à fixer un nouveau délai de départ au 31 décembre 2021 à la recourante.

12.         Par réplique du 26 septembre 2021, la recourante a indiqué qu'elle avait appris, le 13 septembre 2021, qu’elle était enceinte d’un autre homme que son époux, avec lequel elle comptait aller vivre à Singapour. Elle sollicitait néanmoins « le répit nécessaire à terminer la procédure en cours et pour donner naissance à [s]on enfant, avant de retourner dans [s]a patrie aussitôt que sa santé ser[ait] suffisante pour voyager ».

13.         Par duplique du 7 octobre 2021, l’OCPM a persisté dans ses conclusions, tout en relevant que, le cas échéant, il appartiendrait à la recourante de déposer une nouvelle demande de titre de séjour au regard de sa nouvelle situation familiale.

14.         Par courrier du 11 novembre 2021, la recourante a réitéré sa requête tendant à ce que la possibilité de lui laisser mener à terme sa grossesse, ainsi que « quelques semaines pour que [s]on bébé soit assez fort pour supporter le déménagement », lui soit donnée.

Était notamment joint un certificat médical du 16 septembre 2021 indiquant que le terme de sa grossesse se situait aux alentours du 21 avril 2022.

15.         Par pli du 3 décembre 2021, l’OCPM a indiqué qu'il persistait dans ses conclusions, le stade de la grossesse de la recourante n’empêchant a priori pas cette dernière de rentrer dans son pays avant son accouchement.

16.         Par courrier du 22 décembre 2021, la recourante a versé au dossier deux attestations médicales établies en décembre 2021 par un médecin spécialisé en gynécologie, respectivement par un spécialiste en neurologie, à teneur desquelles il était souhaitable qu’elle « puisse rester sur le territoire suisse jusqu’à son accouchement ».

17.         À teneur du registre de l’OCPM, le divorce de la recourante et de M. B______ a été prononcé le 15 février 2022.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par la destinataire de la décision querellée, le recours est recevable (art. 57, 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole les principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a ; ATA/376/2016 du 3 mai 2016 consid. 2b et les références citées).

5.             Dans son jugement, le tribunal prend en considération l'état de fait existant au moment où il statue, en tenant compte des faits et des moyens de preuve nouveaux invoqués pendant la procédure de recours et qui sont déterminants dans l'appréciation du bien-fondé de la décision entreprise (cf., par analogie, arrêts du Tribunal administratif fédéral E-5824/2018 du 14 février 2020 consid. 2 et l'arrêt cité ; D-573/2020 du 12 février 2020 ; F-235/2018 du 4 avril 2019 consid. 3 et la jurisprudence citée ; F-3202/2018 du 28 février 2019 consid. 3 ; F-3460/2017 du 25 janvier 2019 consid. 2 et l'arrêt cité).

6.             Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée.

7.             En l'occurrence, la recourante ne remet en cause ni le refus du renouvellement de son titre de séjour, ni la mesure de renvoi ordonnée à son égard, étant rappelé à toutes fins utiles que le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (cf. ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a ; ATA/991/2020 du 6 octobre 2020 consid. 6b ; ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 ; ATA/1694/2019 du 19 novembre 2019 consid. 6). Elle conteste uniquement le délai de départ que l'OCPM lui a imparti dans la décision querellée, dont elle a sollicité la prolongation.

8.             Aux termes de l'art. 64d al. 1 LEI, la décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable de sept à trente jours. Un délai plus long est imparti ou le délai de départ est prolongé lorsque des circonstances particulières, telles que la situation familiale, des problèmes de santé ou la durée du séjour, le justifient.

La garantie d'un délai de départ raisonnable doit permettre à la personne concernée de résilier, selon les exigences légales, sa place de travail et son logement, de mener à bien les autres formalités de départ et de préparer son arrivée dans le pays d'origine. Il faut s'assurer en particulier que les enfants d'âge scolaire puissent au moins achever le semestre d'école entamé en Suisse. Des problèmes de santé peuvent aussi justifier un délai de départ plus long. Sous l'angle du principe de la proportionnalité, plus la durée du séjour est longue, plus le délai de départ devrait être généreux. A l'inverse, un délai de départ plus court peut se justifier lorsque la personne savait depuis longtemps qu'elle courait un risque sérieux d'être obligé de quitter la Suisse. Par ailleurs, lorsqu'un recours dirigé contre une décision de renvoi bénéficie de l'effet suspensif - autorisant l'étranger concerné à attendre en Suisse l'issue de la procédure -, son rejet n'entraîne pas automatiquement la conversion du délai de départ imparti en renvoi immédiat, si ce délai est écoulé entre-temps. Un nouveau délai de départ doit être imparti, suivant les critères énoncés aux al. 1 et 2 de l'art. 64d LEI (cf. Danièle REVEY in Minh Son NGUYEN / Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, Vol. II 8 (loi sur les étrangers), 2017, n. 6 p. 660 s.).

9.             En l'espèce, dans son recours, la recourante s'est prévalue de la procédure tendant au prononcé de son divorce, pendante dans le canton, pour obtenir la prolongation de son délai de départ de Suisse. Par la suite, elle a, dans le même but, invoqué sa grossesse, invoquant le fait qu’il lui était impossible de voyager. Or, son divorce a désormais été prononcé. De même, le terme de sa grossesse ayant été fixé aux alentours du 21 avril 2022, soit il y a plus de deux semaines, il apparaît vraisemblable qu'elle a désormais accouché. En tout état, lorsqu'elle a appris qu'elle était enceinte et dans les semaines suivantes, on ne voit pas ce qui l'aurait empêché de prendre l'avion. Pour le surplus, aucun élément supplémentaire ne laisse à penser qu’une quelconque problématique l'empêcherait désormais de retourner dans son pays, où elle a d’ailleurs le projet de vivre avec son enfant et le père de celui-ci, étant relevé que les certificats médicaux produits indiquaient qu’il était souhaitable qu'elle pût rester sur le territoire suisse « jusqu’à son accouchement ».

Quoi qu'il en soit, le délai de départ fixé par l'OCPM dans la décision attaquée est écoulé. Celui-ci devra dès lors à impartir un nouveau délai de départ raisonnable à la recourante, tenant compte des circonstances, pour lui permettre de préparer convenablement son retour à Singapour.

Cela étant, il sied de relever que le délai - d’un mois - imparti initialement à la recourante n'apparaissait pas disproportionné au moment où il a été fixé par l'OCPM. Un tel laps de temps aurait en soi permis à cette dernière d'accomplir sans réelle difficulté les formalités de son départ et de préparer son arrivée dans son pays d'origine. En outre, elle n’était pas sans ignorer, depuis février 2019 déjà, soit depuis la première demande de renseignements complémentaires que lui avait adressée l’OCPM, et au plus tard à réception du courrier de ce dernier du 21 septembre 2020, que sa requête de renouvellement faisait l’objet d’un examen, respectivement qu'elle ferait vraisemblablement l'objet d'un rejet, de sorte qu’il ne pouvait être exclu qu’elle serait amenée, à court ou moyen terme, à devoir quitter la Suisse, ce d'autant plus qu'elle était séparée de son ex-époux depuis plusieurs années et que son union conjugale avait durée moins de trois ans (cf. art. 50 al. 1 let. a LEI). Il convient aussi de souligner que la recourante n’était, à ce moment-là, pas encore enceinte. S’agissant de la procédure de divorce alors pendante en Suisse, elle aurait eu la possibilité de se faire représenter par un mandataire, si nécessaire en sollicitant l’assistance juridique, ce qu’elle ne démontre pas avoir tenté de faire.

10.         Partant, au vu de l'état de faits tel qu'il présentait au moment du dépôt du recours et tel qu'il se présente actuellement, ce dernier, en soi mal fondé, doit être rejeté, dans la mesure où il n'est pas à présent devenu sans objet.

11.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA a contrario).

12.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2021 par Madame A______ contre la décision prise à son égard par l'office cantonal de la population et des migrations le 1er juin 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______, lequel est couvert par son avance de frais du même montant ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

 

Genève, le

 

Le greffier