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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1449/2022

JTAPI/484/2022 du 11.05.2022 ( LVD ) , ADMIS

Descripteurs : MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL);VIOLENCE DOMESTIQUE;PROLONGATION
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1449/2022 LVD

JTAPI/484/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mai 2022

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Nathalie TORRENT, avocate, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur B______, représenté par Me Vincent MOUNOUD, avocat, avec élection de domicile

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 1er mai 2022, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours à l'encontre de Monsieur B______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée sise à la rue C______, et de contacter ou de s'approcher de Madame A______ et des enfants mineurs, D______ et E______.

Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. B______ devrait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec une des institutions habilitées et convenir, d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 LVD), était motivée comme suit :

Description des dernières violences :

le 30 avril 2022, avoir insulté sa femme de « pute » et lui avoir dit : « si tu me retouches le visage, je te démolis devant tout le monde, ta race ! » ;

Description des violences précédentes :

en novembre 2021, lui avoir asséné une claque à la tête et en février 2022 lui avoir serré le bras.

M. B______ démontrait par son comportement violent qu'il était nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes.

2.             M. B______ a immédiatement déclaré s'opposer à cette mesure devant le commissaire de police, lequel a transmis cette opposition au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le jour même.

3.             Selon un rapport d'interpellation du 1er mai 2022, Mme A______ s'est présentée le même jour au poste de police des Pâquis pour déposer plainte à l'encontre de son mari pour des menaces et des violences.

4.             Il ressort de l'audition de Mme A______ qu'elle était en couple avec M.  B______ depuis octobre 2016. Ils s'étaient mariés le 27 juillet 2019 et avaient eu deux enfants, D______ né le 26 juillet 2020 et E______ née le 20 octobre 2021. Depuis environ six mois, elle subissait des violences conjugales de la part de son mari mais n'avait jamais avisé les services de police ni consulté de médecins.

Les premiers faits de violence s'étaient déroulés durant la nuit du 2 au 3 novembre 2021 aux alentours de 4 heures du matin. Elle se trouvait dans le lit conjugal avec leur fils de 15 mois qui n'arrivait pas à dormir depuis deux heures de temps. Elle et l'enfant étaient en train de regarder une veilleuse de nuit avec effet lumineux et sonore lorsque soudainement, son mari s'était réveillé, avait saisi la veilleuse et l'avait lancée par terre en criant qu'il devait dormir. L'enfant avait eu très peur et était sorti du lit en pleurant. Voyant son fils en crise, elle s'était levée et l'avait pris dans les bras. Les époux avaient eu une discussion houleuse sur le comportement de son mari et elle lui avait donné un coup sur le bras. Ensuite, elle était retournée s'asseoir de son côté du lit et la dispute avait continué, son mari prétextant qu'il devait dormir. Elle avait tendu son bras dans sa direction en lui disant « si tu n'es pas content, tu dégages ! ». Après son geste, elle avait reçu un coup sur le côté gauche de la tête comme une grosse claque. Elle était retournée se coucher dans le même lit car elle avait eu peur.

Ils avaient eu une nouvelle dispute en février 2022. Ils étaient à nouveau dans la chambre parentale avec la petite E______, âgée de trois mois, allongée entre eux dans le lit. Ils avaient échangé des insultes. Elle ne se souvenait plus s'il était debout ou couché mais son mari avait bondi sur elle alors qu'elle était couchée près de sa fille. Elle avait eu peur pour la petite car elle ne la voyait plus et avait eu peur qu'il l'ait blessée. Il avait ensuite saisi son avant-bras gauche avec une main en le serrant très fort pendant plusieurs secondes. Après cet acte, elle avait été choquée et tétanisée. Ces faits lui avaient fait prendre conscience qu'elle devait entamer une procédure de séparation.

Par la suite au début du Ramadan, soit le 9 avril 2022 vers 17 heures, une nouvelle dispute avait éclaté au cours de laquelle elle lui avait dit des injures. Elle se souvenait lui avoir dit « vas te faire foutre ! » et il lui avait répondu « si tu continues à me parler comme cela, je t'en mets une en pleine gueule ». Sa mère était présente et son mari lui avait dit « regardez comme elle me parle mal ! » et sa mère lui avait répondu en levant le doigt « toi aussi, tu lui parles mal ». Ce geste avait eu pour effet d'énerver son mari, lequel s'était rapproché à quelques centimètres de sa mère en lui disant « attention F______ ! » Par la suite, il avait quitté domicile. Elle avait eu très peur pour sa mère de 61 ans et elles avaient appelé son père pour qu'il passe la nuit dans l'appartement.

Le 30 avril 2022 vers 16h30, le couple se trouvait dans le lit parental avec leur fils D______ de 21 mois. Son mari s'était montré très doux en lui effleurant la main. Elle n'était pas d'accord avec ces tendresses et lui avait dit ce qu'elle ressentait. Elle lui avait rappelé qu'il l'avait frappée à deux reprises sans présenter d'excuses. Il s'était alors énervé et avait commencé par nier ses précédents actes. Elle lui avait rappelé qu'il l'avait frappée à la tête et il lui avait répondu que c'était parce qu'elle lui avait touché le visage. Ensuite, il lui avait dit qu'elle voulait passer pour une victime et qu'elle était une « pute » et qu'elle tentait de retourner la situation. Par la suite, il s'était levé du lit et, allant et venant dans la chambre, il avait dit « si tu me retouches le visage, je te démolis devant tout le monde, ta race ! ». Ensuite, il avait quitté la chambre puis était revenu deux fois brièvement pour l'insulter. Elle ne se souvenait plus des mots utilisés. Leur fils était présent dans la chambre durant toute la dispute. Pour finir, son mari était sorti de l'appartement.

Elle a ajouté que son mari consommait quotidiennement de l'alcool en dehors du Ramadan. Elle avait très peur qu'un jour il aille plus loin. La veille, elle s'était enfermée à clé dans sa chambre car elle avait peur et son mari dormait dans le salon depuis un mois. Elle souhaitait que son mari fasse l'objet d'une mesure d'éloignement du domicile.

5.             Entendu par la police, M. B______ a indiqué que depuis six mois, les époux avaient des disputes plus difficiles que des disputes normales. Concernant celle du 3 novembre 2021, il contestait les déclarations de sa femme. Ils avaient eu une petite dispute et c'était sa femme qui s'était énervée. Elle avait saisi son visage entre ses mains et lui pour se défendre, lui avait mis une claque. Ce n'était pas la première fois que sa femme serrait son visage avec ses mains mais c'était la première fois qu'il l'avait giflée.

À une reprise, sa femme lui avait donné un coup de poing dans les côtes devant sa maman. Ils étaient sur le pas de la porte de l'appartement. Il voulait partir mais sa femme l'empêchait de sortir en retenant la porte.

Sa femme mentait, ils ne s'étaient pas disputés en présence de leur fils pour une histoire de veilleuse lumineuse.

Cela faisait un bon moment qu'ils se disputaient et il ne savait pas de quel événement sa femme voulait parler concernant le mois de février. Toutefois, ils s'insultaient de tous les noms. Ils n'avaient jamais eu de disputes avec de la violence physique en présence de leurs enfants. Il avait eu un petit conflit avec la maman de sa femme car elle se mêlait depuis quelques temps de leurs histoires. Il avait dit à sa belle-mère qu'il valait mieux qu'elle reste en dehors de leurs histoires. Il contestait avoir approché son visage à quelques centimètres de celui de la mère de sa femme.

Concernant le 30 avril 2022, ils étaient au lit, avec leur fils. Il avait voulu se rapprocher de sa femme et la toucher mais elle lui avait dit de pas la toucher. Elle lui avait reproché de l'avoir frappée deux fois. Il lui avait répondu que ce n'était pas vrai et que c'était elle qui l'avait frappé. Il avait admis lui avoir donné une fois une claque pour se défendre. Il s'était alors levé du lit et était sorti de l'appartement. Il connaissait sa femme, elle ne s'arrêtait jamais de parler. Il contestait lui avoir dit « si tu me retouches le visage, je te démolis devant tout le monde, ta race ! ». Pour lui, il n'y avait pas eu de vraie dispute ce jour-là, ni cri, ni violence.

Il n'avait jamais blessé sa femme.

Il se souvenait que sa femme avait fermé le compte familial et viré l'argent sur son compte. Ce devait être l'année dernière.

Il transmettait un message selon lequel sa femme avait reconnu l'avoir touché.

6.             Le tribunal a entendu les parties le 3 mai 2022.

M. B______ a expliqué avoir respecté la mesure et contacté l'institut Vires ce que Mme A______ a confirmé.

Celle-ci a indiqué qu'elle entendait déposer une demande de séparation et avoir contacté une avocate à ce sujet. Quant à la mesure litigieuse, elle a relevé que sur le principe, elle n'était pas opposée à ce que son mari entretienne des relations personnelles avec leurs enfants.

Concernant la dispute du 30 avril 2022, elle confirmait ses déclarations à la police. Elle avait reproché à son mari de l'avoir frappée à deux reprises et le fait qu'il ne se soit jamais excusé. Elle avait alors vu de la colère dans les yeux de son mari ce qui lui avait fait très peur. Il l'avait ensuite insultée et menacée.

M. B______ a indiqué qu'il souhaitait divorcer. Ils se disputaient fréquemment et lors de leur dispute, en novembre 2021, dont la mère de son épouse avait été témoin, c'était cette dernière qui avait commencé par lui donner un coup de poing à l'estomac. Lors de la deuxième dispute, sa femme l'avait serré le visage et il s'était défendu en lui donnant une claque. Concernant le 30 avril 2022, il reconnaissait qu'ils s'étaient disputés mais contestait avoir insulté sa femme ou l'avoir menacée. En revanche, ils s'étaient réciproquement insultés de "connard" et "connasse".

Mme A______ a précisé que des disputes régulières avaient débuté avec la naissance de leur premier enfant. Depuis la naissance de E______, elle était très fatiguée et malgré ses demandes, son mari ne l'avait jamais aidée suffisamment. Elle avait d'ailleurs dû demander à ma mère de venir vivre avec eux pour l'aider avec les deux bébés. Elle avait effectivement souvent reproché à son mari de ne pas l'aider assez. Par ailleurs, ce dernier s'était mis à sortir très souvent le soir et récemment tous les soirs et revenait alcoolisé à la maison. Cette consommation d'alcool était d'ailleurs une source de dispute entre eux.

M. B______ a rétorqué qu'il était exagéré de dire qu'il sortait tout le temps. En réalité, il allait voir les matchs de foot dans un bar, souvent, en accord avec sa femme. À ces occasions, il buvait parfois une ou deux bières, puis il rentrait vers 23h30. Il a ajouté que le fait qu'il fume la cigarette était également une source de conflit avec sa femme.

Il a précisé que depuis le début de la mesure, il logeait chez ses parents à G______, France.

Au terme de l'audience, il a indiqué qu'après réflexion, il retirait son opposition et respecterait la mesure prononcée.

7.             Par décision du 4 mai 2022 (RTAPI/1______), le tribunal a pris acte du retrait de l'opposition formée par M. B______ et a rayé la cause du rôle.

8.             Par pli recommandé du 6 mai 2022, reçu au tribunal le 9 mai 2022, Mme A______, sous la plume de son conseil, a sollicité la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée le 1er mai 2022 par les commissaires de police pour une durée de trente jours.

9.             Lors de l'audience du 10 mai 2022 devant le tribunal, Mme A______ a persisté dans sa demande. En effet, elle continuait d'avoir peur de son mari. Le fait que lors de l'audience du 3 mai 2022, celui-ci ait minimisé voire nié la situation ne faisait qu'augmenter cette peur. Elle ne savait pas dans quel état psychologique son mari se trouvait. De plus, sa mère qui vivait avec eux avait également peur de son mari, de sorte que cette dernière s'enfermait la nuit dans sa chambre, même si elle ne savait pas que son mari avait fait de la prison ferme dans sa jeunesse, suite à une bagarre avec des policiers. À propos de cet évènement, le fait qu'il s'agisse d'une erreur de jeunesse n'était pas de nature à la rassurer.

Elle a par ailleurs confirmé que son mari avait respecté la mesure.

M. B______ a tenu à préciser que l'incarcération évoquée par sa femme remontait à plus de vingt ans.

Il s'opposait à la prolongation de la mesure car cela avait déjà été dur pour lui de ne pas voir ses enfants pendant dix jours.

Mme A______ a indiqué ne pas être opposée à ce que son mari voit les enfants même pendant la prolongation mais dans un cadre médiatisé.

Son avocate a relevé que des rencontres entre M. B______ et les enfants pourraient être organisées en présence des parents de M. B______, dans un lieu à définir, mais sur le territoire suisse. Elle a précisé que comme sa cliente allaitait encore sa fille, les visites devraient être organisées en conséquence.

Mme A______ a ajouté qu'elle souhaiterait être présente lors de ces rencontres car elle craignait que son mari ne reparte avec leur fils.

Elle était consciente que son mari souffrait de ne pas voir ses enfants. Elle n'était ainsi pas opposée à ce qu'il les voit et à ce qu'ils gardent leurs liens, mais pour l'instant, elle souhaitait par-dessus tout que la situation s'apaise. Elle souhaitait ne pas séparer la fratrie et tenait à ce que son mari s'occupe tant de sa fille que de son fils.

M. B______ a indiqué qu'en définitive, il ne s'opposait pas sur le principe de la prolongation de la mesure qu'il respecterait mais tenait à pouvoir voir ses enfants dans l'intervalle.

L'avocate de la requérante a expliqué que le conseil du défendeur et elle-même, étaient conscients de l'intérêt supérieur des enfants et entendaient intervenir pour organiser avec leur client respectif, les modalités des rencontres. Sa mandante ne s'opposait pas à ce que la maman de son mari et sa propre mère soient présentes à ces occasions.

M. B______ a encore ajouté qu'il souhaitait également récupérer des effets personnels indispensables. Il continuait de vivre chez ses parents et n'avait pas l'intention de réintégrer le domicile conjugal.

Le conseil du défendeur a confirmé que lui-même et l'avocate de la demanderesse étaient d'accord d'agir conjointement dans l'intérêt de leurs clients et dans le but de pacifier autant que faire se peut les relations entre les époux.

EN DROIT

1.             Toute personne directement touchée par une mesure d’éloignement ordonnée en application de l'art. 8 LVD peut en solliciter la prolongation auprès du tribunal au plus tard quatre jours avant son expiration (art. 11 al. 2 LVD). Ce dernier, dont le pouvoir d’examen s’étend à l’opportunité, statue avant l’expiration de la mesure, à défaut de quoi celle-ci cesse de déployer ses effets (art. 11 al. 3 LVD).

2.             En l'occurrence, la requête de Mme A______ a été valablement formée quatre jours avant l'expiration de la mesure litigieuse, de sorte qu'elle est recevable.

3.             Le tribunal statue ce jour avant cette échéance.

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques et entend assurer cohérence et fiabilité aux interventions en matière de violences domestiques (art. 1 al. 1 et 2 LVD). Elle a été adoptée notamment pour couvrir les situations dans lesquelles une intervention instantanée est nécessaire, avant le prononcé de mesures superprovisionnelles en matière matrimoniale ou protectrices de l'union conjugale, et alors que l'art. 28b du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) n'existait pas encore (cf. ATA/619/2020 du 23 juin 2020 consid. 5 ; ATA/998/2018 du 25 septembre 2018 consid. 3a et la référence citée ; ATA/591/2015 du 9 juin 2015 consid. 3 ; ATA/78/2015 du 20 janvier 2015 consid. 6).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

5.             Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

6.             Selon l'art. 10 LVD, la personne éloignée est tenue, dans un délai de trois jours ouvrables après notification de la décision, de prendre contact et de convenir d’un entretien avec une institution habilitée à recevoir les auteurs présumés de violence domestique ; elle doit se présenter à cet entretien, destiné à l'aider à évaluer sa situation et à lui fournir des informations socio-thérapeutiques et juridiques ; cette obligation est mentionnée dans la décision d’éloignement.

7.             La police s’assure du respect des obligations imposées à la personne éloignée (art. 10 al. 4 LVD.

8.             La mesure d'éloignement peut être prolongée pour trente jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

9.             Lorsqu'il statue sur une demande de prolongation d'une mesure d'éloignement, qui porte atteinte à la liberté personnelle de son destinataire, le tribunal doit s'assurer que cette mesure respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), qui exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité), interdit toute limitation des droits individuels allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 ; 142 I 49 consid. 9.1 ; 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 132 I 49 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3 ; 2C_206/2017 du 23 février 2018 consid. 8.3).

10.         En l'espèce, il apparait que les conjoints connaissent des difficultés au sein de leur couple depuis de nombreux mois. Selon la demanderesse, les violences physiques et verbales auraient déjà fait leur apparition au sein du couple à la naissance de leur premier enfant.

Quand bien même M. B______ semble minimiser les violences, il reconnait de fréquentes disputes, et également avoir donné une gifle à sa femme. De plus, les parties concèdent chacune qu'elles sont amenées à faire preuve d'une certaine violence verbale l'une envers l'autre. À partir de là, il est indéniable qu'une forte tension s'est installée au sein du couple depuis plusieurs mois, qui se traduit également par le fait que désormais elles entendent entamer une procédure de séparation, voire de divorce.

Compte tenu de la volonté des parties ne plus reprendre la vie commune, la période paraît peu propice à un retour de M. B______ au domicile conjugal dès le 11 mai 2022. Ce dernier accepte au demeurant la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours supplémentaires en tant qu'elle ne concerne pas les enfants.

S'agissant des enfants du couple, il est pris note que Mme A______ n'a pas d'objection sur le principe à ce que son mari entretienne des relations personnelles avec leurs enfants. Il appartiendra donc aux intéressés, par l'intermédiaire de leurs avocats ou avec l'aide de tiers, de convenir des modalités d'éventuels contacts et/ou visites, lesquelles échappent à la compétence et au pouvoir d'intervention du tribunal.

En conclusion, prenant acte de la volonté exprimée par chacune des deux parties, à laquelle il convient de donner suite, le tribunal prolongera la mesure d'éloignement en cause jusqu'au 10 juin 2022. Partant, pendant cette nouvelle période de vingt jours, il sera toujours interdit à M. B______ de contacter et de s'approcher de Mme A______, ainsi que de s'approcher et de pénétrer au domicile de la famille situé rue C______.

Enfin, il sera rappelé que le défendeur pourra, cas échéant, venir chercher dans l'appartement conjugal, ses effets personnels, à une date préalablement convenue par les parties et accompagné de la police.

11.         Par conséquent, la demande de prolongation sera admise et la mesure d'éloignement prolongée pour une durée de 30 jours soit jusqu'au 10 juin 2022.

12.         Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

13.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 6 mai 2022 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 1er mai 2022 à l’encontre de Monsieur B______ ;

2.             l'admet dans le sens des considérants ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours, soit jusqu'au 10 juin 2022 à 20 heures, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, pour information.

Genève, le

 

La greffière