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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1263/2022

JTAPI/427/2022 du 28.04.2022 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.75.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1263/2022 MC

JTAPI/427/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 avril 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Donia ROSTANE, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 22 juin 2021, Monsieur A______, né le ______ 1999, originaire du Kosovo, s'est vu notifier une décision d'interdiction d'entrée en Suisse prononcée par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) le 8 juin 2021 et valable jusqu'au 7 juin 2024.

2.             Le 18 août 2021, M. A______ s'est également vu notifier une décision de renvoi de Suisse prononcée à son encontre le 16 août 2021 par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) sur la base de l'art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), décision lui impartissant un délai au 30 août 2021 pour quitter le territoire de la Confédération helvétique.

3.             Le 24 avril 2022, M. A______, démuni de tout document de voyage mais en possession d'une carte d'identité échue le 1er février 2022, a été interpellé à Genève, dans l'hôtel où il séjournait.

Entendu par la police, il a reconnu n'être en possession ni d'un document de voyage valable, ni des moyens financiers nécessaires à assurer les frais de son séjour. Il a également reconnu ne pas avoir respecté l'interdiction d'entrée en Suisse, notifiée le 22 juin 2021, précisant qu'il était retourné au Kosovo en juin 2021 et qu'il était revenu en Suisse en septembre 2021 pour y gagner sa vie. Il a encore ajouté ne pas avoir de lien particulier avec la Suisse, ni d'adresse de notification dans ce pays.

4.             Par ordonnance pénale du Ministère public du 24 avril 2022, M. A______ a été reconnu coupable, notamment, de violation d'une interdiction d'entrée en Suisse et condamné pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI.

5.             Le 24 avril 2022, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre semaines.

Les démarches en vue l'organisation du renvoi au Kosovo de M. A______ avaient été immédiatement entreprises par les services de la police genevoise.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi au Kosovo.

6.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

7.             Entendu par le tribunal lors de l'audience du 27 avril 2022, M. A______ a indiqué qu'il était d'accord de retourner au Kosovo. Il confirmait ne pas être au bénéfice d'un passeport. À Genève, il avait un cousin, soit le fils de sa tante paternelle qui s'appelait B______, était de nationalité suisse et habitait à ______ Genève. Celui-ci serait disposé à l'héberger le temps de la procédure en vue de son renvoi. Il était en outre prêt à se rendre de lui-même à l'aéroport lorsque la date de son vol serait fixée.

Il a précisé qu'il vivait en Suisse depuis quatre ans et qu'il n'était retourné au Kosovo que pendant une période de deux mois, en hiver. Sur remarque de la juge indiquant que la première décision de renvoi prononcée à son encontre l'avait été en août 2021, il a rectifié qu'il avait dû repartir dans son pays plutôt en été.

Durant ces quatre années, il avait travaillé dans le domaine de la construction, changeant souvent d'entreprises. Il ne se souvenait pas du nom de ses employeurs. Son salaire s'élevait entre CHF 130.- à CHF 150.- par jour. Durant ces quatre années, l'intéressé avait logé à droite et à gauche, un peu partout. Il n'avait cependant pas logé chez son cousin qu'il avait toutefois vu à diverses occasions.

La représentante du commissaire de police a relevé que l'ordre de mise en détention était fondé sur l'art. 75 LEI. En effet, dès lors que M. A______ n'était ni titulaire d'un passeport, ni d'une carte d'identité en cours de validité, l'accord des autorités de son pays était nécessaire en vue de sa réadmission. Selon l'accord entre la Confédération suisse et la République de Kosovo, les autorités kosovares avaient un délai de quatre semaines pour répondre à la demande de la Suisse. Une fois cet accord reçu, une décision de renvoi serait prononcée et ce n'était qu'à ce moment qu'une place à bord d'un avion pourrait être réservée en vue du refoulement de M. A______.

Elle a par ailleurs indiqué qu'à sa connaissance M. A______ ne pouvait pas voyager de Suisse au Kosovo avec une carte d'identité échue.

Pour le surplus, elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative.

L'avocate de M. A______ a exposé s'être entretenue avec M. B______ le matin même. Il lui avait confirmé être d'accord d'accueillir son neveu, de même qu'à pourvoir à son entretien et à financer le billet d'avion devant le ramener dans son pays.

Elle a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement, à ce qu'une assignation au domicile de M. B______ soit prononcée à son encontre, laquelle pourrait être assortie de l'obligation de se présenter quotidiennement au poste de police le plus proche, soit celui de C______ ; plus subsidiairement encore, à ce que la durée de la détention administrative soit limitée à dix jours.

En effet, la détention ordonnée contrevenait aux conditions légales dès lors que M. A______ ne présentait aucun risque de fuite et qu'il ne s'opposait pas à son renvoi dans son pays.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 24 avril 2022 à 15h15.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            À teneur de l'art. 75 al. 1 let. c LEI , afin d'assurer l'exécution d'une procédure de renvoi, l'autorité cantonale compétente peut ordonner la détention pendant la préparation de la décision sur le séjour, pour une durée de 6 mois au plus, d'un étranger qui n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement s'il a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement.

6.            Les conditions posées par l'art. 75 al. 1 let. c LEI sont en l'occurrence pleinement réunies, dès lors que M. A______, qui ne bénéficie d'aucun titre lui permettant de séjourner en Suisse, a pénétré sur le territoire - à tout le moins en septembre 2021, alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrer dans le pays, valable jusqu'en juin 2024, et que son renvoi au Kosovo ne peut pas encore être opéré à ce stade, l'acceptation des autorités de cet État s'avérant nécessaire à teneur de l'art. 6 de l'accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République du Kosovo concernant la réadmission de personnes en situation irrégulière du 3 février 2010 (RS 0.142.114.759).

7.            Selon le texte de l'art. 75 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

8.            Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

9.            L'assurance de l'exécution de son refoulement répond par ailleurs à un intérêt public certain et, compte tenu du peu de cas que fait l'intéressé des décisions prises à son encontre, aucune autre mesure moins incisive que la détention ne peut être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de son refoulement (cf. not. ATA/1470/2019 du 3 octobre 2019 consid. 7e ; ATA/672/2016 du 8 août 2016 consid. 7c ; ATA/949/2015 du 18 septembre 2015 consid. 8 ; ATA/846/2015 du 20 août 2015 consid. 8 ; ATA/810/2014 du 28 octobre 2014 consid. 6). M. A______ n'est pas autorisé à séjourner en Suisse, il est démuni de document d'identité et est sans ressources financières. Il ne dispose en outre pas d'un lieu de séjour à Genève, la simple évocation d'un cousin, de nationalité suisse et domicilié à Genève, susceptible de l'héberger et de pourvoir à son entretien n'y changeant rien. Dans ces conditions, il ne peut être question de remplacer la détention administrative par une mesure de substitution moins incisive, sous la forme d'une assignation territoriale, selon l'art. 74 LEI et/ou, selon l'art. 64e let. a LEI, de l'obligation de se présenter régulièrement à une autorité (cf. à cet égard arrêt du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.4). Dans son principe, la détention en cause respecte par conséquent aussi le principe de la proportionnalité.

10.        À teneur de l'art. 75 al. 2 LEI, l'autorité compétente prend sans délai une décision quant au droit de séjour de la personne mise en détention. Cette obligation est, s'agissant de la détention en phase préparatoire, substantiellement équivalente à celle instituée par l'art. 76 al. 4 LEI (obligation de diligence et de célérité) sous l'angle de la détention en vue du renvoi, de sorte que les principes dégagés par la jurisprudence en lien avec cette disposition, dans la mesure où ils sont pertinents, doivent aussi trouver application, la violation de l'art. 75 al. 2 LEI, soit un retard non justifié dans la prise de décision de renvoi, conduisant en principe à la libération de l'étranger ; en effet, même si l'art. 75 al. 1 LEI prévoit que la détention en phase préparatoire peut durer six mois, il n'en demeure pas moins que la question de la présence en Suisse de l'étranger doit être clarifiée sans délai (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II [Loi sur les étrangers], 2017, n. 37 p. 773 ; cf. aussi ATF 139 I 206 consid. 2.4 = RDAF 2014 I 445, p. 446 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.424/2006 du 27 juillet 2006 consid. 4.1 ; 2A.581/2006 du 18 octobre 2006).

11.        Une fois que la décision statuant sur le séjour d'un étranger détenu sur la base de l'un des motifs prévus par l'art. 75 LEI a été prise, la détention doit, le cas échéant, être convertie en détention en vue du renvoi aux conditions de l'art. 76 al. 1 let. a LEI (cf. ATF 125 II 377 consid. 2b), sans qu'il soit nécessaire de libérer l'étranger dans l'intervalle. Il faut cependant que la détention en vue du renvoi fasse l'objet d'une décision, laquelle est soumise à un contrôle judiciaire (cf. ATF 121 II 105 consid. 2a et b ; cf. aussi ATF 127 II 174 consid. 2b ; 125 II 377 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2.1 ; ATA/671/2015 du 23 juin 2015 ; ATA/355/2014 du 14 mai 2014 ; ATA/85/2012 du 10 février 2012), étant rappelé que les différentes formes de détention peuvent être combinées pour autant que la durée totale de celle-ci ne dépasse pas la durée maximale prévue par la loi (cf. not. ATA/85/2012 du 10 février 2012 consid. 6).

12.        Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un Etat qui ne fait pas partie des Etats Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

13.        En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

14.        En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec célérité, en tant qu'elle a immédiatement procédé aux démarches en vue de la réadmission de l'intéressé par les autorités de son pays et demeurent pour l'heure dans l'attente d'une réponse de ces dernières. La durée de la détention de quatre semaines décidée par le commissaire de police respecte pour le surplus le cadre légal posé par les art. 75 al. 1 et 79 al. 1 LEI et demeure proportionnée.

15.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre semaines.

16.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 24 avril 2022 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de quatre semaines, soit jusqu'au 21 mai 2022, inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 

Genève, le

 

La greffière